Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sur les conséquences de l’annulation d’un retrait de permis de construire à l’égard du délai de recours contentieux à l’encontre de ce permis

L’annulation d’un retrait de permis de construire ayant pour effet de faire revivre ce dernier, celui-ci doit faire l’objet d’un nouvel affichage conformément aux prescriptions de l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme pour déclencher à nouveau le délai de recours contentieux à son encontre ; du moins lorsque le retrait est intervenu dans le délai de recours initial.

CE. 6 avril 2007, M. Bernard A., req. n°296.493


Dans cette affaire, un permis de construire avait été délivré à la société GK investissements le 23 novembre 1999. Toutefois, le 13 janvier 2000, ce permis de construire devait faire l’objet d’un retrait administratif décidé en conséquence d’une demande formée à cet effet par Monsieur A..

Cependant, cette décision de retrait devait ultérieurement faire l’objet d’un recours en annulation de la part de la société GK Investissements et ainsi être annulée par un jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 10 novembre 2005, lequel devint définitif. Conséquemment, ce permis de construire devait faire l’objet d’un nouvel affichage tant sur le terrain des opérations, à compter du 18 janvier 2006 qu’en mairie, à compter du 6 février 2006.

Mais à la suite de ce jugement, Monsieur A. décida d’exercer un nouveau recours en annulation à l’encontre du permis de construire en cause, en l’assortissant d’une requête aux fins de référé suspension, laquelle fut rejetée par le juge des référés en considération de sa tardiveté puisque ce dernier estima que ni l’annulation du retrait du permis de construire, ni le nouvel affichage donc il avait fait l’objet n’avaient eu pour effet de déclencher un nouveau délai de recours contentieux à son encontre.

Toutefois, saisi d’un pourvoi en cassation exercé à l’encontre de cette ordonnance de référé du Tribunal administratif de Nice, le Conseil d’Etat devait juger que :

« Considérant que lorsqu'un permis de construire ayant fait l'objet des formalités de publicité requises par l'article R. 421-39 du code de l'urbanisme est retiré dans le délai de recours contentieux et que ce retrait est annulé, le permis initial est rétabli à compter de la lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation ; que le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis ainsi rétabli court à nouveau à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates relatives au premier jour d'une période continue d'affichage, postérieure à cette annulation, en mairie ou sur le terrain ; qu'il suit de là qu'en jugeant que le délai de recours contentieux contre le permis délivré le 23 novembre 1999 avait expiré le 24 janvier 2000, et que le nouvel affichage sur le terrain et en mairie effectué postérieurement à l'annulation du retrait n'avait pas fait courir un nouveau délai de recours, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que M. A est par suite fondé à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant d'une part qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'annulation par le tribunal administratif de Nice de l'arrêté ayant retiré le permis de construire délivré à la société GK Investissements, ce permis a fait l'objet d'un nouvel affichage sur le terrain à compter du 18 janvier 2006 et d'un nouvel affichage en mairie à compter du 6 février 2006 ; que la demande de M. A tendant à l'annulation de ce permis a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2006, soit avant l'expiration du délai de recours contentieux ; que, par suite, la demande en annulation de M. A dirigée contre le permis de construire n'est pas tardive
».

Cette décision appelle trois observations principales.

Tout d’abord, la Haute Cour a donc considéré que l’annulation du retrait d’un permis de construire en cause avait pour effet de faire revivre ce dernier ; ce qui n’a rien de novateur et procède d’une stricte application de l’effet rétroactif attaché à une annulation juridictionnelle dont il résulte que ce retrait devait être réputé n’être jamais intervenu.

Mais précisément, compte tenu de la portée de cet effet rétroactif en conséquence duquel le retrait contesté devait être réputé ne jamais être intervenu, il aurait pu être considéré que cette remise en vigueur devait elle-même être réputée s’opérer à la date de délivrance du permis de construire en cause.

Cependant, le Conseil d’Etat a précisé qu’en pareil cas, « le permis initial est rétabli à compter de la lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation ».

A notre sens, cette solution est le corollaire ou, à tout le moins, nous semble pourvoir être rapprochée du principe selon lequel le retrait illégal d’un permis de construire interrompt – et non pas suspend – le délai de validité de ce dernier, lequel ne reprend à nouveau que lorsque le juge administratif a statué sur le recours en annulation exercé à l’encontre de ce retrait (CE. 20 juillet 2003, Mme Thénault, req. n°255.368) ou, plus précisément, lorsque sa décision a été notifiée au titulaire du permis de construire ainsi remise en vigueur (sur ce point : CAA. Paris, 27 novembre 2001,Cne de Soisy-ss-Montmorency, req. n°00PA00468 ; confirmé par : CE. 10 octobre 2003, Rec., p.390).

Dès lors qu’à l’égard du titulaire du permis de construire, l’annulation de son retrait ouvre un nouveau délai pour l’exécuter, il est donc « équitable » que, pour ce qui concerne les tiers, cette annulation et la remise en vigueur subséquente du permis de construire contesté leur ouvrent un nouveau délai pour le contester.

Il reste qu’ensuite, le Conseil d’Etat a précisé que ce nouveau délai de recours contentieux était déclenché – y compris pour ce qui concerne les parties défenderesses à l’instance liée au retrait du permis de construire contesté, c’est-à-dire celles ayant sollicité et obtenu ce retrait à l’égard desquelles cette mesure constitue une décision créatrice de droit – non pas par la lecture de la décision juridictionnelle prononçant l’annulation du retrait emportant le rétablissement subséquent de ce permis de construire mais à compter du ré-accomplissement de la formalité de « double affichage » prescrite par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme.

Il s’ensuit qu’une telle décision a donc pour effet d’allonger, certes en le fractionnant, le délai de recours contentieux des tiers à l’encontre d’un permis de construire, y compris lorsqu’avant son retrait celui-ci avait été porté à la connaissance des tiers conformément aux prescriptions de l’article précité puisqu’alors il court une première fois, pour partie jusqu’à l’intervention du retrait puis une seconde fois, pour deux mois, à compter de l’accomplissement de cette formalité de « double affichage » subséquent au rétablissement du permis de construire du fait de l’annulation du retrait donc il avait précédemment fait l’objet.

Au surplus, cette décision est susceptible de poser certaines difficultés pratiques. Il est, en effet, fréquent que l’affichage d’un permis de construire ultérieurement retiré (ou annulé) soit néanmoins maintenu. Or, si tel est encore le cas au moment de l’annulation du retrait du permis de construire contesté (ou de la réformation du jugement l’ayant annulé), on peut se demander si cet état de fait suffira à déclencher à nouveau le délai de recours contentieux à son encontre ou s’il sera néanmoins nécessaire de procéder à un nouvel affichage.

Mais force est d’admettre que si l’on veut que ce nouvel affichage soit utile, il sera nécessaire d’y faire apparaître des mentions qui ne sont pas prévues par l’article du Code de l’urbanisme A.421-7 du Code de l’urbanisme.

A titre d’exemple, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la lettre de l’article précité aurait imposé de mentionner, notamment, la seule date de délivrance du permis de construire en cause – en l’occurrence, le 23 novembre 1999 – alors que le but de cet arrêt est d’assurer l’information des tiers de la remise en vigueur de ce permis par l’annulation du retrait dont il avait fait l’objet, laquelle était intervenue en l’espèce le 10 novembre 2005.

Or, il y a peu de chances, ou de risques, que des tiers découvrant un panneau d’affichage faisant état d’un permis de construire délivré six ans plutôt estiment pouvoir être encore recevables à exercer un recours contentieux à son encontre…

Bien que l’arrêt commenté ne l’induise pas, il nous semble qu’il serait plus prudent, tant pour ce qui concerne l’affichage en mairie que sur le terrain des opérations, d’indiquer à coté de la date de délivrance du permis de construire en cause, la date à laquelle celui-ci a été remis en vigueur.

Mais enfin et surtout, il convient de souligner que la solution dégagée par l’arrêt commentée, pour ce qui concerne l’affichage nécessaire au déclenchement d’un nouveau délai de recours contentieux, ne semble pas valoir pour toute annulation d’un retrait de permis de construire.

Il nous semble, en effet, raisonnable de considérer que cette solution de vaut que dans l’hypothèse visée par l’arrêt commenté, à savoir « lorsqu'un permis de construire ayant fait l'objet des formalités de publicité requises par l'article R. 421-39 du code de l'urbanisme est retiré dans le délai de recours contentieux ».

On rappellera, en effet, que si les tiers disposent d’un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des formalités d’affichage prescrites par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme pour contester la légalité d’un permis de construire, l’administration dispose pour sa part, en l’état, d’un délai de quatre mois à compter de sa délivrance pour le retirer ; du moins lorsqu’il s’agit d’un permis de construire exprès.

De ce fait, l’administration peut donc régulièrement procéder au retrait d’un permis de construire alors même que le délai de recours contentieux des tiers est clos ; ce que ne modifiera pas la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 dite « ENL » en rapportant le délai de retrait des permis de construire, de démolir et d’aménager à trois mois qu’ils soient exprès ou tacites (étant rappelé que les décisions de non-opposition à déclaration préalable ne pourront plus faire l’objet d’aucun retrait, sauf, a priori, en cas de fraude du déclarant).

Or, si la solution dégagée par l’arrêt commenté devait être appliquée en cas d’annulation d’un retrait intervenu après l’expiration du délai de recours contentieux des tiers déclenché par le régulier accomplissement des formalités d’affichage prescrites par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme, il s’ensuivrait qu’en conséquence du nouveau délai de recours contentieux alors applicable, ce permis de construire pourrait faire l’objet d’un recours en annulation de la part de tiers n’ayant pas estimé utile de le contester dans le délai initial. Tel ne nous semble pas devoir être le cas.


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

Les commentaires sont fermés.