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JURISURBA - Page 96

  • Sur la portée des prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme relatives aux places de stationnement

    Si les dispositions de l'article R. 111-4 du Code de l'urbanisme visant à déterminer un nombre de places de stationnement adapté à la fréquentation des établissement concernés font obstacle à ce que l'autorité compétente subordonne l'octroi d'un permis de construire entraînant de nouveaux besoins de stationnement à l'aménagement à cet effet d'emplacements sur les voies publiques, elles n'ont pas pour effet d'imposer à l'administration de prescrire au pétitionnaire la réalisation, sur le terrain d'assiette du projet, des places de stationnement si les besoins nouveaux peuvent être aisément satisfaits par les possibilités de stationnement existant par ailleurs.

    CAA. Douai, 7 juin 2007, M. et Mme Pierre X., req. n°06DA01369

    Voici un arrêt intéressant en que, d’une part, il confirme et synthétise par un « considérant de principe » la rare jurisprudence existante au sujet de la portée des prescriptions de l’article R111-4 du Code de l’urbanisme relatives stationnement et, d’autre part, illustre leur grande souplesse en comparaison des modalités d’application de l’article 12 du règlement local d’urbanisme.

    Dans cette affaire, un permis de construire avait été délivré en vue de l’extension d’une salle des fêtes communale ayant pour objet de porter la SHON de cet « ERP » de 223 à 511 mètres carrés et sa capacité d’accueil de 120 à 180 places assises. Pour autant, le projet ne comportait aucune place de stationnement nouvelle et, bien plus, impliquait la suppression de 15 places de stationnement existantes. Néanmoins, ce permis de construire devait être délivré sans que le Maire ne fasse usage de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « la délivrance du permis de construire peut être subordonnée (…) à la réalisation d'installations propres à assurer le stationnement hors des voies publiques des véhicules correspondant aux besoins de l'immeuble à construire ». Et c’est à ce seul titre qu’il devait être contesté.

    Toutefois, ce moyen et donc le recours devaient être rejetés par le Tribunal administratif de Lille puis par la Cour administrative d’appel de DOUAI et ce, au motif suivant :

    «Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme : « La délivrance du permis de construire peut être subordonnée : a) A la réalisation d'installations propres à assurer le stationnement hors des voies publiques des véhicules correspondant aux besoins de l'immeuble à construire ( ) » ; qu'aux termes de l'article R. 123-19 du code de la construction et de l'habitation : « Les établissements sont ( ) classés en catégories, d'après l'effectif du public et du personnel. L'effectif du public est déterminé, suivant le cas, d'après le nombre de places assises, la surface réservée au public, la déclaration contrôlée du chef de l'établissement ou d'après l'ensemble de ces indications. / ( ) Les catégories sont les suivantes : / ( ) 3ème catégorie : de 301 à 700 personnes ( » ;
    Considérant que la règle relative aux aires de stationnement édictée par les dispositions précitées de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme vise à déterminer un nombre de places de stationnement adapté à la fréquentation des établissement concernés ; que si ces dispositions font obstacle à ce que l'autorité compétente subordonne l'octroi d'un permis de construire entraînant de nouveaux besoins de stationnement à l'aménagement à cet effet d'emplacements sur les voies publiques, elles n'ont pas pour effet d'imposer à l'administration de prescrire au pétitionnaire la réalisation, sur le terrain d'assiette du projet, des places de stationnement si les besoins nouveaux peuvent être aisément satisfaits par les possibilités de stationnement existant par ailleurs ;
    Considérant, d'une part, que les besoins de stationnement doivent être évalués à partir de l'effectif réel des personnes amenées simultanément à fréquenter le bâtiment ; que l'extension projetée a pour effet d'accroître de 223 m² à 511 m² la surface hors oeuvre nette du bâtiment et que l'équipement sera classé en 3ème catégorie au titre de la législation sur les établissements recevant du public ; que, toutefois, la commune de Haute-Avesnes soutient, sans être contredite, que cette classification a été faite, ainsi que le permet l'article R. 123-19 précité du code de la construction et de l'habitation, à partir de la surface réservée au public et non des places assises, et que l'extension ne portera sa capacité d'accueil que de 120 à 180 places assises ; qu'en effet, le projet est principalement destiné aux activités festives et de loisirs des 384 habitants de la commune qui résident pour l'essentiel à moins de 500 mètres du centre du village où se trouve implantée la salle des fêtes ;
    Considérant, d'autre part, que la salle communale antérieure au projet disposait à proximité d'une aire de stationnement d'une vingtaine d'emplacements et que le projet réduit les emplacements sur la dite aire de stationnement à quinze ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fréquentation de cet établissement poserait des difficultés de stationnement et que le différentiel en besoins de stationnement par rapport à la situation actuelle n'est pas tel qu'il ne puisse être satisfait par les emplacements existant sur le territoire de la commune ; que le constat d'huissier que M. et Mme X produisent à l'instance ne permet pas d'établir l'insuffisance des places de stationnement au regard des besoins nouveaux inhérents au projet litigieux, alors que la commune de Haute-Avesnes évalue de manière détaillée les disponibilités de stationnement à une centaine ;
    Considérant qu'il en résulte que l'autorité administrative n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme en ne subordonnant pas la délivrance des permis de construire contestés à la réalisation de places de stationnement en nombre supérieur aux quinze prévues
    ».

    En substance, la Cour a donc jugé que lorsque le projet ne prévoyait pas lui-même les places de stationnement propres à satisfaire aux besoins de l’immeuble à étendre et, bien plus, impliquait la suppression de 15 places existantes, cette « carence » était palliée par la double circonstance que, d’une part, les 15 places supprimées étaient compensées par la « proximité d'une aire de stationnement d'une vingtaine d'emplacements » et, d’autre part, que l’absence de places nouvelles en conséquence de l’augmentation de la capacité d’accueil de la salle des fêtes était pour sa part atténuée « par les emplacements existant sur le territoire de la commune » et, par voie de conséquence, que le permis de construire contesté n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme.

    Mais a contrario, il faut donc en déduire que c’est en faisant usage de cet article pour prescrire l’aménagement de nombreuses places nouvelles que le maire aurait entaché son arrêté d’erreur manifeste d’appréciation puisqu’à suivre la Cour, ces places n’était pas nécessaire. Or, comme on le sait une prescription inutile est illégale (sur la divisibilité éventuelle d’une telle prescription, voir notre note du 21 mars 2007 sur CAA. Marseille, 9 novembre 2006, Cne de Tarascon, req. n°04MA00895).

    En tout état de cause, celle solution s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat a jugé que la création d’un niveau supplémentaire sur un bâtiment existant en vu de réaliser un commerce de proximité n’imposait pas la création de places supplémentaires au titre de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme compte tenu de la proximité d’un parc de stationnement (CE. 8 juillet 1983, Babalian, Rec., p.910). Mais précisément, il faut relever que si pour la compensation des places supprimées, la Cour a souligné la présence à proximité d’une aire de stationnement, elle s’est en revanche contentée, pour ce qui concerne l’absence de place nouvelle, de l’existence de places sur l’ensemble du territoire de la commune alors qu’à titre d’exemple, le Tribunal administratif de Nice a pu juger qu’un permis de construire n’imposant pas la création de places de stationnement en conséquence de la présence d’un parc de stationnement situé à plus de trois cents mètres du terrain à construire est illégal (TA. Nice, 20 mai 1999, SARL Camille Auban, req. n°98-02075).

    NB : La distance de 300 mètres souvent prise en référence en conséquence des préconisations de l’administration centrale n’a, sauf à être retranscrite dans le règlement local d’urbanisme, aucun fondement légal (CE. 8 décembre 2000, Ville de Paris, req. n°202.766).

    La portée des dispositions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme est donc bien moindre que celle des prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme, lequel impose que les places prescrites soient réalisées sur terrain à construire ou dans son environnement immédiat et ce, indépendamment de toute considération liée à leur utilité réelle au regard des besoins propres de l’immeuble à construire et/ou des possibilités de stationnement existant par ailleurs.

    Ce n’est, en effet, qu’en cas d’impossibilité technique avérée de réaliser ces places de stationnement que le constructeur pour bénéficier de la présence extérieure de places de stationnement mais ce, en en prenant en concession dans un parc public existant ou en cours de construire ou en en achetant dans un parc privé. Et à défaut, il sera quitte de ses obligations en la matière par le paiement d’une participation (sur ce régime et ses modifications liées à la réforme des autorisations d’urbanisme, voir la note du 30 mai 2007 sur CAA. Versailles, 10 mai 2007, Cne Ballancourt-sur Essonne, req. n°05VE01731).

    Dans cette mesure, le fait que le décret n°2007-18 du 6 janvier 2007 supprime le caractère d’ordre public des dispositions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme relatives au stationnement -transférées au sein du nouvel article R.111-6 – lesquelles deviennent donc inopposables sur les territoires couverts par un règlement local d’urbanisme n’apparaît donc pas problématique ; si ce n’est qu’en l’état, ces dispositions permettaient d’imposer la création de places complémentaires lorsque le constructeur se bornait à respecter les prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme alors que les besoins réels du bâtiment était bien supérieurs et, surtout, que, dans la mesure où il résulte de l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme que le règlement local d’urbanisme « peut comprendre » des prescriptions relatives aux « obligations imposées aux constructeurs en matière de réalisation d’aires de stationnement » et, en d’autres termes, que rien n’impose qu’un article 12 soit réglementé…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • De la preuve de l’existence légale d’une construction ancienne à la preuve de son achèvement

    Il incombe au pétitionnaire de prouver que la construction sur laquelle porte sa demande d’autorisation de travaux a été édifiée soit avant la loi du 15 juin 1943 relative au permis de construire, soit conformément à l’autorisation requise et obtenue à cet effet. A défaut, cette construction est réputée dépourvue d’existence légale et, en toute hypothèse, les travaux projetés sur celle-ci ne peuvent relever du régime déclaratif.

    CAA. Marseille, 9 juillet 2007, SCI « Les Pouillettes », req. n°04MA01976

    L’arrêté commenté propose une solution somme toute classique mais qui illustre parfaitement l’une des problématiques du régime applicable aux travaux sur construction existante et nous permettra d’appréhender l’étendue de la réforme opérée par l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 dite ENL.

    On sait, en effet, qu’au regard du droit de l’urbanisme la notion de construction existante implique la réunion de deux conditions : d’une part, une existence physique, laquelle impose que l’ouvrage considéré ne soit pas en état de ruine ou en cas d’inachèvement des travaux que ces derniers aient néanmoins atteint un stade suffisant pour conférer à cet ouvrage la qualité de construction (CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Cne d’Eguilles, req. n° 02MA01240 ; TA. Nice, 23 février 2006, M. Cozza, req. n°01-05873 ; CE. 29 mars 2006, Cne d’Antibes, req. n° 280.194) et, d’autre part, une existence légale, laquelle implique que la construction en cause ait été réalisée conformément à un permis de construire alors valide et définitif puisqu’a contrario, constituera une construction illégale celle édifiée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenue ou en exécution d’un permis de construire précédemment annulé, retiré ou frappé de caducité ou en méconnaissance des prescriptions du permis de construire, voir en exécution d’un permis de construire ultérieurement annulé ou retiré (CE. 9 juillet 1986, Mme Thalamy, req. n° 51.172). Dans ces cas, la construction sera donc illégale et ne pourra donc pas être considérée comme existante au regard du droit de l’urbanisme, si bien que tout travaux projetés sur cette dernière devra nécessairement relever d’un permis de construire portant sur l’ensemble de celle-ci aux fins, pour autant que cela soit possible, de la régulariser ; étant précisé que lorsque l’illégalité de la construction procède de travaux irréguliers postérieurs à son implantation, les plans de la demande de permis de construire devront faire apparaitre cette construction dans son état antérieur à l’exécution des travaux litigieux (CAA. Paris, 9 novembre 2006, M.X., req. n°03PA00413). C’est, toutefois, la position du juge administratif puisque le juge judiciaire considère pour sa part qu’une construction irrégulière peut être régularisée par la prescription de l’action publique, c’est-à-dire passé un délai de trois ans à compter de l’achèvement des travaux (CAss. crim. 9 mars 1993, Derrien, pourvoi n°92-82.372).

    C’est ainsi qu’il est d’usage de présenter le régime applicable en la matière s’agissant des constructions récentes. Il reste que la législation relative au permis de construire procède de la loi du 15 juin 1943. De ce fait, bon nombre de constructions anciennes ont en fait été réalisées sans qu’aucune autorisation ne soit exigible ou à la faveur des nombreuses exemptions de permis de construire longtemps prévues par le dispositif issu de cette loi.

    Or, si ces constructions ont effectivement été édifiées sans autorisation, il n’en demeure pas moins qu’aucune autorisation n’était donc exigible pour ce faire, si bien que pouvant être implantées librement, elles disposent néanmoins d’une existence légale leur rendant inopposable la jurisprudence dite « Thalamy » puisque le Conseil d’Etat a récemment jugé que :

    « Considérant qu'en application de l'article 1er de l'arrêté du 10 août 1946 portant exemption du permis de construire en ce qui concerne les bâtiments d'exploitation agricole, alors applicable, l'édification, en 1960, sur le terrain acquis par M. et Mme D, d'un abri préfabriqué à usage de poulailler, était dispensée de permis de construire ; que cette construction qui pouvait donc être librement réalisée avait dès lors une existence légale, alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucune autorisation ; qu'ainsi, la demande d'autorisation litigieuse ne devait porter, comme c'est le cas le cas en l'espèce, que sur les travaux qui ont pour effet de transformer le bâtiment tel qu'il avait été régulièrement édifié ; qu'il suit de là que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que l'administration était tenue d'opposer un refus à cette demande, dès lors qu'elle ne portait pas sur l'ensemble de la construction » (CE. 15 mars 2006, Ministre de l’équipement, req. n°266.238).

    Il reste qu’en toute hypothèse, y compris donc lorsque le litige porte sur un refus de permis de construire ou une décision d’opposition à déclaration de travaux émanant de l’administration et motivé par le défaut d’existence légale de la construction sur laquelle porte la demande, c’est au pétitionnaire de prouver l’existence légale de cette construction, c’est-à-dire de prouver soit qu’elle a été édifiée avant l’entrée en vigueur de la loi du 15 juin 1943, soit en vertu d’une des exemptions issues de ce disposition, soit conformément à l’autorisation requise et obtenue (pour un précédent sur ce point :CAA. Lyon, 24 février 1994, Cne de Lorgues, req. n°21LY01466).

    A défaut de rapporter cette preuve, la construction sera réputée illégale. Par voie de conséquence, quand bien même les travaux projetés relèveraient-ils isolément du champ d’application de l’article R.422-2-m) du Code de l’urbanisme et donc d’une simple déclaration de travaux, le pétitionnaire sera tenu de présenter une demande de permis de construire portant non seulement sur les travaux projetés mais également sur l’ensemble de la construction considérée (CE. 30 mars 1994, Gigoult, req. n°137.881). C’est ce qu’illustre donc cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille :

    « Considérant, en premier lieu, que, s'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'acte notarié en date du 17 juillet 1991, qu'une construction à usage d'habitation, édifiée antérieurement à l'instauration de la législation sur les permis de construire existait, sur le terrain en cause du projet contesté, il ne résulte pas des pièces du dossier que le hangar agricole sur lequel portaient les travaux faisant l'objet de la demande de permis de construire refusée, était lui-même existant à cette date ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutient la société appelante, l'acte notarié précité ne mentionne pas l'existence dudit hangar ; que les attestations versées au dossier par la société requérante, qui se bornent à attester de l'existence de ce hangar au plus tôt dans les années 1970, n'établissent pas que le bâtiment en cause existait avant le 15 juin 1943, date de l'instauration de la législation sur les permis de construire ; qu'il en est de même du constat de l'état des lieux et du rapport d'un architecte missionné par la société requérante, qui mentionnent uniquement le caractère vétuste du hangar en cause sans établir sa date de construction ; que le plan cadastral produit ne permet pas de déterminer la présence éventuelle de ce bâtiment particulier ; qu'il suit de là que la S.C.I «LES POUILLETTES» n'établit pas, comme elle le soutient, que le hangar agricole ne nécessitait aucune autorisation administrative compte tenu de son édification avant l'instauration de la législation sur les permis de construire ; que , par ailleurs, ladite société n'a pas justifié de l'existence d'une autorisation régulière en vue de la construction de ce bâtiment ; que, par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré, comme le faisait valoir la commune de La Motte, que les travaux en cause portant sur un bâtiment non régulièrement édifié, la demande de permis de construire devait porter sur l'ensemble des éléments de la construction et qu'à défaut, le maire ne pouvait que rejeter sa demande de permis de construire portant sur de simples travaux d'aménagement de ce hangar ; qu'il résulte des pièces du dossier que, s'il n'avait retenu que ce seul motif, le maire aurait pris la même décision ; que, dès lors, il n'y a pas lieu, pour la Cour de se prononcer sur les autres motifs de refus retenus par le maire de La Motte ;
    Considérant, en deuxième lieu, que les travaux en litige, qui ne pouvaient être regardés comme portant sur «une construction existante» au sens du m) de l'article R.422-2 du code de l'urbanisme, n'étaient pas exemptés de permis de construire ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que la Cour constate l'existence d'une décision de non opposition à des travaux déclarés doivent, en tout état de cause, être rejetées
    »


    Et l’on soulignera que la circonstance que le pétitionnaire ne soit pas l’auteur des travaux illégaux n’a strictement aucune incidence dans la mesure où, compte tenu du caractère d’ordre public et réel de la législation d’urbanisme, le défaut d’existence légale d’une construction est opposable aux tiers, y compris lorsqu’il s’agit d’apprécier le caractère urbanisé du secteur au sein duquel est sis le terrain à construire puisque le Conseil d’Etat a récemment jugé, pour application de la loi littoral, qu’il ne pouvait être tenu compte des constructions illégales pour établir si le terrain à construire est sis dans une zone urbanisée (CE. 27 septembre 2006, Cne de Lavandou, req. n°275.923).

    Mais comme on le sait la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 a tempéré le principe issu de la jurisprudence dite « Thalamy » par l’introduction d’un nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme disposant que « lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme ». Il reste que ce même article prévoit un certain nombre d’exceptions et, notamment, que la prescription décennale qu’il introduit ne vaut pas « lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ».

    Il est donc clair que ce nouveau dispositif ne modifie pas le régime applicable aux constructions édifiées sans qu’aucun permis de construire n’ait jamais été obtenu et auxquelles doivent nécessairement être assimilées celles réalisées à la faveur de travaux engagés ou poursuivis postérieurement à l’annulation, au retrait ou à l’extinction du délai de validité du permis de construire précédemment obtenu puisqu’au moment des travaux, le constructeur n’était donc plus titulaire de l’autorisation requise à cet effet. A contrario, sous réserve des autres exceptions prévues par le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme, le régime est applicable aux constructions exécutés en méconnaissance des prescriptions du permis de construire obtenu.

    Mais selon nous, puisque la question est discutée, la prescription décennale introduite par le l’article précité vaut également lorsque la construction a été exécutée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé ou retiré.

    Il est vrai qu’au regard du droit de l’urbanisme et de la jurisprudence dite « Thalamy » ces constructions sont assimilées à celles réalisées sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu puisque, compte tenu de l’effet rétroactif attaché à l’annulation ou au retrait d’un permis de construire, la construction édifiée en exécution de ce dernier doit, en droit, être réputée réalisée sans permis de construire. En première analyse, on pourrait donc en déduire que la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme ne bénéficie pas non plus aux constructions réalisées en exécution d’un permis de construire ayant ultérieurement disparu de l’ordonnancement juridique.

    Mais trois remarques nous semblent plaider pour une solution contraire.

    Tout d’abord, le trouble à l’ordre public résultant d’une construction rendue illégale par voie de conséquence de l’annulation ultérieure de son permis de construire est bien moindre que celui généré par une construction réalisée sans qu’aucune autorisation n’est jamais été obtenue ; sans compter que l’annulation du permis de construire peut résulter d’un simple vice de forme ou de procédure. D’ailleurs, malgré l’effet rétroactif attaché à l’annulation d’un permis de construire, celui qui l’a mis en œuvre ne se rend pas coupable d’un délit de construction sans autorisation au regard de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme ; sauf à ce qu’il l’ait obtenue par fraude (Cass. crim, 30 juin 1981, Bull. crim, n° 226 ; Cass. crim, 15 février 1995, Assoc. des amies de Saint-Palais sur Mer, pourvoi n° 94-80.739).

    Ensuite, dans la mesure où le nouvel article L.111-12 régit les travaux en considération de l’irrégularité de la construction « initiale » et fait courir la prescription qu’il prévoit à compter de son achèvement, il semble que ce soit à cette époque qu’il faille se placer pour apprécier la situation de la construction au regard du droit de l’urbanisme : le fait que le permis de construire ait ultérieurement été annulé ne devrait donc pas avoir d’incidence.

    Il est vrai, a contrario, qu’une telle interprétation de la rédaction de l’alinéa 1er du nouvel article L.111-12 pourrait également amener à conclure qu’une construction initialement régulière mais devenue illégale du fait de l’annulation ultérieure de son permis de construire ne fait donc pas partie des cas prévus par cet alinéa et, à ce seul titre, ne peut pas bénéficier de la prescription décennale qu’il prévoit alors que l’auteur des travaux n’a commis aucun délit. Il reste qu’alors, la réserve ainsi introduite ne viserait donc assurément que le cas où un permis de construire n’a jamais été obtenu : il prévoirait donc le cas où un délit a été commis comme une exception à une règle de principe dont le champ d’application ne recouvre pas les cas non-délictuels : ce qui ferait du nouvel article L.111-12 une bien curieuse règle de droit.

    Enfin, le point b) du nouvel article L.111-12 du code de l’urbanisme réserve également le cas où « une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l'article L. 480-13 ».

    Or, aux termes de ce dernier, la condition première pour qu’une telle action prospère est que, préalablement, le permis de construire ait été annulé du fait d’une méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique.

    On voit donc mal quelle serait l’utilité de cette réserve expresse, si une construction réalisée en exécution d’un permis de construire ultérieurement annulé est, en toute hypothèse, exclue du bénéfice de la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12. Précisément, celle-ci ne semble utile que pour s’opposer – le cas échéant, à titre conservatoire – à la régularisation par le temps de ces constructions menacées de démolition.

    D’ailleurs, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL » que la réserve prévue par le point f) du nouvel article L.111-12 a été introduite par l’Assemblée Nationale – contre le souhait du Sénat – pour éviter une « prime » au délit de construction sans autorisation.

    S’il incombera à la jurisprudence de trancher cette question, il nous semble donc raisonnable de considérer que la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du code de l’urbanisme a vocation à bénéficier tant aux constructions réalisées en méconnaissance du permis de construire obtenu qu’à celles édifiées en exécution d’un permis de construire ayant ultérieurement disparu de l’ordonnancement juridique ; sauf, peut-être, à ce qu’il ait été obtenu par fraude.

    Et dans ces cas, le pétitionnaire n’aura donc plus à prouver l’existence légale de cette construction mais seulement son achèvement depuis plus de dix ; étant précisé que cet achèvement s’apprécie, d’une part, non pas au regard de la date de la formulation éventuelle d’une déclaration d’achèvement, laquelle n’est qu’un indice, mais de façon concrète, en considération de son état physique (Cass.civ., 11 mai 2000, Mme Duguet, Bull. civ., III, p.107 ; CAA. Versailles, 21 avril 2005, René Cazals, req. n°02VE03315) et, d’autre part, à la date non pas de la demande mais, par principe, de la date de délivrance de l’autorisation de travaux portant sur la construction (CE. 17 avril 1992, Flaig, req. n°94.390 ; voir, toutefois, ici

    Mais pour conclure, on précisera que la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme n’a pas vocation à concerner les constructions restées inachevées à l’expiration du délai de validité de l’autorisation en exécution de laquelle les travaux ont été accomplis et ce, non pas parce que son dispositif se réfère à l’achèvement de la construction mais parce que, par principe, le seul inachèvement d’une construction n’a pas pour effet de la rendre illégale et, par voie de conséquence de lui rendre opposable la jurisprudence dite « Thalamy » (CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Cne d’Eguilles, req. n° 02MA01240 ; TA. Nice, 23 février 2006, M. Cozza, req. n°01-05873).



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • L’achat d’une bande de terrain grevée d’une servitude de jouissance perpétuelle de jardin aux fins d’élargir l’assiette foncière d’un projet de construction permet de satisfaire aux prescriptions de l’article 14 du règlement local d’urbanisme

    L’acquisition et l’adjonction d’une parcelle au terrain d’assiette d’un projet de construction aux fins d’augmenter la densité de ce dernier ne constitue pas en soi une fraude et dès lors qu’il ne s’agit pas d’un des cas de déduction prévus par l’article R.123-10 du Code de l’urbanisme, la circonstance que cette parcelle soit grevée d’une servitude de jouissance perpétuelle de jardin ne s’oppose pas à ce que sa superficie soit prise en compte pour l’appréciation du coefficient d’occupation au sol de cette construction.

    TA. Versailles, 5 juin 2007, SCI Balzac, req. n°0501083-3


    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire en vue de la réalisation de trois bâtiments à destination de logements sociaux sur un ensemble parcellaire dont il était propriétaire. Et bien que ce projet bénéficiait des dispositions de l’article L.127-1 du Code de l’urbanisme – c’est-à-dire d’une majoration de COS de 20% – le pétitionnaire avait également acquis au préalable une parcelle contiguë de sorte à augmenter l’étendue de son unité foncière et, par voie de conséquence, la densité de son projet.

    Mais dans la mesure où le propriétaire initial de cette parcelle souhaitait conserver l’usage auquel elle avait toujours été affectée, celui-ci obtint que cette parcelle soit grevée à son profit exclusif d’une servitude de jouissance perpétuelle de jardin.

    Précisément, le permis de construire ainsi obtenu devait faire l’objet d’un recours en annulation motivé, notamment, par la méconnaissance de l’article 14 du règlement local d’urbanisme. Plus précisément, le requérante soutenait que la circonstance que la parcelle de terrain acquise ait été subséquemment grevée d’une servitude de jouissance au profit de son ancien propriétaire démontrait que cette acquisition n’avait été opérée que dans le but d’augmenter la densité du projet immobilier contesté et était donc frauduleuse et qu’en toute hypothèse, la superficie de cette parcelle ainsi frappée d’une servitude d’inconstructibilité n’avait pas à être prise en compte pour apprécier le respect des prescriptions de l’article précité.

    Mais ces deux branches du moyen devaient donc être rejetées par le Tribunal administratif de Versailles aux motifs suivants :

    « Considérant que la SCI requérante soutient, d’une part, que le plafond de densité prévu par l’article UB 14 précité est dépassé dès lors que la partie E du terrain d’assiette, d’une superficie de 364 m² est grevée d’une servitude de jouissance perpétuelle de jardin au profit de la propriété voisine, et ne peut de ce fait être prise en compte pour le calcul du coefficient d’occupation des sols que, toutefois, si la parcelle cadastrée AK 555, dont la société d’HLM Logement Français est propriétaire est grevée d’une servitude de jouissance perpétuelle au profit de la propriété voisine, cette circonstance ne fait pas en l’espèce obstacle à ce que la superficie de cette parcelle soit prise en compte en totalité pour la détermination de la superficie de l’unité foncière qu’elle constitue avec les parcelles AK 571 et 710, et qui compte ainsi 1356 m² ; que d’autre part, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort des pièces du dossier et notamment du formulaire de demande du permis de construire attaqué, que le projet litigieux bénéficiait du concours financier de I’Etat et respectait les conditions fixées par l’article L.127-1 précité : que la SCI BALZAC n’est ainsi pas fondée à soutenir que le permis attaqué, qui autorise une SHON de 1.139 m2 moyennant un dépassement du COS de 20%, méconnait l’article UB 14 du POS et l’article L. 127-1 du code de l’urbanisme;
    Considérant que la SCI BALZAC soutient que le dépassement de COS sus-analysé procède dune manœuvre frauduleuse : que, cependant, la circonstance, à la supposer établie, que la société d’HLM Logement Français se soit rendue acquéreur de la partie E du terrain afin d’élargir l’assiette foncière de la construction en vue de respecter les prescriptions de l‘article UB 14 du POS, n’est pas à elle seule de nature à démontrer qu’elle ait entendu faire échapper la construction aux règles d’urbanisme applicables; que, par suite, le moyen tiré de ce que le permis litigieux aurait été obtenu par fraude doit être écarté
    ».

    En premier lieu, le Tribunal administratif de Versailles a donc considéré que la superficie de la parcelle en cause devait être prise en compte pour le calcul des droits à construire – nonobstant la servitude d’inconstructibilité la grevant – dès lors qu’elle avait été effectivement acquise par le pétitionnaire et faisait donc partie de l’unité foncière à construire.

    Une telle solution est pour le moins logique dès lors que la densité d’une construction doit par principe être appréciée à l’échelle de l’ensemble de l’unité foncière sur laquelle porte la demande de permis de construire (sur ce principe : CE. 22 juin 1984, Comité de défense de la zone d’habitations individuelles de Neully-Plaisance, req. n°38.939 ; CAA. Lyon, 26 septembre 1995, Cne Cannes, req n°94LY01695) – ou, à tout le moins, des parcelles sur lesquelles le pétitionnaire est titré lorsqu’il n’en est pas propriétaire et non pas seulement à l’échelon de celles devant accueillir un bâtiment (CAA. Versailles, 29 mars 2007, ADEJJ, req. n°06VE01147) – et ce, sous la seule réserve de la déduction prévue par l’article R.123-10 du Code de l’urbanisme (anc. R.123-22), lequel se borne à prévoir que seuls « les emplacements réservés mentionnés au 8º de l'article L. 123-1 sont déduits de la superficie prise en compte pour le calcul des possibilités de construction ».

    C’est d’ailleurs à ce titre que la Cour administrative d’appel avait précédemment jugé que « M. Y ne peut par ailleurs soutenir que l'existence d'une servitude de passage de 76 m² sur la parcelle AL 195 réduit la surface hors oeuvre nette autorisée sur le terrain, dès lors que cette servitude n'est pas au nombre des emplacements réservés visés à l'article R.123-18 II 3° du code de l'urbanisme qui, selon les dispositions de l'article R.123-22 2° du même code, sont déduits de la superficie prise en compte pour le calcul des possibilités de construction » (CAA. Paris, 10 juin 2004, M. Y, req. n° 01PA01513).

    Dès lors qu’il résulte de l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme que, plus généralement, la légalité d’un permis de construire doit être appréciée indépendamment de toute considération liée à l’existence d’une servitude de droit privé grevant le terrain à construire, quand bien même s’agirait-il d’une servitude d’inconstructibilité (CE. 23 novembre 1994, Ministère de l’équipement, req. n° 135.215), la circonstance que la parcelle en cause soit grevée d’une servitude de jouissance perpétuelle de jardin ne faisait donc « pas en l’espèce obstacle à ce que la superficie de cette parcelle soit prise en compte en totalité pour la détermination de la superficie de l’unité foncière qu’elle constitue avec les parcelles AK 571 et 710, et qui compte ainsi 1356 m² ».

    On relèvera, toutefois, que ce jugement marque un « revirement » pour le Tribunal administratif de Versailles qui avait pu juger – mais bien antérieurement – qu’une partie de terrain grevée d’un droit de jouissance exclusive au profit d’un tiers ne pouvait pas être pris en compte pour le calcul des droits à construire attachés à ce terrain (TA. Versailles, 23 septembre 1997, Ctrs Bry, req. n°96-4354).

    Mais en second lieu, le Tribunal a donc également estimé que « la circonstance, à la supposer établie, que [le pétitionnaire] se soit rendue acquéreur de la [la parcelle en cause] afin d’élargir l’assiette foncière de la construction en vue de respecter les prescriptions de l‘article UB 14 du POS, n’est pas à elle seule de nature à démontrer qu’elle ait entendu faire échapper la construction aux règles d’urbanisme applicables ».

    En elle-même, en effet, une telle pratique n’a rien ne frauduleuse et, comme on le sait, a été « validée » par le Conseil d’Etat.

    Dans cette affaire, un premier permis de construire avait été annulé au motif tiré de la méconnaissance de l’article 9 du règlement d’urbanisme local. Aux fins de régulariser son projet le pétitionnaire avait ainsi obtenu un bail emphytéotique administratif sur un terrain voisin de sorte à augmenter la surface du terrain d’assiette des constructions projetées et ce faisant, réduire le coefficient d’emprise au sol de ces dernières. Cependant, le permis de construire obtenu aux fins de régularisation devait être annulé, la Cour administrative de Douai considérant que « eu égard au caractère artificiel de la réunion des deux parcelles, à la circonstance que la construction était déjà édifiée à la date de la demande de la demande de permis de construire en cause et que ni son implantation, ni sa consistance n’ont été modifiées, cette opération (…) donnant tout au plus une apparence de régularité à la construction, n’a été effectuée qu’en vue d’échapper aux prescriptions de l’article UB.9 du POS ». Mais saisi en cassation, le Conseil d’Etat a toutefois annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel précité en jugeant que « la circonstance que la société requérante ait conclu un bail emphytéotique sur une parcelle voisine afin d'élargir l'assiette foncière de la construction, en vue de respecter les prescriptions de l'article UB 9 du plan d'occupation des sols, dont la finalité est de limiter la densité sur la zone, n'est pas à elle seule de nature à démontrer qu'elle ait entendu faire échapper la construction aux règles d'urbanisme applicables » (CE. 30 décembre 2002, SCI d’HLM de Lille, req. n°232.584).

    Mais ce sont surtout les conclusions du Commissaire du Gouvernement AUSTRY qui sont particulièrement éclairantes sur ce point :

    « L’hésitation est permise. il est claire que la conclusion de ce bail a été de permettre la délivrance d’un permis de régularisation en rendant le projet conforme à l’article UB.9. Mais d’un autre côté, la seule circonstance qu’un pétitionnaire adapte son projet, que ce soit dans le cadre de l’instruction du permis (…) à la suite d’un refus de permis (…) ou à la suite de l’annulation par le juge, comme ici, afin de rendre conforme aux dispositions du POS, n’est pas par elle-même de nature à faire échec à la régularisation des constructions édifiées. Ce qu’exige, en outre, votre jurisprudence sur la fraude à la loi, c’est que la manœuvre du (constructeur) lui permette d’échapper au conséquences de l’application de la règle d’urbanisme qui est en cause.
    Or, il nous semble ici que l’objet de la règle relative à l’emprise au sol des constructions est d’éviter une densification excessive de la zone dans laquelle se situe la construction projetée. Dès lors, le seul fait de transférer les droits à construire générés par une parcelle voisine qui n’aurait pas déjà épuisé ces droits ne permet pas par lui-même d’échapper aux conséquences de l’article UB.9, mais bien en respectant l’esprit de ce texte et non seulement sa lettre, d’éviter une densification trop forte de l’unité foncière constituée par le terrain d’assiette de la construction projetée. (…) Le transfert des droits à construire généré par la parcelle propriété de l’OPHLM n’est pas sans conséquence puisqu’il interdira l’utilisation des droits à construire de cette parcelle pour une autre opération, et évitera donc une surdensification de la zone qui est précisément ce qu’on cherché à prévenir les auteurs du POS en limitant l’emprise au sol de constructions.
    Nous concluons donc qu’en estimant que l’opération en cause a constitué une manœuvre qui aurait été effectué en vue d’échapper aux prescriptions de l’article UB.9, la cour a inexactement qualifié les faits de l’espèce » (Publiées in BJDU, n°3/2003, p.192, spec. P.194).


    Or, cette analyse faite à la lumière de la finalité de l’article 9 du règlement d’urbanisme local est bien évidemment parfaitement transposable à la finalité de son article 14, lesquelles sont « connexes » pour avoir toutes les deux trait à la densification du terrain ; l’exécution du permis de construire contesté en l’espèce ayant pour effet de consommer les droits à construire attachés à la parcelle grevée d’une servitude de jouissance perpétuelle de jardin, lesquels ne pourront donc plus être réutilisés pour y bâtir.

    Il s’ensuit que l’intégration de cette parcelle au terrain d’assiette du projet n’avait donc nullement pour effet d’augmenter artificiellement la densité constructible dans la zone considérée du POS communal et, par voie de conséquence, de contourner les prescriptions de son article 14.

    A notre sens, en effet, la fraude en la matière ne peut procéder que de la démarche consistant non pas seulement à acquérir une parcelle contiguë du terrain d’assiette de l’opération projetée mais à l’acquérir pour ensuite, peu de temps après l’obtention du permis de construire délivré dans ces conditions, la rétrocéder à un tiers, voire à son propriétaire d’origine (CAA. Nancy, 16 mai 2002, SCI Helios, req. n°97NC02596) puisque ce montage a alors pour unique objet de conférer à l’opération projetée une simple apparence de conformité et qu’en outre, compte tenu de l’abrogation de l’ancien dispositif prévu par l’article L.111-5-1 du Code de l’urbanisme et sous réserve du cas prévu par l’article L.123-1-1 du Code de l’urbanisme (« dans les zones où ont été fixés un ou des coefficients d'occupation des sols, le plan local d'urbanisme peut prévoir que, si une partie a été détachée depuis moins de dix ans d'un terrain dont les droits à construire résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols ont été utilisés partiellement ou en totalité, il ne peut plus être construit que dans la limite des droits qui n'ont pas déjà été utilisés »), cette parcelle recouvrira, du fait de sa rétrocession, les droits à construire générés par sa superficie (sur un cas plus particulier de fraude au dispositif alternatif prévu par l’article R.123-10 du Code de l’urbanisme, permettant la prise en compte de la partie du terrain grevé d’un emplacement réservé pour autant que le pétitionnaire la cède gratuitement à la collectivité, constituée par la cession par la collectivité d’une partie de terrain à un constructeur qui l’avait ensuite rétrocédée gratuitement à cette dernière pour pouvoir bénéficier du report de COS correspondant : CAA. Lyon, 10 mars 1998, Ville de Nice, req. n°94LY01151).

    Mais pour conclure, il faut souligner que le commentateur de l’arrêt précité du Conseil d’Etat (CE. 30 décembre 2002, SCI d’HLM de Lille, req. n°232.584) au BJDU – en l’occurrence, le Conseiller d’Etat Jean-Claude BONICHOT – a précisé que « la régularisation n’est pas possible si elle conduit à priver la règle d’urbanisme en cause d’effectivité. Elle doit au contraire permettre de faire rentrer la construction illégale dans la légalité. Il est donc nécessaire de s’interroger sur la portée exacte de la règle méconnue par l’autorisation initiale pour savoir si la régularisation conduit ou non à y satisfaire. Tel était bien le cas en l’espèce : il est évident que si le constructeur acquiert un terrain suffisant pour le coefficient d’emprise soit respecté, il fait rentrer le bâtiment dans la norme » (BJDU, n°3/2002, p.197).

    Force est, en effet, de préciser que la solution retenue par le jugement commenté à l’égard de l’article 14 du règlement local d’urbanisme – et par le Conseil d’Etat s’agissant de l’article 9 – ne vaut pas pour toute prescription puisque pour le juge administratif l’opération d’acquisition ou de revente d’une bande de terrain sera artificielle, et donc inopérante, lorsqu’elle ne confère à la construction qu’une apparence de régularité ne permettant pas d’assurer un respect effectif de la règle d’urbanisme en cause.

    C’est ainsi, à titre d’exemple, que le Conseil d’Etat a jugé inopérante une opération de revente d’une bande de terrain de 70 centimètres destinée à régulariser une construction illégale en la faisant ainsi joindre la limite séparative alors que son permis de construire avait été précédemment annulé en raison de son implantation à 70 centimètres de la limite séparative initiale puisque cette revente permettait certes d’amener la limite séparative jusqu’à la construction litigieuse de sorte à ce qu’elles soient jointives mais, en fait, ne modifier strictement rien à l’implantation de cette construction et à sa distance par rapport à la construction voisine, laquelle, au surplus, était ainsi rendue irrégulière puisqu’initialement implantée en limite séparative, elle s’en trouvait implantée à 70 centimètres de la nouvelle limite séparative, ce que ne permettait pas l’article 7 du POS communal (CE. 25 janvier 1993, Crts Saint-Guilly, req. n°122.112).

    De même, la Cour administrative d’appel de Paris a plus récemment jugé que lorsque l’article 5 du règlement local d’urbanisme impose que le terrain d'assiette ait une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres pour être constructible, l’adjonction d’une bande de terrain de 6,50 mètres sur 0,70 mètre à l’accès au terrain à construire, d’une largeur de 3,50 mètres, ne permet que d'obtenir artificiellement une largeur de terrain en bordure de voie de 10 mètres et ne permet donc pas de caractériser cette configuration des lieux comme une façade sur voie au sens cet article 5 et, par voie de conséquence, d’assurer l’effectivité de la règle et la réalisation de l’objectif ainsi poursuivi par les auteurs du document d’urbanisme local, à savoir que les terrains aient une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres (CAA. Paris, 23 novembre 2006, Cne de Chaville, req. n° 05PA04096).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur la conventionnalité et le champ d’application matériel de l’article 11 de la loi n°2005-809 du 20 juillet 2005 portant validation des conventions et concessions d’aménagement antérieures à son entrée en vigueur

    Les dispositions du traité de l'Union européenne qui soumettent l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs aux obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats s'appliquent nonobstant l’article 11 de la loi n°2005-809 du 20 juillet 2005, validant les conventions publiques d'aménagement conclues sans publicité et mise en concurrence avant le 21 juillet 2005, dont les dispositions contraires au traité doivent être écartées. Entre outre et en toute hypothèse, les dispositions de l’article 11 précité ne saurait être appliquées à l’acte par lequel le maire signe la convention dès lors qu’il s’agit d’un acte pris dans le cadre de la procédure préalable à la conclusion desdites conventions, laquelle n’est pas saisie par cet article.

    TA. Versailles, 22 juin 2007, Mme Christine BUFFET, req. n° 05-05044 (voir,toutefois, ici).


    Comme on le sait, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé que les anciennes dispositions de l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme relatives aux conventions publiques d’aménagement (sur cette notion, voir ici) ne s’opposaient pas à l’application à leur égard des dispositions du Traité de l’Union européenne imposant que l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs respectent des obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats (CAA. Bordeaux, 9 novembre 2004, SOGEDIS, req. n°01BX00381).

    Cet arrêt a conduit le législateur a adopté la loi n°2005-809 du 20 juillet 2005, laquelle a non seulement réformé le régime applicable à la passation des contrats visés par l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme (art.1er) mais également validé l’ensemble des conventions et concessions d’aménagement conclues avant le 21 juillet 2005 (art.11).

    Mais les plus extrêmes réserves s’imposaient sur ce second point puisqu’en validant des contrats directement contraires aux principes du droit communautaire, cette loi apparaissait elle-même contraires à ces dernières et, par voie de conséquence, « inconventionnelle ».

    Cette question a, toutefois, fait l’objet de réponses divergentes puisque si le Tribunal administratif de Nantes (TA. Nantes, 7 août 2006, Courtin, MTP, 27 octobre 2006, suppl. p.14) a fait application de l’article 11 de la loi du 20 juillet 2005, le Tribunal administratif de Rennes s’y est en revanche refusé (TA. Rennes, 13 avril 2006, M. Josse, req. n°03-00729). Et pour sa part, le Tribunal administratif de Versailles vient donc de juger que :

    « Considérant, toutefois, que si, en vertu du dernier alinéa de l'article L.300-4, ladite convention n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de la loi n°93-122 du 29 juin 1993 reprises aux articles L. 1411-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales, elle n'était pas pour autant exclue du champ d'application des règles fondamentales posées par le traité de l'Union, qui soumettent l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs aux obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats ; que ces règles s'appliquent nonobstant l'article 11 de la loi du 20 juillet 2005, qui prévoit la validation des conventions publiques d'aménagement conclu sans publicité et mise en concurrence avant le 21 juillet 2005, et dont les dispositions contraires au traité doivent être écartées ».

    et, en résumé, que les dispositions de l’article 11 de la loi du 20 juillet 2005 méconnaissaient les principes du Traité de l’Union européenne et, par voie de conséquence, qu’elles ne pouvaient être appliquées.

    Mais le plus intéressant est que le Tribunal a estimé qu’en toute hypothèse, l’article 11 précité, compte tenu de son champ d’application matériel, n’était pas applicable à l’acte attaqué ; en l’occurrence, la décision prise par le maire de signer la convention publique d’aménagement en cause.

    L’article 11 de la loi susvisée dispose, en effet, que « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés, en tant que leur légalité serait contestée au motif que la désignation de l'aménageur n'a pas été précédée d'une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes :
    1° Les concessions d'aménagement, les conventions publiques d'aménagement et les conventions d'aménagement signées avant la publication de la présente loi ;
    2° Les cessions, locations ou concessions d'usage de terrains ainsi que l'ensemble des actes effectués par l'aménageur pour l'exécution de la concession ou de la convention
    ».

    A s’en tenir à sa lettre, l’article précité valide donc uniquement, d’une part, les conventions et concessions d’aménagement en elles-mêmes et, d’autre part, les actes effectués par l’aménageur en exécution de celles-ci.

    Or, la décision de signer un contrat en est un acte détachable et, pour autant qu’il soit besoin de le préciser, ne se rapporte pas à son exécution mais à la procédure préalable à sa passation.

    Telle est la raison pour laquelle, outre son « inconventionnalité », le Tribunal administratif de Versailles a jugé qu’il n’y avait pas lieu de faire application de l’article 11 de la loi du 20 juillet 2005 en l’espèce dès lors que ses dispositions « s’appliquent aux conventions publiques d’aménagement signées avant le 21 juillet 2005 et non aux délibérations et décisions prises lors de la procédure préalable à la conclusion desdites conventions ».

    A cet égard et indépendamment de toute considération liée à la « conventionnalité » de l’article 11 précité, la solution retenue est donc de nature à fragiliser l’ensemble des conventions et concessions d’aménagement conclues avant le 12 juillet 2005 puisque, pour conclure, on soulignera que le Tribunal a non seulement annulé l’acte de signature attaqué du 13 mai 1998 – suivant un recours introduit le 3 juin 2005 et jugé non tardif dès lors que la preuve de la publication de cet acte n’avait pas été rapportée – mais a également enjoint à la commune défenderesse, sur le fondement de l’article L.911-1 du Code de justice administrative, de poursuivre la résolution de la convention d’aménagement ainsi signée…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés