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Le recours en annulation à l’encontre du retrait d’un permis de construire ne s’oppose pas nécessairement au prononcé d’un non-lieu à statuer sur la requête exercée à l’encontre de ce dernier

Un tiers ayant provoqué le retrait d’un permis de construire par l’exercice d’un recours en annulation à son encontre n’a pas intérêt à agir à l’encontre de ce retrait. Par suite, le recours en annulation exercé à son encontre ne s’oppose pas à considérer ce retrait comme définitif et, par voie de conséquence, à conclure au non lieu à statuer sur la requête dirigée à l’encontre du permis de construire ainsi retiré.

CAA. Marseille, 29 mars 2007, Mme Y Janik, req. n°04MA00644


Dans cette affaire, Madame Janik avait exercé un recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire délivré le 28 juillet 2003, lequel, sans que la requérante ne l’ait demandé à l’autorité compétente, devait être retiré le 30 décembre 2003 ; décision de retrait que le titulaire du permis de construire en litige ne contesta pas, ce qui fut le cas, en revanche, de Madame Janik qui exerça un recours en annulation à l’encontre de celle-ci.

Mais confirmant le jugement du Tribunal administratif de Montpellier, la Cour administrative d’appel de Marseille devait prononcer un non-lieu à statuer sur le recours exercé à l’encontre du permis de construire et rejeter la requête exercée à l’encontre de la décision retirant ce permis comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir de la requérante et ce, au motif suivant :

« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le retrait du permis de construire accordé à M. X, décidé le 30 décembre 2003 par le maire postérieurement à la demande d'annulation dudit permis présentée par Mme JANIK-Y, est, à ce jour, définitif pour avoir été notifié le 31 décembre 2003 au pétitionnaire qui ne l'a pas attaqué ; que, dans ces circonstances, même si ledit permis a reçu un commencement d'exécution par l'abattage de certains arbres situés sur le terrain d'emprise du projet, la demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire est devenue sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer, quel que soit l'intérêt que présenterait pour la requérante l'examen par la Cour des illégalités dont ce permis était susceptible d'être entaché ;
(…)
Considérant que l'intérêt à agir d'un requérant s'apprécie au regard de ses conclusions et non de ses moyens ; que, comme il a été dit plus haut, Mme JANIK-Y a présenté une demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 28 juillet 2003 à M. X ; que, dans ces circonstances, la décision du 30 décembre 2003 retirant le permis de construire et au demeurant fondée sur un des motifs d'illégalité relevés par la requérante elle-même, loin de faire grief à Mme JANIK-Y, satisfait sa demande d'annulation du permis de construire ; que la requérante est ainsi sans intérêt à agir contre la décision de retrait du permis de construire ; que la circonstance que la seule illégalité retenue par la commune de Saint Cyprien pour effectuer le retrait en cause aurait été en réalité connue du service instructeur lors de la délivrance du permis de construire ne saurait invalider ledit retrait et est, par suite, sans incidence sur l'intérêt de la requérante à agir contre cette décision ; qu'ainsi, les conclusions dirigées contre la décision du 30 décembre 2003 sont irrecevables et doivent être rejetées
».

On sait, en effet, qu’au regard du but objectif d’un recours pour excès de pouvoir lequel, en substance, consiste en un procès fait à un acte administratif et non pas en un litige entre parties (CE. 17 mai 1999, Cne de Montreuil, req. n°191.292), la disparition de l’acte attaqué de l’ordonnancement juridique rend sans objet la requête exercée à son encontre et, par voie de conséquence, doit amener le juge administratif à prononcer un non lieu à statuer sur cette requête.

Tel est l’effet d’un retrait de permis de construire et ce, indépendamment de toute considération liée au commencement d’exécution que ce permis a pu recevoir ; cette considération n’intéressant que l’effet d’une abrogation qui ne peut emporter le non lieu à statuer sur la requête qu’à la condition que l’acte attaqué n’ait fait l’objet d’aucune mesure d’exécution (sur le principe : CE. 19 avril 2000, Borusz, req. n°207469).

Cette distinction peut s’expliquer par les effets dans le temps de ces deux mesures, lesquels sont bien distincts. En effet, le retrait ayant un effet rétroactif, les travaux entrepris en exécution du permis de construire ultérieurement retiré seront réputés avoir été exécutés sans autorisation et, par voie de conséquence, devront donc être considérés comme irréguliers. En revanche, l’abrogation ne valant que pour l’avenir, les travaux réalisés avant cette décision conserveront une existence légale : le recours en annulation à l’encontre du permis de construire exécuté mais abrogé conserve donc une « utilité » et, surtout, le fait qu’il reste néanmoins lieu de statuer sur la requête évite la pratique qui consisterait à abroger un permis de construire frappé de recours dès lors qu’il aurait été entièrement exécuté.

Mais dans tout les cas, il reste nécessaire, pour qu’il y est non lieu à statuer sur la requête exercé à l’encontre de la décision contestée, que le retrait ou l’abrogation de cette dernière soit définitif.

Or, en l’espèce, la Cour administrative d’appel de Marseille semble avoir considéré que décision du 30 décembre 2003 par laquelle l’administration avait retiré le permis de construire délivré le 28 juillet 2003 était définitive dès lors que le titulaire de ce dernier ne l’avait pas attaquée puisque, pour ce qui concerne Madame Janik, la Cour a donc considéré que faute d’intérêt à agir à l’encontre de cette décision de retrait la requête exercée à l’encontre de cette dernière était irrecevable.

En substance, la Cour semble donc avoir jugé que l’irrecevabilité d’un recours en annulation à l’encontre d’une décision de retrait de permis de construire permettait de considérer cette dernière comme définitive et, par voie de conséquence, de conclure au non lieu à statuer sur la requête exercée à l’encontre dudit permis.

Sur ce point, l’arrêt commenté peut être rapproché de celui rendu par la Cour administrative de Nancy s’agissant du contentieux du permis de construire modificatif.

On sait, en effet, que par principe la légalité d’un permis de construire modificatif ne peut être contestée qu’en considération des vices propres de ce dernier (pour exemple : CE. 4 juin 1997, Ville de Montpellier, req. n°131.233) et, notamment, sur le fond, au regard des seules irrégularités affectant les modifications ainsi autorisées au projet initial (pour exemple : CAA. Paris, 16 février 1995, Sté Sogébail, Rec., p.509).

Ce principe ne vaut, toutefois, qu’à la condition que le permis de construire primitif soit devenu définitif à la date d’introduction du recours exercé à l’encontre de son « modificatif » ou, plus précisément, à la date à laquelle est soulevé le moyen tiré de l’illégalité du « modificatif » par voie de conséquence de celle affectant le permis initial (CE. 30 novembre 1966, Dme Martin, Rec., p.1038 ; CE 25 avril 1975, SCI Le Clos des Loges, Rec., p.259). Il s’ensuit que tant que le permis de construire primitif n’est pas devenu définitif, il est possible d’exciper de son illégalité dans le cadre d’un recours dirigé à l’encontre de son « modificatif » ; ce qui procède d’une simple application à la matière des règles générales relatives à l’exception d’illégalité des décisions individuelles créatrices de droit (pour exemple : CE. 17 décembre 1997, Préfet de l’Isère, Rec. 495 ; CE. 28 juillet 2000 Jessua, req. n°210.798).

C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Nancy a pu juger que des tiers étaient recevables à invoquer l’illégalité d’un permis de construire primitif – qu’ils n‘avaient pourtant pas attaqué – au soutient d’un recours en annulation exercé à l’encontre de son « modificatif » dès lors que le permis initial n’était pas définitif puisque frappé d’un déféré préfectoral (CAA. Nancy, 12 juin 1997, SEP Lorraine, req. n°95NC00363). Mais la même Cour a également pu juger que des tiers ne pouvaient invoquer l’illégalité du « modificatif » par voie de conséquence de l’illégalité du permis de construire initial qu’ils avaient pourtant également attaqué dès lors, précisément, que leur recours à l’encontre de ce dernier était irrecevable car tardif (CAA. Nancy, 16 mai 2002, Magden, req. n°98NC02022).

Quant aux motifs et considérations qui ont conduit la Cour administrative d’appel de Marseille à juger que le recours en annulation à l’encontre de la décision de retrait du permis de construire qu’elle contestait par ailleurs était irrecevable faute d’intérêt à agir de la requérante à l’encontre de cette décision, ceux-ci sont difficilement contestables compte tenu du caractère objectif d’un recours pour excès de pouvoir et du principe selon lequel, comme l’a rappelé la Cour, l’intérêt à agir s’apprécie au seul regard des conclusions de la requête et non pas en considération des moyens invoqués au soutien de celle-ci.

Néanmoins, le contexte de cette affaire et la solution retenue par la Cour appellent certaines observations.

En effet, si le retrait d’un permis de construire intervenant sur le recours gracieux d’un tiers constitue à son égard un acte créateur de droit (CE. 4 mai 1984, Epx Poissonnier) et, a contrario, n’est donc pas pour ce qui le concerne une décision faisant grief à l’encontre de laquelle il a intérêt à agir, il reste que dans cette affaire Madame Janik s’était bornée à exercer un recours en annulation à l’encontre du permis de construire en litige et n’en n’avait donc pas sollicité le retrait.

Néanmoins, la Cour administrative d’appel de Marseille semble donc avoir considéré, en relevant que la décision de retrait était intervenue suite à l’introduction du recours en annulation et était fondée sur l’un des moyens invoqués par Madame Janik au soutien de ce recours, que cette dernière avait ainsi provoqué un retrait administratif qui lui donnait satisfaction puisque les effets d’une telle mesure sont analogues à ceux d’une annulation juridictionnelle.

Il reste que, d’une part, le permis de construire du 28 juillet 2003 était une autorisation expresse et que, d’autre part, son retrait avait été prononcé le 30 décembre 2003, soit plus 5 mois après sa délivrance.

Or, en l’état, si un permis de construire tacite frappé de recours peut être retiré à tout moment en cours d’instance, un permis de construire exprès ne peut plus être retiré passé un délai de quatre mois à compter de sa signature, sauf à ce que le retrait intervienne à la demande du pétitionnaire (sur le principe : CE. 16 octobre 2001, Ternon. Pour une application au retrait d'un permis de construire : CE. 23 avril 2002, Sté Bouygues Immobilier, req. n° 249.712).

Dans la mesure où le titulaire du permis de construire contesté ne semblait pas en avoir demandé le retrait, ce dernier était donc manifestement illégal. Or, d’un point de vue juridique, force est d’admettre qu’il est difficilement concevable qu’un retrait prononcé au delà du délai ouvert à cet effet puisse être considéré comme provoqué par l’action d’un tiers ne l’ayant pas demandé.

Mais en outre et comme l’a d’ailleurs relevé la Cour pour conclure à son caractère définitif, ce retrait illégal n’avait pas été contesté par le titulaire du permis de construire attaqué alors même qu’aucun nouveau permis de construire ne semblait lui avoir été délivré. Il est donc permis de se demander si, alors même qu’il ne semble pas avoir été formellement sollicité par son titulaire, ce retrait n’en était pas pour autant « concerté » et n’avait pas d’autre but que de priver d’objet le recours en annulation exercé à l’encontre du permis de construire contesté…


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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