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Sur la portée des prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme relatives aux places de stationnement

Si les dispositions de l'article R. 111-4 du Code de l'urbanisme visant à déterminer un nombre de places de stationnement adapté à la fréquentation des établissement concernés font obstacle à ce que l'autorité compétente subordonne l'octroi d'un permis de construire entraînant de nouveaux besoins de stationnement à l'aménagement à cet effet d'emplacements sur les voies publiques, elles n'ont pas pour effet d'imposer à l'administration de prescrire au pétitionnaire la réalisation, sur le terrain d'assiette du projet, des places de stationnement si les besoins nouveaux peuvent être aisément satisfaits par les possibilités de stationnement existant par ailleurs.

CAA. Douai, 7 juin 2007, M. et Mme Pierre X., req. n°06DA01369

Voici un arrêt intéressant en que, d’une part, il confirme et synthétise par un « considérant de principe » la rare jurisprudence existante au sujet de la portée des prescriptions de l’article R111-4 du Code de l’urbanisme relatives stationnement et, d’autre part, illustre leur grande souplesse en comparaison des modalités d’application de l’article 12 du règlement local d’urbanisme.

Dans cette affaire, un permis de construire avait été délivré en vue de l’extension d’une salle des fêtes communale ayant pour objet de porter la SHON de cet « ERP » de 223 à 511 mètres carrés et sa capacité d’accueil de 120 à 180 places assises. Pour autant, le projet ne comportait aucune place de stationnement nouvelle et, bien plus, impliquait la suppression de 15 places de stationnement existantes. Néanmoins, ce permis de construire devait être délivré sans que le Maire ne fasse usage de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « la délivrance du permis de construire peut être subordonnée (…) à la réalisation d'installations propres à assurer le stationnement hors des voies publiques des véhicules correspondant aux besoins de l'immeuble à construire ». Et c’est à ce seul titre qu’il devait être contesté.

Toutefois, ce moyen et donc le recours devaient être rejetés par le Tribunal administratif de Lille puis par la Cour administrative d’appel de DOUAI et ce, au motif suivant :

«Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme : « La délivrance du permis de construire peut être subordonnée : a) A la réalisation d'installations propres à assurer le stationnement hors des voies publiques des véhicules correspondant aux besoins de l'immeuble à construire ( ) » ; qu'aux termes de l'article R. 123-19 du code de la construction et de l'habitation : « Les établissements sont ( ) classés en catégories, d'après l'effectif du public et du personnel. L'effectif du public est déterminé, suivant le cas, d'après le nombre de places assises, la surface réservée au public, la déclaration contrôlée du chef de l'établissement ou d'après l'ensemble de ces indications. / ( ) Les catégories sont les suivantes : / ( ) 3ème catégorie : de 301 à 700 personnes ( » ;
Considérant que la règle relative aux aires de stationnement édictée par les dispositions précitées de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme vise à déterminer un nombre de places de stationnement adapté à la fréquentation des établissement concernés ; que si ces dispositions font obstacle à ce que l'autorité compétente subordonne l'octroi d'un permis de construire entraînant de nouveaux besoins de stationnement à l'aménagement à cet effet d'emplacements sur les voies publiques, elles n'ont pas pour effet d'imposer à l'administration de prescrire au pétitionnaire la réalisation, sur le terrain d'assiette du projet, des places de stationnement si les besoins nouveaux peuvent être aisément satisfaits par les possibilités de stationnement existant par ailleurs ;
Considérant, d'une part, que les besoins de stationnement doivent être évalués à partir de l'effectif réel des personnes amenées simultanément à fréquenter le bâtiment ; que l'extension projetée a pour effet d'accroître de 223 m² à 511 m² la surface hors oeuvre nette du bâtiment et que l'équipement sera classé en 3ème catégorie au titre de la législation sur les établissements recevant du public ; que, toutefois, la commune de Haute-Avesnes soutient, sans être contredite, que cette classification a été faite, ainsi que le permet l'article R. 123-19 précité du code de la construction et de l'habitation, à partir de la surface réservée au public et non des places assises, et que l'extension ne portera sa capacité d'accueil que de 120 à 180 places assises ; qu'en effet, le projet est principalement destiné aux activités festives et de loisirs des 384 habitants de la commune qui résident pour l'essentiel à moins de 500 mètres du centre du village où se trouve implantée la salle des fêtes ;
Considérant, d'autre part, que la salle communale antérieure au projet disposait à proximité d'une aire de stationnement d'une vingtaine d'emplacements et que le projet réduit les emplacements sur la dite aire de stationnement à quinze ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fréquentation de cet établissement poserait des difficultés de stationnement et que le différentiel en besoins de stationnement par rapport à la situation actuelle n'est pas tel qu'il ne puisse être satisfait par les emplacements existant sur le territoire de la commune ; que le constat d'huissier que M. et Mme X produisent à l'instance ne permet pas d'établir l'insuffisance des places de stationnement au regard des besoins nouveaux inhérents au projet litigieux, alors que la commune de Haute-Avesnes évalue de manière détaillée les disponibilités de stationnement à une centaine ;
Considérant qu'il en résulte que l'autorité administrative n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme en ne subordonnant pas la délivrance des permis de construire contestés à la réalisation de places de stationnement en nombre supérieur aux quinze prévues
».

En substance, la Cour a donc jugé que lorsque le projet ne prévoyait pas lui-même les places de stationnement propres à satisfaire aux besoins de l’immeuble à étendre et, bien plus, impliquait la suppression de 15 places existantes, cette « carence » était palliée par la double circonstance que, d’une part, les 15 places supprimées étaient compensées par la « proximité d'une aire de stationnement d'une vingtaine d'emplacements » et, d’autre part, que l’absence de places nouvelles en conséquence de l’augmentation de la capacité d’accueil de la salle des fêtes était pour sa part atténuée « par les emplacements existant sur le territoire de la commune » et, par voie de conséquence, que le permis de construire contesté n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme.

Mais a contrario, il faut donc en déduire que c’est en faisant usage de cet article pour prescrire l’aménagement de nombreuses places nouvelles que le maire aurait entaché son arrêté d’erreur manifeste d’appréciation puisqu’à suivre la Cour, ces places n’était pas nécessaire. Or, comme on le sait une prescription inutile est illégale (sur la divisibilité éventuelle d’une telle prescription, voir notre note du 21 mars 2007 sur CAA. Marseille, 9 novembre 2006, Cne de Tarascon, req. n°04MA00895).

En tout état de cause, celle solution s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat a jugé que la création d’un niveau supplémentaire sur un bâtiment existant en vu de réaliser un commerce de proximité n’imposait pas la création de places supplémentaires au titre de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme compte tenu de la proximité d’un parc de stationnement (CE. 8 juillet 1983, Babalian, Rec., p.910). Mais précisément, il faut relever que si pour la compensation des places supprimées, la Cour a souligné la présence à proximité d’une aire de stationnement, elle s’est en revanche contentée, pour ce qui concerne l’absence de place nouvelle, de l’existence de places sur l’ensemble du territoire de la commune alors qu’à titre d’exemple, le Tribunal administratif de Nice a pu juger qu’un permis de construire n’imposant pas la création de places de stationnement en conséquence de la présence d’un parc de stationnement situé à plus de trois cents mètres du terrain à construire est illégal (TA. Nice, 20 mai 1999, SARL Camille Auban, req. n°98-02075).

NB : La distance de 300 mètres souvent prise en référence en conséquence des préconisations de l’administration centrale n’a, sauf à être retranscrite dans le règlement local d’urbanisme, aucun fondement légal (CE. 8 décembre 2000, Ville de Paris, req. n°202.766).

La portée des dispositions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme est donc bien moindre que celle des prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme, lequel impose que les places prescrites soient réalisées sur terrain à construire ou dans son environnement immédiat et ce, indépendamment de toute considération liée à leur utilité réelle au regard des besoins propres de l’immeuble à construire et/ou des possibilités de stationnement existant par ailleurs.

Ce n’est, en effet, qu’en cas d’impossibilité technique avérée de réaliser ces places de stationnement que le constructeur pour bénéficier de la présence extérieure de places de stationnement mais ce, en en prenant en concession dans un parc public existant ou en cours de construire ou en en achetant dans un parc privé. Et à défaut, il sera quitte de ses obligations en la matière par le paiement d’une participation (sur ce régime et ses modifications liées à la réforme des autorisations d’urbanisme, voir la note du 30 mai 2007 sur CAA. Versailles, 10 mai 2007, Cne Ballancourt-sur Essonne, req. n°05VE01731).

Dans cette mesure, le fait que le décret n°2007-18 du 6 janvier 2007 supprime le caractère d’ordre public des dispositions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme relatives au stationnement -transférées au sein du nouvel article R.111-6 – lesquelles deviennent donc inopposables sur les territoires couverts par un règlement local d’urbanisme n’apparaît donc pas problématique ; si ce n’est qu’en l’état, ces dispositions permettaient d’imposer la création de places complémentaires lorsque le constructeur se bornait à respecter les prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme alors que les besoins réels du bâtiment était bien supérieurs et, surtout, que, dans la mesure où il résulte de l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme que le règlement local d’urbanisme « peut comprendre » des prescriptions relatives aux « obligations imposées aux constructeurs en matière de réalisation d’aires de stationnement » et, en d’autres termes, que rien n’impose qu’un article 12 soit réglementé…



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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