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JURISURBA - Page 47

  • Sur l’appréciation de la constructibilité d’un terrain issu d’une division réalisée en exécution d’un permis de construire groupé

    Dès lors qu’à la différence d’un lotissement, un permis de construire valant division cesse de produire ces effets dès lors qu’il est entièrement exécuté, la constructibilité d’un terrain issu d’une division réalisée en exécution d’une telle autorisation groupée doit, à partir du moment où l’opération groupée initiale est achevée, s’apprécier au seul regard de la superficie propre de cette parcelle.

    CAA. Marseille, 20 décembre 2011, Cne du Bacares, req. n°10MA00036


    Sauf à ce que le PLU s’y oppose, il résulte de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme que l’instruction d’une demande de permis de construire valant division a vocation à s’opérer au regard de l’ensemble du projet et donc, notamment, indépendamment des divisions foncières induites par sa réalisation. Il s’ensuit notamment que l’implantation des bâtiments sur le terrain d’assiette de l’opération sera en principe appréciée au regard des prescriptions de l’article 8 du règlement local d’urbanisme.

    Il reste que, précisément, la réalisation du projet modifiera la consistance de l’assiette foncière au regard de laquelle la demande initiale a été instruite puisque la mise en œuvre effective des divisions prévues aura pour effet, du moins si ces divisions s’opèrent en propriété, de créer plusieurs unités foncières dont les limites constitueront des limites séparatives au sens de l’article 7 d’un règlement local d’urbanisme. Or, les règles fixées par l’article 7 et par l’article 8 d’un tel règlement sont le plus souvent différentes ; sans compter qu’à la différence de l’article 7, l’article 8 ne compte pas parmi ceux qu’un PLU doit obligatoirement réglementer. De même, la superficie des terrains créés pourra ne plus être conforme à l’article 5 et l’emprise des constructions et leur COS pourront ne plus être réguliers au regard des articles 9 et 14.

    De ce fait, la réalisation du projet pourra aboutir à l’édification de bâtiments qui pour être parfaitement conformes au permis de construire les ayant autorisés ne seront cependant pas régulières au regard des prescriptions du règlement de PLU, telle qu’il conviendrait de les appliquer terrain par terrain, bâtiment par bâtiment après l’achèvement du projet ; ce qui au regard de la jurisprudence « Sekler » est de nature à réduire substantiellement les possibilités de construction attachées aux terrains créés et aux bâtiments édifiés en exécution du permis initial, pour autant toutefois que cette jurisprudence trouve réellement à s’appliquer en la matière.

    Il faut en effet rappeler que pour avoir été édifiée conformément à un permis de construire valide n’ayant pas été ultérieurement annulé ou retiré, une construction peut néanmoins ne pas être conforme aux prescriptions d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle de nouveaux travaux sont projetés sur cette construction.

    Cette situation n’interdit pas tous travaux et n’impose pas non plus l’entière régularisation de la construction existante mais a pour effet de les placer sous l’empire de la jurisprudence « Sekler », selon laquelle « la circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan d'occupation des sols régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions » (CE.27 mai 1988, Mme Sekler, req. n°79530).

    De deux choses l’une en résumé, soit les travaux projetés sur la construction existante présente un lien avec la règle méconnue et alors ils devront améliorer la non-conformité de cette construction à cette règle, soit les travaux projetés sont étrangers à la règle méconnue et alors il ne sera pas nécessaire d’atténuer la non-conformité de l’ouvrage existant ; étant précisé que la jurisprudence « Sekler » s’applique aussi bien aux travaux assujettis à permis de construire qu’à ceux relevant simplement du régime déclaratif (CE. 13 octobre 1993, Mme Clément, req. n°126.112 ; CE. 14 février 1996, Mme Dechavanne, req. n°152.895) et concerne l’ensemble des dispositions d’urbanisme applicables à un projet de construction, c’est-à-dire les dispositions du règlement local d’urbanisme (POS/PLU) mais également les dispositions du règlement national d’urbanisme (CAA. Bordeaux, 9 mai 2006, M. Gouaux, req. n°02BX02451) ou encore les prescriptions d’un règlement de lotissement (CE. 3 juillet 1991, Epx Guillemot, req. n°87.550), voire les stipulations d’un cahier des charges de lotissement (CAA. Marseille, 11 décembre 2008, SCI ELFA, req. n°06MA02026).

    S’il y a évidemment lieu de s’interroger sur les conséquences de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme au regard de la jurisprudence « Sekler », il n’est toutefois pas si évident que la mise en œuvre de cet article appelle inévitablement l’application ultérieure de cette jurisprudence.

    L’article précité dispose en effet que : « dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, l'ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d'urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ».

    Il s’ensuit que cet article ne précise pas expressément n’avoir vocation à s’appliquer qu’au stade de l’instruction de la demande d’autorisation. Il est vrai qu’en ce sens, il précise toutefois que les règles du PLU sont appréciées au regard de « l’ensemble du projet ».

    Il reste que chacun s’accorde à reconnaitre que l’article précité en ce qu’il vise les lotissements, et non pas spécifiquement le permis d’aménager ou la déclaration préalable d’aménagement, a également vocation à s’appliquer au stade de la délivrance de chacun des permis de construire délivré sur chacun des lots du lotissement et ce, alors même que, d’une part, aucun de ces permis de construire ne porterait lui-même sur une opération groupée et que, d’autre part, l’autorisation portant sur le lotissement serait exécutée, c’est-à-dire alors même que ce lotissement serait achevé et ne constituerait plus un « projet ». L’article R.123-10-1 n’apparait donc pas s’opposer en lui-même à ce que la conformité ultérieure des ouvrages soit appréciée selon les modalités fixées par cet article.

    Dès lors, il faut rappeler que si elle est de fait susceptible de s’appliquer à d’autres cas, la jurisprudence « Sekler » part du postulat selon lequel le permis de construire d’origine a été régulièrement délivré et exécuté et, par voie de conséquence, que l’irrégularité de l’ouvrage considéré procède d’une évolution ultérieure des prescriptions du règlement local d’urbanisme. Or, si le permis de construire n’est pas un acte d’application du POS/PLU il vise néanmoins à contrôler et à sanctionner le respect des prescriptions que ce document d’urbanisme édicte et, donc, à en faire application, telles qu’elles sont en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation d’urbanisme considérée.

    De ce fait, on pourrait raisonnablement considérer qu’en l’absence d’évolution des règles du POS/PLU, la conformité ultérieure des ouvrages réalisées au regard de ces règles doit être appréciée en considération des modalités selon lesquelles elles ont été appliquées au stade de la délivrance de l’autorisation.

    Tel n’est toutefois pas le sens de l’arrêt commenté ce jour.

    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire une maison individuelle et un abri de jardin développant 83 mètres carrés de SHON sur un terrain d’une contenance de 117 mètres carrés, lequel était issu d’un tènement plus vaste ayant antérieurement fait l’objet d’une opération groupée réalisée dans le cadre d’un permis de construire valant division.

    La question était alors de savoir si la conformité de ce permis de construire devait être appréciée au regard du terrain d’origine, tel qu’il était constitué au moment de l’obtention du permis groupé initial, ou à l’échelon du seul terrain d’assiette du permis de construire en litige. C’est la seconde solution qu’a donc retenu la Cour administrative d’appel de Marseille au motif suivant :

    « Considérant que par un arrêté du 23 février 1967, le préfet des Pyrénées-Orientales a délivré à la COMMUNE DU BARCARES un permis de construire pour la création d'un village de pêcheurs au lieu-dit Cap de Front ; qu'un permis de construire rectificatif a été accordé à la commune en 1971 pour la construction de 35 habitations ; qu'eu égard à son objet portant sur la construction sur un même terrain de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette devait faire l'objet d'une division en jouissance avant l'achèvement de l'ensemble du projet, ce permis de construire constituait un permis groupé valant division ;
    Considérant qu'à la différence du règlement d'un lotissement qui peut continuer à s'appliquer si les co-lotis en font la demande, le permis de construire valant division de 1971 a cessé de produire des effets juridiques, au plus tard, à compter du moment où il a été entièrement exécuté ; que la légalité du permis de construire en litige, qui n'est pas lui-même un permis de construire valant division mais qui autorise la construction d'une maison d'habitation sur une parcelle de 117 m² sur laquelle la construction d'une maison, démolie depuis, avait été autorisée en 1971 par un permis de construire valant division, doit être appréciée au regard des règles d'urbanisme applicables au seul terrain d'assiette à la date de l'arrêté en litige
    ».


    Certes, cet arrêt a été rendu au sujet d’un terrain issu d’une division réalisée en exécution d’un permis valant division parcellaire délivré à une époque où il n’existait aucune disposition équivalente à l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme s’agissant des permis d’opérations groupées.

    Force est cependant d’admettre que le raisonnement retenu par la Cour dans cette affaire est parfaitement transposable au régime actuel ; sans compter que l’on a dû mal à penser que la Cour – qui au demeurant semble s’être spontanément posée la question – ait statué en faisant totalement abstraction de l’incidence de sa décision au regard de l’article précité.

    Ainsi, dans le doute, on rappellera que, dès son arrêt « Sekler », le Conseil d’Etat a précisé que la règle de principe posée par cet arrêt ne vaut qu’en l’absence de disposition du règlement local d’urbanisme spécialement applicable aux travaux portant sur les bâtiments existants. Les règlements locaux d’urbanisme peuvent ainsi prévoir des règles spécifiques pour ces travaux, lesquelles pourront notamment avoir pour seul objet de moduler le principe dégagé par la jurisprudence « Sekler », en l’assouplissant ou en l’aggravant. (pour exemple : CE. 25 février 1998, Cne de Saint-Leu-la-Fôret, req. n°165.185). Et dès lors que le règlement d’urbanisme prévoit des règles spéciales – expressément ou implicitement (pour exemple : CE. 21 novembre 2001, Cne d’Eze-sur-Mer, req. n°217.797) – l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation a obligation d’en faire application (de la même façon qu’en l’absence de telles règles il a l’obligation de statuer en considération de celle posée par la jurisprudence « Sekler »). Quant au juge administratif, celui-ci a l’obligation de rechercher dans les dispositions du règlement d’urbanisme qu’il lui incombe d’appliquer, si ce dernier édicte des règles spécifiques relatifs aux travaux portant sur des bâtiments existants (CE. 29 juin 1998, SA Eaux minérales d’Evian, req.157.110) qu’il doit alors interpréter de façon stricte et cohérente aux fins d’éviter les risques de fraudes (CE. 11 décembre 1998, Sté Bonnabelle, req. n°161.592) mais, le cas échéant, en les faisant primer sur les règles générales qui pourraient s’opposer à leur effet utile (CE. 11 novembre 2006, M. Roptin, req. n°271.387).

    Les POS/PLU apparaissent donc ainsi avoir la possibilité de préciser les modalités d’appréciation ultérieure de la conformité et/ou les modalités d’application ultérieure de leur prescription aux ouvrages réalisés en exécution d’une autorisation d’urbanisme délivrée au regard de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme.

    En résumé, lorsque les auteurs des PLU n’entendent pas faire exception à la règle de principe posée par l’article précité, il serait donc préférable qu’ils organisent également les conséquences de sa mise en œuvre à l’égard des opérations de construction ultérieurement projetées sur les terrains précédemment détachés en vertu d’une autorisation instruite au regard de cette même règle.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme et l’échéance à respecter pour retirer une autorisation d’urbanisme

    Les trois mois prévus par l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme pour procéder au retrait des permis doivent être compris comme le délai ouvert à l’administration non pas seulement pour prendre mais également pour notifier l’arrêté de retrait au bénéficiaire de l’autorisation retirée. C’est également la seule notification de la décision portant retrait qui doit être prise en compte s’agissant des déclarations préalables. Partant, une demande de pièce complémentaire signée avant le délai ouvert à cet effet à l’administration mais notifiée après cette échéance au déclarant est nécessairement illégale.

    CE. 13 février 2012, Association Protectrice des Animaux des Vannes, req. n°315.657/TA Amiens, 3 novembre 2011, req. n°10-02538

    Dans cette affaire, l’association pétitionnaire avait acquis un permis de construire tacite qui devait toutefois lui être ultérieurement retiré. En conséquence, celle-ci décida d’exercer une requête aux fins de référé suspension à l’encontre de cette décision de retrait en invoquant l’illégalité de cette décision au regard de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme dès lors qu’elle lui avait été notifiée plus de trois mois après la formation de l’autorisation tacite ultérieurement retirée.

    Il reste que ce moyen devait être rejeté par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes au motif que la décision de retrait avait bien été signée avant l’échéance dudit délai de trois mois. Le Conseil d’Etat devait toutefois censuré cette analyse au motif suivant :

    « Considérant, d'autre part, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision ; que, compte tenu de l'objectif de sécurité juridique poursuivi par le législateur, qui ressort des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 dont ces dispositions sont issues, l'autorité compétente ne peut rapporter un permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, que si la décision de retrait est notifiée au bénéficiaire du permis avant l'expiration du délai de trois mois suivant la date à laquelle ce permis a été accordé ;
    Considérant qu'à l'appui de sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté signé le 7 mars 2011 par lequel le maire de Theix a retiré le permis de construire tacite qui lui avait été accordé, l'association requérante faisait valoir que ce retrait était illégal, faute de lui avoir été notifié avant l'expiration du délai fixé par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ; que, pour juger que ce moyen n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a relevé que la signature de cet arrêté était antérieure à l'expiration de ce délai et que la date de sa notification était sans incidence sur sa légalité ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il a, ce faisant, commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'association est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée
    ».


    Pour tout dire la solution n’est pas franchement surprenante. En effet, la solution n’est finalement pas nouvelle s’agissant d’une décision de retrait, c’est-à-dire d’une décision individuelle défavorable qui ne devient exécutoire et ne produit donc ses effets juridiques à l’égard de son destinataire qu’à compter de sa notification. Or, sur ce point, l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme est finalement parfaitement rédigé et explicite : « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que (…) ».

    Il ressort donc de la lettre même de cet article que ce n’est pas seulement la décision de retrait qui doit être prise dans le délai de trois mois. C’est le retrait (effectif) du permis (illégal) qui doit s’opérer avant cette échéance. Et dès lors que l’intervention de ce retrait implique que l’arrêté le décidant devienne exécutoire, il est donc normal que ce soit la notification de cette décision qui doive intervenir avant l’expiration du délai de trois mois prévu par l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme.

    Il faut cependant mesurer les conséquences concrètes de cette décision pour l’administration puisque ce délai court à son égard à compter de la signature du permis ou de la date de formation du permis tacite, et non pas donc à compter de l’affichage par le pétitionnaire de son autorisation sur le terrain des opérations. En outre, il faut rappeler que d’un point de vue procédural la légalité d’un retrait de permis de construire implique la mise en œuvre préalable de la procédure contradictoire prévue par l’article 24 de la loi n°2000-321 et dont l’administration ne peut s’affranchir au seul motif de l’échéance prochaine du délai lui étant offert pour procéder au retrait du permis en cause.

    D’ailleurs, on se souvient que le Conseil d’Etat avait déjà rendu une décision équivalente s’agissant des décisions de refus, et en l’occurrence d’une décision d’opposition à déclaration préalable, qui lorsqu’elles sont notifiées après l’expiration du délai ouvert à l’administration pour statuer sur la demande, et donc après la formation le plus souvent d’une autorisation tacite, sont requalifiées par le juge en décision de retrait de l’autorisation tacite et s’en trouve de ce fait illégale car entachées d’une méconnaissance de l’article 24 précité :

    « Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (… )» ; qu'il résulte de ces dispositions que les décisions qui retirent une décision créatrice de droits doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et les personnes intéressées doivent avoir au préalable été invitées à présenter leurs observations ; Considérant que si le maire a pris, dès le 28 mai 2001, avant l'expiration du délai de deux mois, une décision d'opposition à la déclaration, cette décision n'a été notifiée à la SCI requérante que le 5 juin 2001 ; qu'ainsi, le 30 mai, celle-ci était bénéficiaire d'une décision implicite de non-opposition aux travaux décrits dans sa déclaration ; que cette décision implicite avait créé des droits ; que, par suite, la décision expresse notifiée le 5 juin suivant ne peut s'analyser que comme une décision de retrait de la précédente décision implicite créatrice de droits ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel a entaché sa décision d'erreur de droit en rejetant le moyen tiré de ce que la décision de retrait aurait été prise selon une procédure irrégulière, faute pour le maire d'avoir invité la SCI AGYR à présenter des observations écrites ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI AGYR est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 30 juin 2005 ; Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de statuer sur l'appel formé par la SCI AGYR
    » (CE. 30 mai 2007, SCI AGYR, req. n°288.519).


    Mais s’agissant précisément des décisions de non-opposition à déclaration préalable la problématique se pose quelque peu différemment puisqu’aux termes de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme une telle décision par principe tacite ne peut pas être légalement retirée.

    C’est l’objet du jugement du Tribunal administratif d’Amiens commenté ce-jour. Dans cette affaire le requérant avait formulé une déclaration dont l’administration avait accusé réception. Ce faisant, cette dernière avait alors un mois pour solliciter du déclarant les pièces éventuellement manquantes à son dossier et/ou pour s’opposer à son projet.

    En l’occurrence les services instructeurs de la déclaration en cause devait édicter une décision portant demande de pièces complémentaires qui pour avoir été signée et envoyée au déclarant dans ce délai d’un mois devait cependant être reçu par le déclarant après l’échéance de ce délai.

    Le déclarant devait ainsi attaquer cette décision en raison de son illégalité procédant du fait que cette décision était illégale non seulement en tant que demande de pièces complémentaires intervenue après le délai d’un mois ouvert à cet effet mais également en tant qu’elle valait retrait de la décision de non-opposition tacite formée à l’expiration de ce même délai dès lors qu’il avait reçu la décision contestée après cette échéance. Et cette analyse devait donc être suivie par le Tribunal administratif d’Amiens.

    Ce jugement est intéressant à deux égards. D’une part, il confirme qu’une décision de demandes de pièces complémentaires intervenant après le délai ouvert à cet effet et/ou de retrait d’une décision de non-opposition tacite à une déclaration est certes illégale mais constitue néanmoins un acte existant, lequel produit donc ses effets juridiques tant que cette illégalité n’a pas été sanctionnée par le juge administratif. Il faut dire que :

    • une décision de demande de pièces complémentaires formulée après le délai d’un mois ouvert après ce délai n’est pas illégale de ce seul chef puisque sa « tardiveté » a pour seul effet de ne pas remettre en cause le délai d’instruction de la demande ;
    • le retrait d’une décision de non-opposition reste possible lorsqu’il est motivé par la fraude du déclarant.

    De telles décisions ne sont donc pas totalement étrangères aux pouvoirs dont dispose l’autorité administrative compétente en la matière.

    D’autre part, ce jugement présente l’intérêt de rappeler ce qu’est la date de notification : ce n’est ni la date de signature de la décision, ni sa date d’envoi, ni même nécessairement sa date de présentation mais en principe la date à laquelle la décision en cause est effectivement reçue par son destinataire.

    Cette règle vaut évidemment en toute matière et, à titre d’exemple pour ce qui concerne le droit de l’urbanisme et en l’occurrence les décisions de notification des décisions de préemption, on relèvera qu’il vient d’être jugé que :

    « Considérant qu'il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise ; que, dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions imposent que la décision de préemption soit, au terme du délai de deux mois, non seulement prise mais également notifiée, au propriétaire intéressé ; que la réception de la décision par le propriétaire intéressé dans le délai de deux mois, à la suite de sa notification, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le délai de deux mois dont disposait la COMMUNE DE MONT-DE-MARSAN pour exercer le droit de préemption sur l'immeuble appartenant à la SCI du Bord de l'Eau expirait le 5 février 2009 ; que si le pli contenant la décision de préemption a été posté par lettre recommandé avec demande d'avis de réception le 30 janvier 2009, ce pli a été retiré par le mandataire de la SCI du Bord de l'Eau au bureau de poste le 6 février 2009 ; que seule cette date, et non celle de la présentation du pli, doit être regardée comme celle de la réception de la décision de préemption ; que cette date étant postérieure à l'expiration du délai d'exercice de ce droit, la commune doit être réputée avoir renoncé à l'exercer
    » (CAA. Bordeaux, 7 février 2012, Cne de Mont-de-Marsan, req. n°11BX00761).


    Pour conclure, sur l’arrêt du Conseil d’Etat, on peut toutefois regretter que « l'objectif de sécurité juridique poursuivi par le législateur, qui ressort des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 » auquel il s’est référé ne l’ait pas amené à conclure qu’en pareil cas, il y avait nécessairement urgence à suspendre l’exécution d’un tel retrait.

    On espère que cet objectif sera mieux pris en compte pour ce qui concerne l’article L.425-5 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

     

     
    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Que reste-t-il du principe d’indépendance des procédures ?

    La conformité des dossiers des demandes d’autorisation se rapportant à une opération indissociable doit s’apprécier globalement. Partant, les documents joints au dossier de l’une des demandes peuvent pallier les carences de l’autre.

    CE.30 décembre 2011, Cne de Saint-Raphaël, req. n°342.398


    Comme on le sait, le permis de construire a pour seul objet d’autoriser le projet de construction tel qu’il ressort du dossier de demande produit par le pétitionnaire.


    Partant, non seulement l’administration statuant sur la demande doit prendre parti sur la totalité des aspects du projet sanctionnés par l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme mais en outre, et pour ce qui concerne le projet en lui-même, l’administration est réputée statuer au seul vu des pièces du dossier de demande ; ce dont il résulte d’ailleurs qu’au-delà des informations et des pièces prescrites par les articles R.431-5 à R.431-33 du Code de l’urbanisme, il incombe au pétitionnaire de produire l’ensemble des pièces nécessaires pour que les services instructeurs puissent apprécier en toute connaissance de cause la conformité du projet aux normes d’urbanisme lui-étant opposable.

    Si la régularité formelle du dossier de demande s’apprécie de façon globale, et non pas isolément pièce par pièce donc, il n’en demeure donc pas moins que les services instructeurs ne peuvent en principe prendre en compte que les pièces produites par le pétitionnaire et, a contrario, ne peuvent s’en rapporter à leur connaissance du projet et de son environnement, ni même se référer aux pièces produites dans un dossier présenté concomitamment ou, bien plus, précédemment (voir toutefois : CAA. Paris, 28 septembre 1999, M. B…, req. n°96PA02676). C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Marseille vient de très récemment juger que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R.421-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : A. Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : (...) 5° Deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d'apprécier la place qu'il y occupe. Les points et les angles des prises de vue seront reportés sur le plan de situation et le plan de masse ; 6° Un document graphique au moins permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction dans l'environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords. Lorsque le projet comporte la plantation d'arbres de haute tige, les documents graphiques devront faire apparaître la situation à l'achèvement des travaux et la situation à long terme (...). ;
    Considérant que si le dossier de demande de permis de construire a pour objet principal de permettre à l'administration de procéder à l'instruction de la demande afin que le maire prenne sa décision en toute connaissance de cause, il doit également permettre aux tiers, grâce à sa composition complète, de prendre connaissance des éléments sur lesquels le maire a fondé sa décision, afin de pouvoir, le cas échéant, la contester ; que, par suite, la circonstance que le maire ait pu avoir connaissance des éléments du dossier à l'occasion de l'instruction d'une précédente demande n'autorise pas le pétitionnaire qui présente une nouvelle demande à s'écarter des prescriptions de l'article R.421-2 du code de l'urbanisme ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, aucun document photographique ne permet de situer le terrain dans le paysage lointain ; que les documents produits n'ont pas permis au service instructeur de se prononcer en toute connaissance de cause sur le projet qui lui était soumis ; que les bénéficiaires du permis de construire attaqué n'établissent avoir été dans l'impossibilité de prendre lesdites photographies, dès lors que les demandeurs de première instance en ont produites ; que, d'autre part, les 6 photographies jointes à la demande sont prises sous des angles de vues qui ne permettent ni d'avoir une vision globale du vaste terrain d'assiette, ni d'apprécier la place qu'occupe ce terrain dans son environnement proche ; que, par suite, c'est en méconnaissance de l'article R.421-2 du code de l'urbanisme que le permis de construire en litige a été délivré
    »
    (CAA. Marseille, 26 janvier 2012, M. A…, req. n°10MA01677).

    Mais à l’occasion de la cassation d’un autre arrêt de la même Cour, le Conseil d’Etat vient à nouveau de s’écarter de cette application classique du principe d’indépendance des procédures en jugeant que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumises aux juges du fond que le terrain d'assiette du projet en litige figure sur la liste des éléments architecturaux et paysagers à préserver annexée au plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE SAINT-RAPHAËL sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ; que dès lors, il se trouve dans l'une des zones dans lesquelles s'appliquent les prescriptions de l'article R. 430-3 du même code ; que M. C a déposé le même jour ses demandes concernant les deux permis de démolir et le permis de construire nécessaires à la réalisation de l'extension de son habitation ; que si le dossier joint à la demande qui concernait le permis de démolir annulé par l'arrêt n° 08MA03502 ne comportait qu'un nombre limité de documents photographiques, d'autres photographies répondant aux prescriptions de l'article R. 430-3 précité figuraient dans le dossier joint à la demande qui concernait le permis de construire ; que les demandes, qui concernaient un projet de démolition partielle et de reconstruction en vue d'extension relative à une seule et même opération, n'étaient pas dissociables, alors même qu'elles étaient instruites distinctement ; que, dans ces conditions, en jugeant que le dossier de demande de permis de démolir ne comportait pas les documents photographiques requis faisant apparaître les conditions de son insertion dans les lieux environnants, et en particulier dans le parc au sein duquel il est implanté, sans tenir compte des documents figurant dans le dossier de demande de permis de construire présenté le même jour, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit ».

    Ce faisant le Conseil d’Etat a donc redonné à l’ancien article R.421-3-4 et à l’actuel article R.431-21 b) du Code de l’urbanisme leur pleine logique dès lors que ces dispositions ont pour seul but d’assurer la coordination entre la procédure d’instruction de la demande de permis de construire et de permis de démolir. Telle est la raison pour laquelle, compte tenu du principe d’indépendance des procédures, le seul fait que l’administration ait effectivement été précédemment saisie d’une demande de permis de démolir avant de délivrer un permis de construire n’assure pas la légalité de ce dernier au regard de l’article R.431-20 du Code de l’urbanisme mais qu’en revanche, le fait que la demande de permis de démolir n’ait pas été jointe au dossier de demande permis de construire est sans incidence si le permis de démolir a été délivré avant la délivrance du permis de construire puisqu’alors l’administration est réputée avoir eu connaissance de la première autorisation avant de délivrer la seconde (CE. 26 octobre 1994, OPHLM du Maine-et-Loire, req. n°127.718).


    En raison de cette coordination des procédures, il est donc normal que la régularité formelle des dossiers soit appréciée globalement, comme s’ils n’en formaient qu’un, et que ce soit au regard de cet ensemble que les services instructeurs apprécient la conformité du projet objet de la demande sur laquelle ils statuent.

    Cette conclusion logique n’est toutefois pas sans limite. D’autres dispositions du Code de l’urbanisme imposent en effet au pétitionnaire de produire à son dossier de demande les justificatifs se rapportant aux demandes d’autorisations administratives requises pour la mise en œuvre de son projet.


    On pense notamment à l’ancien article R.421-3-2 et à l’actuel article R.431-20 imposant notamment que le cas échéant le pétitionnaire produise à son dossier de demande de permis de construire le justificatif de la demande d’autorisation d’exploiter exigées pour les installations classées pour la protection de l’environnement. Or, si cette production est également justifiée par la nécessaire coordination de la procédure d’instruction de la demande de permis de construire et de l’autorisation d’exploiter, il reste que l’on a un certain mal ici à en saisir l’utilité dès lors qu’au-delà du principe d’indépendance des législations, l’une et l’autre de ces deux autorisations n’ont pas le même objet ; à la différence d’un permis de construire et d’un permis de démolir qui chacun se rapporte à l’exécution de travaux.

    En outre, la délivrance de ces autorisations relève en principe de la compétence d’autorité distincte ; le permis de construire étant en principe délivré par le Maire, l’autorisation d’exploiter par le Préfet.

    Malheureusement , on voit donc mal, notamment, comment le défaut de production de l’étude d’impact au dossier au vu duquel le Maire doit statuer sur la demande de permis de construire pourrait être pallié par la présence de l’étude jointe au dossier de demande d’autorisation d’exploiter soumis au Préfet...

    … Sans compter, précisément, que l’arrêt du Conseil d’Etat objet de la note de ce jour ne vise en fait pas l’article R.421-3-4 du Code de l’urbanisme alors applicable. Et pour cause puisque la décision contestée en l’espèce n’était pas le permis de construire mais le permis de démolir dont le dossier de demande n’avait pour sa part pas à justifier d’une demande d’autorisation de construire…

    Le Conseil d’Etat a en effet retenu la solution commentée non pas en raison des dispositions relatives à la coordination des instructions des demandes de permis de construire et de permis de démolir mais en considération du fait que « les demandes, qui concernaient un projet de démolition partielle et de reconstruction en vue d'extension relative à une seule et même opération, n'étaient pas dissociables, alors même qu'elles étaient instruites distinctement ».

    C’est donc l’indissociabilité (déjà reconnue) des travaux de démolition et de construction projetés qui justifie que l’administration soit réputée être en mesure de puiser dans l’un des dossiers de demande lui étant soumis la pièce qui manque dans l’autre.

    Or, comme on le sait, c’est au premier chef ce principe d’indépendance des procédures qui explique qu’en principe, un ensemble immobilier unique, et donc indissociable, doive faire l’objet d’une seule et même demande de permis de construire de sorte à ce que l’administration puisse apprécier la matérialité et la conformité du projet dans sa globalité.

    Paradoxalement, cette nécessité ressort au premier chef de l’arrêt « Ville de Grenoble » qui a certes permis le fractionnement de la réalisation d’un ensemble immobilier unique en plusieurs permis de construire lorsque l’ampleur et la complexité du projet le justifie et que ce fractionnement a vocation à s’opérer à l’égard de composante du projet dotée d’une autonomie fonctionnelle mais ce, « sous réserve que l'autorité administrative ait vérifié, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés ».

    L’administration doit donc vérifier que pris dans sa globalité, et non pas composante par composante, et demande par demande, le projet respecte l’ensemble des règles projet lui étant opposables et, en d’autres termes, que le fractionnement de sa réalisation en plusieurs autorisations n’aboutit pas à contourner une ou plusieurs de ces règles (pour l’exemple d’un fractionnement frauduleux : CAA. Paris, 18 octobre 2001, MM. Frack & Pinvin, req. n° 98PA02786).

    Par cette réserve il s’agit donc de compenser le fractionnement d’une opération indivisible en autorisations distinctes en globalisant leur instruction malgré un principe d’indépendance des procédures s’opposant à un tel fractionnement.

    Mais si dès lors que les demandes d’autorisations se rapportant à une opération indissociable doivent en toute hypothèse être appréciées dans leur globalité, force est d’admettre que l’on voit maintenant mal pourquoi il faudrait réserver cette exception aux seuls cas visés par l’arrêt « Ville de Grenoble ».

     

     
    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • De l’annulation partielle des refus d’autorisation d’urbanisme

    Indépendamment de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, un refus d’autorisation d’urbanisme peut faire l’objet d’une annulation partielle dès lors que la demande porte sur un projet divisible.

    CAA. Marseille, 12 janvier 2012, M. A…, req. n°10MA00363


    Au regard des attentes liées à l'entrée en vigueur de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, les premières décisions juridictionnelles rendues en application de celui-ci se sont révélées assez décevantes. Pour l'essentiel, ces décisions sont en effet apparues comme une transposition de la jurisprudence antérieurement rendue en la matière et, en d'autres termes, se sont souvent bornées à faire ou non application de cet article en considération de la divisibilité du projet au regard des critères traditionnels de cette notion ; sans compter les nombreuses décisions se prononçant sur la possible annulation partielle de l'autorisation contestée sans même viser cet article (pour exemple, CAA Lyon 21 juin 2007, Ministre de l'équipement, req. n° 04LY01501).

    Il faut dire que si les travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 laissaient à penser que la volonté du législateur était d'aller au-delà de la jurisprudence antérieure, il n'en demeure pas moins que l'article L. 600-5 prévoit la possibilité d'annuler partiellement l'autorisation attaquée uniquement lorsque le juge constate que « seule une partie » du projet est illégale, ce qui induit que ce projet doit être suffisamment dissociable pour qu'une partie de celui-ci puisse être isolée. La rédaction de l'article L. 600-5 pouvait ainsi être lue comme renvoyant le juge aux conditions auxquelles une autorisation d'urbanisme pouvait n'être que partiellement annulée au regard de la jurisprudence antérieure.

    Ainsi, dans un premier temps l'essentiel de la jurisprudence s'est caractérisé par une interprétation de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme conférant peu d'intérêts à ce dispositif au regard du régime antérieur à son entrée en vigueur. Un arrêt s'est cependant singularisé : celui par lequel la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris 4 déc. 2008, SA Hôtel de la Bretonnerie et Ville de Paris, req. n° 07PA03606) a annulé un permis de construire en tant qu'il méconnaissait l'article 12 du règlement local d'urbanisme applicable et ce, bien que « l'illégalité dont est entaché le permis de construire litigieux du fait de l'absence de place de stationnement affecte le projet de construction dans sa totalité ». Ce faisant, la cour administrative d'appel de Paris s'est donc affranchie des considérations liées à l'interdépendance juridique des composantes du projet et, par voie de conséquence, a laissé subsister un permis de construire qui, tel qu'issu de son annulation partielle, était encore illégal pour méconnaître les dispositions du PLU communal relatives au stationnement. Pour autant, cet arrêt fut ultérieurement confirmé par le Conseil d'Etat (CE 23 févr. 2011, SNC Hôtel de la Bretonnerie, req. n° 325179).

    Est-ce à dire que la recherche du caractère divisible ou indivisible de la décision contestée n’a plus lieu d’être dans le cadre du contentieux des autorisations d’urbanisme. ? Assurément non, au premier chef pour ce qui concerne les décisions de refus d’autorisations. L’arrêt commenté ce jour en est une parfaite illustration.

    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait sollicité un permis de construire portant tout à la fois sur une maison d’habitation et un hangar agricole ; cette demande devant toutefois être jetée de façon globale et au motif tiré de l’article NC1 du règlement de POS disposant : « occupations et utilisations du sol admises : (...) les bâtiments à usage d'exploitation agricole, les élevages et les habitations directement liées et nécessaires aux besoins, sous réserve : que le demandeur apporte la preuve d'un lien suffisant entre la construction, la nature des activités ».

    Or, si la maison d’habitation était indissociable du hangar projeté, ce dernier était pour sa part parfaitement autonome puisque sa conformité ne dépendait pas de la réalisation de cette maison. A cet égard, le projet et la décision contestée étaient donc divisibles. C’est en conséquence que la Cour administrative d’appel de Marseille devait donc juger que :

    « considérant que M. A, qui est reconnu comme exploitant agricole à titre principal par la mutuelle sociale agricole, ne démontre toutefois pas que les cultures maraîchère et fruitière auxquelles, selon lui, il entend dédier les quatre hectares de terrain qu'il possède en zone agricole sur le territoire de la commune de Montescot nécessiteraient qu'il soit logé sur l'exploitation ; que, dès lors, son projet de construction d'une maison d'habitation en zone agricole méconnaît l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols ;
    Considérant, en revanche, que le maire de la commune de Montescot ne pouvait se fonder sur ces seules dispositions pour refuser à M. A de lui délivrer un permis de construire pour un hangar agricole, sans rechercher s'il n'existait pas un lien entre cette construction et les cultures maraîchères et notamment si l'importance du hangar était proportionnée à l'activité agricole du pétitionnaire ;
    Considérant que les dispositions de l'arrêté en litige, qui refuse à la fois, les constructions séparées d'un hangar et d'une maison d'habitation, présentent un caractère divisible ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède, eu égard au caractère divisible de ses dispositions, que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation du refus de lui délivrer un permis pour la construction d'un hangar agricole
    ».


    La décision de refus contestée fut donc partiellement annulée mais ce, uniquement en considération du caractère divisible du projet en cause et ainsi sans référence aucune à l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    Comme on le sait, en effet, l'article L. 600-5 ne vise donc que les décisions positives prises sur les demandes d'autorisation et, par voie de conséquence, semble ainsi exclure de son champ d'application les décisions de refus (en ce sens : CAA Nancy 11 oct. 2007, Commune de Wolfisheim, req. n° 06NC00685).

    Ceci semble pouvoir s'expliquer par la portée de l'annulation d'un refus d'autorisation d'urbanisme, laquelle n'aboutit pas pour le pétitionnaire à l'obtention, même tacite, de l'autorisation précédemment sollicitée puisqu'elle a pour seule conséquence d'obliger l'administration à statuer à nouveau sur la demande. Or, l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme prononcée au titre de l'article précité n'a pas nécessairement vocation à assurer la conformité du projet résultant du prononcé de cette mesure ; cette régularisation pouvant nécessiter l'obtention du « modificatif » visé par l'alinéa 2 de ce même article. Ainsi, si l'on transposait ce dispositif à un refus d'autorisation, une annulation partielle d'une telle décision pourrait obliger l'administration à statuer à nouveau sur la demande pour ainsi délivrer une autorisation d'urbanisme illégale.

    Prenons en effet l'exemple d'un refus de permis de construire motivé par le seul fait que la rampe d'accès au parc de stationnement dédié au bâtiment projeté ne soit pas conforme aux règles d'implantation lui étant opposables. Le pétitionnaire attaque ce refus et le juge administratif l'annule partiellement ou a contrario ne valide ce refus qu'en tant qu'il porte sur l'implantation de la rampe d'accès. L'administration devrait alors statuer à nouveau sur la demande en lui opposant un refus partiel uniquement pour ce qui concerne la rampe d'accès et, pour le reste, autoriser un projet ne comportant aucun accès possible au stationnement prévu pour répondre aux prescriptions de l'article 12 du règlement d'urbanisme applicable. Certes, on pourrait objecter qu'il en va finalement de même de l'autorisation résultant d'une annulation partielle prononcée au titre de l'article L. 600-5. Mais outre que la légalité d'une autorisation d'urbanisme n'a pas vocation à être appréciée au regard des conséquences de son annulation partielle, cet article ne concerne que les pouvoirs du juge et, par voie de conséquence, n'a aucune incidence sur la compétence de l'administration qui, pour sa part, doit statuer sur la demande dans le respect de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ; ce qui implique qu'elle ne peut légalement délivrer un permis de construire qu'à la condition que le projet autorisé soit en tous points conforme aux normes qu'une telle autorisation a vocation à sanctionner.

    Pour autant, toute possibilité d'annulation partielle d'un refus d'autorisation n'est donc pas exclue. Et pour cause puisqu'elle était déjà possible avant l'entrée en vigueur de l'article L. 600-5 mais à la condition que le projet soit divisible.

    On peut relever que la Cour administrative d'appel de Marseille avait déjà prononcé l'annulation partielle d'un refus de permis de construire mais ce, en considération de la seule divisibilité du projet et ainsi sans même viser l'article L. 600-5 (CAA Marseille 14 avr. 2011, Commune de Cogolin, req. n° 09MA01964) ou, a contrario, a validé globalement un tel refus au motif que :

    « Considérant que si la construction du garage destiné au rangement de matériels agricoles, dont deux tracteurs et un camion, aurait pu être autorisée sur le fondement de l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols, la construction de ce garage au rez-de-chaussée de la maison d'habitation n'est pas divisible de celle-ci ; que, par suite, pour le seul motif de la méconnaissance de l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols, le maire de la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES pouvait légalement refuser à Mlle Audrey A un permis de construire une maison d'habitation et un garage ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision en date du 30 août 2006 refusant à Mlle B la délivrance d'un permis de construire d'un bâtiment à usage d'habitation comprenant un garage
    » (CAA. Marseille, 14 avril 2011, Cne de Saint-Etienne du Grès, req. n°°09MA01608).


    C’est donc bien qu’au nouveau régime issu de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme subsiste celui antérieur à l’entrée en vigueur de ce dispositif, permettant ainsi l’annulation partielle des autorisations d’urbanisme divisibles, y compris lorsqu’elles sont entachées d’un vice qui ne peut pas être aisément régularisé par un simple « modificatif ».

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés