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Sur l’appréciation de la constructibilité d’un terrain issu d’une division réalisée en exécution d’un permis de construire groupé

Dès lors qu’à la différence d’un lotissement, un permis de construire valant division cesse de produire ces effets dès lors qu’il est entièrement exécuté, la constructibilité d’un terrain issu d’une division réalisée en exécution d’une telle autorisation groupée doit, à partir du moment où l’opération groupée initiale est achevée, s’apprécier au seul regard de la superficie propre de cette parcelle.

CAA. Marseille, 20 décembre 2011, Cne du Bacares, req. n°10MA00036


Sauf à ce que le PLU s’y oppose, il résulte de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme que l’instruction d’une demande de permis de construire valant division a vocation à s’opérer au regard de l’ensemble du projet et donc, notamment, indépendamment des divisions foncières induites par sa réalisation. Il s’ensuit notamment que l’implantation des bâtiments sur le terrain d’assiette de l’opération sera en principe appréciée au regard des prescriptions de l’article 8 du règlement local d’urbanisme.

Il reste que, précisément, la réalisation du projet modifiera la consistance de l’assiette foncière au regard de laquelle la demande initiale a été instruite puisque la mise en œuvre effective des divisions prévues aura pour effet, du moins si ces divisions s’opèrent en propriété, de créer plusieurs unités foncières dont les limites constitueront des limites séparatives au sens de l’article 7 d’un règlement local d’urbanisme. Or, les règles fixées par l’article 7 et par l’article 8 d’un tel règlement sont le plus souvent différentes ; sans compter qu’à la différence de l’article 7, l’article 8 ne compte pas parmi ceux qu’un PLU doit obligatoirement réglementer. De même, la superficie des terrains créés pourra ne plus être conforme à l’article 5 et l’emprise des constructions et leur COS pourront ne plus être réguliers au regard des articles 9 et 14.

De ce fait, la réalisation du projet pourra aboutir à l’édification de bâtiments qui pour être parfaitement conformes au permis de construire les ayant autorisés ne seront cependant pas régulières au regard des prescriptions du règlement de PLU, telle qu’il conviendrait de les appliquer terrain par terrain, bâtiment par bâtiment après l’achèvement du projet ; ce qui au regard de la jurisprudence « Sekler » est de nature à réduire substantiellement les possibilités de construction attachées aux terrains créés et aux bâtiments édifiés en exécution du permis initial, pour autant toutefois que cette jurisprudence trouve réellement à s’appliquer en la matière.

Il faut en effet rappeler que pour avoir été édifiée conformément à un permis de construire valide n’ayant pas été ultérieurement annulé ou retiré, une construction peut néanmoins ne pas être conforme aux prescriptions d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle de nouveaux travaux sont projetés sur cette construction.

Cette situation n’interdit pas tous travaux et n’impose pas non plus l’entière régularisation de la construction existante mais a pour effet de les placer sous l’empire de la jurisprudence « Sekler », selon laquelle « la circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan d'occupation des sols régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions » (CE.27 mai 1988, Mme Sekler, req. n°79530).

De deux choses l’une en résumé, soit les travaux projetés sur la construction existante présente un lien avec la règle méconnue et alors ils devront améliorer la non-conformité de cette construction à cette règle, soit les travaux projetés sont étrangers à la règle méconnue et alors il ne sera pas nécessaire d’atténuer la non-conformité de l’ouvrage existant ; étant précisé que la jurisprudence « Sekler » s’applique aussi bien aux travaux assujettis à permis de construire qu’à ceux relevant simplement du régime déclaratif (CE. 13 octobre 1993, Mme Clément, req. n°126.112 ; CE. 14 février 1996, Mme Dechavanne, req. n°152.895) et concerne l’ensemble des dispositions d’urbanisme applicables à un projet de construction, c’est-à-dire les dispositions du règlement local d’urbanisme (POS/PLU) mais également les dispositions du règlement national d’urbanisme (CAA. Bordeaux, 9 mai 2006, M. Gouaux, req. n°02BX02451) ou encore les prescriptions d’un règlement de lotissement (CE. 3 juillet 1991, Epx Guillemot, req. n°87.550), voire les stipulations d’un cahier des charges de lotissement (CAA. Marseille, 11 décembre 2008, SCI ELFA, req. n°06MA02026).

S’il y a évidemment lieu de s’interroger sur les conséquences de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme au regard de la jurisprudence « Sekler », il n’est toutefois pas si évident que la mise en œuvre de cet article appelle inévitablement l’application ultérieure de cette jurisprudence.

L’article précité dispose en effet que : « dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, l'ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d'urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ».

Il s’ensuit que cet article ne précise pas expressément n’avoir vocation à s’appliquer qu’au stade de l’instruction de la demande d’autorisation. Il est vrai qu’en ce sens, il précise toutefois que les règles du PLU sont appréciées au regard de « l’ensemble du projet ».

Il reste que chacun s’accorde à reconnaitre que l’article précité en ce qu’il vise les lotissements, et non pas spécifiquement le permis d’aménager ou la déclaration préalable d’aménagement, a également vocation à s’appliquer au stade de la délivrance de chacun des permis de construire délivré sur chacun des lots du lotissement et ce, alors même que, d’une part, aucun de ces permis de construire ne porterait lui-même sur une opération groupée et que, d’autre part, l’autorisation portant sur le lotissement serait exécutée, c’est-à-dire alors même que ce lotissement serait achevé et ne constituerait plus un « projet ». L’article R.123-10-1 n’apparait donc pas s’opposer en lui-même à ce que la conformité ultérieure des ouvrages soit appréciée selon les modalités fixées par cet article.

Dès lors, il faut rappeler que si elle est de fait susceptible de s’appliquer à d’autres cas, la jurisprudence « Sekler » part du postulat selon lequel le permis de construire d’origine a été régulièrement délivré et exécuté et, par voie de conséquence, que l’irrégularité de l’ouvrage considéré procède d’une évolution ultérieure des prescriptions du règlement local d’urbanisme. Or, si le permis de construire n’est pas un acte d’application du POS/PLU il vise néanmoins à contrôler et à sanctionner le respect des prescriptions que ce document d’urbanisme édicte et, donc, à en faire application, telles qu’elles sont en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation d’urbanisme considérée.

De ce fait, on pourrait raisonnablement considérer qu’en l’absence d’évolution des règles du POS/PLU, la conformité ultérieure des ouvrages réalisées au regard de ces règles doit être appréciée en considération des modalités selon lesquelles elles ont été appliquées au stade de la délivrance de l’autorisation.

Tel n’est toutefois pas le sens de l’arrêt commenté ce jour.

Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire une maison individuelle et un abri de jardin développant 83 mètres carrés de SHON sur un terrain d’une contenance de 117 mètres carrés, lequel était issu d’un tènement plus vaste ayant antérieurement fait l’objet d’une opération groupée réalisée dans le cadre d’un permis de construire valant division.

La question était alors de savoir si la conformité de ce permis de construire devait être appréciée au regard du terrain d’origine, tel qu’il était constitué au moment de l’obtention du permis groupé initial, ou à l’échelon du seul terrain d’assiette du permis de construire en litige. C’est la seconde solution qu’a donc retenu la Cour administrative d’appel de Marseille au motif suivant :

« Considérant que par un arrêté du 23 février 1967, le préfet des Pyrénées-Orientales a délivré à la COMMUNE DU BARCARES un permis de construire pour la création d'un village de pêcheurs au lieu-dit Cap de Front ; qu'un permis de construire rectificatif a été accordé à la commune en 1971 pour la construction de 35 habitations ; qu'eu égard à son objet portant sur la construction sur un même terrain de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette devait faire l'objet d'une division en jouissance avant l'achèvement de l'ensemble du projet, ce permis de construire constituait un permis groupé valant division ;
Considérant qu'à la différence du règlement d'un lotissement qui peut continuer à s'appliquer si les co-lotis en font la demande, le permis de construire valant division de 1971 a cessé de produire des effets juridiques, au plus tard, à compter du moment où il a été entièrement exécuté ; que la légalité du permis de construire en litige, qui n'est pas lui-même un permis de construire valant division mais qui autorise la construction d'une maison d'habitation sur une parcelle de 117 m² sur laquelle la construction d'une maison, démolie depuis, avait été autorisée en 1971 par un permis de construire valant division, doit être appréciée au regard des règles d'urbanisme applicables au seul terrain d'assiette à la date de l'arrêté en litige
».


Certes, cet arrêt a été rendu au sujet d’un terrain issu d’une division réalisée en exécution d’un permis valant division parcellaire délivré à une époque où il n’existait aucune disposition équivalente à l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme s’agissant des permis d’opérations groupées.

Force est cependant d’admettre que le raisonnement retenu par la Cour dans cette affaire est parfaitement transposable au régime actuel ; sans compter que l’on a dû mal à penser que la Cour – qui au demeurant semble s’être spontanément posée la question – ait statué en faisant totalement abstraction de l’incidence de sa décision au regard de l’article précité.

Ainsi, dans le doute, on rappellera que, dès son arrêt « Sekler », le Conseil d’Etat a précisé que la règle de principe posée par cet arrêt ne vaut qu’en l’absence de disposition du règlement local d’urbanisme spécialement applicable aux travaux portant sur les bâtiments existants. Les règlements locaux d’urbanisme peuvent ainsi prévoir des règles spécifiques pour ces travaux, lesquelles pourront notamment avoir pour seul objet de moduler le principe dégagé par la jurisprudence « Sekler », en l’assouplissant ou en l’aggravant. (pour exemple : CE. 25 février 1998, Cne de Saint-Leu-la-Fôret, req. n°165.185). Et dès lors que le règlement d’urbanisme prévoit des règles spéciales – expressément ou implicitement (pour exemple : CE. 21 novembre 2001, Cne d’Eze-sur-Mer, req. n°217.797) – l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation a obligation d’en faire application (de la même façon qu’en l’absence de telles règles il a l’obligation de statuer en considération de celle posée par la jurisprudence « Sekler »). Quant au juge administratif, celui-ci a l’obligation de rechercher dans les dispositions du règlement d’urbanisme qu’il lui incombe d’appliquer, si ce dernier édicte des règles spécifiques relatifs aux travaux portant sur des bâtiments existants (CE. 29 juin 1998, SA Eaux minérales d’Evian, req.157.110) qu’il doit alors interpréter de façon stricte et cohérente aux fins d’éviter les risques de fraudes (CE. 11 décembre 1998, Sté Bonnabelle, req. n°161.592) mais, le cas échéant, en les faisant primer sur les règles générales qui pourraient s’opposer à leur effet utile (CE. 11 novembre 2006, M. Roptin, req. n°271.387).

Les POS/PLU apparaissent donc ainsi avoir la possibilité de préciser les modalités d’appréciation ultérieure de la conformité et/ou les modalités d’application ultérieure de leur prescription aux ouvrages réalisés en exécution d’une autorisation d’urbanisme délivrée au regard de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme.

En résumé, lorsque les auteurs des PLU n’entendent pas faire exception à la règle de principe posée par l’article précité, il serait donc préférable qu’ils organisent également les conséquences de sa mise en œuvre à l’égard des opérations de construction ultérieurement projetées sur les terrains précédemment détachés en vertu d’une autorisation instruite au regard de cette même règle.

 

Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

Commentaires

  • Ce commentaire de Patrick est intéressant pour plusieurs raisons. D’une part, il nous rappelle que les dispositions de l’article R.123-10-1, sauf exception du plan, peuvent trouver à s’appliquer dans le cas d’une demande de permis de construire portant sur un lot, dès lors que ce lot se situe dans un lotissement, même achevé, à condition qu’il soit toujours en cours de validité. C’est à dire dans les 10 ans de sa délivrance, soit que les règles aient été maintenues après ce délai de 10 ans. Ainsi une demande de permis de construire portant sur un lot de lotissement pourra bénéficier des dispositions de l’article R.123-10-1, sans l’accord spécifique des colotis à cet effet.

    Cet arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Marseille rendu dans le cadre d’un ancien permis valant division parcellaire, nous précise que ce type de permis « a cessé de produire des effets juridiques, au plus tard, à compter du moment où il a été entièrement exécuté ».

    A contrario, un acquéreur pourrait donc entrevoir la possibilité de bénéficier encore des dispositions de l’article R.123-10-1, pour une demande, par exemple, de modification sur une construction initialement prévue par un permis valant division, si ce permis valant division n’est pas encore achevé.

    Si l’on constate une même application de ces dispositions pour un lotissement ou un permis valant division, il en résulte que la procédure et son obtention diffèrent. Dans celui du lotissement, le demandeur bénéficiera automatiquement, sur son lot, de ces dispositions pour sa demande de permis de construire, sans avoir à rechercher désespérément l’accord des colotis. Alors que dans le cadre d’un permis initial valant division non achevé, la doctrine administrative considère que la modification devra être sollicitée par le titulaire initial du permis (CAA Bordeaux 2010, req. n° 09BX 00736) ce qui pourrait par ailleurs nécessiter l’accord des autres acquéreurs éventuels (exemple vente en VEFA). Soulignons que depuis la récente réforme entrée en vigueur le 1° mars 2012 (décret du 28.02.2012) s’est parfaitement envisageable avec la suppression de la notion « sur le même terrain » à l’article R.431-24 du code de l’urbanisme.

    A moins que la demande de modification, en l’absence d’achèvement, puisse être déposée sur la seule assiette foncière de l’acquéreur compte tenu de la possible divisibilité du permis initial, ce qui aboutirait dans ce cas à la naissance de deux autorisations distinctes !

    Cordialement à tous,
    Mansour KADAYAHYA

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