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Sur le défaut de production au dossier de demande du titre habilitant à construire le pétitionnaire

Lorsque le titre habilitant à construire le pétitionnaire consiste en une promesse de vente conclue avec l’autorité compétente pour statuer sur la demande, le défaut de production de cette promesse au dossier produit par le pétitionnaire n’entache pas le permis de construire d’illégalité au regard de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme.

CE. 23 décembre 2011, Association pour la défense et la protection de la commune de Varaville, req. n°322.912


Voici un arrêt qui rendu pour application de l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme conserve néanmoins un intérêt au regard du régime applicable depuis le 1er octobre 2007.

Comme on le sait en effet l’article précité se bornait à disposer que « la demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain » et, par voie de conséquence, ne prescrivait pas lui-même que le pétitionnaire devait produire la preuve de ce titre à son dossier.

Pour autant, le Conseil d’Etat en avait cependant déduit qu’en dehors du cas où le pétitionnaire était le propriétaire du terrain à construire ou du moins en dehors du cas où l’administration était tenue de le regarder comme le « propriétaire apparent » dudit terrain, il incombait au pétitionnaire de produire au dossier une pièce établissant qu’il disposait bien d’un tel titre. Et compte tenu, d’une façon générale, du principe d’indépendance des législations et des procédures et, plus particulièrement, de l’objet et des effets du permis de construire dont il résulte que l’administration est réputée statuer pour ce qui concerne le projet au seul regard des pièces produites par le pétitionnaire, le défaut de production au dossier du titre habilitant à construire le pétitionnaire était en principe de nature à emporter à lui seul l’annulation du permis de construire délivré dans ces conditions.

Mais précisément, tel ne fut pas le cas dans cette affaire. En effet, si le pétitionnaire avait omis de produire son titre au dossier et si pour cette raison son permis de construire devait être annulé en première instance par le Tribunal administratif de Caen, le Cour administrative d’appel de Nantes devait pour sa part retenir une autre solution et ce, pour un motif ainsi confirmé par le Conseil d’Etat :

« considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain (...) ; que pour estimer que la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant justifiait, pour l'octroi du permis de construire litigieux, d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain d'assiette du projet, la cour a pu, sans erreur de droit, se fonder sur l'existence d'une promesse de vente conférant des droits à cette société mais ne figurant pas dans le dossier de demande de permis de construire, dès lors que cette promesse émanait de la commune elle-même ; qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la promesse de vente, initialement consentie au bénéfice de la SARL Foncière Escudier, avait été transférée à la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant , la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en estimant que ce transfert avait créé des droits au profit de la SCI 1 bis rue Guillaume le Conquérant ».

En substance, le Conseil d’Etat a considéré lorsque le titre habilitant à construire le pétitionnaire consiste en une promesse de vente conclu la commune, le défaut de production de cette promesse au dossier produit par le pétitionnaire n’entache pas le permis de construire d’illégalité au regard de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme.

Deux précisions doivent être apportées sur ce point.

D’une part, et d’une façon générale, il faut rappeler qu’une promesse de vente portant sur un terrain à construire conférait à son bénéficiaire la qualité de « propriétaire apparent » de ce terrain au regard de l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme (CE. 13 janvier 1993, M. et Mme. Mijon, req. n° 118.347 ; CE. 1er juillet 1987, Comité de Sauvegard du Bois Plage en Ré, req. n°48886 ; CE. 19 janvier 1994, Comité d’intérêt local de la commune de Saint-Didier, req. n°109.847).

Or, lorsque le pétitionnaire déclarait être propriétaire du terrain objet de sa demande de permis de construire, l’administration compétente ne pouvait légalement pas rejeter cette demande au motif tiré de l’article précité mais ce, sauf en cas de contestation sérieuse par un tiers de la qualité du pétitionnaire (pour l’exemple de la contestation de la validité d’une promesse consentie par la commune : CE. 28 juillet 1995, Sté Logi-Est, req. n°112.775) et/ou lorsque plus généralement l’administration ne pouvait pas ignorer qu’il n’était pas propriétaire dudit terrain (CE. 4 octobre 1989, Bouquet, req. n°67.896).

Il s’ensuit qu’en l’espèce, le pétitionnaire aurait valablement pu se déclarer propriétaire du terrain objet de la demande puisqu’a contrario, non seulement il n’y avait manifestement pas de contestation sérieuse sur ce point mais qu’en outre la commune ne pouvait donc pas ignorer que le pétitionnaire disposait bien d’un tel titre.

Mais quoi qu’il en soit, que le pétitionnaire ait ou non déclaré être propriétaire du terrain à construire dans cette affaire, le Conseil d’Etat a donc considéré que le permis de construire contesté était légal au regard de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme dès lors que la commune l’ayant délivré ne pouvait ignorer qu’elle avait consenti une promesse de vente au pétitionnaire.

Ainsi, la commune agissant en tant qu’autorité compétente pour statuer sur la demande n’est a fortiori pas réputée ignorer que le terrain sur lequel porte cette demande lui appartient.

Or, comme on le sait, s’il résulte des dispositions combinées des actuels articles R.423-1 et R.431-5 du Code de l’urbanisme que le pétitionnaire n’a plus à produire son titre habilitant à construire mais doit seulement attester disposer de l’une des qualités visées par l’article R.423-1, il n’en demeure pas moins que le juge semble néanmoins avoir vocation à contrôler la validité de cette attestation et la réalité de cette qualité.

Dans cette mesure, ces articles semblent ainsi avoir généralisé la théorie du « propriétaire apparent », telle qu’elle avait été dégagée par la jurisprudence rendue sous l’empire de l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme.

Au regard de la portée de l’arrêt commenté ce jour, il semble donc raisonnable de considérer qu’une commune pourrait valablement opposer un refus de permis de construire à une demande portant sur un terrain lui appartenant alors qu’elle n’a consentie aucun titre à cet effet au pétitionnaire puisqu’elle ne peut alors pas ignorer que l’attestation néanmoins fournie par le pétitionnaire est à tout le moins erronée.

D’autre part, et plus spécifiquement, si le Conseil d’Etat n’a pas mis cette considération en exergue force est néanmoins de considérer que la solution retenue en l’espèce ne peut valoir que lorsque la personne publique ayant consentie son « titre habilitant à construire » au pétitionnaire est l’autorité compétente pour statuer sur la demande de permis de construire présentée par celui-ci.

Mais dès lors il faut rappeler que le principe de l’attestation prévue par l’article R.431-5 précité connait cependant une forme d’exception puisque l’article R.431-13 du Code de l’urbanisme toutefois que « lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public » ; étant rappelé qu’au regard de l’ancien article R.421-1-1 (al.3) qui a cet égard disposait que « lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d'occupation du domaine public, l'autorisation est jointe à la demande de permis de construire », l’article R.431-13 apparait en l’état comme un assouplissement d’ordre formel n’ayant en revanche pas vocation a remettre en cause le contrôle que peut opérer le juge sur la propension de la dépendance du domaine public considéré à accueillir la construction projetée (CAA. Bordeaux, 28 octobre 2010, Mme Sylviane X., req. n°10BX00075).

Il n’en demeure pas moins que l’autorité « gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public » au regard de l’article R.431-13 précité peut être la même que celle à laquelle il incombe de statuer sur la demande de permis de construire.
Par voie de conséquence, dans ce cas, et lorsque cet « accord » a bien été octroyé au pétitionnaire mais n’a en revanche pas été joint au dossier de demande, il semble également possible de considérer que la solution retenue par le Conseil d’Etat dans l’arrêté commenté ce jour est de nature à avoir une incidence sur la jurisprudence rendue en application de l’alinéa 3 de l’ancien article R.421-1-1 précité au titre duquel il avait notamment été jugé que :

« Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme : « La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique. (...) / Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d'occupation du domaine public, l'autorisation est jointe à la demande de permis de construire » ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de construction litigieux comportait la réalisation d'un nouvelle entrée à partir de la voie publique qui nécessitait un aménagement permanent d'une dépendance de la voie publique bordant le terrain d'assiette de cette construction ; que la création de cette nouvelle entrée nécessitait l'obtention d'une permission de voirie, laquelle a été délivrée le 14 mars 2004 ; qu'il est constant toutefois que l'arrêté accordant cette autorisation d'occupation du domaine public n'a jamais été joint à la demande de permis de construire présentée par la SCI DU PARC DE FONDARGENT ; qu'en statuant sur cette demande alors que cette société n'avait pas produit cette autorisation d'occupation du domaine public, et quand bien même celle-ci avait été délivrée par le maire de Saint-Orens de Gameville, ce dernier a, comme l'ont à juste titre estimé les premiers juges, méconnu les dispositions du dernier alinéa de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme » (CAA. Bordeaux, 19 mai 2008, SCI Parc de Fondargent, req. n°06BX01188).



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés
 

Commentaires

  • une analyse à enrichir avec l'arrêt tout à fait tranché Conseil d'Etat, 15 février 2012, 333631 !
    ( http://arianeinternet.conseil-etat.fr/arianeinternet/getdoc.asp?id=193626&fonds=DCE&item=1 )

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