Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

JURISURBA - Page 51

  • Veille administrative – Réponse ministérielle : Bonne foi du requérant & Recours abusif

    Texte de la question publiée au JO le : 26/04/2011 page : 4163
    « M. Raymond Durand attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les conséquences de l'augmentation des procédures de recours en matière d'autorisations du droit des sols. Ces procédures, le plus souvent déclenchées par les associations de protection de la nature et/ou particuliers, revêtent un caractère systématique notamment lorsqu'il s'agit d'autorisations préalables ou de permis de construire relevant de leurs sphères d'influence. Elles engendrent un coût financier non négligeable, tant pour les collectivités que pour les administrés et entreprises. Les délais de jugement étant relativement longs en raison de l'engorgement des tribunaux administratifs, les projets concernés sont bloqués ce qui n'est pas sans conséquences sur la situation de l'emploi. L'intervention d'avocats spécialisés représente un coût non négligeable dans la mesure où aucune indemnité compensatrice n'est due à la collectivité quelle que soit l'issue de la procédure. Le contribuable est, quant à lui, doublement pénalisé, ces associations étant très souvent subventionnées par l'État et/ou collectivités territoriales. Aussi, dans un souci de protection des finances publiques, il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur cette question et les mesures qu'il envisage de prendre afin de réduire notablement la recevabilité des recours intentés dans ce domaine ».

    Texte de la réponse publiée au JO le : 23/08/2011 page : 9189
    « Tout d'abord, la juridiction administrative a effectué un effort considérable pour réduire ses délais moyens de traitement de l'ensemble des affaires qui lui sont soumises. Le délai moyen de jugement par les tribunaux administratifs a ainsi diminué de trois mois entre 2007 et 2010, pour s'établir aux alentours de onze mois en 2010. On ne peut donc parler d'engorgement des tribunaux administratifs. En outre, les recours contentieux à l'encontre des autorisations d'urbanisme n'étant pas suspensifs, ils n'ont pas pour effet de geler les projets contestés. Ce gel résulte du choix du titulaire de l'autorisation de ne pas initier les travaux prévus, ce qui a pour effet pernicieux d'encourager la multiplication des recours dilatoires. S'agissant du coût, pour les collectivités, des recours contre leurs autorisations d'urbanisme, il convient de rappeler que, s'agissant d'un contentieux de la légalité, elles peuvent assurer elles-mêmes leur défense, la représentation par un avocat devant le tribunal administratif n'étant pas obligatoire pour ce type de contentieux (art. R. 431-2 du code de justice administrative). La condamnation de la partie perdante au paiement des frais irrépétibles relève de la libre appréciation du juge. En effet, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour condamner la partie perdante d'une instance au paiement des frais irrépétibles, « le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ». Dès lors que cette appréciation doit reposer sur des considérations d'équité et tenir compte de la situation économique de la partie perdante, il n'est pas anormal que ces dispositions ne soient pas appliquées de manière symétrique selon que celle-ci est une personne physique ou une collectivité territoriale. Cela ne fait cependant pas obstacle à ce que la collectivité défenderesse porte à la connaissance du tribunal administratif la nature et le montant des frais qu'elle a été amenée à exposer à raison de l'instance. Enfin, le Gouvernement n'envisage pas de prendre des mesures visant à réduire la recevabilité des recours. Celles-ci risqueraient de porter atteinte au droit à un recours effectif, protégé tant constitutionnellement (art. 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789) que conventionnellement (art. 13 de la Convention européenne des droits de l'Homme). Elles auraient en outre pour effet de pénaliser l'ensemble des requérants, alors que l'immense majorité d'entre eux est de bonne foi ».


    Outre que la réponse ministérielle susvisée n’est pas nécessairement révélatrice de ce que pourrait être le contentieux des autorisations d’urbanisme à l’issue de la prochaine réforme liée à « l’urbanisme de projet », celle-ci doit être nuancée en ce qu’elle précise qu’un renforcement des conditions de recevabilité des recours aurait « pour effet de pénaliser l'ensemble des requérants, alors que l'immense majorité d'entre eux est de bonne foi » et induit ainsi, au regard de l’économie générale de cette réponse, qu’un recours exercé par un requérant de bonne foi ne présente pas un caractère abusif, alors que, même si l-on peut partager ce constat de fait sur les intentions d'une majorité de requérants, tel n’est pas nécessairement le cas.

    Bien que cette réponse n’aborde pas cette question, qui ne lui était d’ailleurs pas posée, il faut en effet rappeler que l’auteur d’un recours en annulation à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme n’agit pas en totale impunité puisque non seulement il peut se voir condamner par le juge administratif, outre au paiement des frais dits irrépétibles (mais qui, donc, le sont), à une amende pour recours abusif (art. R.742-1 ; C.urb) mais qu’en outre celui-ci peut lui-même s’exposer à une action civile pour recours abusif qui sera le plus souvent exercée par le titulaire de l’autorisation d’urbanisme contestée et ce, sur le fondement de l’article 1382 du Code de civil ; le caractère abusif de son recours étant alors appréciée au regard de l’article 32-1 du Code de procédure.

    Or, si est vrai que traditionnellement la jurisprudence considérait que l’exercice d’une action en justice ne dégénérait en faute susceptible d’entraîner une condamnation à des dommages et intérêts que si cette action procédait d’une mauvaise foi caractérisée ou d’une erreur grossière équivalente au dol (voir pour exemple : Cass. Civ, 19 octobre 1943, S. 1944, I, p.43), il reste que tel n’est plus le cas.

    En effet, l’exigence systématique d’une faute grossière ou dolosive a été abandonnée par la Cour de cassation, laquelle considère dorénavant qu’une « simple légèreté blâmable » peut constituer une faute au sens des articles.32-1 du Code de procédure civile et e l’article 1382 du Code civil (voir pour exemple : Cass. 30 octobre 1968, JCP. 1969, II, p. 19954 ; Cass. 12 janvier 1976, JCP. 1977, II, p. 18378 ; Cass. 5 mai 1978, Bull. II, n° 416).

    Ainsi toute faute dans l’exercice d’une voie de droit est susceptible d’engager la responsabilité de son auteur (Cass. civ., 18 janvier 2001, pourvoi n°00-12.230) puisqu’à titre d’exemple et à l’encontre de l’auteur d’un recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire, la Cour de cassation a pu jugé que :

    « Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... ont saisi le tribunal administratif de Marseille de plusieurs procédures pour solliciter le sursis à exécution et l'annulation de deux permis de construire délivrés à MM. Z..., propriétaires de parcelles contiguës à leur immeuble ; qu'ils se sont désistés des appels formés contre les jugements ayant rejeté leurs demandes ; que MM. Z... les ont assignés en responsabilité et dommages-intérêts pour abus du droit d'ester en justice ;
    Attendu que, pour rejeter ces demandes, l'arrêt énonce que, si l'exercice d‘une action en justice peut être constitutif d'abus, celui qui s'en prévaut doit démontrer que ce droit a été exercé dans l'intention de nuire, cette intention pouvant se caractériser dès lors que le titulaire de ce droit ne devait en tirer aucun avantage ni aucune utilité appréciable ;
    Qu'en statuant ainsi, alors que toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé
    » (Cass. civ., 11 septembre 2008, pourvoi n°07-18.483) ;


    En résumé, la bonne foi du requérant de l’affranchit pas des conséquences éventuelles de la faute qu’il a pu commettre dans l’exercice de son recours.

    Et pour le reste, on est heureux d’apprendre à la lecture de cette réponse que « les recours contentieux à l'encontre des autorisations d'urbanisme n'étant pas suspensifs, ils n'ont pas pour effet de geler les projets contestés » et, donc, qu’en fait, « ce gel résulte du choix du titulaire de l'autorisation de ne pas initier les travaux prévus », si bien qu’ainsi, c’est ce choix « qui a pour effet pernicieux d'encourager la multiplication des recours dilatoires » ; étant toutefois précisé que même à l’admettre « ce choix » ne s’opposera pas à ce que le pétitionnaire obtienne du requérant la réparation des préjudices susceptibles de résulter de ce gel (Cass. civ. 2 décembre 2008, pourvoi n°07-19.645).

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Quand la démolition d'une construction ne consiste pas à démolir un bâtiment

    Le fait qu’un projet de construction implique la démolition d’un ouvrage existant sur le terrain à construire n’implique pas que le dossier de demande de permis de construire justifie de la demande de permis de démolir requise si cet ouvrage ne constitue pas un bâtiment.

    CAA. 31 mai 2011, SCI Bercy Village, req. n°10PA06101

    Voici un arrêt récemment mis en ligne sur Légifrance qui pour le coup appelle en lui-même peu de commentaires mais permet de répondre à deux des interrogations générées par la réforme des autorisations d’urbanisme entrée en vigueur le 1er octobre 2007.

    Comme on le sait en effet, là où sous l’empire du dispositif applicable jusqu’au 1er octobre 2007, l’ancien article L.430-2 du Code de l’urbanisme ainsi que les articles pris pour application de celui-ci se bornait à viser les bâtiments, les articles L.421-3, R. 421-27 et R. 421-28 visent pour leur part les constructions.

    Or, cette terminologie n’est pas sans incidence puisqu’en droit de l’urbanisme la notion de construction est plus large et étendue que celle de bâtiment.

    C’est ainsi qu’en application de l’ancien article L.430-2, il avait été jugé que n’étaient pas soumis à permis de démolir les travaux de démolition portant sur des installations qui pour constituer des constructions n’en présentaient pas pour autant les caractéristiques d’un bâtiment (CE. 6 mars 1987, Cne de Champigny-sur-Marne, req. n°46354 ; CAA Paris 2 mars 2004, Assoc. Montsouris Environnement, req. n° 00PA02132 ; TA Versailles 6 novembre 1997, Durand, req. n°97-03456) bien qu’a contrario, la jurisprudence ait parfois eu une conception quelque peu extensive de la notion de bâtiment (à propos d’un ensemble composé d’un mur et d’un portail : CE 13 mars 1992, Association de sauvegarde de Chantilly, Dr. adm. 1992, comm. n° 215).

    D’autres dispositions tendaient d’ailleurs à confirmer que le permis de démolir s’impose dès lors que les travaux de démolition projetés constituent une construction.

    Il résulte à titre d’exemple de l'article R. 421-4 du Code de l’urbanisme que les lignes électriques et les canalisations constituent des constructions, lesquelles sont toutefois dispensées de toute formalité si elles sont souterraines.

    Précisément, l'article R. 421-29 dispense pour sa part de permis de démolir, les démolitions de lignes électriques et de canalisations ; c'est donc bien qu’à défaut d'une telle dispense, la démolition de lignes électriques et de canalisations auraient pu être assujettie à permis de démolir puisqu'elles constituent des constructions au sens de l’actuel article L. 421-3 du code de l’urbanisme.

    Mais chose quelque peu curieuse, l’article R.431-21 du Code de l'urbanisme, relatif aux pièces à fournir à l'appui des demandes d'autorisation, précise lui que « lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire ou d'aménager doit : soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir ; soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement » et, en d’autres termes, se réfère à la notion de bâtiment et non pas celle de construction visée par les articles L.421-3 et R.421-27 du Code de l’urbanisme.

    A s’en tenir à la lettre des articles précités, force est donc de considérer que :

    • si tout projet de démolition d’une construction est dorénavant soumis à permis de démolir (pour autant que le terrain soit situé dans un périmètre où cette autorisation est exigible), y compris donc si l’ouvrage à démolir ne constitue pas un bâtiment ;
    • il reste qu’en revanche, le dossier de demande de permis de construire ne doit justifier d’une demande de permis de démolir que lorsque cet ouvrage constitue un bâtiment.

    C’est cette analyse que confirme, sur le deux points, l’arrêté commenté de la Cour administrative d’appel de Paris.

    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait sollicité et obtenu un permis de construire dont l’exécution impliquait la démolition préalable d’un ouvrage, en l’occurrence une terrasse. Pour autant, celui-ci n’avait pas adjoint à son dossier de demande, la justification d’une demande de permis de démolir. Et c’est pour ce seul motif que le Tribunal administratif de Paris annula le permis de construire obtenu.

    Mais saisie d’une demande de sursis à exécution de ce jugement, la Cour devait donc censurer cette analyse aux motifs suivants :

    « Considérant que l'annulation prononcée par le Tribunal administratif de Paris se fonde sur la circonstance que le dossier de demande de permis de construire n'était pas accompagné de la justification du dépôt d'une demande de permis de démolir alors que les travaux autorisés, dès lors qu'ils comprenaient la démolition d'une terrasse pavée sur dalle, emportaient la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir , en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 431-21 du code de l'urbanisme, relatif à la composition du dossier de demande de permis de construire, qui a repris à cet égard les termes de l'article R. 421-3-4 du même code applicable à la date de la demande, et que cette démolition portait sur une construction au sens de l'article R. 421-27 du code de l'urbanisme, définissant le champ d'application du régime du permis de démolir ;
    Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que la terrasse litigieuse, d'une surface de 450 m², recouverte de pavés de granit placés sur une dalle soutenue par une structure d'environ un mètre de hauteur, doit être regardée comme constituant une construction au sens de l'article R. 421-27 du code de l'urbanisme, le moyen de la requête tiré de ce que cette même terrasse ne pouvait en revanche être regardée comme constituant un bâtiment au sens et pour l'application des dispositions de l'article R. 421-3-4 du même code, relatives à la composition du dossier de demande de permis de construire, est sérieux et de nature à entraîner l'annulation du jugement
    ».


    Cet arrêt confirme ainsi que si les articles L.421-3 et R.421-27 du Code de l’urbanisme ont bien étendu le champ d’application du permis de démolir tel qu’il résultait précédemment de l’article L.430-2, cette extension n’a pas concerné en revanche les cas dans lesquels le pétitionnaire doit justifier d’un permis de démolir dans son dossier de demande de permis de construire, tels qu’ils résultaient antérieurement de l’article R.431-3-4.

    Pour être complet sur ce point, on précisera en effet que si la Cour a fait référence à l’ancien article R.431-3-4 – ce qui induit qu’a priori, la demande avait été présentée avant le 1er octobre 2007 – la solution retenue est évidemment transposable au régime en vigueur depuis cette date puisque la Cour a précisé que « l'article R. 431-21 du code de l'urbanisme (…) a repris à cet égard les termes de l'article R. 421-3-4 du même code applicable à la date de la demande ».

    Il reste que cet arrêt génère néanmoins deux interrogations dès lors que l’article R.431-21 n’a pas fait que reprendre l’ancien article R.421-3-4 puisqu’il tient également compte de la possibilité dorénavant ouvertes de solliciter un permis de construire valant autorisation de démolition.

    Ainsi, dès lors que sur ce point l’article R.431-21 n’opère pas de distinction en disposant que « lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire ou d'aménager doit : soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir ; soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement », il est permis de se demander si la possibilité d’obtenir une demande de permis de construire valant autorisation de démolition se limite aux cas où le projet implique la démolition d’un bâtiment.

    A notre sens non puisque l’article précité régit les cas où la demande « doit » le cas échéant « porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement » et ne régit pas les cas où elle le peut.

    Or, cette possibilité résulte de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme qui pour sa part se borne disposer « lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement » et, faute de précision, sur ce point vise donc toute démolition, y compris d’un ouvrage qui pour constituer une construction n’en forme pas pour autant un bâtiment.

    Il reste que dans ce cas :

    • pour valoir autorisation de démolition, le permis de construire devra néanmoins avoir été délivré au vu d’un dossier comportant les pièces auxquelles renvoie sur ce point l’article R.431-21 du Code de l’urbanisme, à savoir celles visées par les items b) et c) de l’article R.451-2 ;
    • la production de ces pièces sera « superfétatoire » au regard du champ d’application de l’article R.431-21 qui ne l’impose donc que dans le cas d’un bâtiment.

    Plus encore que dans le cas où l’article précité l’impose car l’ouvrage à démolir est un bâtiment, on peut donc se demander quelle sera l’incidence de l’éventuel caractère irrégulier des pièces produites au regard de l’article R.451-2 sur la légalité du permis de construire valant autorisation de démolir obtenu.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • La légalité de l’acte de création d’une ZAC n’est pas subordonnée au respect du POS/PLU alors en vigueur. Mais qu'en est-il du dossier de réalisation de la zone ?

    Si les équipements et aménagements d'une ZAC doivent être réalisés dans le respect des dispositions du règlement du PLU ou du POS applicables au moment de leur réalisation, ces mêmes règles ne s'imposent pas en revanche à l'acte de création de la zone.

    CE. 26 juillet 2011, Sté SAVI , req. n°320.457


    Voici un arrêt qui permet de répondre définitivement à une question déjà posée ici : l’acte de création d'une ZAC doit-il respecter les dispositions du POS/PLU en vigueur à la date d’approbation de cet acte.

    La réponse apportée à cette question par le Conseil d’Etat est toutefois sans surprise mais il faut dire que celle-ci procédait au premier chef du prononcé à la même époque de deux arrêts en totale contradiction sur ce point puisque le 30 juillet 2008 la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé que :

    « Considérant, toutefois, que si - ainsi qu'il a été dit ci-dessus - la loi du 18 décembre 2000 a supprimé le deuxième alinéa de l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme antérieurement applicable, limitant la création des ZAC à l'intérieur des zones urbaines et des zones d'urbanisation futures des plans d'occupation des sols, il résulte de l'article précité, éclairé par les travaux préparatoires de la loi, que celle-ci n'a pas entendu affranchir la création des zones d'aménagement concerté du respect des règles d'urbanisme en vigueur, ainsi qu'en dispose, d'ailleurs, l'article R. 311-6 du code de l'urbanisme pour la réalisation de ces zones, mais assouplir les conditions de leur délimitation ; qu'il ressort des pièces du dossier que la quasi-totalité des terrains inclus dans le périmètre de la ZAC du « Parc de la vallée de l'Eyre », faisant plus de deux cents hectares, étaient classés en zone NCf du plan d'occupation des sols approuvé constitué, selon ce document d'urbanisme, « d'espaces d'activités exclusivement forestières non constructibles » ; qu'ainsi, la création d'une telle ZAC a méconnu le plan d'occupation des sols approuvé, le 10 avril 1995, de la COMMMUNE DE MIOS, qui ne saurait faire valoir utilement qu'à la date de la décision attaquée, la révision partielle de ce document avait été prescrite » (CAA. Bordeaux, 30 octobre 2008, Cne de Mios, req. n°07BX00045)

    Alors que le 8 octobre 2008 la Cour administrative d’appel de Paris, censurant ainsi l’analyse du Tribunal administratif de Melun, devait pour sa part considérer que :

    « Considérant que l'acte de création d'une ZAC prévu par l'article L. 311-1 précité a pour seul objet de définir le périmètre et le programme de l'opération ; que la délibération qui approuve lesdits périmètre et programme n'a pour effet ni d'autoriser une quelconque construction ni de définir des règles d'urbanisme ; que, depuis les modifications apportées aux dispositions du code de l'urbanisme applicables aux ZAC par l'article 7 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, rien n'interdit que la réalisation des équipements prévus dans une telle zone ne soit pas compatible avec le plan d'urbanisme en vigueur lors de la création de cette zone, cette réalisation ne pouvant alors intervenir qu'après la modification de ce plan ; que dans ces conditions, le Tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit en jugeant qu'une délibération créant une ZAC était illégale du seul fait que son rapport de présentation faisait état d'un programme de construction incompatible avec les dispositions du règlement annexé au plan d'occupation des sols en vigueur » (CAA. Paris, 8 juillet 2008, Cne de Boissise-le-Roi, req. n°07PA03281).

    Précisément, c’est à l’encontre de ce second arrêt que portait le pourvoi examiné par le Conseil d'Etat et objet du commentaire de ce jour.

    Ainsi, annulant l’arrêt d’appel en raison de sa méconnaissance du champ d’application de la procédure d’étude d’impact, le Conseil d’Etat en a néanmoins repris l’économie générale pour ce qui concerne la réponse apportée à la question ici posée pour à son tour censurer le jugement du Tribunal administratif de Melun au motif suivant :

    « Considérant qu'il résulte de l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce qui, à la différence de ce qui résultait de l'état du droit antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ne limite plus la possibilité de créer des zones d'aménagement concerté, sur les territoires couverts par un plan d'occupation des sols ou un plan local d'urbanisme, aux seules zones urbaines ou d'urbanisation future, que : Les zones d'aménagement concerté sont les zones à l'intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d'intervenir pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains (...) / Le périmètre et le programme de la zone d'aménagement concerté sont approuvés par délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 311-5 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 27 mars 2001 : L'acte qui crée la zone d'aménagement concerté en délimite le ou les périmètres. Il indique le programme global prévisionnel des constructions à édifier à l'intérieur de la zone (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 311-6 de ce code issu du même décret : L'aménagement et l'équipement de la zone sont réalisés dans le respect des règles d'urbanisme applicables. Lorsque la commune est couverte par un plan local d'urbanisme, la réalisation de la zone d'aménagement concerté est subordonnée au respect de l'article L. 123-3 ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, si les équipements et aménagements d'une zone d'aménagement concerté doivent être réalisés dans le respect des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme ou du plan d'occupation des sols applicables au moment de leur réalisation, ces mêmes règles ne s'imposent pas, en revanche, à l'acte de création de la zone ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la violation des prescriptions de l'article 1NA5 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Boissise-le-Roi pour annuler la délibération du 26 février 2003 du conseil municipal de cette commune mentionnée précédemment
    ».


    Dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre 2000, l’article L.311-1 du Code de l’urbanisme disposait en effet que « lorsqu'un plan d'occupation des sols a été rendu public ou approuvé dans des communes, parties de communes ou ensemble de communes, des zones d'aménagement concerté ne peuvent y être créées qu'à l'intérieur des zones urbaines ou des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan » : Il s’ensuivait qu’à cet égard, l’acte de création d’une ZAC devait nécessairement être conforme au POS pour ce qui concerne sa localisation au regard du zonage opéré par ce dernier.

    Il reste que non seulement cet alinéa a donc été supprimé par la loi « SRU » mais qu’en outre, son décret d’application du 27 mars 2001 a inséré un article R.311-6 disposant que « l'aménagement et l'équipement de la zone sont réalisés dans le respect des règles d'urbanisme applicables. Lorsque la commune est couverte par un plan local d'urbanisme, la réalisation de la zone d'aménagement concerté est subordonnée au respect de l'article L. 123-3 » et induisant donc clairement que c’est la réalisation qui se doit d’être conforme au règlement local d’urbanisme ; ce que tend d’ailleurs a confirmé implicitement l’article L.123-3.

    Or, non seulement l’article R.311-6 du Code de l’urbanisme ne vise que la réalisation de la ZAC mais cet article est le premier de la section du code consacrée à la « réalisation de la zone d’aménagement concerté » et de relève donc pas de sa précédente section pour sa part relative à la « création de la zone d’aménagement concerté » ; étant rappelé qu’à la lecture des conclusions du Commissaire du gouvernement dans cette affaire, c’est la place de l’article R.311-6 qui explique la solution retenue par le Conseil d’Etat en jugeant qu’une convention d’aménagement ne pouvait être signé avant l’adoption du dossier de création puisque les modes de réalisation de la ZAC sont définis par cet article qui ne relève pas de la section consacrée à la création de la zone (CE. 8 décembre 2004, Sté EIFFEL-DISTRIBUTION, req. n° 270.432) .

    De ce fait, nous voyons donc mal comment la Cour administrative d’appel de Bordeaux a pu estimé que la loi « SRU » « n'a pas entendu affranchir la création des zones d'aménagement concerté du respect des règles d'urbanisme en vigueur, ainsi qu'en dispose, d'ailleurs, l'article R. 311-6 du code de l'urbanisme pour la réalisation de ces zones » et, ainsi, établir l’intention du législateur sur les conditions de légalité de l’acte de création d’une ZAC au regard de dispositions d’un décret intéressant la réalisation de cette zone…

    Mais surtout il résulte notamment de l’article R.311-5 visé par le Conseil d’Etat que l’acte de création d’une ZAC est un document de pure planification opérationnelle définissant le périmètre et le programme de l'opération à réaliser dans le cadre de cette zone mais qui, en revanche, n’a pour objet ni d’édicter des règles d’urbanisme, ni de permettre la réalisation de travaux.

    Or, les POS/PLU constituent, aux côtés de la carte communale, la norme la moins élevée de la hiérarchie du droit de l’urbanisme et en toute hypothèse leurs prescriptions ne s’imposent en principe qu’aux travaux, installations aménagements constitutifs d’occupations et d’utilisations des sols ; l’alinéa 2 de l’ancien article L.311-1 du Code de l’urbanisme ayant constitué à cet égard l’une des rares exceptions à ce principe.

    Dès lors qu’un acte de création de ZAC ne permet pas la réalisation de travaux et d’aménagements et qu’un POS/PLU ne régit que les travaux et les aménagements, on voyait donc mal pourquoi cet acte devrait, malgré la suppression de l’alinéa 2 susvisé, être conforme au règlement local d’urbanisme en vigueur à sa date d’approbation alors que pour leur part les articles L.123-3 et R.311-6 du Code de l’urbanisme ne visent que la réalisation de la ZAC.

    Sur ce point, l’arrêt commenté ce jour a d’ailleurs indirectement et implicitement censuré l’arrêt de la Cour bordelaise en soulignant « qu'il résulte de l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce qui, à la différence de ce qui résultait de l'état du droit antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ne limite plus la possibilité de créer des zones d'aménagement concerté, sur les territoires couverts par un plan d'occupation des sols ou un plan local d'urbanisme, aux seules zones urbaines ou d'urbanisation future, que (…) ».

    Pour autant, l’arrêt commenté génère une autre interrogation relative au stade de la procédure de ZAC auquel le POS/PLU devient opposable.

    En effet, si nonobstant l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, il était majoritairement considéré que le POS/PLU n’était pas opposable à l’acte de création de ZAC, les dispositions combinées des articles L.123-3 et R.311-6 du Code de l’urbanisme étaient le plus souvent interprétées comme signifiant que lorsque le programme des travaux et des aménagements de la ZAC n’est pas conforme à ce document « il est nécessaire de réviser ce document avant d’élaborer le dossier de réalisation de la ZAC » (Dict. Perm. Construction, « Les ZAC », fasc. 149, n° 87).

    Il reste que dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’applicabilité du POS/PLU à l’acte de création de la ZAC en l’opposant à la réalisation de cette zone mais ce, en précisant « que, si les équipements et aménagements d'une zone d'aménagement concerté doivent être réalisés dans le respect des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme ou du plan d'occupation des sols applicables au moment de leur réalisation, ces mêmes règles ne s'imposent pas, en revanche, à l'acte de création de la zone ».

    Il faut en effet rappeler que l’article R.311-6 du Code de l’urbanisme dispose que « l'aménagement et l'équipement de la zone sont réalisés dans le respect des règles d'urbanisme applicables. Lorsque la commune est couverte par un plan local d'urbanisme, la réalisation de la zone d'aménagement concerté est subordonnée au respect de l'article L. 123-3 » et, par voie de conséquence, ne vise que la réalisation de la zone et non pas précisément le dossier de réalisation.

    Or, pour sa part, l’article L.123-5 du Code de l’urbanisme dispose que « le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan ». Et c’est d’ailleurs au visa l’article précité que la préalablement aux cours bordelaise et parisienne, la Cour administrative d’appel de Nantes avait pour sa part jugé que : « considérant que M. et Mme X ne peuvent utilement invoquer les dispositions du premier alinéa de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme concernant les conditions d'ouverture à l'urbanisation d'une zone à urbaniser, la délibération contestée, approuvant le dossier de création de la “ZAC Ouest Centre Ville”, n'ayant pas pour objet, ni pour effet d'ouvrir à l'urbanisation le secteur en cause inclus en zone Na d'urbanisation future au plan d'occupation des sols communal ; que, de même, ne peuvent être utilement invoquées les dispositions des articles L. 123-5 et R. 311-6 du code de l'urbanisme, lesquelles ne seront opposables à cette opération d'urbanisme qu'au stade de la réalisation de ses aménagements et équipements à la suite de l'approbation, par l'organe délibérant de la personne publique auteur du projet, du dossier de réalisation prévu par l'article R. 311-7 ». (CAA. Nantes, 4 mars 2008, M. X..., req. n°07NT00909).

    En résumé, il est donc clair que le POS/PLU n’est pas opposable à l’acte de création de ZAC mais il n’est pas même si certain que son respect s’impose au dossier de réalisation.

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Que déduire de l’expiration du délai ouvert à l’administration pour contester la conformité des travaux accomplis ?

    Dès lors que l’administration n’a pas l’obligation de se prononcer sur la conformité des travaux, l’expiration du délai lui étant ouvert par l’article R.462-6 du Code de l’urbanisme pour éventuellement contester cette conformité ne fait naître aucune décision susceptible de recours.

    CAA. Nancy, 16 juin 2011, Jean-Marie A. & autres, req. n°10NC00782



    Voici un arrêt qui appelle peu de commentaires mais qui à notre sens mérite toutefois d’être relevé ; étant précisé que celui-ci a été rendu par la formation plénière de la Cour.

    Comme on le sait, l’une des principales difficultés générées à l’égard des opérateurs par l’ancien « certificat de conformité » procédait de l’inertie relativement fréquente de l’administration pour le délivrer.

    En effet, s’il résultait de l’ancien article R. 460-4 que l’administration devait, le cas échant, statuer sur la demande de certificat de conformité dans les trois mois suivant la réception de la déclaration d’achèvement, le constructeur ne pouvait, à défaut, se prévaloir d’un certificat tacite qu’à la -condition d’avoir, sans succès, mis en œuvre la procédure prévue par l’ancien article R. 460-5 (CE. 24 mai 1993, SCI Le Panorama, req. n° 127 247).

    C’est cette difficulté que le dispositif entré en vigueur le 1er octobre 2007 est censé avoir résolu ou, à tout le moins, c’est l’interprétation qui en a été le plus souvent faite…

    Dans l’affaire objet de l’arrêt commenté ce jour, le constructeur avait formulé la déclaration d’achèvement de travaux prévue par les articles L.462-1 et R.462-1 du Code de l’urbanisme, laquelle devait conduire les services administratifs a procédé aux opérations de contrôle de la conformité des travaux accomplis. A l’expiration du délai leur étant ouvert à cet effet, lesdits services n’estimèrent pas nécessaire d’édicter la décision prévue par l’article R.462-9 dudit Code en mettant en demeure le constructeur de régulariser les travaux.

    Il reste que des tiers devaient pour leur part estimer que les travaux n’avaient pas été accomplis conformément au permis de construire obtenu et, par voie de conséquence, devaient exercer un recours à l’encontre de la « décision implicite » née selon eux à l’expiration du délai prévu par l’article R.462-6 du Code de l’urbanisme pour contester la conformité des travaux.

    Mais ce recours devait être rejeté comme irrecevable par le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, lequel considéra que l’expiration de ce délai ne faisait naître aucune décision implicite susceptible de recours ; ce que devait donc confirmer la Cour administrative d’appel de Nancy au motif suivant :

    « Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 462-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2005-1527 du 8 décembre 2005 applicable au litige, qu'il incombe au seul pétitionnaire de s'engager sur la conformité des travaux au regard de l'autorisation de construire dont il est titulaire ; que si le dépôt de la déclaration d'achèvement des travaux ouvre à l'autorité compétente un délai qui lui permet de procéder ou de faire procéder au récolement des travaux et le cas échéant, dans l'hypothèse où les travaux ne sont pas conformes, de mettre en demeure le pétitionnaire de régulariser sa situation, il ne résulte pas des dispositions précitées que l'administration ait l'obligation de se prononcer, par une décision administrative, sur la conformité des travaux ; que, par suite, l'expiration du délai, prévu par les dispositions précitées de l'article R 462-6 du code de l'urbanisme, dans lequel le maire de Baslieux-sous-Châtillon, auquel les consorts A avaient adressé le 4 novembre 2008 une déclaration attestant l'achèvement de la construction autorisée et la conformité des travaux au regard de l'autorisation de construire, a fait procéder au récolement des travaux et avait le pouvoir de prendre la décision de mise en demeure prévue à l'article L 462-2 précité, n'a pas fait naître une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, les consorts A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le Tribunal de Châlons-en-Champagne a rejeté pour irrecevabilité leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Baslieux-sous-Châtillon n'a pas fait opposition à la déclaration d'achèvement des travaux déposée par la SARL Prestations viticoles du Val de Marne ».

    Sur ce point, deux principales observations doivent être formulées. En premier lieu, il faut rappeler et préciser que :

    • d’une façon générale, et sauf à des très rares exceptions, une décision administrative est par nature toujours susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation ;
    • plus spécifiquement, la Cour administrative de Nancy a au premier chef fondé sa décision sur le fait qu’il ne résultait pas des dispositions en vigueur du Code de l’urbanisme que « l'administration ait l'obligation de se prononcer, par une décision administrative, sur la conformité des travaux ».

    Selon nous, l’arrêt de la Cour doit donc être compris comme signifiant non pas que l’expiration du délai prévu par l’article R.462-6 du Code de l’urbanisme fait naître une décision qui n’est pas susceptible de recours mais que l’expiration de ce délai ne génère tout simplement aucune décision implicite.

    L’expiration de ce délai ne saurait donc être considérée comme attestant tacitement de la conformité des travaux accomplis ; ce que conforme d’ailleurs l’article R.462-10 du Code de l’urbanisme en ce qu’il précise que « lorsque aucune décision n'est intervenue dans le délai prévu à l'article R. 462-6, une attestation certifiant que la conformité des travaux avec le permis ou la déclaration n'a pas été contestée est délivrée sous quinzaine ».

    L’expiration de ce délai ne génère donc qu’un « état de fait » lié à l’absence de contestation de la conformité des travaux, telle qu’elle a été déclarée par le titulaire du permis de construire.

    En second lieu, il faut relever qu’en l’espèce, les services administratifs avaient bien effectué des opérations de récolement des travaux et que, par ailleurs, la Cour administrative s’est prononcée indépendamment de toute considération liée au point de savoir si ces opérations étaient ou non obligatoires au titre de l’article R.462-7 du Code de l’urbanisme.

    La solution retenue semble donc valoir en toute hypothèse, indépendamment du caractère obligatoire ou non de ce récolement et du point de savoir si l’administration l’a ou non effectué.

    Toutefois, sans nous apparaître manifestement erronée, l’analyse opérée par la Cour ne nous apparait pas totalement satisfaisante dans la mesure où la Cour nous semble avoir analysé la recevabilité de la requête en la considérant et en la traitant comme un recours dirigé à l’encontre d’une prétendue décision implicite valant attestation de conformité puisque, rappelons-le, la solution retenue procède au premier chef de ce qu’il pas des dispositions en vigueur du Code de l’urbanisme que « l'administration ait l'obligation de se prononcer, par une décision administrative, sur la conformité des travaux ».

    Or, il ressort tant des visas que des considérants de l’arrêté que les requérants contestaient la décision implicite née selon eux de l’expiration du délai susvisé non pas en tant que décision attestant tacitement de la conformité des travaux mais comme la décision par laquelle le maire n'a pas fait opposition à la déclaration d'achèvement des travaux, c’est-à-dire comme la décision de ne pas mettre en œuvre l’article R.462-9 du Code de l’urbanisme.

    Il reste que s’il nous parait indiscutable que l’expiration du délai prévu par l’article R.462-6 ne génère pas une décision implicite valant attestation tacite de conformité, l’article R.462-9 dispose que « lorsqu'elle estime que les travaux ne sont pas conformes à l'autorisation, l'autorité compétente pour délivrer le permis ou prendre la décision sur la déclaration préalable met en demeure, dans le délai prévu à l'article R. 462-6, le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité avec l'autorisation accordée ».

    Pour autant, en se fondant principalement sur l’article L.462-1 du Code de l’urbanisme pour juger d’une façon générale que l’administration n’a pas « l'obligation de se prononcer, par une décision administrative, sur la conformité des travaux » dans la mesure où « il incombe au seul pétitionnaire de s'engager sur la conformité des travaux au regard de l'autorisation de construire dont il est titulaire », la Cour administrative d’appel de Nancy semble avoir considéré que même lorsqu’à l’issue des opérations de récolement l’administration constate la non-conformité des travaux accomplis, celle-ci n’aurait pas l’obligation de mettre le constructeur en demeure de les régulariser.

    Il reste qu'il n'est pas si évident que le fait que l'administration n'ait plus à certifier la conformité des travaux dorénavant déclarée par le pétitionnaire signifie nécessairement qu'elle n'a plus non plus l'obligation de sanctionner la non-conformité des travaux accomplis qu'elle peut être amenée à constater, notamment dans le cadre d'un récolement rendu obligatoire par l'article R.462-7 du Code de l'urbanisme.   

    Il n'en demeure pas moins qu'à suivre cet arrêté, l’expiration du délai prévu par l’article R.462-6 du Code de l’urbanisme comme la délivrance du certificat prévu par l’article R.462-10 ne permettraient donc même pas de présumer qu’en ne contestant pas la conformité des travaux l’administration a estimé, même à tort, que les travaux ont été régulièrement accomplis…

      

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés