De l’annulation partielle des refus d’autorisation d’urbanisme
Indépendamment de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, un refus d’autorisation d’urbanisme peut faire l’objet d’une annulation partielle dès lors que la demande porte sur un projet divisible.
CAA. Marseille, 12 janvier 2012, M. A…, req. n°10MA00363
Au regard des attentes liées à l'entrée en vigueur de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, les premières décisions juridictionnelles rendues en application de celui-ci se sont révélées assez décevantes. Pour l'essentiel, ces décisions sont en effet apparues comme une transposition de la jurisprudence antérieurement rendue en la matière et, en d'autres termes, se sont souvent bornées à faire ou non application de cet article en considération de la divisibilité du projet au regard des critères traditionnels de cette notion ; sans compter les nombreuses décisions se prononçant sur la possible annulation partielle de l'autorisation contestée sans même viser cet article (pour exemple, CAA Lyon 21 juin 2007, Ministre de l'équipement, req. n° 04LY01501).
Il faut dire que si les travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 laissaient à penser que la volonté du législateur était d'aller au-delà de la jurisprudence antérieure, il n'en demeure pas moins que l'article L. 600-5 prévoit la possibilité d'annuler partiellement l'autorisation attaquée uniquement lorsque le juge constate que « seule une partie » du projet est illégale, ce qui induit que ce projet doit être suffisamment dissociable pour qu'une partie de celui-ci puisse être isolée. La rédaction de l'article L. 600-5 pouvait ainsi être lue comme renvoyant le juge aux conditions auxquelles une autorisation d'urbanisme pouvait n'être que partiellement annulée au regard de la jurisprudence antérieure.
Ainsi, dans un premier temps l'essentiel de la jurisprudence s'est caractérisé par une interprétation de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme conférant peu d'intérêts à ce dispositif au regard du régime antérieur à son entrée en vigueur. Un arrêt s'est cependant singularisé : celui par lequel la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris 4 déc. 2008, SA Hôtel de la Bretonnerie et Ville de Paris, req. n° 07PA03606) a annulé un permis de construire en tant qu'il méconnaissait l'article 12 du règlement local d'urbanisme applicable et ce, bien que « l'illégalité dont est entaché le permis de construire litigieux du fait de l'absence de place de stationnement affecte le projet de construction dans sa totalité ». Ce faisant, la cour administrative d'appel de Paris s'est donc affranchie des considérations liées à l'interdépendance juridique des composantes du projet et, par voie de conséquence, a laissé subsister un permis de construire qui, tel qu'issu de son annulation partielle, était encore illégal pour méconnaître les dispositions du PLU communal relatives au stationnement. Pour autant, cet arrêt fut ultérieurement confirmé par le Conseil d'Etat (CE 23 févr. 2011, SNC Hôtel de la Bretonnerie, req. n° 325179).
Est-ce à dire que la recherche du caractère divisible ou indivisible de la décision contestée n’a plus lieu d’être dans le cadre du contentieux des autorisations d’urbanisme. ? Assurément non, au premier chef pour ce qui concerne les décisions de refus d’autorisations. L’arrêt commenté ce jour en est une parfaite illustration.
Dans cette affaire, le pétitionnaire avait sollicité un permis de construire portant tout à la fois sur une maison d’habitation et un hangar agricole ; cette demande devant toutefois être jetée de façon globale et au motif tiré de l’article NC1 du règlement de POS disposant : « occupations et utilisations du sol admises : (...) les bâtiments à usage d'exploitation agricole, les élevages et les habitations directement liées et nécessaires aux besoins, sous réserve : que le demandeur apporte la preuve d'un lien suffisant entre la construction, la nature des activités ».
Or, si la maison d’habitation était indissociable du hangar projeté, ce dernier était pour sa part parfaitement autonome puisque sa conformité ne dépendait pas de la réalisation de cette maison. A cet égard, le projet et la décision contestée étaient donc divisibles. C’est en conséquence que la Cour administrative d’appel de Marseille devait donc juger que :
« considérant que M. A, qui est reconnu comme exploitant agricole à titre principal par la mutuelle sociale agricole, ne démontre toutefois pas que les cultures maraîchère et fruitière auxquelles, selon lui, il entend dédier les quatre hectares de terrain qu'il possède en zone agricole sur le territoire de la commune de Montescot nécessiteraient qu'il soit logé sur l'exploitation ; que, dès lors, son projet de construction d'une maison d'habitation en zone agricole méconnaît l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols ;
Considérant, en revanche, que le maire de la commune de Montescot ne pouvait se fonder sur ces seules dispositions pour refuser à M. A de lui délivrer un permis de construire pour un hangar agricole, sans rechercher s'il n'existait pas un lien entre cette construction et les cultures maraîchères et notamment si l'importance du hangar était proportionnée à l'activité agricole du pétitionnaire ;
Considérant que les dispositions de l'arrêté en litige, qui refuse à la fois, les constructions séparées d'un hangar et d'une maison d'habitation, présentent un caractère divisible ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, eu égard au caractère divisible de ses dispositions, que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation du refus de lui délivrer un permis pour la construction d'un hangar agricole ».
La décision de refus contestée fut donc partiellement annulée mais ce, uniquement en considération du caractère divisible du projet en cause et ainsi sans référence aucune à l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.
Comme on le sait, en effet, l'article L. 600-5 ne vise donc que les décisions positives prises sur les demandes d'autorisation et, par voie de conséquence, semble ainsi exclure de son champ d'application les décisions de refus (en ce sens : CAA Nancy 11 oct. 2007, Commune de Wolfisheim, req. n° 06NC00685).
Ceci semble pouvoir s'expliquer par la portée de l'annulation d'un refus d'autorisation d'urbanisme, laquelle n'aboutit pas pour le pétitionnaire à l'obtention, même tacite, de l'autorisation précédemment sollicitée puisqu'elle a pour seule conséquence d'obliger l'administration à statuer à nouveau sur la demande. Or, l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme prononcée au titre de l'article précité n'a pas nécessairement vocation à assurer la conformité du projet résultant du prononcé de cette mesure ; cette régularisation pouvant nécessiter l'obtention du « modificatif » visé par l'alinéa 2 de ce même article. Ainsi, si l'on transposait ce dispositif à un refus d'autorisation, une annulation partielle d'une telle décision pourrait obliger l'administration à statuer à nouveau sur la demande pour ainsi délivrer une autorisation d'urbanisme illégale.
Prenons en effet l'exemple d'un refus de permis de construire motivé par le seul fait que la rampe d'accès au parc de stationnement dédié au bâtiment projeté ne soit pas conforme aux règles d'implantation lui étant opposables. Le pétitionnaire attaque ce refus et le juge administratif l'annule partiellement ou a contrario ne valide ce refus qu'en tant qu'il porte sur l'implantation de la rampe d'accès. L'administration devrait alors statuer à nouveau sur la demande en lui opposant un refus partiel uniquement pour ce qui concerne la rampe d'accès et, pour le reste, autoriser un projet ne comportant aucun accès possible au stationnement prévu pour répondre aux prescriptions de l'article 12 du règlement d'urbanisme applicable. Certes, on pourrait objecter qu'il en va finalement de même de l'autorisation résultant d'une annulation partielle prononcée au titre de l'article L. 600-5. Mais outre que la légalité d'une autorisation d'urbanisme n'a pas vocation à être appréciée au regard des conséquences de son annulation partielle, cet article ne concerne que les pouvoirs du juge et, par voie de conséquence, n'a aucune incidence sur la compétence de l'administration qui, pour sa part, doit statuer sur la demande dans le respect de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ; ce qui implique qu'elle ne peut légalement délivrer un permis de construire qu'à la condition que le projet autorisé soit en tous points conforme aux normes qu'une telle autorisation a vocation à sanctionner.
Pour autant, toute possibilité d'annulation partielle d'un refus d'autorisation n'est donc pas exclue. Et pour cause puisqu'elle était déjà possible avant l'entrée en vigueur de l'article L. 600-5 mais à la condition que le projet soit divisible.
On peut relever que la Cour administrative d'appel de Marseille avait déjà prononcé l'annulation partielle d'un refus de permis de construire mais ce, en considération de la seule divisibilité du projet et ainsi sans même viser l'article L. 600-5 (CAA Marseille 14 avr. 2011, Commune de Cogolin, req. n° 09MA01964) ou, a contrario, a validé globalement un tel refus au motif que :
« Considérant que si la construction du garage destiné au rangement de matériels agricoles, dont deux tracteurs et un camion, aurait pu être autorisée sur le fondement de l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols, la construction de ce garage au rez-de-chaussée de la maison d'habitation n'est pas divisible de celle-ci ; que, par suite, pour le seul motif de la méconnaissance de l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols, le maire de la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES pouvait légalement refuser à Mlle Audrey A un permis de construire une maison d'habitation et un garage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-ETIENNE-DU-GRES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision en date du 30 août 2006 refusant à Mlle B la délivrance d'un permis de construire d'un bâtiment à usage d'habitation comprenant un garage » (CAA. Marseille, 14 avril 2011, Cne de Saint-Etienne du Grès, req. n°°09MA01608).
C’est donc bien qu’au nouveau régime issu de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme subsiste celui antérieur à l’entrée en vigueur de ce dispositif, permettant ainsi l’annulation partielle des autorisations d’urbanisme divisibles, y compris lorsqu’elles sont entachées d’un vice qui ne peut pas être aisément régularisé par un simple « modificatif ».
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés