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JURISURBA - Page 42

  • A défaut d’avoir été distinctement notifié à chacun de ses cotitulaires, un recours à l’encontre d’un permis de construire conjoint est irrecevable dans sa globalité

     

    Un recours gracieux n’ayant été notifié qu’à l’un des deux cotitulaires d’un permis de construire conjointement obtenu ne satisfait pas à l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme et n’interrompt donc pas le délai de recours des tiers au bénéficie de son auteur ; la circonstance que l’autorisation attaquée constitue un permis de construire valant division n’ayant aucune incidence à cet égard.

    CAA. Lyon, 9 avril 2013, Association des « Habitants de Vésegnin », req. n°13LY00066


    Voici un arrêt qui appelle peu de commentaires mais qui mérite néanmoins d’être signalé dès lors qu’à notre connaissance, il s’agit de la première jurisprudence sur la question ainsi posée.

    Dans cette affaire, un même permis de construire avait été conjointement obtenu par deux sociétés qui s’en trouvaient ainsi « cotitulaires ». Mais cette autorisation devait faire l’objet d’un recours gracieux exercé par une association qui ne devait toutefois notifier ce recours qu’à l’une de ces deux sociétés, contrairement au recours contentieux ultérieurement introduit

    Ainsi, chacune des deux sociétés défenderesses devaient conclure à la tardiveté et, donc, à l’irrecevabilité de ce recours contentieux en soutenant que, faute d’avoir été distinctement notifié à chacune d’elle ce recours gracieux n’avait pas interrompu le délai de recours des tiers fixés par l’article R.600-2 ; étant rappelé qu’en tout état de cause, un tel recours gracieux est néanmoins susceptible de déclencher ce délai (s’il ne l’a pas été par le régulier affichage du permis sur le terrain à construire) en application de la théorie dite de la « connaissance acquise » (pour exemple : CAA. Paris 31 décembre 2003, M. Phillipeau, req. n°00PA01948).

    C’est précisément pour ce motif que le Tribunal administratif de Lyon devait rejeter la requête avant que la Cour administrative de Lyon, tout en annulant l’ordonnance de première instance en raison de son insuffisante motivation, ne confirme le principe de cette solution :

    « Considérant que le premier juge n’a pas répondu au moyen, soulevé dans le mémoire en réplique de l’association requérante, selon lequel les dispositions de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme n’imposent pas de notifier un recours gracieux aux co-titulaires d’un permis de construire délivré sur le fondement de l’article R.431-24 du code de l’urbanisme ; que l’ordonnance attaquée est ainsi entachée d’une insuffisance de motivation et doit être annulée ; qu’il y a lieu pour la cour de statuer sur la demande présentée devant le tribunal par la voie de l’évocation ;
    Considérant d’une part qu’aux termes de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme : « (...) » ; qu’il résulte de ces dispositions, eu égard notamment à la volonté qui a justifié leur institution d’assurer une meilleure sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisations d’occupation du sol, que lorsqu’un permis de construire est délivré à plusieurs personnes morales distinctes, la notification qu’elles prescrivent doit être effectuées à l’égard de chacune desdites personnes ; que la circonstance que le permis visé par la demande d’annulation soit délivré sur le fondement de l’article R.431-24 du code de l’urbanisme concernant les projets devant faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance est sans incidence sur l’étendue de l’obligation de notification en cas de pluralité des bénéficiaires
    ».


    En première analyse, cette solution n’était pas si évidente dans la mesure où, à titre d’exemple, le Conseil d’Etat a pu juger que la notification prescrite par l’article précité pouvait être valablement effectuée :

    • à l’épouse du titulaire de l’autorisation d’urbanisme contestée dès lors qu’ils n’étaient pas séparés de corps (CE. 7 août 2008, Cne de Libourne, req. n°288.966) ;
    • au Préfet en sa qualité de supérieur hiérarchique du Maire lorsque ce dernier a délivré le permis de construire contesté au nom de l’Etat (CE. 13 juillet 2011, SARL Love Beach, req. n°320.448) ;
    • au maitre d’ouvrage de la construction projetée alors que le permis de construire avait été délivré à son maitre d’ouvrage délégué au titre de la loi « MOP » du 12 juillet 1985 (CE. 18 octobre 2006, Synd. des copropriétaires de l’immeuble « Les Jardins d’Arago », req. n°294.096) ;

    et ce, compte tenu en substance des liens de droit existants entre le titulaire du permis de construire et la personne à laquelle le recours dirigé à son encontre avait été notifié.

    Ainsi, dès lors que le permis de construire présente un caractère réel, ce dont il résulte que les co-titulaires d’un permis de construire conjoint sont solidairement responsables de son exécution, on ne pouvait exclure qu’il soit jugé qu’un recours à l’encontre d’un permis de construire conjoint pouvait être valablement notifié à l’un et/ou à l’autre de ses co-titulaires.

    Mais précisément, si chacun des cotitulaires d’un tel permis de construire est solidairement responsable de son exécution c’est dans la mesure où, compte tenu de son caractère réel, chacun est autorisé au regard du droit de l’urbanisme à exécuter l’ensemble des travaux ainsi prévus ; telle étant la raison pour laquelle chacun devaient justifier d’un titre l’habilitant à réaliser l’opération sur l’ensemble du terrain à construire (CE. 14 octobre 2009, Cne de Messange, req. n°297.727).

    Or, il résulte des travaux préparatoires de la loi n°94-112 du 9 février 1994 que les dispositions aujourd’hui codifiées à l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme procèdent d’un objectif de responsabilisation des requérants mais également de sécurisation des constructeurs aux fins que ces derniers soient immédiatement informés des risques liés à l’exécution de l’autorisation ainsi contestée (Rapport du Conseil d’Etat, Doc. Fr. 1992).

    Précisément, c’est donc cet objectif que la Cour administrative d’appel de Lyon a fait primer, indépendamment de toute autre considération, en soulignant que l’autorisation contestée avait été délivrée à des « personnes morales distinctes » ; les deux sociétés pétitionnaires n’appartenant pas au même « groupe » et ayant leur siège à des adresses distinctes.

    Il faut en effet relever que, « pour sa défense », l’association appelante avait fait valoir que l’autorisation contestée constituait un permis de construire valant division portant sur une opération divisible et ce, tout en soulignant qu’au regard des composantes du projet autorisé et de l’objet social de chacune des deux sociétés pétitionnaires , il était parfaitement possible d’identifier la sphère d’intervention spécifique de chacune.

    Pour partie, cet argument était toutefois contradictoire dans la mesure où l’on voit mal à quoi il aurait pu aboutir, si ce n’est à l’irrecevabilité partielle des conclusions d’annulation pour ce qu’elles concernaient la partie du projet correspondant à l’intervention de société maître d’ouvrage à laquelle le recours gracieux préalable n’avait pas été notifié.

    Il reste que cet argument devait donc être rejeté, la Cour jugeant donc que le défaut de notification d’un recours à l’un des cotitulaires d’une autorisation d’urbanisme affectait d’irrecevabilité la requête dans sa globalité ; la circonstance qu’il s’agisse d’un permis de construire valant division n’ayant donc aucune incidence à cet égard.

    Il faut dire que ce qu’il est convenu d’appeler un permis de construire valant division n’est pas une autorisation d’urbanisme à part entière puisque fondamentalement il ne constitue rien d’autres qu’un permis de construire délivré au vu d’un dossier comprenant les pièces complémentaires visées par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme, lequel ne comporte strictement aucune disposition d’ordre personnel.

    Il ne fait donc pas exception au principe selon lequel une autorisation d’urbanisme présente un caractère réel, et non pas personnel, ce dont il résulte qu’un tel permis se borne à autoriser l’ensemble un projet et non pas telle ou telle personne désignée à l’exécuter (Cass. crim. 29 juin 1999, pourvoi n°98-83.839 ; CAA. Marseille, 23 novembre 2006, M. X., req. n°04MA00264), a fortiori en tout ou partie.

    C’est ce que tend à confirmer cet arrêt, tout en précisant qu’en toute hypothèse la solidarité susceptible de résulter d’un permis de construire conjoint ne créé pas entre ses cotitulaires un lien de droit tel que la notification prescrite au titre de l’article R.600-1 puisse être valablement effectuée à l’adresse d’un seul d’entre eux.

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Il n'est pas nécessaire d’avoir sollicité une adaptation mineure au stade de la présentation de la demande d’autorisation pour en revendiquer le bénéfice en cas de contentieux

     

    La possibilité de bénéficier d’une adaptation mineure ne peut être écartée par le juge administratif au seul motif qu’elle n’a pas été demandée par le pétitionnaire.

    CE. 13 février 2013, SCI Saint-Joseph, req. n°350.729


    Dans l’affaire visée en référence, la SCI requérante avait obtenu un permis de construire dont l’exécution conforme devait toutefois être contestée et donner lieu à un procès-verbal d’infraction au motif que la hauteur de l’ouvrage réalisé dépassait celle prévue par cette autorisation.


    Aux fins de régulariser ces travaux sur le plan administratif, la SCI présenta donc une demande de « modificatif », laquelle devait toutefois être rejetée au motif que les travaux objets de cette demande – ceux à régulariser – portait sur une construction excédant de 26 centimètres le plafond de hauteur fixé par l’article 10 du règlement de PLU applicable.

    La SCI exerça un recours en annulation à l’encontre de cette décision de refus et à cette occasion, bien qu’elle ne l’ai pas demandé au stade de sa demande de « modificatif », invoqua le bénéfice de l’alinéa de l’article 123-1 alors applicable et, plus concrètement, fit ainsi valoir que ce dépassement de 26 centimètres constituait une adaptation mineure. Il reste que ce recours devait être rejeté par le Tribunal administratif de Nice dont le jugement fut ensuite confirmé par la Cour administrative d’appel de Marseille et ce, au motif suivant :

    « Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : (...) Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes (...) ; que si la société requérante soutient dans le cas où un dépassement de la hauteur autorisée serait retenu, que ce dépassement serait constitutif d'une adaptation mineure, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a pas demandé lors de l'instruction de son dossier à bénéficier de l'application de ces dispositions ; qu'en l'absence d'un traitement d'une telle demande par le service instructeur, elle n'est pas recevable à la présenter directement devant le juge ; que, dès lors, le moyen ne peut être qu'écarté » (CAA. Marseille 5 mai 2011, req. n°09MA01799. Voir également : CAA. Marseille, 20 décembre 2011, Cne de Rougiers, req. n°10 MA02646).

    Mais pour sa part, le Conseil d’Etat devait donc juger que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI Saint Joseph a soutenu devant la cour administrative d'appel de Marseille que le non-respect des règles de hauteur fixées par le plan local d'urbanisme, dont elle contestait, par ailleurs, la réalité, pouvait être regardé comme procédant d'adaptations mineures au sens de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ; qu'il appartenait dès lors à cette cour, saisie de ce moyen, de se prononcer, par une appréciation souveraine des faits, sur le caractère éventuellement mineur de l'adaptation alléguée ; qu'en jugeant que la SCI Saint Joseph n'était pas recevable à soutenir directement devant le juge administratif que la surélévation projetée procédait d'une adaptation mineure prévue par l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dès lors que le service instructeur n'avait pas été saisi d'une telle demande, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé ».

    Bien qu’il s’agisse de la première décision rendue avec autant de clarté par le Conseil d’Etat, dont certains des précédents arrêts sur ce point étaient d’une certaine ambiguïté (CE. 27 juin 2008, Yannick A req. n°288.942), cette solution n’est guère surprenante, du moins au regard du régime applicable à la date de la décision contestée.

    Il faut en effet relever et préciser que le refus de « modificatif » avait été opposé le 7 novembre 2005, soit à une époque où l’article R.421-15 disposait alors que « le service chargé de l'instruction de la demande (…) instruit, au besoin d'office, les adaptations mineures au plan local d'urbanisme ou au document d'urbanisme en tenant lieu, aux prescriptions des règlements des lotissements ainsi qu'aux cahiers des charges des lotissements autorisés sous le régime en vigueur avant l'intervention du décret n° 77-860 du 26 juillet 1977, ou les dérogations aux dispositions réglementaires relatives à l'urbanisme ou aux servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol ».

    Il était donc clair qu’une autorisation d’adaptation mineure pouvait être accordée sans que le pétitionnaire l’ait demandé puisque cette possibilité pouvait à défaut être instruite d’office.

    Il reste que, précisément, les dispositions précitées de l’article R.421-15 n’ont plus d’équivalent dans le dispositif en vigueur depuis le 1er octobre 2007. Néanmoins, la solution rendue dans l’arrêt commenté ce jour nous parait demeurer.

    Tout d’abord, il faut relever que le Conseil d’Etat n’a donc aucunement visé l’article R.421-15 mais s’en est tenue à l’article L.123-1 alors applicable.

    Ensuite, l’actuel article L.123-1-9 du Code de l’urbanisme dispose que « les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes » et n’induit en aucune mesure que l’octroi d’une telle adaptation serait nécessairement subordonné à la présentation d’une demande par le pétitionnaire.

    Enfin, une adaptation mineure n’est pas une dérogation et, surtout, son octroi ne relève pas d’une compétence discrétionnaire de l’autorité compétente dans la mesure où celle-ci à l’obligation d’instruire cette possibilité et de l’accorder lorsque les conditions sont réunies puisqu’à titre d’exemple, et indépendamment de toute référence à l’ancien article R.421-15 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que la parcelle sur laquelle M. X... souhaite construire a une largeur comprise entre 27 et 29,50 mètres et ne dispose pas d'un réseau d'assainissement collectif ; qu'elle ne peut être considérée comme constructible au regard des dispositions applicables du plan d'occupation des sols ; que, toutefois compte-tenu du faible écart entre la largeur de la parcelle et la règle posée par le plan d'occupation des sols, la possibilité prévue par l'article L.123-1 précité du code de l'urbanisme d'accorder une dérogation mineure ne pouvait être écartée par principe ; qu'à la suite du recours gracieux présenté par l'intéressé et qui demandait que le permis lui fut accordé au titre d'une adaptation mineure, le maire a refusé d'examiner cette possibilité ; que, ce faisant, il a, comme l'ont relevé les premiers juges, entaché sa décision refusant le permis de construire d'une erreur de droit » (CE. 15 mai 1995, M. X…, req. n°118.919)

    La possibilité d’accorder le permis de construire à la faveur d’une adaptation mineure apparait ainsi relever des modalités de droit commun d’instruction de la demande et d’appréciation de la conformité du projet aux règles du PLU, et s’impose donc à l’autorité compétente, laquelle ne saurait ainsi faire varier les modalités d’application de la règle selon que le pétitionnaire l’ai ou non demandé.

    Le dispositif en vigueur depuis le 1er octobre 2007, et l’absence de disposition équivalente à l’ancien article R.421-15 du Code de l’urbanisme, ne s’oppose donc pas à ce que les services administratifs octroi une adaptation mineure sans qu’elle n’ait été demandée par le pétitionnaire et ce, d’autant moins qu’a contrario ce dispositif n’intègre plus non plus de disposition équivalent à l’ancien article R.421-18 en ce qu’il disposait que « le délai d'instruction est également majoré d'un mois lorsqu'il y a lieu d'instruire une dérogation ou une adaptation mineure ».

    Il reste que dans la mesure où la décision contestée dans cette affaire constituait un refus de permis de construire, l’arrêt commenté ce jour ne permet pas de résoudre une autre question : lorsque le permis de construire est accordé mais apparait méconnaitre une règle du PLU sans qu’une adaptation mineure n’ait été expressément accordée, la commune défenderesse peut elle en cas de contentieux opérer une substitution de motif en faisant valoir la possibilité d’octroyer une telle adaptation mineure ?

    Il est vrai que l’article L.424-3 du Code de l’urbanisme indique que la décision « doit être motivée (…) lorsqu'elle (...) porte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables » ; rédaction qui :

    - si elle n’implique d’ailleurs pas elle-même qu’une adaptation mineure est nécessairement accordée ou autorisée suivant une demande présentée en ce sens par le pétitionnaire ;
    - pourrait en revanche être comprise comme signifiant qu’une adaptation mineure doit nécessairement être instruite au stade de la demande puisque devant être expressément octroyée par une décision motivée et, donc, par un permis faisant état de cette adaptation.

    Cela étant, l’article L.424-3 précité n’est pas propre aux adaptations mineurs mais constitue un dispositif général relatif à la forme et à la motivation des décisions statuant sur les demandes d’autorisation et, notamment, des décisions de refus alors que l’exigence de motivation de ces dernières ne s’est jamais opposée à la formation de refus tacites dans les cas visées à l’article R.424-2 du Code de l’urbanisme, ni à la possibilité pour l’autorité compétente de conforter la légalité d’un refus de permis de construire en substituant devant le juge un motif autre que celui ou ceux exposés en tant que motivation de la décision de refus expresse.

    Au demeurant, si à l’examen de la rare jurisprudence rendue en la matière il apparait qu’une telle demande de substitution de motifs n’a jamais été accueillie positivement, ceci semble résulter non pas d’une impossibilité de principe mais de la simple circonstance que dans chacune de ces affaires l’adaptation invoquée n’était pas mineure et/ou pas justifiée par l’un des motifs visés par l’article L.123-1 alors applicables (voire toutefois au sujet des dérogations prévue par l’article R.111-20 du Code de l’urbanisme : CE. 19 novembre 1986, Louis X… req. n°68.814).

    Si l’arrêté commenté de jour ne permet donc pas de trancher cette question, il semble en revanche offrir un autre moyen que la technique de la substitution de motif pour conforter la légalité d’un permis de construire qui aurait pu être valablement accordé à la faveur d’une adaptation mineure mais sans que celle-ci ne soit expressément octroyée, et a fortiori motivée.

    Il faut en effet rappeler que dans cette affaire le refus contesté ne portait pas sur une demande primitive de permis mais sur une demande de « modificatif », en outre de régularisation.

    Dans la mesure où cette circonstance semble n’avoir eu aucune incidence sur le sens de la solution retenue, cet arrêt tend donc à confirmer qu’une adaptation mineure peut être mise en œuvre au stade d’un « modificatif », le cas échéant aux fins de régularisation des travaux et/ou de l’autorisation primitive et donc à valider l’analyse adoptée par les Cours administratives d’appel ayant pu jugé que :

    « considérant, d'une part, que, si le maire de la commune de Bordeaux a accordé, aux termes de l'arrêté attaqué, un permis de construire modificatif pour un projet identique à celui annulé par la Cour le 1er juillet 1997, au motif que le permis du 18 avril 1991 avait été accordé en méconnaissance des dispositions du plan d'occupation des sols de la Communauté urbaine de Bordeaux relatives à la hauteur du niveau du rez-de-chaussée, il a, toutefois, contrairement au précédent permis, expressément exposé dans les motifs de sa décision, que le fait qu'une très faible partie de la façade Est du bâtiment dépasse la hauteur maximale autorisée constituait une adaptation mineure justifiée par la nature et la configuration de la parcelle et délivré ledit permis sur ce fondement ; que la délivrance, dans ces conditions, du permis attaqué ne méconnaît pas l'autorité de la chosé jugée par la Cour le 1er juillet 1997 » (CAA. Bordeaux, 3 mai 2007, Paolo X…, req. n°04BX00347) ;

    ou mieux encore que:

    « Considérant que, par arrêté du 30 mars 2009, le maire d'Annecy-le-Vieux a autorisé la SOCIETE FLOCON D'AVRIL à édifier deux maisons d'habitation sur un terrain situé au lieu-dit " Le Bulloz " ; que, saisi par M. et Mme A d'un recours gracieux, il a, par arrêté du 26 juin 2009, retiré ce permis de construire, au motif que le projet en cause méconnaissait les prescriptions de l'article UP 5 du règlement du plan local d'urbanisme, et refusé la délivrance d'un nouveau permis de construire accordant l'adaptation mineure sollicitée par la SOCIETE FLOCON D'AVRIL ; que celle-ci ayant à son tour présenté un recours gracieux contre ce nouvel arrêté, le maire d'Annecy-le-Vieux, par un troisième arrêté daté du 15 octobre 2009, l'a retiré en tant qu'il avait refusé le permis de construire et a délivré à l'intéressée le permis de construire sollicité en la faisant bénéficier d'une adaptation mineure de l'article UP 5 du règlement du plan local d'urbanisme ;
    Considérant que (…) la nouvelle autorisation d'urbanisme qu'il délivre à la SOCIETE FLOCON D'AVRIL revêt le caractère, non d'un nouveau permis de construire, mais d'un permis modificatif ayant pour objet de régulariser ce permis initial au moyen d'une adaptation mineure » (CAA. Lyon, 31 juillet 2012, Sté Flocon d’Avril, req. n°12LY00474)
    ;


    ce qui au demeurant est parfaitement logique puisque comme on le sait « le permis de construire initialement délivré pour l'édification d'une construction et le permis modificatif (…) constituent un ensemble dont la légalité doit s'apprécier comme si n'était en cause qu'une seule décision » (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511) ; ce dont résulte précisément l’étendue des vertus régularisatrices d’un permis motif.

    Et pour conclure non pas sur les adaptations mineures mais sur les dérogations, on précisera que s’il semble difficile (en ce sens : CE. 16 mai 2011, Sté LGD Développement, req. n°324.967) qu’un permis puisse être délivré à titre précaire en application de l’article L.433-1 du Code de l’urbanisme sans que le pétitionnaire ne l’ai demandé ou que ce dernier puisse néanmoins en revendiquer le bénéfice, il n’apparait en revanche pas nécessairement exclut que l’article précité soit mis en œuvre au stade d’un « modificatif » puisqu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article précité « le permis de construire est soumis à l'ensemble des conditions prévues par les chapitres II à IV du titre II du présent livre » ; ce dont il résulte que, sur le plan procédural, l’autorisation délivrée en application de cet article n’apparait pas constituer à part entière une autorisation d’urbanisme particulière et distincte du permis de construire.

    Reste à imaginer les possibilités qui seraient ouvertes par de tels « modificatifs » d’adaptation mineure ou dérogatoire en les combinant à l’appréciation des conditions de mise de œuvre de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme…

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • De l’annulation partielle…des décisions portant transfert d’office dans le domaine public communal des voies privées

     

    Lorsqu’une partie seulement de la voie visée par une décision de « municipalisation » prise au titre de l’article L.318-3 du Code de l’urbanisme ne constitue pas une voie ouverte à la circulation publique au sens de cet article, cette décision peut être partiellement annulée, uniquement donc en tant qu’elle concerne ce tronçon.

    TA. Cercy-Pontoise, 21 février 2013, Association AVECOVAL & autres, req. n°10-07157.pdf



    La divisibilité contentieuse des décisions d’urbanisme ne cesse de progresser comme l’illustre ce jugement – certes rendu par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise mais pas par sa chambre en charge de l’urbanisme – lequel propose cependant une solution inattendue, pour ne pas dire quelque peu critiquable.

    Dans cette affaire, et sur le fondement de l’article L.318-3 du Code de l’urbanisme, la Ville de Saint-Cloud avait engagé une procédure de municipalisation d’une voie privée ayant abouti à un arrêté de transfert d’office de la totalité de cette voie dans le domaine public communal ; arrêté pris par le Préfet en conséquence de l’opposition à cette mesure manifestée par certains des copropriétaires de cette voie à l’occasion de l’enquête publique prescrite par ce même article.

    Et c’est donc la totalité de cet arrêté qui devait être frappée d’un recours en annulation. Pour autant, une partie de cette décision devait être validée comme portant effectivement sur un tronçon de la voie constituant une voie ouverte au public au sens de l’article mais, en revanche, annulée pour l’autre tronçon et ce, au motif suivant :

    « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la parcelle AH 293 de l’avenue Eugénie est une impasse, qu’elle fait l’objet d’une restriction d’accès, un panneau d’interdiction de circuler mentionnant « propriété privée. Interdiction de circuler» étant disposé à son entrée, qu’elle ne permet l’accès qu’aux immeubles des riverains et à leurs parkings, qu’elle est étroite, ne permettant pas à deux véhicules de se croiser et présente une forte déclivité ; qu’au surplus une partie des propriétaires de cette voie conteste l’usage public de leur bien et refuse de renoncer à son usage purement privé ; que la partie haute de l’avenue Eugénie ne peut donc être considérée comme une voie ouverte au public au sens des dispositions précitées de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme ; que par suite, le préfet a commis une erreur de droit au regard de ces dispositions en procédant, par l’arrêté contesté, au transfert d’office de la parcelle AH 293 de la voie privée «avenue Eugénie » dans le domaine public de la commune de Saint Cloud ».

    En résumé, le Tribunal a donc conclu que le tronçon en cause ne constituait pas en lui-même une voie ouverte au public au sens de l’article L.318-3 du Code de l’urbanisme et ce, pour trois principaux motifs de faits : les caractéristiques physiques de la voie, l’interdiction de circuler résultant du panneau apposé à son entrée, combinée à l’opposition déclarée des riverains à son utilisation publique et le caractère restreint de sa fonction de desserte.


    Une telle analyse nous parait quelque peu sujette à caution.

    En effet, la qualification de voie ouverte à la circulation publique ne saurait tout d’abord dépendre des caractéristiques physiques de la voie considérée. Ainsi, non seulement le fait qu’une voie présente une déclivité ne saurait bien entendu exclure cette qualification mais il en va de même de la circonstance qu’elle soit aménagée en impasse (CE. 9 mai 2012, Alain C…, req. n°335.932) puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé que :

    « Considérant que l’impasse Jumilhac, située dans le lotissement Le Tuquet sur la commune de Bosmie-l’Aiguille et desservant les propriétés des requérants se trouve dans un ensemble d’habitation au sens de l’article L. 318-3 précité ; que si les requérants ont tenté à plusieurs reprises de se prémunir contre l’ouverture de cette voie à la circulationpublique par l’installation d’obstacles en interdisant l’accès, le règlement du lotissement approuvé par arrêté préfectoral du 10 septembre 1973 et notamment à son article 3 dispose que : "Les voies et espaces libres sont destinés à être incorporés (...) à la voirie communale. ...) le sol des voies et des places sera perpétuellement affecté à la circulation publique" ; que dès lors en faisant application à l’impasse Jumilhac des dispositions précitées de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme permettant le transfert dans le domaine public communal d’une voie privée ouverte à la circulation publique dans un ensemble d’habitations, le Premier ministre n’a pas commis d’erreur de droit » (CE. 10 février 1992, Pierre X…, req. n°107.113. voir également : CAA. Marseille, 10 avril 2009, Jean-François X…, req. n°06MA03409).

    Ensuite, si le Tribunal a relevé l’apposition d’un panneau mentionnant « propriété privée. Interdiction de circuler », il reste qu’à l’examen de la jurisprudence le seul fait qu’un panneau d’interdiction de circuler soit apposé à l’entrée d’une voie ne suffit pas à la faire regarder comme fermée à la circulation publique en l’absence de toute installation matérialisant cette interdiction et faisant obstacle à son accès puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé que :


    « Considérant que la salle polyvalente dont la construction a été autorisée par le permis de construire attaqué dispose de son entrée principale et de ses seuls accès sur la voie n° 6, dite voie du patronage, dont le terrain d’assiette appartient aux époux X... ; que les époux X... n’ont jamais dressé aucun obstacle pour en interdire l’accès, la clôture qu’ils ont édifiée autour de leur propriété maintenant au contraire la libre disposition de ce passage ; qu’ainsi le maire de Mercatel a pu à bon droit, pour délivrer le permis de construire attaqué se fonder sur ce que cette voie était ouverte à la circulation publique à la date de la décision accordant le permis de construire et pouvait desservir la construction projetée ; que, par suite, c’est à tort que le tribunal administratif de Lille s’est fondé sur la violation des dispositions de l’article R.111-4 du code de l’urbanisme pour annuler l’arrêté municipal du 24 avril 1989 » (CE. 13 mars 1992, Epoux X…, req. n°117.814) ;

    ou, plus récemment, que :


    « Considérant (…) qu’il ressort des pièces du dossier que la voie privée appartenant à la copropriété Le Rambaud était à la date du permis de construire ouverte à la circulation publique, même si une partie des propriétaires envisageait pour l’avenir la fermeture de cette voie publique et qu’elle comportait un panneau propriété privée , et un panneau parking privé ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, que la bande de terrain sur laquelle est implantée une haie végétalisée, puisse être regardée comme une propriété distincte de cette voie privée ouverte à la circulation publique » (CAA. Lyon, 15 février 2011, Henri A…, req. n°08LY01637).

    Il faut d’ailleurs rappeler que l’installation d’un tel panneau d’interdiction de circuler constitue une mesure de police qui, même sur une voie priée, relève de l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales et, par voie de conséquence, n’incombe qu’à la seule autorité municipale dès lors que l’article L.411-6 du Code de la route précise expressément que : « le droit de placer en vue du public, par tous les moyens appropriés, des indications ou signaux concernant, à un titre quelconque, la circulation n'appartient qu'aux autorités chargées des services de la voirie ».

    En revanche, le propriétaire d’une voie privée peut y interdire la circulation en usant de l’attribue de son droit de propriété que constitue le droit de se clore et, concrètement, en fermant matériellement cette voie à la circulation publique, à titre d’exemple par l’installation d’un portail ou plus simplement d’une chaine.


    Quant à la circonstance « qu’au surplus une partie des propriétaires de cette voie conteste l’usage public de leur bien et refuse de renoncer à son usage purement privé », il résulte des termes mêmes de l’article L.318-3 que celle-ci est sans incidence sur la qualification de voie ouverte à la circulation publique ; cette considération n’ayant d’influence que sur la détermination de l’autorité compétente pour décider de la « municipalisation » de cette voie, l’alinéa 3 de cet article disposant en effet que « cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l’Etat dans le département, à la demande de la commune ».

    Enfin, même à admettre que la voie en cause « ne permet l’accès qu’aux immeubles des riverains et à leurs parkings » il reste qu’au regard du droit de l’urbanisme notamment une voie qu’aucune installation matérielle n’empêche d’emprunter et présentant une fonction de desserte constitue une voie constitue une voie ouverte à la circulation publique (pour exemple : CAA. Marseille, 6 octobre 2011, Cne de Camps la Source, req. n°09MA03338 ; CAA. Lyon, 21 octobre 2003, Stéphane X…, req. n°99LY01935 ) ; étant d’ailleurs rappelé que dans la mesure où l’article L.318-3 du Code de l’urbanisme vise les voies « dans les ensembles d’habitations », cet article est précisément applicable aux voies internes d’un lotissement ou d’une copropriété (CAA. Douai, 4 mars 2003, Communauté Urbaine de Lille, req. n°01DA00341). Au demeurant, le Conseil d’Etat a d’ailleurs jugé que :


    « Considérant que si les requérants soutiennent que la décision attaquée, qui les dépossède au profit de personnes n’ayant sur l’impasse Jumilhac aucun droit de propriété, est entachée de détournement de procédure et porte atteinte à l’égalité devant les charges publiques, les dispositions de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme ne réservent pas la procédure de transfert d’office dans le domaine public communal des voies ouvertes à la circulation publique dans les ensembles d’habitations, aux voies qui seraient propriété de l’ensemble des propriétaires riverains ou susceptibles d’y avoir accès » (CE. 10 février 1992, Pierre X…, req. n°107.113).

    Ainsi, si l’article L.318-3 du Code de l’urbanisme n’est donc pas réservé aux seules voies de desserte de propriétés riveraines, c’est donc, a contrario, qu’il est néanmoins également applicable à celles-ci.


    Quant à l’annulation partielle de la décision contestée, celle-ci apparait elle-même sujette à caution au cas présent.

    En effet, outre que la mesure de municipalisation contestée semblait poursuivre un but unique, le seul fait que les deux tronçons considérés de la voie en cause soit traversée par une voie publique (emportant le découpage de ces deux tronçons en deux parcelles cadastrales distinctes) n’apparait pas nécessairement suffisant dès lors que ces deux tronçons relevaient d’un même régime de propriété, étaient dans le prolongement l’un de l’autre, si bien que le premier permettait notamment d’accéder au second alors qu'il a pu être jugé que :

    « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la parcelle AK 630, située dans le lotissement La Musardière sur la commune de Roncq et qui dessert quatre lots dont celui appartenant à M. X, se situe dans un ensemble d’habitations au sens de l’article L. 318-3 précité ; qu’elle se trouve au même niveau que la rue de la Briquetterie, voie ouverte à la circulation publique et incorporée au domaine public par le même arrêté, dans la continuité de cette rue ; qu’elle doit ainsi être regardée comme elle-même ouverte à la circulation publique ; que le moyen tiré de ce que M. X en est propriétaire indivis et en a pour partie payé le prix lors de l’acquisition de son lot est inopérant dès lors que la disposition précitée a précisément pour objet de permettre le transfert sans indemnité dans le domaine public d’une voie privée ouverte à la circulation publique » (CAA. Douai, 4 mars 2004, Communauté Urbaine de Lille, req. n°01DA00341).

    Mais précisément, on peut se demander si en résumé le Tribunal n’a pas confondu la notion de « voies ouvertes à la circulation publique » visée par l’article L.318-3 avec celle, plus restreinte, de voies ouvertes à la circulation automobile générale (sur la distinction, comparer notamment : CAA. Paris 10 mai 2007, M. Y., req. n°04PA02209 / CAA. Bordeaux, 29 mai 2007, Cne de Soorts-Hossegor, req. n°05NX00180).

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur le statut du reliquat conservé par le propriétaire du terrain d’origine au regard de la règlementation sur les lotissements

     

    Pour application du régime en vigueur entre le 1er octobre 2007 et le 29 février 2012, il y a bien lotissement dès la création du premier lot à construire, y compris si ce dernier est constitué par le reliquat du terrain conservé par le propriétaire d’origine de l’unité foncière initiale.

    CE. 20 février 2012, Sté Pozzo Promotion, req. n°345.728


    Dans cette affaire le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire un ensemble immobilier de 22 logements sur une unité foncière destinée à être ultérieurement divisée. Et cette autorisation devait être contestée au motif de sa prétendue méconnaissance de la règlementation sur les lotissements puisque sa délivrance n’avait été précédée ni d’un permis d’aménager, ni d’une décision de non-opposition à déclaration préalable au titre de cette règlementation.

    Il reste que cette unité foncière appartenant au pétitionnaire était déjà bâtie et que la division de cette dernière avait vocation à résulter de la cession à un tiers non pas de sa partie nue mais de celle déjà construite sur laquelle ne portait pas le projet autorisé par le permis de construire contesté et dont l’emprise correspondait donc au reliquat que le pétitionnaire entendait ainsi conserver à cette fin.

    1.- Le recours en annulation à l’encontre de ce permis de construire devait toutefois être tout d’abord rejeté en première instance et, pour sa part, la Cour administrative d’appel de Nantes devait ensuite rejeter la requête en appel, notamment au motif suivant :

    « considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'assiette du projet est constituée par la réunion des parcelles AD648 et AD650 et que la maison construite sur la parcelle AD648, sur laquelle le projet ne prévoit pas l'exécution de travaux, doit être cédée avant que ceux-ci ne commencent ; que la cession de cette partie du terrain d'assiette n'ayant pas pour objet d'y implanter un ou plusieurs bâtiments, une telle opération ne constitue pas un lotissement au sens de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que les consorts X ne sont fondés à soutenir ni que la société Pozzo Promotion aurait dû solliciter l'attribution d'un permis d'aménager, ni que le permis de construire ne pouvait être délivré par le maire de Jullouville en l'absence de la déclaration préalable prévue par l'article L. 442-3 du code précité » (CAA. Nantes, 12 novembre 2010, Consorts X…, req. n°09NT02180).

    La Cour rejeta donc ce moyen non pas au motif d’ordre général que l’opération en cause n’impliquait la création que d’un seul et unique lot à construire mais, plus spécifiquement, en raison du fait que la seule partie détachée à bâtir correspondait au reliquat du terrain d’origine à conserver par son propriétaire initial – le pétitionnaire – puisqu’aucun travaux n’était projeté sur la parcelle déjà bâtie à céder à un tiers, si bien « que la cession de cette partie du terrain d'assiette n'ayant pas pour objet d'y implanter un ou plusieurs bâtiments, une telle opération ne constitue pas un lotissement au sens de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme ».

    Tout en confirmant qu’aux termes des dispositions combinées des articles L.442-1, L.442-2 et L.442-3 du Code de l’urbanisme alors applicables il pouvait bien déjà y avoir lotissement dès le premier détachement d’une parcelle en vue d’y bâtir (nous n’y reviendrons pas…), le Conseil d’Etat devait néanmoins rejeter cette analyse :

    « considérant qu'une opération d'aménagement ayant pour effet la division en deux lots d'une propriété foncière est susceptible de constituer un lotissement, au sens de ces dispositions, s'il est prévu d'implanter des bâtiments sur l'un au moins de ces deux lots ; que, par suite, en jugeant que la cession d'une partie du terrain d'assiette n'ayant pas pour objet d'implanter un ou plusieurs bâtiments sur la partie cédée, l'opération ne constituait pas un lotissement au sens de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la parcelle conservée par la société propriétaire était destinée à l'implantation d'un ensemble immobilier, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit » ;

    et ce, pour juger que si l’opération en cause ne relevait effectivement pas de la règlementation sur les lotissements, c’était pour le seul motif suivant :

    « considérant, toutefois, qu'il est constant que la division, résultant de la cession de l'une des parcelles, est intervenue postérieurement à la délivrance du permis de construire attaqué, le 15 septembre 2008 ; que, par suite, le moyen, soulevé devant les juges du fond, tiré de ce que la société pétitionnaire aurait dû solliciter l'attribution d'un permis d'aménager ou que le permis de construire ne pouvait être délivré en l'absence de la déclaration préalable prévue par l'article L. 442-3 du code de l'urbanisme, était inopérant ; que, dès lors, il y a lieu de substituer ce motif au motif erroné retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie sur ce point le dispositif ».

    Il est donc clair que si la division de l’unité foncière d’origine était intervenue avant que son propriétaire n’y obtienne un permis de construire sur la partie qu’il avait conservée, cette opération aurait été constitutive d’un lotissement.

    En d’autres termes, cette réglementation a été jugée inopposable au projet et au permis de construire contesté au seul et unique motif que la division devait avoir lieu après la délivrance de cette autorisation.

    2.- On commencera ainsi par examiné ce motif puisque dans cet arrêt le Conseil d’Etat s’est tout d’abord borné à citer les articles L.442-1, L.442-2 et L.442-3 pour ensuite relever que « la division, résultant de la cession de l'une des parcelles, est intervenue postérieurement à la délivrance du permis de construire attaqué » mais ce, sans même viser donc l’article R.442-1 a) alors applicable et relatif à ce qu’il est convenu d’appeler les « divisions primaires », à savoir sous l’empire de ce dispositif « les divisions par ventes ou locations effectuées par un propriétaire au profit de personnes qu'il a habilitées à réaliser une opération immobilière sur une partie de sa propriété et qui ont elles-mêmes déjà obtenu un permis d'aménager ou un permis de construire portant sur la création d'un groupe de bâtiments ou d'un immeuble autre qu'une maison d'habitation individuelle ».

    Est-ce à dire que le seul fait que la division foncière intervienne après l’obtention du permis de construire se rapportant au projet auquel elle est liée suffit à exclure cette dernière de la règlementation sur les lotissements ? Nous ne le pensons pas, y compris sous l’empire du dispositif applicable depuis le 1er mars 2012.

    D’une façon générale, il faut ainsi rappeler que dans sa rédaction issue du décret 28 février 2012, l’article L.442-1 du Code de l’urbanisme portant définition des lotissements saisit les divisions foncières constitutives d’un ou plusieurs « lots destinés à être bâtis » ; l’article L.442-1-1 relatif à la définition de celles n’étant pas constitutives d’un lotissement visant pour sa part les « divisions en vue de construire ».

    Sur ce point, l’article L.442-1 ne s’écarte donc pas fondamentalement de son prédécesseur, ni d’ailleurs de l’ancien article R.315-1 du Code de l’urbanisme, lequel visait les divisions foncières « en vue de l'implantation de bâtiments », et pour l’application duquel le juge administratif a toujours veillé à « éviter les détournements de procédure en incluant dans le champ d’application du lotissement les divisions de terrain réalisées en cours de construction des bâtiments, donc après la délivrance du permis de construire », si bien qu’en principe, « pour échapper au lotissement, il faut donc diviser le terrain une fois les constructions achevées » (J-Cl. Bonnichot sur : CE. 21 août 1996, Ville de Toulouse, req. n°137.834 in BJDU, n°6/1996, p.404).

    Il en résultait et résulte encore donc que, par principe, toute division d’un terrain constituant l’assiette d’un projet de construction en cours de réalisation en exécution d’un permis de construire précédemment obtenu est susceptible de relever de la réglementation sur les lotissements (CAA. Marseille, 9 décembre 2004, Sté Riviéra Conseil, req. n°00MA02339) ; seules celles intervenant après l’achèvement des travaux en étant par nature exclues (CE. 26 mars 2003, M. et Mme Leclerc, req. n°231.425).

    Ainsi, la simple circonstance qu’une « division primaire » intervienne par définition après l’obtention d’un permis de construire ou d’aménager ne suffit pas en elle-même à exclure celle-ci du champ d’application de cette règlementation.

    Plus spécifiquement, une telle analyse poserait la problématique de l’utilité de l’article R.442-1 du Code de l’urbanisme en ce qu’il exclut de la définition du lotissement certaines divisions foncières intervenant pas nature après l’obtention du permis de construire et ferait donc à cet égard « doublon » avec une telle interprétation de ce « considérant » de l’arrêt commenté ce jour.

    Il est vrai toutefois que l’article R.442-1 d) alors applicable disposait que « les divisions par ventes ou locations effectuées par un propriétaire au profit de personnes qu'il a habilitées à réaliser une opération immobilière sur une partie de sa propriété et qui ont elles-mêmes déjà obtenu un permis d'aménager ou un permis de construire portant sur la création d'un groupe de bâtiments ou d'un immeuble autre qu'une maison d'habitation individuelle » ; l’article R.442-1 a) dans sa rédaction actuelle précisant également que « les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d'aménager portant sur la création d'un groupe de bâtiments ou d'un immeuble autre qu'une maison individuelle au sens de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation ».

    A ce stade, il ne serait donc pas impossible de conclure qu’il résulte des articles L442-1 et suivants du Code de l’urbanisme qu’une division foncière intervenant après l’obtention du permis de construire sur la parcelle à détacher est par principe exclue de la règlementation sur les lotissements ; sauf, par exception et par le jeu de l’article R.442-1, lorsque ce permis ne porte que sur une maison individuelle.

    Il reste que ce faisant l’article R.442-1 du Code de l’urbanisme aurait pour objet de définir certaines divisions relevant néanmoins de la procédure de lotissement alors même qu’elle ne correspondrait pas à la définition de principe posée par l’article L.442-1.

    Une telle lecture apparait cependant pour le moins délicate. Il faut en effet rappeler que le droit de diviser en vue de construire étant un attribut du droit de la propriété du sol, la définition et l’encadrement de ce qui constitue ou non un lotissement relèvent de la compétence du législateur (CE. 27 juillet 2012, Franck Hoffman, req. n°342.908). D’ailleurs, depuis le 1er octobre 2007, et l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 8 décembre 2007, la définition du lotissement est fixée par une disposition législative du Code de l’urbanisme, et en l’occurrence par l’article L.442-1 du Code de l’urbanisme dont la rédaction a été clarifiée et simplifiée par l’ordonnance du 22 décembre 2011 entrée en vigueur le 1er mars 2012

    Cela étant, si les dispositions législatives du Code de l’urbanisme ne posaient sous l’empire du dispositif applicable jusqu’au 1er octobre 2007 aucune définition du lotissement, l’article L.315-1 du renvoyait néanmoins expressément au pouvoir réglementaire le soin de définir l’ensemble des « règles générales applicables aux opérations ayant pour objet ou ayant eu pour effet la division d'une ou plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments ». C’est sur le fondement de cette habilitation législative (CAA. Marseille, 17 décembre 2012, Genevièce B…, req. n° 09MA00545) que, d’une part, l’article R.315-1 du Code de l’urbanisme définissait les divisions foncières constitutives d’un lotissement et soumises à ce titre à autorisation de lotir et que, d’autre part, l’article R.315-2 déterminait quant à lui celles qui, bien que liées à une entreprise de construction, n’étaient pas constitutives d’un lotissement.

    Il reste que l’article L.442-1-1 est donc issu de l’ordonnance du 22 novembre 2012. Or, non seulement l’ordonnance n°2005-1527 du 8 décembre 2005 ne comportait aucune disposition équivalente, mais en outre son article 15 (codifié à l’article L.442-2) se bornait à renvoyer au pouvoir réglementaire le seul soin de préciser « en fonction du nombre de terrains issus de la division, de la création de voies et d'équipements communs et de la localisation de l'opération, les cas dans lesquels la réalisation d'un lotissement doit être précédée d'un permis d'aménager » ; l’article L.442-3 précisant simplement pour sa part que « les lotissements qui ne sont pas soumis à la délivrance d'un permis d'aménager doivent faire l'objet d'une déclaration préalable ».

    Le pouvoir réglementaire était donc seulement habilité à déterminer les divisions foncières qui, parmi celles correspondant à la définition législative du lotissement, étaient soumises à permis d’aménager ; la détermination de celles relevant de cette procédure ayant indirectement pour effet de définir celles relevant du champ d’application de la déclaration préalable.

    Rien n’habilitait donc le pouvoir réglementaire à définir les divisions foncières réalisées en vue de construire relevant ou non de la définition du lotissement fixée par le législateur.

    Mais il est vrai que si l’on considère que l’article R.442-1 alors applicable était dépourvu de base légale la circonstance que son item d) soit susceptible de faire « doublon » avec la lecture de l’arrêté commenté ce jour, et selon laquelle le simple fait que la division intervienne après l’obtention du permis de construire suffit à l’exclure de la définition du lotissement, est moins problématique ; même si elle impliquerait également de considérer que ce défaut de base légale vaut également pour ce que cet article concerne les permis de construire ne portant que sur une maison individuelle…

    Quoi qu’il en soit, l’article L.442-1-1 issu de l’ordonnance du 22 décembre 2011 précise dorénavant expressément qu’un « décret en Conseil d'Etat énumère les divisions en vue de construire qui, en fonction de leur objet particulier ou par suite de leur contrôle au titre d'une autre procédure, ne sont pas constitutives d'un lotissement au sens de l'article L. 442-1 » ; lesquelles sont donc énoncées par l’article R.442-1, les « divisions primaires » relevant de son item a).

    S’il semble quelque peu délicat de considérer que les « divisions primaires » sont des divisions contrôlées « au titre d’une autre procédure » (puisque l’on voit mal comment et sous quelle forme se contrôle aurait vocation à s’opérer) et s’il n’est pas si évident de saisir en quoi elles revêtent un « objet particulier » (notamment au regard d’autres types de divisions visées par l’article R.442-1) puisqu’elles sont bien pratiquées en vue de construire, force est néanmoins de considérer que l’article L.442-1-1 du Code de l’urbanisme assure une base légale aux exemptions prévues par l’article R.442-1 et donc notamment à celle visée par son item a). Et d’ailleurs, la brochure du Ministère sur la réforme du lotissement entrée en vigueur le 1er mars 2012 présente ainsi l’utilité de l’article L.442-1-1 issu de l’ordonnance du 22 décembre 2011 : « donne une base légale aux exceptions ».

    Il s'ensuit par l’article L.442-1-1 précité le législateur a donc seulement entendu habiliter le pouvoir réglementaire à énumérer les divisions foncières qui « ne sont pas constitutives d'un lotissement au sens de l'article L. 442-1 » et, d’ailleurs, l’article R.442-1 précise expressément avoir pour unique objet de viser celles qui « ne constituent pas des lotissements ».

    En toute hypothèse, depuis le 1er octobre 2007, le pouvoir règlementaire n’a jamais été habilité à définir les divisions foncières en vue de construire constitutive d’un lotissement.

    Il n’apparait donc pas possible de lire l’actuel item a) de l’article R.442-1 – ni d’ailleurs l’ancien item a) – comme ayant pour objet unique d’inclure dans la définition du lotissement toute division foncière liée à la réalisation d’une maison individuelle et ce, par exception au principe général selon lequel les divisions intervenant après l’obtention du permis de construire sont par nature exclues de la définition du lotissement.

    Au demeurant, si l’on devait s’en tenir à le lettre de l’arrêt commenté sur ce point en ce qu’il s’est donc borné à relever que « la division, résultant de la cession de l'une des parcelles, est intervenue postérieurement à la délivrance du permis de construire attaqué », force serait alors de relever que le Conseil d’Etat ne s’est aucunement attaché à s’assurer qu’il y avait identité entre le titulaire du permis de construire et le détenteur de la maîtrise foncière de parcelle ainsi destinée à être bâtie : pour échapper au lotissement il suffirait donc à un propriétaire d’obtenir un permis de construire sur son terrain avant d’en céder une partie à un tiers…

    3.- Mais en toute hypothèse, il ressort donc clairement de cet arrêt que si la division de l’unité foncière d’origine était intervenue avant que son propriétaire n’y obtienne un permis de construire sur la partie qu’il devait conserver, cette opération aurait été constitutive d’un lotissement.

    Ainsi, si cet arrêt confirme qu’il y avait bien lotissement dès le premier lot à construire, il tend en revanche à infirmer les vertus prêtées par certains, à commencer par l’Administration centrale (Rép. min n°16280 : JOAN 17/06/2008, p.5150), à l’ancien article R.442-2 du Code de l’urbanisme et, notamment, à son item f).

    On sait en effet que sous l’empire du dispositif applicable entre le 1er octobre 2007 et le 29 février 2012, il était fréquemment considéré que le terrain constituant le reliquat d’un tènement plus vaste ayant été précédemment divisé selon le mode opératoire alors prévu par l’article R.442-1 d) du Code de l’urbanisme échappait lui-même de ce seul fait à la règlementation sur les lotissements, y compris lorsque dans un second temps son propriétaire projetait d’y construire ou de le céder à un tiers projetant lui-même d’y construire.

    Cette analyse s’appuyait sur l’item f) de l’article R.442-2 alors applicable, lequel visait sans distinction, ni restriction, « les terrains issus des divisions mentionnées à l'article R. 442-1 ». Il reste que, pour faire preuve d’un pragmatisme bienvenu, cette analyse n’était cependant pas totalement satisfaisante sur le plan juridique.

    Sans revenir sur les détails du régime alors applicable, ni sur les motifs sur lesquelles reposait la jurisprudence à laquelle ce dispositif était censé mettre un terme (CAA. Douai, 31 mai 2001, Yavan G., req. n°98DA12831 ; confirmé par : CE. 29 juillet 2002, Cne de Bois-Guillaume, req. n° 236.948) – voir icion rappellera en effet que l’article R.442-2 précité avait pour seul et unique objet de fixer les modalités de décompte des lots issus d’une même propriété d’origine et ce, uniquement « pour l'application du a de l'article R. 421-19 » alors en vigueur, et donc uniquement pour déterminer si le lotissement considéré relevait d’un permis d’aménager ou d’une déclaration.

    Dans le cas du reliquat d’un tènement plus vaste ayant précédemment fait l’objet d’une « division primaire », l’article R.442-2 visait ainsi uniquement à déterminer l’autorisation éventuellement requise pour diviser ce reliquat mais n’avait donc aucunement pour objet de déterminer en amont si ce reliquat constituait ou non lui-même un lots à construire au sens de la règlementation sur les lotissement ; l’article R.442-2 n’ayant plus généralement pas pour objet de participer à la qualification du lotissement puisqu’il ne trouvait à s’appliquer que « pour l'application du a de l'article R. 421-19 », c’est-à-dire uniquement pour le traitement procédural de divisions déjà qualifiées de lotissement en application des dispositions combinées des articles L.442-1 et R.442-1 du Code de l’urbanisme. D’ailleurs, dans les cas qui correspondaient à son item f), l’article R.442-2 ne trouvait en tout état de cause à s’appliquer que lorsque le reliquat issu d’une ou plusieurs divisions préalables d’une unité foncière d’origine avait lui-même vocation à être ultérieurement divisé.

    De ce fait, et en toute hypothèse lorsqu’aucune nouvelle division n’était projetée sur ce reliquat, sa qualification au regard de la règlementation sur les lotissements ne semblait pouvoir s’opérer qu’à travers la définition fixée par l’article L.442-1, lequel visait alors non seulement les divisions ayant pour objet de créer un terrain à bâtir mais également celles ayant pour effet de créer un tel terrain sur une période inférieure à dix ans. S’il était également pris en compte par l’item a) de l’article R.421-19, pour application duquel avait été adopté l’article R.442-2, le délai de dix ans prévu par l’article précité n’était donc pas seulement la période à retenir pour apprécier si les divisions considérées impliquaient ou non l’obtention d’un permis d’aménager, il constituait également la période sur laquelle devait être appréciée la constitution même d’un lotissement et ce, alors même qu’il y semblait déjà y avoir lotissement dès la formation du premier lot à construire.

    C’était donc bien qu’alors même que la division initiale n’avait pas eu pour objet de créer un lot à construire constitutif d’un lotissement, il semblait néanmoins falloir rechercher si elle n’avait pas ultérieurement eu pour effet d’aboutir à la création d’un tel lot dans les dix années suivantes. Et partant, le seul fait qu’une division réalisée au titre de l’article R.441- d) n’ait pas pour objet de créer un lot constitutif d’un lotissement au moment de sa réalisation ne permettait donc pas nécessairement de conclure que le reliquat né par l’effet de cette division était lui-même insusceptible d’être qualifié de lotissement, tout particulièrement si son propriétaire décidait ensuite de le vendre dans sa totalité à un tiers projetant d’y construire. En effet, quel que soit le moment de cette cession par rapport à la date à laquelle l’acquéreur de la totalité de ce reliquat y obtenait un permis, il n’en demeurait pas moins qu’à sa date de délivrance ce permis portait sur un terrain né par l’effet d’une division préalable déjà réalisée à la date de cette cession alors que cette dernière, même si elle intervenait après l’obtention de ce permis, n’emportait elle-même aucune division foncière nouvelle : cette cession ne correspondait donc pas à l’hypothèse alors visée par l’article R.442-1 d) du Code de l’urbanisme. Il n’était donc pas si certain que le reliquat d’un terrain précédemment détaché de façon indirecte par le jeu de la « division primaire » de la partie cédée en vue de construire de l’unité foncière initiale échappait nécessairement et en toute hypothèse à la règlementation sur les lotissements.

    Précisément, il faut rappeler que dans l’affaire objet de l’arrêt commenté ce jour la parcelle à construire devait provenir d’une division foncière liée à la cession à un tiers de la partie déjà bâtie du terrain d’origine sans qu’aucun travaux ne soit projeté sur cet immeuble.

    Or, l’article R.442-2 a) alors applicable visait également « les terrains supportant des bâtiments qui ne sont pas destinés à être démolis ».

    Pour autant, ce n’est donc pas cette circonstance qui a justifié en l'espèce l’exclusion de l’opération de la règlementation et de la procédure sur les lotissements mais le fait que cette division se réalise selon un mode opératoire correspondant à la finalité poursuivi par l’article R.442-a) alors en vigueur.

    Le simple fait qu’une parcelle soit issue d’une division correspondant à l’une de celles alors visées par l’ancien article R.442-2 ne suffisait donc pas en lui-même à exclure dans sa totalité l’opération considérée de la règlementation du lotissement…

    4.- Cela étant, force est maintenant de s’interroger sur la portée globale de cet arrêt au regard du régime en vigueur depuis le 1er mars 2012.

    Dans cette perspective, on peut ainsi rappeler que si la Cour administrative de Nantes avait considéré « que la cession de cette partie du terrain d'assiette n'ayant pas pour objet d'y implanter un ou plusieurs bâtiments, une telle opération ne constitue pas un lotissement au sens de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme », le Conseil d’Etat a censuré cette analyse en précisant « qu'une opération d'aménagement ayant pour effet la division en deux lots d'une propriété foncière est susceptible de constituer un lotissement, au sens de ces dispositions, s'il est prévu d'implanter des bâtiments sur l'un au moins de ces deux lots ».

    Précisément, la principale innovation de l’ordonnance du 22 décembre 2011 est d’avoir substantiellement modifié la définition du lotissement, et par voie de conséquence, le champ d’application de sa procédure puisque l’article L.442-1 dispose dorénavant que « constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ».

    L’article précité a donc supprimé d'une façon générale le "lotissement effet" et non pas seulement le délai d’appréciation rétroactif de dix ans qu'au demeurant, l’on ne retrouve plus non plus à l’article R.421-19 a) du Code de l’urbanisme, le champ d’application de la procédure du permis d’aménager n’étant lui-même plus directement déterminé par le nombre de lots à construire.

    Partant, l’ancien article R.442-2, et notamment son item f), ont été abrogés et n’ont plus d’équivalent, les divisions visées par ce dernier article ayant été intégrées à l’article R.442-1 – telle « les détachements de terrains supportant des bâtiments qui ne sont pas destinés à être démolis » - lesquels ne sont donc plus en principe constitutive d’un lotissement.

    Il s’ensuit que le reliquat conservé par le propriétaire de l’unité foncière initiale semble aujourd’hui pouvoir accéder immédiatement à un statut identique aux terrains n’ayant jamais été divisés ; ce qui précédemment n’était le cas qu’au terme d’un délai de dix ans passé la dernière division. Ainsi, quand bien même ce reliquat serait-il cédé à un tiers en vue de construire, voire quand bien même les parcelles initialement acquises dans un autre but feraient-elles ensuite l’objet d’un projet de construction, il n’en demeure pas moins que ces terrains apparaissent aujourd’hui devoir en principe échapper à la procédure de lotissement puisque s’ils sont certes issus d’une division préalable, celle-ci n’avait alors pas nécessairement pour objet de créer ces terrains en tant que lots destinés à l’implantation de bâtiments ; ce n’est que par l’effet d’un projet ultérieur à cette division qu’ils se trouvent revêtir le caractère de terrains à bâtir. Il nous semble donc clair que, sans attendre dix ans, ce reliquat indirectement issue d’une précédente division pourra le plus être bâti, le cas échant cédé, et a fortiori divisé selon ce même procédé, sans formalité préalable au titre de la règlementation sur les lotissements.

    En cela, ce dispositif génère cependant une difficulté. Certes, ce reliquat sera lui-même issu de fait d’une division non constitutive d’un lotissement. Il reste que cette division n’aura donc pas été contrôlée alors que, comme on le sait l’article R.442-1 a) du Code de l’urbanisme exclut de son champ d’application les divisions se rapportant à un permis de construire portant sur une maison individuelle. Or, si l’on considère que ce reliquat n’est pas lui-même issu d’une division ayant eu pour objet d’en faire un lot à bâtir au moment auquel elle a été réalisée, ce reliquat pourra être ensuite, et sans condition de délai, librement cédé à un tiers, y compris s’il projette d’y construire une maison individuelle ; l’article précité n’étant pas opposable à cette cession dès lors que celle-ci n’emporte aucune nouvelle division en vue de construire ; sauf peut-être à ce qu’il soit établi que cette cession a volontairement été artificiellement dissociée dans le temps de la première et ce, dans le but d’échapper à la procédure de lotissement.

    Mais pour revenir au cas d’espèce, et ainsi conclure, il faut peut être également réservé le cas où le détachement de la partie bâtie du terrain d’origine est vendue à un tiers dans le seul but de permettre à son propriétaire de réaliser un projet de construction sur le reliquat qu’il conserve, à titre d’exemple, pour contourner un article 5 du POS/PLU qui limiterait le nombre de bâtiment par unité foncière, pour créer une limite séparative ou encore pour régénérer totalement la constructibilité de ce reliquat à la faveur de l’abrogation de l’ancien article L.111-5 du Code de l’urbanisme. Dans ces cas, en effet, ce reliquat n’est pas seulement l’effet de la cession de la partie bâtie du terrain cédée à un tiers mais peut être regardé comme issue d’une division ayant spécifiquement « pour objet de créer un (…) lot destiné à être bâti ».

    Même sous l’empire du régime en vigueur depuis le 1er mars 2012, le reliquat conservé par le propriétaire ne semble donc pas échapper par nature et en toute hypothèse à la règlementation sur les lotissements.

    C’est peut-être l’intérêt à cet égard de l’arrêt commenté de ce jour puisqu’il permet au propriétaire du terrain d’origine de bénéficier du régime des « divisions primaires » en étendant le mode opératoire de l’article R.442-1 a) du Code de l’urbanisme au cas où le propriétaire divise non pas au « au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire » mais à son seul et unique profit; ce qui certes ne colle pas à la lettre de cet article mais correspond néanmoins à sa finalité puisque l'on voit mal pourquoi le propriétaire devrait ainsi se trouver assujetti à une procédure protectrice qui, dans ce cas, n'est pourtant pas en principe applicable aux tiers-acquéreurs.

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés