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JURISURBA - Page 41

  • Sur le délai de validité des autorisations de lotir (délivrées avant le 1er octobre 2007)

     

    Le délai de validité des autorisations de lotir délivrées avant le 1er octobre 2007, et encore en vigueur à cette date au regard de l’ancien article R.315-30 du Code de l’urbanisme, est depuis régi par l’article R.424-17 et, partant, celles qui étaient alors encore en vigueur ont pu bénéficier de la majoration d’un an instituée par le décret du 19 décembre 2008.

    CAA. Marseille, 20 juin 2013, M.M…B…, req. n°12MA03952

    Comme on le sait, le régime entrée en vigueur le 1er octobre 2007 a supprimé les « autorisations de lotir » pour y substituer deux formes d’autorisations distinctes – le permis d’aménager et la décision de non-opposition à déclaration préalable – mais ce, sans prévoir aucune disposition transitoire spécifique à l’égard des premières.

    Si l’entrée en vigueur de ce régime ne pouvait bien entendu pas avoir pour effet de rendre immédiatement caduques les autorisations de lotir encore en vigueur au 1er octobre 2007 (dont les demandes présentées avant cette date restées d’ailleurs encore valables et instruites au regard des dispositions antérieures), il était plus difficile de déterminer les dispositions régissant leur délai de validité et, plus précisément, d’établir si elles demeuraient régies par l’ancien article R.315-30 ou si elles s’en trouvaient soumises au régime découlant des nouveaux articles R.424-17 et suivants du Code de l’urbanisme.

    Au demeurant, la doctrine administrative sur ce point était d’ailleurs relativement « floue » puisque sur son site le Ministère avait précisé que :

    « en application de l’article R.424-17 du code de l’urbanisme, le permis de construire d’aménager ou de démolir est périmé si, passé un délai de deux ans à compter de la date de notification du permis ou de la date de décision tacite, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. Ces dispositions s’appliquent quel que soit le permis, qu’il soit ou non réalisé par tranches. Le décret n° 2007-817 relatif à la restauration immobilière et portant diverses dispositions modifiant le code de l’urbanisme indique dans son article 4 que "les demandes de permis de construire et d’autorisations prévues par le code de l’urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de dépôt". En revanche, une fois les autorisations délivrées, ces dernières sont soumises au droit en vigueur au jour de la décision. C’est le cas pour le délai de validité » ;

    alors que dans le cadre d’une réponse ministérielle il avait estimé que :

    « l'article 1 du décret n° 2008-1353 fixe précisément le champ d'application de la prorogation du délai d'un an des autorisations de construire en indiquant que cette disposition concerne « le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration intervenus au plus tard le 31 décembre 2010 ». Compte tenu du régime particulier de caducité des autorisations de lotir, délivrées en application des règles en vigueur avant la réforme du1er octobre 2007, celles-ci ne figurent pas au nombre des actes énumérés par ledit décret. En conséquence, les autorisations de lotir régies par la législation antérieure à la réforme évoquée ne peuvent bénéficier des dispositions dérogatoires introduites par le texte réglementaire du 19 décembre 2008. Leur durée de validité reste fixée à dix-huit mois et trois ans, en application de l'ancien article R. 315-30 du code de l'urbanisme. En revanche, les lotissements ayant fait l'objet d'un permis d'aménager ou d'une non-opposition à déclaration préalable depuis le 1er octobre 2007 en bénéficient » (Rép. Min n°57338 ; JOAN, 15/12/2009, p.12075).

    Or, s’il est vrai que ces deux réponses portaient sur des dispositifs distincts (l’article R.424-17, d’une part, et le décret du 19 décembre 2008, d’autre part) et étaient relatives pour la première aux autorisations de lotir sollicitées avant le 1er octobre 2007 mais obtenues après cette date alors que la seconde, avaient trait à celles délivrées avant cette échéance, il reste que cette dernière était exclusivement fondée sur le fait que le décret du 19 décembre 2008 ne visait pas expressément les « autorisations de lotir » alors que la première concluait à l’article R.424-17 qui lui-même ne mentionnait pourtant pas ces autorisations.

    De même, l’examen des arrêts d’appel rendus au sujet du régime applicable à la durée de validité des permis de construire pouvait en première analyse générer certaines interrogations puisqu’il a pu être jugé que :

    « Considérant que, pour contester le jugement susvisé, M. X fait valoir que le permis de construire en litige, délivré le 23 juillet 2003, n'avait fait l'objet d'aucun commencement d'exécution dans les deux ans de sa notification à sa bénéficiaire et était caduc depuis juillet 2005 ; que cette affirmation n'est ni contestée ni démentie par les pièces du dossier ; que le délai de validité du permis de construire en litige n'est pas régi, contrairement à ce que prétend la commune de Gardanne, par les dispositions de l'article R. 424-19 introduites dans le code de l'urbanisme par le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007, entrées en vigueur le 1er octobre 2007 postérieurement au permis de construire et au jugement attaqués, mais par celles de l'alinéa 1er de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme alors en vigueur" (CAA. Marseille, 10 juillet 2009, Ph. X…, req. n°07MA00341) ;

    mais en revanche que :

    « Considérant (…) qu’ il ne ressort pas des pièces du dossier que des travaux de construction de la grange et de l'atelier se sont poursuivis après la fin août 2007 ; que si le maire de Gouvieux s'est fondé, pour édicter l'arrêté de péremption litigieux, sur une interruption de travaux comprise entre le 21 mars 2007 et le 5 septembre 2008, il résulte de ce qui précède qu'il aurait pu prendre la même décision en se fondant sur une interruption de travaux d'au moins une année en retenant une période comprise entre le 4 septembre 2007 et le 5 septembre 2008 ; que, par suite, le maire de Gouvieux a pu à bon droit, sur le fondement de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, constater, par sa décision du 9 septembre 2008, la péremption du permis de construire délivré à M. A le 31 octobre 2000 en tant qu'il portait sur la grange et l'atelier ; que, par suite, la COMMUNE DE GOUVIEUX est fondée à soutenir que c'est à tort que, dans son jugement, le tribunal administratif d'Amiens a retenu le motif que l'interruption de travaux n'était pas établie pour prononcer l'annulation de l'arrêté de son maire en date du 9 septembre 2008 » (CAA. Douai, 19 juillet 2012, Cne de Gouvieux, req. n°11DA01326) ;

    en outre, sans aucune référence à l’ancien article R.421-32 du Code de l’urbanisme.

    Cela étant, force est de relever que dans la première affaire le permis de construire en cause avait été délivré, ainsi que l’a d’ailleurs souligné la Cour, avant le 1er octobre 2007, avait été frappé d’un recours avant cette même date et surtout, à cette date, était déjà caduc au regard du régime découlant de l’ancien article R.421-32 précité. La question n’était donc pas de déterminer si les articles R.424-17 et suivants étaient applicables à ce permis de construire mais d’apprécier s’ils pouvaient avoir pour effet de faire « revivre » cette autorisation ; ce qui ne pouvait évidemment pas être le cas.

    En revanche, dans la seconde, si le permis de construire en cause avait été obtenu avant le 1er octobre 2007, il reste que son délai de validité expirait après cette date, soit à une époque où l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme n’était plus en vigueur et avait été « remplacé » par l’article R.424-17 du Code de l’urbanisme.

    Tel était le cas de l’autorisation de lotir en litige dans l’arrêt objet de la note de ce jour puisque délivrée le 9 août 2006, cette autorisation était au regard de l’article R.315-30 alors applicable encore en vigueur au 1er octobre 2007 et, au regard de l’article R.424-17 applicable depuis cette date, toujours valable à la date d’entrée en vigueur du décret du 19 décembre 2008. Et précisément, la Cour administrative d’appel de Marseille a donc jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 315-30 du code de l'urbanisme en vigueur à la date de la décision en litige " L'arrêté d'autorisation du lotissement devient caduc si les travaux d'aménagement ne sont pas commencés dans un délai de dix-huit mois à compter de la notification au lotisseur de l'arrêté d'autorisation ou de la date à laquelle l'autorisation est réputée accordée en application de l'article R. 315-21. Il en est de même si lesdits travaux ne sont pas achevés dans le délai fixé par l'arrêté et qui ne peut être supérieur à une durée de trois ans décomptée comme il est dit à l'alinéa précédent. Toutefois, dans le cas où la réalisation des travaux par tranches a été autorisée, les délais impartis au lotisseur en application des alinéas ci-dessus s'appliquent aux travaux de la première tranche. Les délais impartis pour réaliser les travaux des autres tranches sont fixés par l'arrêté d'autorisation sans qu'ils puissent excéder une durée de six ans décomptée comme il est dit à l'alinéa premier du présent article. (...) Lorsque l'autorisation est devenue caduque, l'opération ne peut être poursuivie qu'en ce qui concerne les tranches dont les travaux d'aménagement ont été menés à terme " ; que l'article R. 424-17 du même code applicable depuis le 1er octobre 2007 aux autorisations de lotir encore en vigueur à cette date prévoit : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans un délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ... " que le décret du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable prévoit enfin dans son article premier que " par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 et à l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme, le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration intervenus au plus tard le 31 décembre 2010 est porté à trois ans. " et dans son article deux que " Le présent décret s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication. " ; que pour l'application de ces dispositions, le point de départ du délai au terme duquel une autorisation de lotir devient caduque s'apprécie à compter de la notification de l'arrêté de lotir ou à défaut de la présomption d'une telle notification résultant de la connaissance qu'en aurait manifestée le bénéficiaire ;
    Considérant, d'une part, que la date de notification de l'arrêté du 9 août 2006 ne ressort d'aucune des pièces du dossier ; que, d'autre part, en application des dispositions combinées des articles R. 315-30 et R. 424-17 du code de l'urbanisme, l'arrêté du 9 août 2006 était encore en vigueur au 20 décembre 2008 et pouvait ainsi bénéficier du régime spécifique de péremption de 3 ans institué par le décret du 19 décembre 2008, d'application immédiate ; que M. D...n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'autorisation de lotir qu'il conteste serait frappé de caducité du seul fait que le bénéficiaire de cette autorisation n'a engagé aucun travaux avant le 9 février 2008 ; que s'il affirme, dans ses dernières écritures produites juste avant clôture de l'instruction, que la Cour observera qu'aucun travaux significatifs n'ont été réalisés depuis 2004, il ne produit aucun élément pour permettre une telle constatation ; que le présent litige conserve, dès lors, son objet
    » ;


    et partant que cette autorisation de lotir pouvait donc bénéficier de la majoration d’un an instituée par ce décret.

    Une telle analyse nous parait difficilement contestable.

    Il faut en effet rappeler que l’article R.421-32 comme l’ancien article R.315-30 du Code de l’urbanisme ont été abrogés, sans aucune forme d’exception, ni mesure transitoire dès le 1er octobre 2007. En effet, l'article 4 du décret du 11 juin 2007 non seulement ne visait que les demandes en cours d’instruction à la date du 1er octobre 2007 mais en outre se bornait à disposer que « les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt ».

    Or, le délai de validité constitue une règle de fond et, en toute hypothèse, concerne le régime des autorisations obtenues et non pas le traitement des « demandes » qui seules sont visées par l’article précité.

    D’ailleurs, le Tribunal administratif de Lyon a pu juger « qu’en absence de dispositions transitoires contraires, ces dispositions combinées sont applicables aux autorisations et déclarations d’urbanisme nées antérieurement à leur entrée en vigueur, lorsque ces autorisations et déclarations ne sont pas entachées de péremption au regard des règles antérieurement applicables » (TA. Lyon, 10 mai 2012, req. n°10-05100). Et de même, le Tribunal administratif de Nice a pour sa part jugé que la prorogation exceptionnelle d’un an institué par le décret du 19 décembre 2008 était néanmoins applicable à un permis de construire obtenu avant le 1er octobre 2007 (TA. Nice, 19 avril 2012, req. n°09-02188) ; ces deux jugements apparaissant parfaitement conformes à l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat avait jugé, en l’absence de toute disposition transitoire contraire, que l’extension du délai de validité de l’article R.421-38 du Code de l’urbanisme résultant du décret du 12 août 1981 était applicable à tous les permis de construire alors en cours de validité (CE. 27 novembre 1987, Association des amis des sites de la baie de BANDOL, req. n°66.287).

    Il est vrai, toutefois, que l’ensemble de la jurisprudence précitée antérieure à l’arrêté commenté a été rendue au sujet du délai de validité du permis de construire, soit au sujet d’une forme d’autorisation d’urbanisme existante avant comme après le 1er octobre 2007 alors qu’à cette date, l’autorisation de lotir a pour sa part disparu au profit du permis d’aménager et de la déclaration préalable de lotissement ; ce dont il résulte que les articles R.424-17 du Code de l’urbanisme ne visent pas ces autorisations.

    Il reste que si les termes « permis de construire » ont été maintenus, il n’en demeure pas moins que cette forme d’autorisation n’avait pas strictement le même champ d’application et n’étaient pas soumis au même régime - notamment de péremption - avant le 1er octobre 2007.

    Malgré cette identité d’intitulé, il s’agit donc de deux types d’autorisations distinctes ou, à tout le moins, d’autorisations au régime aussi différent qu’une autorisation de lotir et qu’un permis d’aménager.

    D’ailleurs, si l’on considère qu’une autorisation de lotir ne saurait bénéficier du régime applicable depuis cette date, et notamment de celui-ci applicable au permis d’aménager, il s’ensuivrait qu’une telle autorisation ne pourrait plus faire l’objet d’un arrêté modificatif puisque :

    - les seules autorisations susceptibles d’être délivrées en tant qu’autorisation de lotir après cette même date sont celles répondant à une demande présentée avant le 1er octobre 2007 ;
    - le régime des autorisations d’urbanisme modificatives est celui en vigueur à la date à laquelle l’administration statue sur la demande s’y rapportant et non pas donc celui en vigueur à la date de délivrance ;

    si bien qu’une autorisation de lotir obtenu suivant le régime applicable avant cette date ne saurait ensuite être modifiée par un permis d’aménager modificatif.

    Pour autant, il a pu être jugé qu’une telle autorisation non seulement pouvait donner lieu à un permis d’aménager modificatif mais, bien plus, pouvaient être régularisée, tant pour ses vices de forme (CAA. Nantes, 4 mai 2010, Cne de Belz, req. n°09NT01343) que ses vices de fond (CAA. Marseille, 24 novembre 2011, Sté Barkate Promotion, req. n°09MA03035), par un tel permis obtenu selon le régime applicable depuis le 1er octobre 2007.

    C’est donc bien que le régime et les droits découlant d’un permis d’aménager sont transposables à une autorisation de lotir ; ce qui nous semble d’ailleurs selon nous également valoir pour les dispositions de l’article R.424-19 du code de l’urbanisme.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • La destination « CINASPIC » au sens de l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme n’est pas exclusive pour application de l’article R.424-17 b) du Code de l’urbanisme

     

    Même à admettre que ces deux affectations répondent à la notion de « CINASPIC », la transformation d’un hôtel des impôts en établissement d’enseignement constitue un changement de destination soumis à déclaration préalable au titre de l’article R.424-17 du Code de l’urbanisme.

    Cass. crim, 26 février 2013, pourvoi n°12.80-973

    Voici un arrêt qui s’il appelle relativement peu de commentaires n’en est pas mois intéressant en ce qu’il traite d’une problématique singulière dont nous ne pensions pas qu’elle serait si « rapidement » tranchée par la jurisprudence, en l’occurrence judiciaire.

    Dans cette affaire, le prévenu avait acquis un immeuble à usage d’hôtel des impôts mais qu’il avait ensuite transformé en établissement d’enseignement et ce, sans avoir sollicité la moindre autorisation d’urbanisme.

    Mais celui-ci devait ainsi être poursuivi puis condamné pour avoir procéder à un changement de destination sans avoir formulé la déclaration requise par l’article R.421-17 du Code de l’urbanisme ; la Cour d’appel de Versailles, aux termes d’une analyse quelque peu particulière, ayant estimé que l’immeuble existant était ainsi passé de construction à destination « de bureaux nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif » à « celle de construction et installation nécessaire aux services publics ou d'intérêt collectif comme assurant une activité exercée sous le contrôle de l'Etat dans le but de satisfaire un besoin d'intérêt général, mais ne répondant plus à la destination de bureaux ».

    Outre que cette distinction entre « CINASPIC » n’a évidemment pas lieu d’être au regard de l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme, du moins pour application de l’article R.421-17, il faut surtout préciser à titre liminaire qu’il n’est pas si certain et loin s’en faut que l’immeuble dans son état initial constituait un « CINASPIC » dès lors qu’en tant qu’hôtel des impôts il était principalement affecté à usage de bureau et d’archivages.

    Or, comme on le sait, « la notion d’équipement public ne saurait se confondre avec celle de bâtiment public, ni bien sûr avec celle de bâtiment accueillant du public. (…) Les bureaux de la CPAM, où les agents accomplissent leur travail, ne sont pas des équipements publics comme le sont une école, un hôpital, une piscine ou une bibliothèque, lesquels accueillent du public pour lui offrir un service d’enseignement, de soins, de loisirs. Il y’a dans la notion d’équipement public, l’idée de réponse apportée à un besoin collectif, par la mise à disposition d’installations sportives, culturelles, médicales, etc., ce que ne recouvre pas une simple construction de bureaux administratifs, même s’ils accueillent du public » (Concl. MITJAVILLE : CE. 3 mai 2004, CPAM de la Meuse, req. n°223.091).

    Il n’en demeure pas moins que dans son pourvoi en cassation, le prévenu devait contester cette distinction opérée par la Cour d’appel pour évidemment soutenir que dès lors qu’un hôtel des impôts et un établissement d’enseignement étaient l’un comme l’autre des « CINASPIC », il n’y avait eu aucun changement de destination au sens de l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme et, partant, qu’aucune déclaration n’était requise.

    On sait en effet que pour apprécier s’il y a ou non changement de destination l’article R.424-17 précité, (comme l’article R.421-14 d’ailleurs) vise les différentes destinations définies à l'article R.123-9 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que « les règles édictées [par un règlement de PLU] peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ».

    Toute la question est ainsi de savoir :

    • si la notion de « CINASPIC » correspond à une destination « primaire » et autonome de celles par ailleurs visées par l’article précité (« l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt ») et ou, plus spécifiquement, et pour application de l’article R.421-17, si elle prime celles-ci ;

    • ou si au contraire elle peut correspondre à une destination « secondaire » et revêtant un caractère mixte dont il faut alors prendre en compte toutes ses composantes pour apprécier si son changement d’usage est ou non constitutif d’un changement de destination.

    Or, c’est la seconde option que nous semble avoir retenu la Cour de cassation en jugeant que :

    « Attendu que, pour déclarer l'Institut de formation de Saint-Quentin-en-Yvelines coupable d'exécution irrégulière de travaux soumis à une déclaration préalable, l'arrêt attaqué constate que cet organisme n'a déposé aucune déclaration de travaux ; que les juges relèvent que le bâtiment acquis par le prévenu dans son état d'origine, à savoir un hôtel des impôts, puis aménagé par celui-ci en établissement d'enseignement, est une construction et installation nécessaire aux services publics ou d'intérêt collectif comme assurant une activité exercée sous le contrôle de l'Etat dans le but de satisfaire à un besoin d'intérêt général, mais ne répondant plus à la destination de bureaux ; qu'ils en déduisent que le changement de destination est démontré ;
    Attendu qu'en se déterminant par des motifs exempts d'insuffisance, d'où il résulte que le bâtiment existant était, au moins partiellement, destiné à un usage autre que de bureaux, la cour d'appel, abstraction faite de motifs erronés relatifs à la nécessité des services publics et à l'intérêt collectif, a justifié sa décision
    ».


    La solution n’était pas totalement évidente.

    Si au regard ddes destinations énoncées par l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme, certains types de construction sont par nature des « CINASPIC » (écoles, musées, hôpitaux, etc.), si bien qu’aucune autre de ces destinations ne peut les définir, d’autres peuvent parfaitement correspondre d’un point de vue physique et/ou fonctionnel à l’une de ces destinations mais néanmoins être qualifiées de « CINASPIC ».

    C’est ainsi qu’à titre d’exemple, une usine d’incinération constituant pourtant intrinsèquement une construction à destination industrielle, peut néanmoins accéder au statut de « CINASPIC » (CE. 23 décembre 1988, Association pour la défense de l’environnement de Miremont, req. n°82.863).

    A cet égard, la notion de CINASPIC correspond donc à une destination mixte ou, pour reprendre les termes de la Cour d’appel, à une destination « plus large que les autres et les recouvrant ».

    Il n’en demeure pas moins que lorsqu’à titre d’exemple, une usine d’incinération constitue un « CINASPIC » – ce qui ne va pas non plus de soi puisque rappelons-le la notion de « CINASPIC » est à géométrie variable et dépend de la réalité des besoins d’intérêt général auxquels elle a vocation à répondre (pour un exemple de ce mode d’appréciation en la matière : CAA. Lyon, 5 février 2013, Groupe Pizzorno Environnement, req. n°12LY01578) – elle s’en trouve alors soumise aux prescriptions spécifiquement prévues par le PLU pour ce type particulier de constructions et ce, alors même que ce même PLU vise spécifiquement les construction industrielle (CE. 16 juin 2004, Laboratoire de Biologie Végétale – Yves ROCHER, req. n° 254.172).

    Dans cette mesure, la notion de « CINASPIC » correspond ici à une destination exclusive qui prime celles par ailleurs énoncées par l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme.

    Cela étant, ces jurisprudences ont trait à la détermination des règles du PLU effectivement applicables aux permis de construire cause dans ces affaires ; ce qui renvoie à la fonction et à l’utilité de cette notion – et selon cet article à celles des « règles particulières » qu’elle permet d’édicter – qui « vise à fonder une faculté de dérogation aux règles générales » (Concl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    Ce sont donc les règles spéciales que constituent les normes propres aux CINASPIC qui priment les règles générales édictées et le cas échéant modulées selon les autres destinations visées par l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme.

    Or, en l’espèce, il ne s’agissait pas de déterminer en aval les normes applicables au projet mais d’apprécier en amont s’il impliquait ou non une déclaration préalable.

    Il n’en demeure pas moins que la solution retenue par la Cour de cassation apparait parfaitement fondée au regard tant de la finalité de la déclaration prévue par l’article R.424-17 b) du Code de l’urbanisme qu’au regard de l’utilité de ces « règles particulières ».

    D’une façon générale, il faut en effet rappeler qu’un projet portant sur un bâtiment existant et emportant un changement de destination sans travaux, ou sans travaux saisis par le droit des autorisations d’urbanisme, est néanmoins soumis aux normes d’urbanisme applicables en conséquence de sa nouvelle destination. La déclaration prévue par l’article R.421-17 b) du Code de l’urbanisme permet donc au premier chef de vérifier que ce changement de destination n’emporte pas une méconnaissance de ces règles.

    Plus spécifiquement, l’article R.123-9 précité vise l’édiction de « règles particulières » permettant donc uniquement d’apporter une « dérogation » ou, plus précisément, une exception aux règles générales ; ce dont il résulte que cet article n’a pas vocation à permettre d’affranchir les « CINASPIC » de toute règle ou, a contrario, implique néanmoins de les soumettre au « minimum normatif » requis.

    Cela étant, il est pour le moins fréquent que ces règles particulières soient exprimées de façon relativement souple et non quantifiée en prévoyant qu’à titre d’exemple, le nombre de places de stationnement requis doit être fixé en considération des besoins propres à l’équipement d’intérêt collectif considéré.

    Or, même si la destination du bâtiment existant et sa destination future présentent les caractéristiques propres aux « CINASPIC », il n’en demeure pas moins que ces besoins en matière de stationnement peuvent varier selon l’affectation effective du bâtiment en cause.

    C’est dans cette mesure que la décision commentée ce jour apparait justifier.

    Pour conclure, et bien que cet autre point particulier n’ait pas été abordé, on peut néanmoins relever que pour la Cour de cassation, il y avait bien changement de destination dès lors que le bâtiment « était, au moins partiellement, destiné à un usage autre que de bureaux » alors que rappelons-le l’article R.421-17 b) du Code de l’urbanisme précise également pour « l'application du présent alinéa, les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal ».

    Il reste que si les bureaux étaient les locaux principaux de l’hôtel des impôts existant (dont les locaux accessoires étaient les salles d’archivage), ils avaient a priori vocation à devenir en revanche les locaux accessoires d’une construction à destination principale d’établissement d’enseignement.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur l’assiette de la demande de permis de construire & l’échelle foncière à retenir pour l’application des règles d’urbanisme opposables au projet

     

    L’adjonction artificielle à l’assiette de la demande de parcelles n'ayant pas vocation à rester intégrées au terrain d'assiette du projet objet de celle-ci est inopérante, voire frauduleuse, et ne saurait donc être prise en compte pour apprécier la conformité de ce projet aux normes d’urbanisme lui étant opposables.

    CAA. Nantes, 10 mai 2013, M. & Mme A…, req. n°12NT00134/CAA. Lyon, 6 mai 2013, Mme F… & autres, req. n°12LY02084.

    La quasi-disparition du contrôle de la qualité habilitant à construire du pétitionnaire, et la généralisation subséquente de la théorie du propriétaire apparent ou du moins de ses effets, ont conduit au développement d’une doctrine selon laquelle, en substance, dès lors que le pétitionnaire y est autorisé par le propriétaire des parcelles voisines concernées, le cas échéant par une simple autorisation ad hoc, celui-ci peut librement aménager l’assiette de sa demande de permis de construire, laquelle constituerait alors l’unité foncière (apparente) à prendre en compte pour application des règles d’urbanisme opposables à son projet ; certains allant même jusqu’à considérer qu’une fois l’autorisation obtenue, les parcelles voisines ainsi incluses dans la demande pourraient en outre être ultérieurement réutlisées aux mêmes fins et de la même matière par d’autres demandes de permis de construire.

    Aussi peu contraignante que séduisante à l’ère de la surdensification, les fondements de cette analyse posent toutefois une difficulté puisque si le contrôle de ce qu’il est encore convenu d’appeler le titre habilitant à construire est effectivement réduit à une peau de chagrin du fait des dispositions combinées des articles R.423-1 et R.431-5 du Code de l’urbanisme, il n’en demeure pas moins que ces derniers n’ont en eux-mêmes strictement aucune incidence sur la notion d’unité foncière et la règle selon laquelle celle-ci constitue en principe l’échelle d’application des règles d’urbanisme.

    Et précisément, voici deux arrêts qui bien que rendus dans des affaires au contexte particulier tendent à établir que la légalité du procédé susdécrit n’est à tout le moins pas si évidente.

    Dans la première affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire portant sur les deux parcelles qu’il avait indiquées et inclut dans sa demande de permis de construire. Toutefois, il devait ultérieurement apparaitre que l’une de ces deux parcelles ne lui appartenait pas, ce qui devrait ainsi conduire le Maire à retirer cette autorisation, en l’occurrence pour fraude ; motif de retrait que devait confirmer la Cour administrative d’appel de Nantes en jugeant que :

    « considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Label Immo, marchand de biens, alors représentée par M. A..., a acquis en février 2005 à Indre une parcelle enclavée de 50 m², cadastrée AD 576 ; que M. B..., cadre commercial de cette société, a sollicité le 5 septembre 2005 un permis de construire sur cette parcelle qui lui a été accordé le 15 septembre 2005 ; qu'il a indiqué dans la demande de permis que la superficie du terrain était de 71 m² et, sur le plan de masse joint à la demande, a incorporé dans le terrain d'assiette du projet la partie de la parcelle voisine, cadastrée AD 559, séparant la parcelle AD 576 de la rue des Civelles ; qu'il est constant que lors d'une réunion tenue le 30 avril 2009 en mairie préalablement au retrait dudit permis, M. B... a reconnu avoir sciemment donné dans sa demande des indications erronées sur la consistance exacte de la parcelle d'assiette du projet, lesquelles ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité compétente sur la conformité de la construction projetée aux articles UA 3 et UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme exigeant que pour être constructible un terrain doit être desservi par une voie publique et raccordé aux réseaux d'eau potable et d'eaux usées ; que l'état d'enclavement de la parcelle AD 576 était par ailleurs rappelé dans l'acte de vente du 23 juin 2008 au profit de M. et Mme A..., auquel le permis avait été transféré le 5 mars 2009 ; qu'ainsi ce permis, obtenu par fraude, n'a pu créer de droits au profit de ses bénéficiaires successifs ; que, dans ces conditions, le maire a pu légalement le retirer par l'arrêté contesté du 26 mai 2009 ; que les appelants ne sauraient se prévaloir pour établir l'absence de fraude, ni d'une prétendue prescription acquisitive trentenaire au profit des propriétaires successifs de la parcelle litigieuse portant sur la fraction de la parcelle voisine AD 559 séparant leur terrain de la rue des Civelles, ni de la circonstance que cette fraction de parcelle est isolée par un mur de sa partie principale, ni d'une offre de vente très rapidement retirée de cette fraction de parcelle ; qu'ils ne sauraient enfin utilement soutenir, dès lors qu'eux-mêmes ne peuvent être regardés comme de bonne foi, que le retrait du permis de construire aurait dû intervenir par sécurité juridique dans le délai prévu par l'article 424-5 précité du code de l'urbanisme alors même que ce permis serait frauduleux ».

    D’une façon générale, il faut ainsi rappeler que la fraude implique non seulement une démarche du pétitionnaire tendant à masquer la réalité de son projet aux services instructeurs mais que cette démarche soit entreprise dans le but de contourner une règle d’urbanisme qui se serait opposée à la délivrance du permis de construire sollicité. Pour qu’il y ait fraude, il faut donc nécessairement que le « projet réel » du pétitionnaire soit illégal.

    Plus spécifiquement, force est de relever que la Cour n’a aucunement recherché si le pétitionnaire avait ou non sollicité et obtenu l’autorisation du propriétaire de la parcelle qu’il avait intégrée à sa demande de permis de construire. Et pour cause puisque la fraude ainsi caractérisée par la Cour n’est pas une fraude à l’article R.423-1 du Code de l’urbanisme mais aux articles 3 et 4 du règlement local d’urbanisme applicable.

    On peut donc penser que quand bien même le pétitionnaire aurait-il disposé de l’autorisation du propriétaire de cette parcelle, voire aurait clairement indiqué qu’il ne disposait que de l’autorisation ad hoc de celui-ci, le permis de construire contesté aurait néanmoins été jugé illégal au regard des articles 3 et 4 en cause.

    C’est ce que tend à confirmer le second arrêt objet de la note de ce jour, lequel a pour sa part été précisément rendu au sujet d’une règle relative aux droits à construire, le COS…

    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire portant sur trois parcelles contiguës dont deux avaient fait l’objet d’une délibération du Conseil municipal en permettant la vente au pétitionnaire tout en l’autorisant, par anticipation, à présenter sa demande de permis de construire sur celle-ci.

    Il reste que le permis de construire obtenu dans ces conditions devait donc être annulé par la Cour administrative d’appel de Lyon au motif suivant :

    « considérant qu'il ressort des pièces du dossier de la demande de permis de construire que le terrain d'assiette du projet qui a été autorisé par l'arrêté litigieux est constitué des parcelles cadastrées AR 291 et AR 163 et d'une partie de la parcelle cadastrée AR 232, correspondant à la nouvelle parcelle cadastrée AR 294 ; que, par une délibération du 24 septembre 2007, le conseil municipal de la commune de Gières a autorisé la cession des parcelles cadastrées AR 163 et AR 294 à la société ECAF et, dans l'attente, a autorisé cette société ou la société Yves Coppa immobilier à déposer une demande de permis de construire sur ces parcelles ; que cette même délibération prévoit que, sur ces dernières, la société ECAF réalisera un chemin réservé aux piétons et cyclistes et que, le coût de ces travaux d'aménagement étant égal à la valeur du terrain, la cession sera réalisée gratuitement, les espaces ainsi aménagés, destinés à l'usage du public, étant ensuite rétrocédés à la commune ; que, conformément à ces dispositions, le projet litigieux de la société Yves Coppa immobilier prévoit la réalisation d'une voie réservée aux piétons et cyclistes sur lesdites parcelles ; que, dans ces conditions, dès lors que ces dernières n'avaient aucunement vocation à rester intégrées au terrain d'assiette du projet de la société Yves Coppa immobilier, seule la parcelle cadastrée AR 291 doit être prise en compte pour la détermination des droits à construire résultant des dispositions précitées de l'article Uc 14 du règlement du plan local d'urbanisme, dont la finalité est de limiter la densité des constructions en zone Uc, qui constitue une zone d'habitat de moyenne densité ; que la superficie de cette parcelle étant de 3 250 m², la surface hors oeuvre nette du projet ne pouvait excéder 1 625 m² ; que l'arrêté contesté autorise une surface hors oeuvre nette de 2 026,23 m² ; que, dès lors, les requérants sont fondés à soutenir que l'article Uc 14 du règlement du plan local d'urbanisme a été méconnu ».

    A titre liminaire, et dans le prolongement de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes, il faut relever que la Cour administrative d’appel de Lyon a donc jugé que le permis de construire contesté était certes illégal mais ce, sans préciser qu’il était à cet égard entaché de fraude alors qu’à s’en tenir aux visas de cet arrêt il semble que l’existence d’une fraude ait été invoquée par les requérants.

    Mais outre que la caractérisation d’une fraude n’est réellement utile que dans le cadre du contentieux des retraits d’autorisation intervenant après l’expiration du délai prévu par l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme, ou dans le cadre du contentieux pénal se rapportant à la conformité des travaux exécutés, il faut cette fois-ci rappeler que la fraude implique une démarche tendant à tromper l’autorité compétente sur la réalité du projet objet de la demande ; ce dont il résulte qu’en principe, la fraude est exclue lorsqu’il est établi que l’administration avait nécessairement connaissance de la réalité du projet (pour un exemple en matière de divisions : CE. 21 mars 2007, Cne de Saint-Laurent du Var, req. n°278.559. Et en matière d’adjonction de parcelles : CAA. Paris, 10 novembre 2010, Max A…, req. n°09PA03116).

    Or, en l’espèce, les parcelles en cause avait fait l’objet d’une délibération du Conseil municipal de l’autorité compétente qui, malgré le principe d’indépendance des procédures et des législations, n’était pas réputée l’ignorer (CE. 23 décembre 2011, Association pour la défense et la protection de la commune de Varaville, req. n°322.912).

    En outre, si certains arrêts induisent que la fraude peut résulter d’une collusion entre le pétitionnaire et l’autorité compétente (CE. 21 mars 2007, Cne de Saint-Laurent du Var, req. n°278.559), la fraude implique également la caractérisation d’une démarche dolosive par définition volontaire et, concrètement, qu’il puisse être établi (par preuve ou présomption) que le pétitionnaire (et le cas échéant son complice) avait parfaitement connaissance de l’illégalité du projet objet de la demande (sur la complicité du Maire : Cass. crim. 14 juin 2005, pourvoi n° 05-80916, Bull. crim. n° 179) ; ce qui était ici nettement évident que dans l’affaire objet de l’arrêt de la Cour administrative de Nantes.

    Pour le reste, et en tout état de cause, deux observations doivent être formulées au sujet des données particulières de cette affaire et ce, pour préciser que celle-ci n’ont a priori eu aucune incidence en l’espèce.

    En premier lieu, il est vrai que permis de construire contesté intégrait la réalisation de travaux portant sur les parcelles à céder, ainsi incluse dans la même demande d’autorisation, alors qu’il y avait manifestement aucun lien entre ces travaux et ceux constituant le projet propre du pétitionnaire.

    Il reste, comme on le sait, que rien ne s‘oppose à ce qu’un pétitionnaire acquiert une parcelle voisine dans le but d’augmenter la constructibilité de sa propriété d’origine et ce, y compris s’il ne projette aucun travaux sur celle-ci (CE. 30 décembre 2002, SCI d’HLM de Lille, req. n°232.584).

    Dans cette affaire, ce n’est donc pas la seule adjonction des deux parcelles communales à l’assiette de la demande qui explique en elle-même l’illégalité du permis de construire contesté.

    En second lieu, si les requérants semblaient soutenir que les deux parcelles communales et les droits à construire y étant attachés relevaient du domaine public et étaient ainsi inaliénables par la commune et « inexploitables » par le pétitionnaire, cette circonstance n’avait en toute hypothèse aucune incidence selon nous.

    En effet, ce principe d’inaliénabilité aujourd’hui codifié à l’article L.3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques est une règle propre à la législation sur le domaine public alors que la notion de « droits à construire» et/ou de « surface constructible » attachés à une unité foncière est propre au droit de l’urbanisme et découle exclusivement de l’application d’une règle du POS/PLU communal, en l’occurrence le COS.

    Or, dans la mesure où la législation d’urbanisme est indépendante de la règlementation relative à la protection du domaine public, cette dernière règlementation ne saurait avoir aucune incidence sur les modalités d’application de la règle d’urbanisme et, par voie de conséquence, la méconnaissance de la règlementation sur le domaine public n’a en principe (et sous réserve de rares exceptions) aucune incidence sur la légalité d’une autorisation d’urbanisme.

    A l’examen de la jurisprudence rendue en la matière, force est d’ailleurs de constater qu’aucun permis de construire obtenu par un pétitionnaire, public comme privé, n’apparait avoir été annulé au motif qu’il consommait des « droits à construire » attachés à une unité foncière relevant pour tout ou partie du domaine public. Au regard de cette jurisprudence, le statut de l’unité foncière et son éventuelle appartenance au domaine public apparait d’ailleurs n’avoir aucune forme d’incidence. Et pour cause dans la mesure où le COS a vocation à être appréciée au regard de l’ensemble de l’unité foncière (CE. 4 janvier 1997, Thierry A., req. n°129.494) alors que :

    • la règlementation sur le domaine public n’a aucune incidence particulière sur la notion d’unité foncière puisqu’elle est strictement identique à celle employée par le droit de l’urbanisme (CE. 19 juillet 2010, André A…, req. n°329.199) ;
    • la superficie des parcelles relevant du domaine public ne comptent pas en tant que telles parmi celles à déduire au titre de l’article R.123-10 précité, lequel est d’application stricte.

    A titre d’exemple, et au sujet d’un permis de construire une construction à destination d’habitation obtenu par un pétitionnaire privé sur un terrain communal accueillant un lycée, il a été que le COS dont pouvait bénéficier la construction en litige devait être appliqué au regard de la superficie de l’ensemble de l’unité foncière sur lequel portait le permis de construire contesté, indépendamment donc de toute considération liée au fait que l’une des parcelle de ce tènement appartenant à la commune accueillait un lycée et relevait ainsi du domaine public (CAA. Marseille, 30 août 2001, M. X… & autres, req. n°99MA02325). Surtout, la Cour administrative d’appel de Versailles a comme on le sait eu l’occasion de juger le COS devait être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière telle qu’elle était encore constituée à la date de délivrance du permis de construire contesté (CAA. Versailles, 29 mars 2007, ADEJJ, req. n°06VE01147) et ce, alors même que l’une des deux parcelles composant cette unité foncière relevait du domaine public et devait y rester intégrée puisqu’à travers sa promesse de vente, le pétitionnaire avait également acquis une partie des « droits à construire » attachés à cette parcelle du domaine public pour les consommer sur la parcelle d’assiette du projet.

    Au demeurant, force est d’ailleurs de constater que la Cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sans attacher ni au statut des parcelles en cause au regard de la domanialité publique, ni plus généralement à la légalité de l’a délibération prévoyant leur vente au pétitionnaire.

    Il est vrai toutefois que, dans l’affaire ici en cause, la Cour administrative d’appel de Lyon a souligné que « cette même délibération prévoit que, sur ces dernières, la société ECAF réalisera un chemin réservé aux piétons et cyclistes et que, le coût de ces travaux d'aménagement étant égal à la valeur du terrain, la cession sera réalisée gratuitement, les espaces ainsi aménagés, destinés à l'usage du public, étant ensuite rétrocédés à la commune ; que, conformément à ces dispositions, le projet litigieux de la société Yves Coppa immobilier prévoit la réalisation d'une voie réservée aux piétons et cyclistes sur lesdites parcelles ».

    Il reste que ce faisant, celle-ci n’a fait que constater que le projet objet du permis de construire contesté correspondait exactement pour les parcelles en cause à ce que prévoyait la délibération adoptée et ce, pour en déduire que l’obtention et la mise en œuvre de ce permis de construire appelaient donc également la réalisation des autres dispositions de cette délibération, à savoir la rétrocession des deux parcelles à la Ville, à savoir leur propriétaire d’origine (voir également : CAA. Nancy, 16 mai 2002, SCI Helios, req. n°97NC02596 ; CAA. Lyon, 10 mars 1998, Ville de Nice, req. n°94LY01151).

    Ainsi, le seul motif pour lequel la superficie de ces parcelles a été déduite de l’assiette de la demande tient uniquement au fait qu’il était établi que dès l’origine « ces dernières n'avaient aucunement vocation à rester intégrées au terrain d'assiette du projet de la société Yves Coppa immobilier ». C'est d'ailleurs ce que tendent à confirmer les conclusions du Rapport publique, lesquelles ont d'ailleurs pour principal intérêt d'établir que la réponse à la question posée relevait quasiment de l'évidence :

    « Le débat conduit par les Consorts Brunet-Jailly devant votre Cour a pour point central l’application des dispositions de l’article UC 14 du Règlement du PLU de la Commune de Gières qui fixe à 0,5 le COS en zone UC. Les requérants estiment en effet que ces dispositions ont été méconnues par les auteurs du projet et que la cession gratuite et temporaire consentie par la Commune n’aurait eu pour seul objet que de permettre de transgresser cette règle de COS. Le raisonnement des requérants quant au calcul de la SHON autorisée par le COS semble bien devoir être retenu. La parcelle de 3250 m² vendue par les Consorts Brunet-Jailly ne permet à elle seule, par application du COS de 0,5 autorisé par le Règlement du PLU, qu’une SHON de 1625 m², alors que, comme nous l’avons dit, le permis de construire a autorisé une SHON de 2026,23 m². Les requérants estiment même que cette SHON serait en réalité de 2171,23 m² car la déduction de la surface forfaitaire par logement accessible aux personnes handicapées permise par l’article R.112-2 du Code de l’Urbanisme ne pourrait être appliquée, alors que l’architecte du projet et le bénéficiaire du permis de construire ont attesté de cette pris en compte. Il faut donc en rester à la SHON de 2026,23 m² et finalement convenir que ce n’est que par l’ajout, temporaire, des parcelles communales AR 163 en totalité et 3 AR 232 en partie – d’une surface globale de 994 m² - que le COS attribué à la zone UC pourrait être respecté. Or, ces parcelles ne vont entrer, comme nous l’avons dit, que temporairement dans le patrimoine du bénéficiaire du permis de construire – le temps de la réalisation des travaux – puisque la délibération du 24 septembre 2007, sur laquelle est aussi fondé le permis de construire, en prévoit expressément la rétrocession à la Commune. Ainsi, les deux parcelles communales en cause paraissent devoir être exclues du calcul du COS Voyez pour une hypothèse assez similaire l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Nancy n° 97 NC 2596 du 16 mai 2002 SCI Helios ».

    A ce stade, force serait donc d’en déduire que les règles d’urbanisme, y compris le COS, devraient donc être appliquées à la seule échelle des parcelles devant constituées et restées « durablement » le terrain d’assiette effectif du projet objet de la demande ; ce qui serait donc également transposable et opposable à un permis de construire appelant une division primaire au sens de l’article R.442-1 a) du Code de l’urbanisme.

    Il reste que, comme nous l’avons déjà abordé, l’analyse selon laquelle, en cas de divisions primaires, les règles d’urbanisme, et en tous cas le COS, doivent être appliquées à l’échelle de la totalité de l’unité foncière d’origine procède en substance de la circonstance que (CE. 18 octobre 1995, SCI Vaugirard, Rec. p.1080) :

    • d’une façon générale, l’unité foncière qui constitue l’échelle d’application des règles d’urbanisme doit s’appréciée telle qu’elle est constituée à la date à laquelle l’autorité compétente statue sur la demande ;
    • plus spécifiquement, une division primaire s’opère par définition après l’obtention du permis de construire, lequel porte donc à sa date de délivrance sur une unité foncière n’ayant pas été encore divisée.

    Or, en l’espèce, il n’était nullement question de la division primaire d’une unité foncière d’origine. La demande portait en effet sur trois parcelles cadastrales mais dont seulement deux appartenaient à la Ville. A l’origine, il y avait donc deux unités foncières distinctes.

    Et c’est toute la différence puisque le montage litigieux en l’espèce consistait ainsi à adjoindre les deux parcelles communales à la troisième avant, et comme prévu dès l’origine, de les rétrocéder à leur propriétaire initial. En substance, ce montage consistait ainsi à créer provisoirement et donc artificiellement une unité foncière d’apparence unique et ce, pour les seuls besoins d’un projet de construction ne portant que sur l’une des deux unités d’origine.

    C’est donc bien l’artificialité découlant du caractère dès l’origine provisoire de cette adjonction de parcelles à l’assiette de la demande qui nous semble avoir été ici sanctionnée ; ce qui est a fortiori transposable au cas où le pétitionnaire n’a qu’une autorisation ad hoc du propriétaire voisin.

    Et pour cause puisque mise en œuvre aux seules fins d’accroitre les possibilités de construction attachées à une unité foncière en utilisant celles d’une ou plusieurs unités voisines, une telle démarche, à l’instar de l’objectif poursuivi par la doctrine évoquée en introduction de la présente note, aboutit ni plus ni moins à un transfert de COS pourtant strictement encadré et limité par l’article L.123-4 du Code de l’urbanisme, lequel compte tenu de sa valeur législative prime ou plutôt gouverne l’interprétation à retenir de l’article R.123-10 en ce qu’il dispose que « pour le calcul du coefficient d'occupation du sol, la superficie du ou des terrains faisant l'objet de la demande d'autorisation de construire ou de lotir comprend (…) » ; ce sur quoi on voit mal comment les dispositions combinées des articles R.423-1 et R.431-5 du Code de l’urbanisme et/ou la suppression de l’ancien article L.111-5-2 pourraient avoir une quelconque incidence…

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le nouveau régime des divisions foncières dites « primaires » (3eme partie)

     

    Le BJDU publie ces jours-ci la seconde partie de notre article consacré aux divisions primaires mais au sein de laquelle, malgré l’espace offert par cette revue, nous n’avons pas pu aborder une problématique aussi fréquente qu’importante : le permis de construire modificatif intervenant après la réalisation de la division opérée au bénéfice du titulaire du permis primitif.

    Nous traiterons donc ici cette question constituant, d’ailleurs, l’un des autres versants de la problématique relative à l’assiette du permis de construire abordée dans notre précédente note
    .


    I.- Pour autant qu’il en soit besoin, on rappellera que le droit d’obtenir un « modificatif » constitue pour le pétitionnaire un droit acquis tiré du permis de construire initial.

    1.- Sous réserve des conditions liées au régime propre du « modificatif », tout permis de construire en cours de validité peut donc donner lieu à un « modificatif » et, a contrario, aucun permis de construire n’est par nature insusceptible de faire l’objet d’une telle autorisation modificative ; pas même d’ailleurs le permis de construire valant division prévu par l’article R.431-24 (Pour exemple : CAA. Douai, 27 mars 2012, Association « Les Rossolis de l’Ally », req. n°10DA01617).

    Or, contrairement d’ailleurs au permis de construire valant division – lequel est délivré au vu d’un dossier comportant un plan de division – le permis de construire appelant une « division primaire » au sens de l’article R.442-1 a) ne constitue en aucune mesure une autorisation d’urbanisme à part entière, ni même une forme particulière de permis de construire ; aucune disposition du Code de l’urbanisme ne prévoyant un régime de forme, de procédure ou de fond spécifique à ce permis. Et pour cause puisqu’à la différence de l’article R.431-24, lequel est relatif à la composition du dossier de demande de permis de construire, l’article R.442-1 a exclusivement trait à la notion de lotissement et aux divisions foncières ne relevant pas du champ d’application de cette réglementation s’y rapportant.

    Le permis de construire visé par l’article R.442-1 est donc en tous points un permis de « droit commun » et, partant, celui-ci ne saurait être exclu par nature du champ d’application du permis modificatif.

    2.- D’ailleurs, même à considérer que l’impact de la « division primaire » doive être prise en compte sur la conformité du projet, il n’en demeurait pas moins que cette circonstance ne saurait en elle-même s’opposer par principe à l’obtention de tout « modificatif » ultérieur à cette division et ce, quel qu’en soit l’objet.

    En raison d’une évolution des circonstances de droit et/ou de fait postérieure à sa délivrance, mais étrangères à ses modalités d’exécution, il est fréquent qu’un permis de construire et le projet ainsi autorisé s’en trouvent non pas irréguliers mais non-conformes à la règlementation d’urbanisme leur étant opposable.

    Pour autant, il est de jurisprudence constante qu’une telle circonstance ne s’oppose pas en elle-même à la délivrance d’un « modificatif », et n’impose pas même nécessairement que ce dernier régularise le projet.

    En effet, dès lors que les modifications projetées sont étrangères à la norme méconnue par le projet initial et/ou ne portent pas une nouvelle atteinte à cette norme, ou a fortiori atténuent cette non-conformité, le « modificatif » ne peut être utilement contesté au motif que le projet initial n’est plus conforme aux prescriptions d’urbanisme applicable (CE. 26 juillet 1982, Exp Le Roy, req. n°23.604 ; CE. 24 juillet 1987, Epx. X., req. n°61164) ; ce qui précisément procède des règles de principe liées :

    • d’une part, aux droits acquis que le pétitionnaire titre du permis de construire primitif, lesquels ne sauraient être ultérieurement remis en cause ;
    • d’autre part, à la nature du « modificatif » dont il résulte que sa légalité s’apprécie par rapport à son objet propre.

    Dès lors, même si l’on considère que la réalisation d’une « division primaire » rend le projet non-conforme aux règles d’urbanisme applicables, il reste que la réduction de l’assiette foncière initiale n’a pas vocation à avoir une incidence au regard de la totalité de ces règles.

    En effet, la circonstance qu’une nouvelle unité foncière et une nouvelle limite séparative soient créées ne peut avoir ou n’aura le plus souvent d’incidence que sur les règles générées par la contenance et le périmètre du terrain.

    De ce fait, force est d’admettre que l’on voit ce qui pourrait s’opposer à la délivrance d’un « modificatif » portant uniquement sur des travaux étrangers à ces règles, tels l’aspect extérieur du bâtiment, l’aménagement de ses abords ou les aires de stationnement ; sans compter qu’il serait également possible d’opérer des modifications en rapport avec la règle méconnue dès lors qu’elles auraient pour effet d’atténuer la non-conformité du projet au regard de cette règle, à titre d’exemple en réduisant l’emprise et/ou la densité du bâtiment, voire en modifiant légèrement l’implantation du bâtiment de sorte s’il la règle l’exige à accroitre ou à diminuer le retrait par rapport à la nouvelle limite créée par la « division primaire ».

    II.- Mais précisément, il faut rappeler que sur le plan procédural, un « modificatif » doit nécessairement intervenir avant l’achèvement du projet objet du permis de construire primitif. Quant au fond, et dans la mesure où la procédure d’instruction d’une demande de « modificatif » ne peut légalement pas aboutir à remettre en cause les droits acquis du permis de construire primitif, un « modificatif » ne peut pas être légalement refusé pour des considérations liées au permis primitif que lorsque ce dernier fait l’objet d’une exécution non-conforme que ce « modificatif » n’a pas lui-même vocation à régulariser.

    A/ Ainsi, considérer que la réalisation de la « division primaire » ultérieure à la délivrance du permis de construire s’oppose par principe à l’obtention d’un « modificatif » portant sur le bâtiment à construire ne peut qu’amener à conclure que :

    • la réalisation d’une « division primaire » rend non-conforme le projet initialement autorisé, sauf à ce qu’elle intervienne après l’achèvement du projet ; achèvement qui s’oppose en lui-même à la délivrance d’un permis modificatif ;
    • et/ou que la « division primaire » doit elle-même faire l’objet d’un « modificatif » destiné à l’entériner et à en apprécier les conséquences.

    1.- Il faut toutefois rappeler que par définition une « division primaire » intervient après la délivrance du permis de construire puisqu’à défaut, elle constitue une division préalable en vue de construire relevant donc de la procédure de lotissement.

    Mais il faut ainsi surtout rappeler que ce qu’il est convenu d’appeler « division primaire » procède en l’état de l’article R.442-1 a) du Code de l’urbanisme, lequel a pour objet exclusif d’exclure ce type de divisions de la règlementation sur les lotissements.

    Certes, cet article établit uniquement que le seul fait qu’une division intervienne après l’obtention du permis de construire ne suffit pas à l’exclure de cette règlementation (CE. 21 août 1996, Ville de Toulouse, req. n°137.834 ; voir toutefois ici) puisque si tel était cas, il n’y aurait pas eu besoin que cet article le prévoit expressément.

    En revanche, les divisions foncières intervenant postérieurement à l’achèvement du projet sont par nature exclues de cette règlementation puisque de ce seul fait, elles ne peuvent alors plus être regardées comme réalisées en vue d’un acte de construction ; celui-ci ayant été antérieurement accompli (Comparer : CAA. Marseille, 9 décembre 2004, Sté Riviéral, req. n°00MA02339 & CAA. Marseille, 16 juin 2011, Raymond A…, req. n°09MA00152).

    A titre d’exemple, et s’agissant de divisions foncières réalisées seulement après la délivrance du permis de construire mais avant l’achèvement des travaux, le Conseil d’Etat a pu juger que ces divisions échappaient à la procédure de lotissement mais ce, uniquement au titre de l’ancien article R.315-2 d) relatif aux « divisions primaires » dans le dispositif en vigueur avant le 1er octobre 2007 (CE. 18 octobre 1995, SCI Vaugirard, Rec. p.108).

    En revanche, le Conseil d’Etat a estimé qu’une division postérieure au permis de construire en cause ne relevait pas de cette règlementation et ce, au seul regard de la définition du lotissement alors posée par l’article R.315-1 (CE. 26 mars 2003, M. et Mme Leclerc, req. n°231.425).

    Si la définition du lotissement posée par l’actuel article L.442-1 du Code de l’urbanisme suffit à exclure par nature les divisions postérieures à l’acte de construction, c’est donc bien que la dispense prévue par l’article R.442-1 a) se rapporte nécessairement aux divisions réalisées entre l’obtention du permis de construire et l’achèvement du projet.

    Force est donc d’admettre qu’une telle division foncière, correspondant strictement à ce que prévoit le Code de l’urbanisme à l’article R.442-1 a), ne saurait générer une situation non-conforme au droit de l’urbanisme s’opposant par principe à l’obtention d’un « modificatif ».

    2.- Mais il est vrai qu’en première analyse, on pourrait considérer que si la réalisation d’une « division primaire » ne constitue pas en elle-même une irrégularité, celle-ci emporte l’obligation de la faire suivre d’un « modificatif » destinée à entériner la réduction de l’unité foncière visée par le formulaire « CERFA » de la demande initiale comme constituant l’assiette du permis de construire primitif. Et l’on sait qu’une jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Lyon de 1994 va précisément dans ce sens :

    « Considérant que la société "Les Anciens Constructeurs" demande à la cour d'annuler le jugement du 23 juin 1993, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 5 octobre 1990 par lequel le maire de la commune de Thil (Ain) a refusé de lui transférer un permis de construire initialement délivré le 29 septembre 1988 à la SARL Brotteaux Bâtiments ;
    Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le terrain d'assiette du permis de construire susvisé, accordé le 29 septembre 1988 à la SARL Brotteaux Bâtiments, comprenait deux parcelles cadastrées A n° 906 et 907, pour une contenance de 2129 m2 ; que la société "Les Anciens Constructeurs" n'a acquis par acte du 8 septembre 1989, qu'une partie de ce terrain, cadastrée A 1662, d'une superficie de 1600 m2 ; qu'ainsi le permis de construire dont la société "Les Anciens Constructeurs" a demandé le 16 mai 1990 le transfert à son profit, n'avait plus le même objet que celui qui avait été initialement accordé à la SARL Brotteaux Bâtiments ; que la circonstance alléguée, que le terrain acquis par la société "Les Anciens Constructeurs" était la seule partie constructible du terrain d'assiette du permis de construire, ne la dispensait pas de déposer une demande de permis de construire modificatif, permettant à l'autorité administrative d'instruire cette demande au regard de la modification qui avait été apportée à la surface dudit terrain ; que dès lors la société "Les Anciens Constructeurs" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 octobre 1990, par lequel le maire de la commune de Thil a refusé le transfert du permis de construire du 29 septembre 1988
    » (CAA. Lyon, 21 juin 1994, Sté Les Anciens Constructeurs, req. n°93LY01423).


    a) Parfaitement fondée à son époque, cette jurisprudence semble toutefois aujourd’hui obsolète. Dans cette affaire, le permis de construire initial avait en effet été obtenu par le propriétaire du terrain et portait donc sur la totalité de l’unité foncière.

    A cet égard l’exécution de l’autorisation n’appelait alors aucune division foncière. Il reste qu’ultérieurement ce permis de construire devait être transféré à une tiers, lequel n’avait préalablement acquis qu’une partie de cette terrain et ce, sans autre formalité alors que cette acquisition avait emporté une division foncière, en l’occurrence constitutive d’une réduction de l’assiette du permis d’origine.

    Or, quand bien même cette division aurait-elle été réalisée postérieurement au transfert du permis de construire, celle-ci n’aurait pas pu être considérée comme « une division primaire » puisqu’un transfert n’est qu’une rectification du titulaire du permis de construire initial qui ne peut entériner en lui-même aucune autre modification du projet primitif, et notamment de son assiette donc.

    Surtout, l’article R.315-2 d) alors applicable visait « les divisions par ventes ou locations effectuées par un propriétaire au profit de personnes qu'il a habilitées à réaliser une opération immobilière sur une partie de sa propriété et qui ont elles-mêmes déjà obtenu une autorisation de lotir ou un permis de construire (…) ». Or, pour sa part, l’article R.442-1 a) actuel vise uniquement « les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d'aménager (…) » et ne fait donc plus aucune référence à la « partie de (la) propriété » à détacher.

    Précisément, il résulte de la suppression de cette notion de « partie » du terrain, combinée aux les articles R.441-1 et R.441-9 du Code de l’urbanisme qui ne disposent que les demandes peuvent « ne porter que sur une partie d'une unité foncière » qu’à l’égard des déclarations et des demandes de permis d’aménager, qu’une demande de permis de construire doit porter sur la totalité de l’unité foncière telle qu’elle est alors constituée, y compris si cette demande se rapporte à un projet appelant une « division primaire ».

    Or, on ne saurait sérieusement considérer que le Code de l’urbanisme prévoit un mode opératoire, assez proche de l’absurde, imposant au pétitionnaire :

    • dans un premier temps, de présenter une demande sur la totalité de l’unité foncière telle qu’elle est constituée avant la réalisation de la division foncière ;
    • dans un second temps, de présenter une demande de « modificatif » aux fins d’entériner la réduction d’assiette subséquente à la réalisation de cette division.

    b) Au demeurant, une telle analyse serait incompatible tant avec le régime de la « division primaire » qu’avec celui du permis de construire modificatif.

    En effet, si contrairement à une idée relativement rependue, rien ne s’oppose à ce que l’assiette foncière d’un permis de construire soit modifiée par le jeu d’un simple « modificatif », il reste que la légalité d’une telle modification s’apprécie, comme pour tout autre aspect du projet, en considération de l’importance de la modification ainsi apportée au projet initial.

    Par voie de conséquence, cette modification doit être « mineure » (TA. Rouen, 2 mars 1994, Mentionné aux Tables du Recueil ; CAA. Marseille, 24 novembre 2011, Sté BARKATE, req. n°09MA03035) ; la circonstance que la modification projetée emporte une réduction, et non pas une augmentation du projet initial, n’ayant strictement aucune incidence sur l’appréciation du caractère « mineure » ou « substantiel » de la modification projetée (CE, 6 avr. 1979, SCI Europe Verte, req. n° 8628 ; CE, 7 juin 1985, SA d'HLM "L'Habitat communautaire locatif" : Gaz. Pal. 1986, 2, pan. dr. adm. p. 291).

    Il reste, rappelons-le, que l’article R.442-1 a) vise « les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis (…) ». Il est donc parfaitement clair qu’un même terrain peut faire l’objet de plusieurs permis de construire en « divisions primaires », nécessairement au profit de personnes distinctes, le cas échéant de façon simultanée (CE. 18 octobre 1995, SCI Vaugirard, Rec. p.108).

    Or, si l’on considère qu’un permis de construire suivie d’une « division primaire » exige un « modificatif en réduction d’assiette », il faudrait dans le cas de divisions primaires multiples que chacun des pétitionnaires acquiert une partie substantielle de l’unité foncière d’origine de sorte que la modification de l’assiette du permis d’origine ne s’en trouve réduite que de façon mineure et puisse ainsi légalement donné lieu à un « modificatif » ; ce qui même dans l’hypothèse limitée à seulement deux permis de construire n’est matériellement pas possible.

    Il est donc difficilement concevable qu’un permis de construire appelant une « division primaire » doive ensuite faire l’objet d’un « modificatif » aux fins d’entériner la réduction de l’assiette de l’autorisation d’origine.

    B/ Cela étant, et ainsi qu’il a été exposé, une « division primaire » intervient par définition après que son bénéficiaire a obtenu un permis de construire et l’exclusion subséquente de ces divisions de la règlementation sur les lotissements procède du fait qu’il n’y a ainsi plus lieu (hors du cas où le projet consiste en une simple maison individuelle) d’appliquer le régime protecteur du lotissement puisque précisément cet acquéreur a déjà obtenu l’autorisation d’urbanisme devant lui permettre de concrétiser son projet. Or, comme on le sait :

    • sur le plan de la légalité, « le permis de construire initialement délivré pour l'édification d'une construction et le permis modificatif ultérieurement accordé pour autoriser des modifications à cette même construction constituent un ensemble dont la légalité doit s'apprécier comme si n'était en cause qu'une seule décision » (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511) ;
    • pour ce qui concerne la conformité des travaux, le seul projet autorisé est celui résultant de la combinaison du permis primitif et de son modificatif (Cass. crim., 29 juin 2004, Association pour la sauvegarde de la commune de Favières-la-Route, Bull. crim., n°176; CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171 TA. Versailles, 22 février 1994, SCI Les Ormes, req. n°93-05140).

    Ainsi, lorsque le « modificatif » intervient après la réalisation d’une division postérieure à l’obtention du permis primitif, on pourrait donc objecter que l’autorisation unique (résultant de la réunion du permis primitif et de son modificatif) correspondant au seul projet ainsi autorisé intervient après la réalisation de cette division foncière qui, de ce fait, devrait être rétrospectivement regardée comme une division préalable à la formation de cette autorisation, laquelle impliquerait donc en alors l’accomplissement d’une formalité au titre de la règlementation sur les lotissements.

    Il reste qu’un « modificatif », d’une façon générale, se borne à autoriser les modifications projetées et ne constitue donc pas une réitération du permis primitif dans lequel il trouve en toute hypothèse sa base légale et que, plus spécifiquement, sa propension à régulariser tout vice affectant l’autorisation primitive, malgré le principe selon lequel la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie à sa date de délivrance, résulte du fait qu’il vient s’intégrer rétroactivement au permis

    Ainsi, l’autorisation unique en cause reste le permis d’origine, lequel est simplement modifié. Et partant, même si la « division primaire » intervient avant l’obtention d’un « modificatif », il n’y a pas lieu de faire précéder celui-ci d’une autorisation de lotissement (TA. Toulouse, 4 décembre 2012, Sté Lorelie, req. n°08.04232 & 09.01174).

    III.- Certes, une telle analyse présente a priori une difficulté puisqu’elle amène à conclure que les services instructeurs n’auront jamais connaissance de la division foncière en cause ou, plus précisément, ne seront jamais en mesure d’en apprécier les conséquences sur la conformité du projet.

    Mais précisément, il faut rappeler qu’un « modificatif » ne s’impose que lorsque le pétitionnaire envisage de modifier un aspect du projet comptant parmi ceux que le permis de construire sanctionne au titre de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme (en ce sens : CE. 5 nov. 1975, Foncière Paris-Languedoc ; Cass. Crim., 13 juin 1989, pourvoi n°88-82.083), lesquels sont d’ailleurs identiques à ceux que les services doivent contrôler lors des opérations de récolement appelées par la déclaration d’achèvement de travaux.

    Or, les « divisions primaires » constituent un mode de divisions non pas dispensé d’autorisation de lotissement mais exclut du champ d’application de la règlementation sur lotissements comme d’ailleurs de tout autre forme de contrôle au titre du droit de l’urbanisme.

    En outre, la demande de permis de construire appelant d’une telle division non seulement doit être présentée sur la totalité de l’unité foncière mais bien plus celle-ci n’est soumise à aucune règle de forme particulière ; le pétitionnaire n’ayant à produire ni plan de division, ni même le « titre habilitant à construire » qui permettrait aux services instructeurs d’apprécier l’étendue du détachement parcellaire à opérer, « titre » qu’ils n’ont d’ailleurs plus à contrôler sur la forme ou sur le fond. Tant au regard de la règlementation sur les divisions foncières qu’au regard du régime propre aux autorisations de construire, les « divisions primaires » sont donc des divisions foncières non-contrôlées par le droit de l’urbanisme ; telle étant la raison pour laquelle le Code de l’urbanisme n’impose la production d’aucun document destiné à permettre aux services d’en avoir ne serait-ce que connaissance.

    N’étant ni contrôlée par le Code de l’urbanisme, ni donc soumise à l’appréciation des services instructeurs, c’est donc bien qu’une telle division ne compte aucunement parmi les aspects du projet que le permis de construire a vocation à sanctionner au titre de l’article L.421-6 précité. C’est précisément la raison pour laquelle à notre sens la réalisation d’une « division primaire » ni n’impose un « modificatif » destiné à réduire l’assiette foncière du permis de construire initial, ni ne s’oppose à l’obtention d’un « modificatif » portant sur le bâtiment lui-même.

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés