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JURISURBA - Page 37

  • Hauteur de la construction & champ d’application de la déclaration préalable

    Pour l’application de l’article R.421-9 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction en vigueur antérieurement au 1er mars 2012, les constructions d’une hauteur supérieure supérieur à 12 mètres ne relèvent du champ d’application de la déclaration préalable que pour autant que leur SHOB soit inférieure à 2 mètres carrés. Partant, saisi d’une déclaration se rapportant à une installation d’une hauteur de plus de douze mètres et d’une SHOB certes inférieure à 20 mètres carrés mais néanmoins supérieure à 2 mètres carrés, l’autorité compétente doit en toute hypothèse s’opposer à cette déclaration.  

     

    CE. 9 juin 2014, Cne de Chelles, req. n°373.295

     

    Voici un arrêt dont l’un des apports a trait à un dispositif n’étant certes plus en vigueur depuis le 1er mars 2012, et a d’ailleurs depuis été simplifié ou à tout le moins clarifié par le décret du 28 février 2012, mais qui conserve néanmoins un intérêt puisqu’outre qu’il est susceptible de concerner des instances encore en cours, il illustre la règle selon laquelle les items définissant le champ d’application de la déclaration préalable, comme les constructions dispensées de toute formalité, doivent être appliqués indépendamment les uns des autres puisqu’ils constituent tous une exception à la règle selon laquelle une construction nouvelle est en principe soumise à permis de construire ; cet arrêt précisant également et plus généralement quelle décision doivent prendre les services instructeurs saisis d’une déclarations se rapportant à un projet relevant du champ d’application du permis de construire. 

     

    Dans cette affaire, une déclaration préalable de travaux avait été formulée en vue de la création d’une installation de plus de 12 mètres de hauteur et d’une SHOB de 8,50 mètres carrés, laquelle était donc comprise entre 2 et 20 mètres carrés.

     

    Il reste que le Maire devait s’opposer à cette déclaration pour un motif de fond que devait censurer le Tribunal administratif.

     

    Il reste que le Conseil d’Etat a donc censuré ce jugement et validé non pas son mon motif propre mais la décision d’opposition du maire dans la mesure où :

     

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la déclaration préalable déposée par la société Orange France le 18 octobre 2011 avait pour objet la construction d'une antenne relais de téléphonie mobile composée, d'une part, d'un pylône de 24 mètres et, d'autre part, d'un local technique, d'une surface de plancher de 8,50 mètres carrés, indissociable du pylône ; que, par suite, le projet de la société Orange France devait faire l'objet d'un permis de construire ; que, dès lors, le maire de Chelles était tenu, ainsi qu'il l'a fait, de s'opposer aux travaux déclarés ; qu'il s'ensuit que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en se fondant, pour annuler l'arrêté par lequel le maire de Chelles s'est opposé aux travaux déclarés, sur un moyen qui ne pouvait qu'être écarté comme inopérant ; que son jugement doit, en conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, être annulé »

     

    et donc au seul et unique motif que cette décision d’opposition était légale dès lors que le projet en cause relevait du champ d’application de la procédure de permis de construire. Et pour conclure à cette solution, le Conseil d’Etat avait en amont estimé que :

     

    « 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 421-4 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l'exigence d'un permis et font l'objet d'une déclaration préalable (...) " ; que, selon l'article L. 421-5 du même code, un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre de ce code en raison, notamment, de leur très faible importance ;

    « 3. Considérant qu'en vertu de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme, les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire à l'exception des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8 du même code, qui sont dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme, et des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à R. 421-12, qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable ; que selon le a) de l'article R. 421-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée, les constructions nouvelles dont la hauteur au-dessus du sol est inférieure à douze mètres et qui n'ont pas pour effet de créer de surface de plancher ou qui ont pour effet de créer une surface hors oeuvre brute inférieure ou égale à deux mètres carrés sont dispensées, en dehors des secteurs sauvegardés et des sites classés, de toute formalité au titre du code de l'urbanisme, en raison de leur nature ou de leur très faible importance ; qu'en vertu du a) de l'article R. 421-9 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée, doivent faire l'objet d'une déclaration préalable, en dehors des secteurs sauvegardés et des sites classés, les constructions nouvelles n'étant pas dispensées de toute formalité au titre du code qui ont " pour effet de créer une surface hors oeuvre brute supérieure à deux mètres carrés et inférieure ou égale à vingt mètres carrés " ; qu'en vertu des dispositions du c) du même article, sont également soumises à autorisation préalable les constructions " dont la hauteur au-dessus du sol est supérieure à douze mètres et qui n'ont pas pour effet de créer de surface hors oeuvre brute ou qui ont pour effet de créer une surface hors oeuvre brute inférieure ou égale à deux mètres carrés ", ces dernières dispositions n'étant pas applicables aux éoliennes et aux ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire ;

    4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des dispositions qui précèdent que les antennes relais de téléphonie mobile dont la hauteur est supérieure à douze mètres et dont les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement entraînent la création d'une surface hors oeuvre brute de plus de deux mètres carrés n'entrent pas, en raison de ce qu'elles constituent nécessairement un ensemble fonctionnel indissociable, dans le champ des exceptions prévues au a) et au c) de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme et doivent faire l'objet d'un permis de construire en vertu des articles L. 421-1 et R. 421-1 du même code ».

     

    Aux termes de l’article R. 421-9 (c) dans sa rédaction alors en vigueur relevaient de la simple déclaration préalable « les constructions dont la hauteur au-dessus du sol est supérieure à douze mètres et qui n’ont pas pour effet de créer de surface hors œuvre brute ou qui ont pour effet de créer une surface hors œuvre brute inférieure ou égale à deux mètres carrés (…) ».

     

    Mais la principale question posée par cet article avait trait à son articulation avec l’article R. 421-9 (a) du code de l’urbanisme – qui lui-même faisait relever du régime déclaratif « les constructions ayant pour effet de créer une surface hors œuvre brute supérieure à deux mètres carrés et inférieure ou égale à vingt mètres carrés » – s’agissant  des constructions d’une hauteur supérieure à douze mètres dont la SHOB est comprise entre deux et vingt mètres carrés.

     

    En effet, lorsque la construction projetée ne créé pas de SHOB ou une SHOB égale ou inférieure à deux mètres carrés et présente une hauteur inférieure ou égale à douze mètres, elle était dispensée de toute formalité en application de l’article R. 421-2 (a) du code de l’urbanisme. Si sa hauteur était inférieure ou égale à douze mètres et si sa SHOB était comprise entre deux et vingt mètres carrés, sa réalisation relevait0 de la déclaration de travaux en application des dispositions combinées des articles R. 421-2 (a) et R. 421-9 (a). Toutefois, si sa SHOB était supérieure à vingt mètres, sa réalisation relevait en toute hypothèse du permis de construire, quelle que soit sa hauteur, puisqu’elle excédait ainsi le plafond fixé par le nouvel article R. 421-9 (a) du code de l’urbanisme.

     

    En revanche, la réponse était moins évidente s’agissant des constructions d’une hauteur certes supérieure à douze mètres mais dont la SHOB est comprise entre deux et vingt mètres carrés.

     

    En première analyse, sa réalisation relevait du régime déclaratif au titre de l’article R. 421-9 (a) du code de l’urbanisme, lequel visait les constructions d’une SHOB comprise entre deux et vingt mètres carrés, indépendamment de toute considération liée à leur hauteur.

     

    Il reste qu’à suivre l’article R. 421-9 (c) du code de l’urbanisme, une construction d’une hauteur supérieure à douze mètres ne relevait du régime déclaratif que si sa SHOB était inférieure ou égale à deux mètres.

     

    Au surplus, on voyait mal pourquoi le point c) aurait été spécifiquement et distinctement inséré à l’article R. 421-9, si une construction d’une hauteur supérieure à douze mètres devait également relever du régime déclaratif au titre de l’article R. 421-9 (a) lorsque sa SHOB, pour être supérieure à deux mètres carrés était néanmoins inférieure ou égale à vingt mètres carrés. Si tel avait été le cas, il aurait été plus simple et logique de ne prévoir qu’un alinéa se bornant à faire relever du régime déclaratif toutes les constructions nouvelles qui ne créent pas de SHOB ou créent une SHOB inférieure ou égale à vingt mètres carrés, sans viser distinctement le cas des constructions d’une hauteur supérieure à douze mètres.

     

    Force était donc de considérer, d’une part, qu’une construction d’une hauteur supérieure à douze mètres ne relevait du régime déclaratif que si elle respectait les seuils fixés par le point c) du nouvel article R. 421-9 du code de l’urbanisme, c’est-à-dire si elle ne crée pas de SHOB ou crée une SHOB inférieure ou égale à deux mètres carrés et, d’autre part et par voie de conséquence, que les constructions dont la SHOB est comprise entre deux et vingt mètres carrés ne relèvent du régime déclaratif que si leur hauteur est inférieure ou égale à douze mètres.

     

    Cela étant, dans la mesure où, d’une part, l’article R. 421-2 (a) du code de l’urbanisme dispensait de toute formalité « les constructions nouvelles dont la hauteur au-dessus du sol est inférieure à douze mètres et qui n’ont pas pour effet de créer de surface de plancher ou qui ont pour effet de créer une surface hors œuvre brute inférieure ou égale à deux mètres carrés » et où d’autre part l’article R. 421-9 (a) était indépendant de toute considération liée à la hauteur de la construction en cause, l’on pouvait également comprendre que, par exception à ce premier article, l’article R. 421-9 (c) soumettait à régime déclaratif les constructions qui ne créaient pas de SHOB ou une SHOB supérieure ou égale à deux mètres carrés dès lors que leur hauteur était supérieure à douze mètres et, par voie de conséquence, que relevait du régime déclaratif, au titre de l’article R. 421-9 (a), les constructions nouvelles d’une SHOB comprise entre deux et vingt mètres carrés et ce, quelle que soit leur hauteur.

     

    Il reste, ainsi que l’a rappelé le Conseil d’Etat, « qu’aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 421-4 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l'exigence d'un permis et font l'objet d'une déclaration préalable (...) " ; que, selon l'article L. 421-5 du même code, un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre de ce code en raison, notamment, de leur très faible importance ».

     

    Ainsi, l’article R.421-9 n’était pas une exception à l’article L.421-5 dont découle l’article R.421-2 mais une exception au seul article L.421-1 selon lequel toute construction relève en principe du permis de construire.

     

    De ce fait, l’article R.421-9 c) n’avait pas pour objet de soumettre à déclaration les constructions dont la SHOB est inférieure ou égale à deux mètres par exception, en raison de leur hauteur supérieure à 12 mètres, à l’article R.421-2 dispensant de toute formalité certaines constructions, mais de dispenser de permis de construire, pour ne les soumettre qu’à déclaration préalable, les constructions de plus de douze mètres dont la SHOB n’excèdent pas deux mètres carrés.

     

    Une hauteur supérieure à 12 mètres n’était donc pas un facteur d’assujettissement à déclaration des constructions d’une SHOB pourtant inférieure ou égale à 2 mètres ; c’est la SHOB n’excédant pas deux mètres qui, pour les constructions d’une hauteur supérieure à 12 mètres, était un facteur de dispense de permis de construire ; cette hauteur les excluant par d’ailleurs de l’article R.421-2 relatif aux travaux dispensés de toute formalité. Ainsi, et dans la mesure où, d’une part, aux termes de l’article L.421-1 du Code de l’urbanisme le principe reste l’assujettissement de toute construction nouvelle à permis de construire et où, d’autre part, les dispositions règlementaires découlant des articles L.424-4 et L.424-5 ont toute pour objet exclusif de définir des exceptions à ce seul principe, les items notamment de l’article R.421-19 doivent donc faire l’objet d’une lecture autonome.

     

    Mais par ailleurs, le Conseil d’Etat a ainsi validé la décision d’opposition à la déclaration préalable en cause au seul et unique motif que le projet relevait du champ d’application du permis de construire et ce, sans donc rechercher si cette erreur de procédure avait eu une quelconque incidence sur l’appréciation de la conformité du projet, ce qui n’allait pas nécessairement de soi dès lors que :

     

    ·        si les pièces à produire à l’appui d’un dossier déclaratif ne sont pas nécessairement identiques à celles requises dans le cadre d’un dossier de demande de permis de construire, il reste que le seul fait que le dossier ne comporte pas les pièces requises n’affecte pas nécessairement l’autorisation obtenue d’illégalité ;

    ·        les règles d’instruction des déclarations présentent certains points communs avec celles applicables aux demandes de permis de construire, et les délais d’instruction sont conçus comme des délais maximum ;

    ·        les normes opposables à une déclaration préalable (art. L.421-7 ; C.urb) sont strictement identiques à celles applicables aux demande de permis de construire (art. L.421-6 ; C.urb).

     

    Pour autant, les services instructeurs n’ont donc pas et ne peuvent pas instruire, une déclaration comme valant demande de permis de construire mais doivent rejeter cette déclaration en invitant le pétitionnaire à présenter une demande de permis de construire.

     

    Cela étant, et dans la mesure où la solution retenue en l’espèce procède du fait que la déclaration préalable reste une « exception » au champ d’application du permis de construire, celle-ci ne nous semble pas nécessairement transposable au cas inverse, c’est-à-dire au cas où une demande de permis de construire a déposée en lieu et place d’une déclaration et a fortiori au cas où, par voie de conséquence, un permis de construire a été délivré à la place d’une décision de non-opposition puisqu’une telle autorisation n’aboutit donc pas à méconnaitre le champ d’application de la loi, tel qu’il est fixé à la base par l’article L.421-1 du Code de l’urbanisme ; telle étant la raison pour laquelle en l’état de la jurisprudence rendue en la matière, il apparai(ssai)t en effet qu’un tel permis de construire n’était pas affecté d’illégalité de ce seul chef (pour exemple : CAA Paris 11 avril 1996, Ville de Paris, req. n°92PA01378 ; CAA Marseille, 15 octobre 1998, SCI Les Oliviers, req. n°96MA01587 ; CAA. Bordeaux, 17 février 2000, req. n°97BX00035) puisqu’à titre d’exemple, il a encore été récemment jugé que :

     

                « Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-19 du code de l’urbanisme : Doivent être précédés de la délivrance d’un permis d’aménager : / a) Les lotissements, qui ont pour effet, sur une période de moins de dix ans, de créer plus de deux lots à construire : - lorsqu’ils prévoient la réalisation de voies ou espaces communs ; - ou lorsqu’ils sont situés dans un site classé ou dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité (...) ; que l’article R. 421-23 du même code prévoit que : Doivent être précédés d’une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : / a) Les lotissements autres que ceux mentionnés au a) de l’article R. 421-19 (...); qu’il n’est pas contesté que, compte tenu de ses caractéristiques, le projet présenté par la société Promoclef pour la réalisation d’un lotissement comportant six lots ne relevait pas des opérations soumises à la procédure du permis d’aménager mais des opérations soumises à la procédure de la déclaration préalable des travaux ; que, dès lors, et bien que saisi d’une demande de permis d’aménager par le pétitionnaire, le préfet du Pas-de-Calais devait procéder à l’instruction du dossier en fonction des dispositions relatives à la déclaration préalable de travaux ; qu’en s’abstenant d’y procéder et en se bornant à prendre un arrêté par lequel il a rejeté la demande de la société Promoclef au titre du permis d’aménager, le préfet du Pas-de-Calais a commis une erreur de droit ; que, par suite, le ministre n’est pas fondé à se plaindre que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l’arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 4 juin 2008 » (CAA. Douai, 21 février 2012, req. n°10DA01593).

     

     

     

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur la portée des servitudes prévues par l’article L.123-2 c) du Code de l’urbanisme & le fractionnement horizontal d’un ensemble immobilier unique en plusieurs permis de construire

    Une servitude instituée au titre de l’article L.123-2 c) du Code de l’urbanisme ne s’impose que dans un rapport de « compatibilité » et, plus spécifiquement, ne remet pas en cause la vocation fonctionnelle autonome des éléments d’un ensemble immobilier unique dont, par ailleurs, le fractionnement en plusieurs permis de construire distincts ne s’oppose pas à l’application de l’article R.123-10-1.

    CAA. Paris, 6 juin 2014, SCI Suchet Morency, req. n°12PA03899

    Voici un arrêt que nous sommes plusieurs (enfin au moins deux :) a n’avoir pas immédiatement relevé alors qu’il s'avère particulièrement riche et qui, sans même compter les apports propres à la mise en œuvre du PLU de Paris, aurait pu être commenté sur de multiples points.

    On en retiendra deux :

    • l’un règlementaire, la portée contraignante des servitudes instituées au titre de l’article L.123-2 c) du Code de l’urbanisme ;
    • l’autre propre aux autorisations individuelles, les conséquences d’un fractionnement horizontal d’un ensemble immobilier unique en plusieurs permis de construire distincts au regard du régime des divisions foncières.

    I.- Dans cette affaire, deux permis de construire distincts avaient été obtenus par l’OPH Paris Habitat, avant que l’un d’entre eux ne soit transféré à un promoteur immobilier, en vue de la réalisation d’un ensemble immobilier projeté sur un terrain grevé d’une servitude instituée au titre de l’article L.123-2 c) précité en vue de la réalisation d’un équipement culturel.

    C’est ainsi la méconnaissance de cette servitude qui fut invoquée par l’association requérante à l’encontre de chacun des deux permis de construire, moyen que rejeta toutefois la Cour administrative d’appel de Paris au motif suivant :

    « 30. Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition ou principe général que l'inscription au plan local d'urbanisme d'une servitude de localisation d'un équipement culturel en application des dispositions précitées du c) de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme empêcherait l'autorité compétente d'autoriser, dans le périmètre concerné, un projet ne prévoyant pas la réalisation immédiate de cet équipement ; qu'ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, un tel projet doit seulement être compatible avec le maintien de la servitude et la réalisation ultérieure de l'équipement dans le périmètre concerné ; qu'en l'espèce, les permis de construire litigieux, dont les dossiers de demande précisent l'emplacement où pourra être réalisé l'équipement culturel, en bordure du boulevard de Montmorency, en rappelant au surplus ses caractéristiques essentielles, sont compatibles avec la réalisation de cet équipement dans le périmètre " P 16-2 " défini en son annexe IV par le plan local d'urbanisme, qui n'était pas tenu d'en décrire précisément la nature et les caractéristiques ; que dès lors, le moyen que les trois appelantes tirent de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, ou de celles de l'article L. 421-6 du même code, manque en droit ; que par ailleurs, si la SCI Suchet Montmorency soutient que la réalisation effective de l'équipement en cause serait compromise par la circonstance que le tréfonds de la parcelle d'implantation du futur équipement public serait resté, lors de la vente du terrain à l'OPAC de Paris en 2006, la propriété du vendeur, Réseau Ferré de France, lequel n'a aucune compétence en matière culturelle, cette affirmation est, en tout état de cause, démentie par les pièces versées au dossier en réponse par Paris Habitat OPH, dont il résulte qu'il a acquis en 2008, le tréfonds de la parcelle concernée ».

    Ce faisant, la Cour a donc refusé d'aligner d'une quelconque façon le régime de ces servitudes avec celui propre aux emplacements réservés. Il faut dire qu'une solution contraire n'aurait finalement eu aucun sens ou, à tout le moins, aurait privé celles prévues par l'item c) de leur utilité.

    A l'examen de la rare jurisprudence rendue à leur propos, les servitudes instituées par l'article L.123-2 du Code de l'urbanisme semblent en effet présenter quelques similitudes avec le régime des emplacements réservés; certains considérant d'ailleurs que celles prévues par son item c) constitue des emplacements réservés classiques (Th. Célérier; SJ Notariale et Immobilière n° 19, 11 Mai 2001, p. 895).

    Force est toute de relever que cet item concerne les « voies et ouvrages publics, ainsi que les installations d'intérêt général (…) à créer ou à modifier (…) » alors qu’aux termes de l’actuel article L.123-1-5.V le règlement de PLU peut également « fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général ainsi qu'aux espaces verts (…) ».

    Ces deux articles ont donc un champ d’application matériel strictement identique : les voies et les ouvrages publics, les installations d’intérêt général et les espaces verts.

    Sauf à considérer que ces deux dispositifs font « doublon », force est donc d’admettre que ces deux articles n’ont pas la même portée et, par voie de conséquence, et notamment qu’à la différence d’un emplacement réservé créé en application de l’article L.123-1-5 du Code de l’urbanisme, une servitude instituée au titre de l’article L.123-2 c) n’a pas nécessairement pour effet de rendre le terrain concerné totalement « inconstructible ».

    D’ailleurs, les articles R.123-11 d) et R.123-12 d) du Code de l’urbanisme distinguent les emplacements réservés institués en application de l’article L.123-1-5.V des servitudes fixées au titre de l’item c) de l’article précité en disposant respectivement que :

    • « les documents graphiques du règlement font, en outre, apparaître s'il y a lieu « es emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général et aux espaces verts, en précisant leur destination et les collectivités, services et organismes publics bénéficiaires » ;
    • « les documents graphiques prévus à l'article R.123-11 font également apparaître, s'il y a lieu Les terrains concernés par la localisation des équipements mentionnés au c de l'article L. 123-2 »

    Surtout, l’article L.123-2 c) précise que les servitudes qu’il prévoit consiste seulement « à indiquer » la localisation des terrains susceptibles d’être concernés par la réalisation d’équipements d’intérêt général alors que, d’une part, le dispositif prévu par le point a) de ce même article vise expressément « à interdire » certaines constructions et que, d’autre part, le dispositif prévu par le point b) de cet article vise expressément « à réserver des emplacements » pour la réalisation de certains programmes de logements.

    Dès lors que ces servitudes ne constituent donc pas des emplacements réservés, force est donc effectivement d'admettre qu'elles ne s'imposent aux constructions projetées sur les terrains situés dans les secteurs qu'elles couvrent que dans un rapport de compatibilté. 

    II.- Mais par ailleurs, l’association requérante devait également soutenir que chacun de permis de construire était illégal puisqu’ils se rapportaient chacun à la réalisation d’un ensemble immobilier unique, moyen que la Cour devait donc également écarter au motif suivant :

    « 28. Considérant, à cet égard, que s'il ressort des pièces du dossier que le programme immobilier élaboré sur le site de l'ancienne gare d'Auteuil a donné lieu à une conception globale, il se compose de quatre immeubles d'habitation dont deux sont destinés au logement locatif social et à une crèche, à réaliser sous la maîtrise d'ouvrage de Paris Habitat OPH, et dont les deux autres, à réaliser sous la maîtrise d'ouvrage de la société Cogedim Résidence, sont pour l'essentiel destinés à l'accession à la propriété ; qu'ainsi, outre que ce programme est d'une ampleur certaine et d'une relative complexité, il comporte deux éléments ayant une vocation fonctionnelle autonome, relevant chacun d'un maître d'ouvrage propre ; que ni la présence d'une rampe d'accès unique aux parkings souterrains, qui doit donner lieu, aux termes des permis de construire modificatifs délivrés le 19 juin 2013, à une servitude de passage, ni la circonstance que le terrain reste grevé, en vertu de l'annexe IV au règlement du plan local d'urbanisme, d'une servitude de localisation d'un équipement culturel édictée en application du c) de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, dont la réalisation n'est pas compromise par le programme litigieux, ni le fait qu'un itinéraire d'accès " pompiers " soit implanté sur l'emprise de l'un des terrains issus de la division au bénéfice de l'ensemble du site, ne suffisent à remettre en cause la vocation fonctionnelle autonome des deux aspects du programme ; qu'il ressort du dossier, par ailleurs, que l'administration, saisie concomitamment des demandes de permis de construire qui comportaient de nombreux éléments communs et se référaient l'un à l'autre, a été mise à même de vérifier que, globalement, la délivrance de permis de construire distincts permettait de garantir un respect des règles et intérêts généraux identique à celui qu'aurait assuré la délivrance d'un permis de construire unique ; que, dans ces conditions, les moyens analysés ci-dessus ne sont pas fondés ».

    A cet égard, l’arrêt commenté offre ainsi le premier exemple d’application concrète, et en outre positive, de l’exception introduite par l’arrêt « Ville de Grenoble » alors que la jurisprudence du Conseil d’Etat et des Cours d’appel n’avaient eu jusqu’à présent qu’à se prononcer sur la qualification d’ensemble immobilier unique et, le plus souvent, pour l’écarter.

    D’une façon générale, cet arrêt confirme notamment, s’il en était besoin, que :

    • d’une part, même si en droit on voit finalement mal le fondement et l’utilité de cette restriction, « l’ampleur et la complexité » du projet constitue néanmoins une véritable condition qui, malgré le caractère réel des autorisations d’urbanisme, a vocation à être apprécié notamment au regard du nombre de maîtres d’ouvrage, y compris semble-t-il si cette pluralité n’est pas initiale mais résulte du transfert ultérieur de l’un des deux permis de construire obtenus à l’origine pas un même pétitionnaire ;

    • d’autre part, les considérations d’interdépendance juridique n’ont strictement aucune incidence ni sur la qualification d’ensemble immobilier unique (CE. 15 mai 2013, req. N°345.809), ni par voie de conséquence sur la possibilité de fractionner la réalisation d’un ensemble immobilier unique, suivant un découpage correspondant à ses composantes auxquelles on peut reconnaitre une vocation fonctionnelle autonome, en plusieurs permis de construire distinct ; étant toutefois relevé que la Cour s’est bornée à apprécier l’autonomie fonctionnelle des bâtiments projetés alors que le projet incluait un parc de stationnement dont la réalisation était elle-même dissociée entre les deux permis de construire alors que chacune des parties de ce parc n’avait manifestement pas une vocation fonctionnelle autonome compte tenu de la rampe d’accès unique de ce parc.

    Mais à cet égard, le principal intérêt de cet arrêt est de se rapporter à un ensemble immobilier unique projeté sur un même terrain et donnant lieu à un fractionnement horizontal dans le cadre de deux permis de construire distincts ayant des titulaires différents. Ce faisant, et contrairement à l’arrêt « Ville de Grenoble » qui lui portait sur un fractionnement vertical de l’ensemble immobilier projeté, cet arrêt permet donc de traiter de l’incidence des divisions foncières induites par la réalisation du projet sur l’exception introduite par ce même arrête

    On rappellera, en effet, que la qualification d’ensemble immobilier unique applicable à titre d’exemple à des constructions projetées sur un parc de stationnement commun (CAA. Nantes, 2 mai 2014, SCI Beaurains, req. n°13NT00038) n’exclut ni d’une façon générale la caractérisation de plusieurs bâtiments (CAA. Bordeaux, 5 février 2008, Sté Osmose, req. n°06BX00977), ni plus spécifiquement la réalisation de divisions foncières (CE, 26 octobre 2005, Cne de Sceaux, req. n°265.488) ; divisions foncières qui au demeurant n’étaient nullement contestées en l’espèce et avait d’ailleurs donné lieu à une déclaration préalable de lotissement.

    Il reste que dans le cadre d’un permis de construire unique, ces divisions auraient pu être traitées dans le cadre d’un permis de construire valant division, en l’occurrence conjoint.

    Il s’ensuit donc que le régime des divisions foncières ne s’oppose en lui-même à la mise en œuvre de l’exception introduite par l’arrêt « Ville de Grenoble » ; ce qui nous semble difficilement contestable.

    On sait en effet que le principe rappelé par cet arrêt et selon lequel, sauf exception donc, un ensemble immobilier unique doit faire l’objet d’une seule et même autorisation, le cas échéant conjointe, trouve son fondement dans l’actuel article L.421-6 du Code de l’urbanisme, lequel dispose que « le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords » et auquel renvoie l’article L.421-7 précisant que « lorsque les constructions, aménagements, installations et travaux font l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à leur exécution ou imposer des prescriptions lorsque les conditions prévues à l'article L. 421-6 ne sont pas réunies ».

    En d’autres termes, cette règle trouve donc sa base légale dans un article régissant tous les permis de construire, y compris le permis valant division donc, comme tous les permis d’aménager et toutes les déclarations préalables, y compris ceux se rapportant aux lotissements.

    Partant, on voit donc mal pourquoi l’article L.421-6 qui ne fait pas obstacle au fractionnement d’un ensemble immobilier unique au regard du droit des autorisations de construire s’opposerait en revanche à ce fractionnement pour ce qui concerne la réglementation sur les divisions foncières. Mais il en va d’autant plus ainsi qu’en dehors du cas où le projet en cause constitue un ensemble immobilier unique ne pouvant bénéficier de l’exception introduite par l’arrêt « Ville de Grenoble », le champ d’application de la procédure de ce qu’il est convenu d’appeler le permis de construire valant division ne semble pas présenter par principe un caractère impératif.

    En effet, comme nous l’avons déjà écrit, ce qu’il est convenu d’appeler un permis de construire valant division ne constitue pas une forme d’autorisation d’urbanisme à part à entière mais n’est jamais qu’un permis de construire de « droit commun » présentant pour toute particularité procédurale d’être délivré au vu d’un dossier comportant, entre autres pièces complémentaires, la ou les pièces visées par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

    Or, compte tenu de sa place dans le code et de sa tournure rédactionnelle, cet article ne vise en fait qu’une hypothèse et, partant, ne semble avoir vocation à s’appliquer que lorsque la demande porte effectivement sur la réalisation de plusieurs bâtiments (CAA. Lyon, 27 mars 2012, SAS Laucel, req. n°11LY01782).

    Dès lors, il est permis donc effectivement de s’interroger sur le caractère impératif de ce dispositif et, concrètement, sur la possibilité de faire relever une opération impliquant la réalisation de plusieurs bâtiments sur un même terrain non pas d’un unique permis de construire groupé mais d’une pluralité de permis de construire dont chacun ne porte que sur un seul bâtiment, notamment lorsque les bâtiments projetés sont physiquement distincts et ne sont pas liés entre eux par des équipements communs les rendant indissociables.

    C’est cette dernière démarche qu’avait adopté le pétitionnaire dans l’affaire « Mareil-le-Guyon » (CE. 7 mars 2008, Cne de Mareil-le-Guyon, req. n°296.287), lequel avait présenté, le même jour, cinq demandes de permis de construire en vue d’édifier cinq maisons individuelles sur l’unité foncière dont il était propriétaire. Toutefois, ces demandes devaient faire l’objet de cinq décisions de refus, toutes motivées par le fait qu’un tel projet impliquait nécessairement la division foncière du terrain à construire, si bien que ces cinq demandes auraient dû être, soit précédées de l’obtention d’une autorisation de lotir, soit groupées dans le cadre d’une unique demande de permis de construire valant division. Mais en appel comme en cassation, ces refus de permis de construire devaient être annulés au motif que les cinq maisons individuelles n’étant destinées qu’à être louées, la réalisation du projet pris dans sa globalité n’impliquant donc aucune division foncière. Dans cette affaire, le juge administratif ne s’est donc aucunement attaché à constater que chacune des maisons projetées avait donné lieu à une demande de permis de construire distinctes mais s’est exclusivement fondé sur l’absence de division foncière induite par le projet.

    C’est donc bien que dans le cas contraire, le projet aurait a priori dû faire l’objet d’une seule et même demande de permis de construire placée sous l’empire de l’actuel article R.431-24 du Code de l’urbanisme … sauf peut-être à ce que les divisions foncières induites par la réalisation aient précédemment été autorisées par une autorisation de lotissement.

    Précisément – et en outre au sujet d’un permis de construire valant division obtenu sous l’empire de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme qui, à la différence de l’actuel article R.431-24, n’était pas visé en tant que tel par l’article R.442-1 de l’époque, à savoir l’ancien article R.315-2 – le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. / L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive " ; que l'illégalité relevée ci-dessus n'affecte que les constructions prenant appui sur le mur mitoyen, lesquelles auraient pu faire l'objet d'autorisations distinctes et sont ainsi divisibles du reste des constructions autorisées par le permis litigieux ; que, par suite, et sans qu'il y ait besoin de rechercher si l'illégalité entachant le permis est susceptible de régularisation, il y a lieu d'annuler le permis de construire du 8 septembre 2005 et la décision rejetant le recours gracieux en tant seulement qu'ils concernent les constructions adossées au mur dont M. A...est propriétaire mitoyen » (CE.15 mai 2013, SSCV « Le Clos de Bonne Brise », req. n°341.235).

    Il faut ainsi rappeler que « lorsque les éléments d'un projet de construction ou d'aménagement ayant une vocation fonctionnelle autonome auraient pu faire, en raison de l'ampleur et de la complexité du projet, l'objet d'autorisations distinctes, le juge de l'excès de pouvoir peut prononcer une annulation partielle de l'arrêté attaqué en raison de la divisibilité des éléments composant le projet litigieux ; que, d'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 600-5 citées ci-dessus qu'en dehors de cette hypothèse, le juge administratif peut également procéder à l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable du projet et où cette illégalité est susceptible d'être régularisée par un arrêté modificatif de l'autorité compétente, sans qu'il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet » (CE. 1er mars 2013, Fritot, req. n°350.306).

    Il existe donc trois possibilités d’annulation partielle :

    • tout d’abord, celle propre à l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme et qui peut être mise ne œuvre dès lors que l’illégalité du permis de construire ne concerne qu’une partie identifiée du projet autorisé, quand bien même en est-elle indivisible, et peut être régularisée par un « modificatif » ;

    • ensuite, celle tout aussi spécifique mais découlant de l’exception introduite par l’article « Ville de Grenoble » ;

    • enfin, celle aussi classique qu’ancienne et résultant de la divisibilité du projet au regard des critères fixés par la règle de principe rappelé par l’arrêt « Ville de Grenoble » et dont il résulte qu’il ne s’agit pas d’un ensemble immobilier unique.

    Or, dans l’affaire susvisée, le permis de construire valant division en cause a donc été partiellement annulé non pas au titre des possibilités spécifiquement ouvertes par l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme puisque cette annulation a été prononcée « sans qu'il y ait besoin de rechercher si l'illégalité entachant le permis est susceptible de régularisation », ni au titre de l’exception introduite par l’arrêt « Ville de Grenoble », mais en raison en raison de la divisibilité classique d’un projet ne constituant pas un ensemble immobilier unique ; ce qui n’est pas nécessairement le cas d’un projet tendant à la construction concomitante de plusieurs bâtiments sur un même terrain, y compris par un même maître d’ouvrage (CAA. Nantes, 16 février 2010, Pascal X., req. n°09NT00832).

    C’est donc bien qu’un projet susceptible de relever d’un permis de construire valant division n’en est pas indivisible de ce seul fait et, par voie de conséquence, peut donc néanmoins relever de permis de construire distincts (ne valant pas division) ne portant chacun que sur un seul bâtiment pour autant, par ailleurs, que le divisions foncières induites par sa réalisation puissent être traitées par un autre procédé, tel le lotissement comme au cas d’espèce, ou un des autres modes opératoires prévus par l’article R.442-1 et, pourquoi pas, par des permis tenant lieu de déclarations préalables en application de l’article R.442-2.

    Pour être complet, on relèvera qu’en conséquence de la déclaration préalable de lotissement précédemment formulée, la Cour a également jugé que :

    « 43. Considérant, en douzième lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-10-1 du code de l'urbanisme : " Dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur un même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, les règles édictées par le plan local d'urbanisme sont appréciées au regard de l'ensemble du projet, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose " ; que contrairement à ce que soutient l'Association de sauvegarde Auteuil - Bois de Boulogne, ces dispositions réglementaires ne méconnaissent pas la compétence des auteurs d'un plan d'urbanisme, telle que fixée par l'article L. 123-1 du même code, dès lors que ce texte les autorise à écarter l'application de la règle qu'il fixe ; que les auteurs du plan local d'urbanisme de Paris n'ayant pas fait ce choix, les premiers juges ont relevé à juste titre que le respect des règles d'implantation et de gabarit des constructions devait être apprécié au regard de l'ensemble du projet, et donc au regard des règles fixées par les articles UG.8 et UG.10.4 concernant respectivement l'implantation et le gabarit enveloppe des constructions sur un même terrain, en ce qui concerne les immeubles placés en vis-à-vis sur le site du lotissement, même prévus par des permis de construire distincts, et que les moyens tirés d'une méconnaissance des articles UG.7.1 et UG.10.3.1, relatifs à l'implantation et au gabarit enveloppe des constructions par rapport aux limites séparatives étaient inopérants » ;

    et a donc jugé, de façon cohérente, que dans le cas d’un lotissement, le principe de « globalisation » fixé par l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme s’appliquait également aux permis de construire délivrés dans ce lotissement et ce, contrairement à l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon (CAA. Lyon, 9 juillet 2013, M. C…, req. n°12LY03219) dont nous avons déjà eu l’occasion d’écrire tout le bien que l’on pensait puisque concluant, au mépris de la finalité protectrice de la règlementation sur les lotissement, que cet article s’applique au seul stade de l’autorisation de lotissement (et donc au profit du lotisseur) mais plus au stade des permis de construire ultérieurs (et donc au détriment des acquéreurs/colotis)…

    Reste un regret : contrairement à ce que relève la Cour, l'article VII des dispositions générales du PLU de Paris font bien exception à l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme notamment pour l’application des articles 7 et 8 de ses règlements de zone.

    Cela étant, ce regret ne vise pas l’erreur de la Cour sur ce point et/ou les carences de l’association requérante mais découle de la singularité de cette exception qui ne vaut que pour les lotissements et non pas donc pour les opérations relevant d’un permis de construire valant division.

    Si cette exception avait été invoquée par l’association requérante, il aurait donc incombé à la Cour de se prononcer sur la mise en œuvre de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme et de son exception dans le cas du fractionnement d’un projet qui, s’il avait relevé d’une autorisation unique aurait donc dû relever d’un permis de construire valant division conjoint puisque relevant alors stricto sensu du champ d’application de l’article R.431-24 précité, mais qui avait donc donné lieu à deux permis de construire simple dans le périmètre d’un lotissement déclaratif. Or, l’affaire n’aurait pas été mince…

    Il est vrai qu’outre les conditions liées à l’ampleur et la complexité du projet ainsi qu’à la vocation fonctionnelle autonome des éléments fractionnés, l’exception introduite par l’arrêt « Ville de Grenoble » peut être mise en œuvre. En substance, et malgré le fractionnement pratiqué à ce titre, la conformité du projet semble donc devoir s’apprécier comme si celui-ci avait fait l’objet d’un seul et même permis de construire « sous réserve que l'autorité administrative ait vérifié, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés ».

    Suivant cette analyse, on aurait donc pu conclure que la légalité des permis de construire contestés aurait dû s’apprécier comme dans le cas d’un permis de construire valant division unique et donc par l’application de l’article R.123-10-1.

    Cela étant, force est de s’interroger sur la raison d’être de « l’exception spéciale » introduite à cet égard par le PLU de Paris qui, d’ailleurs, n’apporte aucune justification sur ce point, a fortiori sur le fait que cette exception ne vaut donc que pour les lotissements mais pas pour les opérations relevant d’un permis de construire valant division.

    Il reste que si l’on veut trouver une justification à ce régime à « deux vitesses », force est d’admettre qu’il ne peut que résulter des différences distinguant ces deux modes opératoires puisque la ou dans le cadre d’une opération groupée l’ensemble du projet est appréciée et exécutée dans le cadre d’une seul et même autorisation, la concrétisation d’un lotissement s’opère de façon fractionnée par une pluralité de permis de construire distincts dont la délivrance et la mise en œuvre sont susceptibles de s’échelonner dans le temps.

    Dès lors que le projet contesté s’inscrivait donc dans un tel mode opératoire fractionnée, il n’aurait donc pas été si illogique de le soumettre à cette exception à l’article R.123-10-1 précité ; sans compter que l’on peut par ailleurs se demander s’il y avait véritablement lotissement et, en d‘autres termes, si le promoteur titulaire d’un permis de construire portant sur la construction de deux bâtiments de 177 logements destinés à l'accession à la propriété, de locaux d'artisanat en rez-de-chaussée et de 123 places de stationnement en sous-sol avait effectivement acquis le lot d’assiette de cette autorisation avant même qu’elle ne lui soit transférée et ce, alors qu’elle était déjà frappée d’un recours…

     

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Qu’est qu’un « équipement commun » au sens de l’article R.421-19 du Code de l’urbanisme ?

    Un projet de voie mis en œuvre par la Ville en parallèle de l’engagement par cette dernière d’un projet de lotissement n’assujettit pas ce dernier à permis d’aménager, même si la voie est principalement destinée à desservir ce lotissement.

    CAA. Nancy, 12 juin 2014, Cne de Vincey, req. n°13NC02042

     

    Dans cette affaire, la Ville avait par une même délibération du 19 juillet 2011 décidait tout à la fois de la création d’un lotissement de 12 lots à bâtir et de la réalisation d’une voie devant permettre leur desserte. Pour autant, le Maire ne devait formuler qu’une déclaration préalable de lotissement au titre de l’article R.421-23 du Code de l’urbanisme.

    C’est dans cette mesure que le Préfet devait ultérieurement contester non pas la légalité de la décision du 13 juillet 2011 valant non-opposition à cette déclaration mais la légalité des permis de construire délivré le 2 juillet 2012 sur certains des lots autorisés en soutenant qu’en raison de la création de cette voie, ce lotissement impliquait la délivrance d’un permis d’aménager, si bien que ces permis de construire avaient été délivrés en méconnaissance notamment des prescriptions de l’article R.442-18 du Code de l’urbanisme.

    Si le Tribunal administratif suivit ce moyen, ce dernier fut toutefois rejeté par la Cour administrative d’appel de Nancy au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 19 janvier 2011, le conseil municipal de Vincey a décidé, d'une part, de confier à un géomètre-expert le soin de " la mise au point du projet d'aménagement de 12 parcelles par déclaration préalable et du bornage et de la division des parcelles ", et, d'autre part, " de faire aménager, à partir de l'espace situé entre les parcelles 9 et 10 du lotissement du stade, une voirie d'une surface de 1 749 m² et d'une longueur d'environ 200 m baptisée " impasse des anciens d'AFN " qui sera après enquête publique, incorporée dans la voirie publique communale " ; que, par délibération du 11 avril 2011, le conseil municipal a décidé, après le déroulement de l'enquête publique, d'incorporer dans le domaine public routier communal " l'impasse des anciens d'AFN " sur toute sa longueur soit 209 m ; que, par délibération du 27 avril 2011, le conseil municipal a approuvé le projet de lotissement présenté par le géomètre-expert ; Considérant que le conseil municipal de Vincey a ainsi décidé de classer dans la voirie communale la voie dénommée " impasse des anciens d'AFN " avant d'arrêter le projet de lotissement ayant donné lieu au dépôt de la déclaration préalable le 23 mai 2011 ; que, dès lors, et quand bien même cette voie n'a été réalisée qu'ultérieurement et qu'elle avait vocation à desservir principalement le lotissement en question, elle ne présentait pas le caractère d'une voie commune audit lotissement mais d'une voie communale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le bassin de décantation dont l'aménagement était prévu sur une parcelle jouxtant les lots 27 et 38 serait un espace commun au lotissement ; que la commune fait valoir au contraire que ce bassin a été créé pour les besoins du premier lotissement existant et que l'" impasse des anciens d'AFN " était également destinée à permettre l'accès à cet équipement ; qu'ainsi, en l'absence de voie ou d'espace commun audit lotissement, c'est à bon droit que le maire de la commune de Vincey a déposé une déclaration préalable et non pas une demande de permis d'aménager ; que, par suite, la commune de Vincey est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a estimé que cette voie, du fait qu'elle était destinée à desservir les douze lots constituant le lotissement, était une voie commune à ce lotissement et qu'en conséquence cette opération devait être précédée d'un permis d'aménager ».

    A titre liminaire, il faut donc rappeler que le recours en annulation introduit par le Préfet n’était pas dirigé contre la décision de non-opposition du 13 juillet 2011 mais à l’encontre des permis de construire du 2 juillet 2012.

    En substance, le fondement principal du recours consistait donc à exciper de l’illégalité de cette décision de non-opposition au regard de l’article R.421-19 précisé et de la prétendue méconnaissance subséquente du champ d’application de la procédure de permis d’aménager. Pour autant, force est de constater que la Cour n’a aucunement recherché si cette décision était ou non définitive, ni même si ce caractère était ou non allégué par la commune appelante.

    Or, si une autorisation de lotissement peut emporter l’approbation de documents revêtant un caractère réglementaire opposables notamment aux permis de construire délivrés sur les lots à bâtir ainsi autorisés, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une autorisation individuelle créatrice de droits ; ce dont il résulte que l’illégalité de cette autorisation ne peut plus être utilement invoquer par voie d’exception dès lors qu’elle a acquis un caractère définitif.

    Est-ce à dire que la Cour administrative d’appel a ainsi considéré que la méconnaissance du champ d’application de la procédure du permis d’aménager pouvait être invoquer à l’encontre de permis de construire distinctement de l’illégalité subséquente de la déclaration formulée en lieu et place du permis éventuellement requis et, donc, sans consister à exciper « directement » de l’illégalité de cette déclaration ?

    Nous ne le pensons pas et, au demeurant, outre que ce caractère définitif n’était pas invoqué par la ville appelante, la Cour n’avait pas besoin de se prononcer sur ce point dès lors qu’elle devait rejeter ce moyen.

    En effet, dès lors que le projet mis en œuvre correspond en tout point à celui déclaré, le seul cas où il nous semble pouvoir en être autrement est bien entendu celui où l’illégalité de la déclaration et la méconnaissance du champ d’application de la procédure du permis d’aménager résulte d’une fraude du lotisseur ; fraude qui ne peut se présumer du seul fait que l’autorité compétente ait connaissance de la réalité du projet et/ou soit intéressée à sa réalisation.

    Mais venons en maintenant au fond du problème : les travaux de voirie projetés tendaient-ils à la réalisation d’un « équipement commun » au sens de l’article R.421-19 du Code de l’urbanisme.

    Sur ce point, il faut tout d’abord relever que la Cour s’est prononcée sur ce point au regard de l’article R.421-19 dans sa rédaction applicable à la date de la décision de non-opposition et qui alors disposait que « doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager les lotissements, qui ont pour effet, sur une période de moins de dix ans, de créer plus de deux lots à construire lorsqu'ils prévoient la réalisation de voies ou espaces communs (…) » et non pas donc en considération de sa rédaction applicable à la date des permis de construire litigieux et qui précisait alors que : « doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager les lotissements qui prévoient la création ou l'aménagement de voies, d'espaces ou d'équipements communs internes au lotissement » ; ce qui n’allait pas de soi dès lors que le Conseil d’Etat a pu juger qu’un lotissement illégal pouvait être régularisé par une évolution permissive des règles applicables en la matière :

    « Considérant qu'une autorisation de travaux ne peut être légalement délivrée pour une construction à édifier sur un terrain compris dans un lotissement non autorisé, à moins que ce lotissement n'ait fait l'objet d'une régularisation ultérieure, sous l'empire des dispositions législatives ou réglementaires intervenues postérieurement ; que, dans l'hypothèse où les textes postérieurs retiennent une définition plus restrictive du lotissement, celle-ci ne saurait rétroactivement régulariser les opérations de divisions ayant constitué un lotissement de fait non autorisé ; qu'en revanche, dès lors que le lotissement de fait n'entre plus, à la date à laquelle l'autorisation de travaux contestée a été délivrée, dans le champ d'application des dispositions relatives aux opérations de lotissement soumises à autorisation, des travaux de constructions sur une parcelle incluse dans le périmètre d'un tel lotissement peuvent légalement y être autorisés ; Considérant que, pour rejeter l'argumentation présentée en défense par l'ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE DES PROPRIETAIRES DU LOTISSEMENT TE MARU ATA, la cour a relevé, comme le tribunal, que le lotissement dans lequel la parcelle de M. A était incluse, consistant en plus de trois parcelles, n'avait jamais été autorisé, ce qui n'est au demeurant contesté par aucune des parties ; qu'elle a également jugé que, compte tenu de l'évolution sus-rappelée des dispositions du code de l'aménagement de la Polynésie française, ce lotissement, consistant en moins de cinq parcelles, n'entrait plus dans le champ d'application des règles applicables aux lotissements de fait et qu'il ne « constituait plus un lotissement non autorisé pour lequel une régularisation par obtention d'un permis de lotir serait demeurée nécessaire afin que puissent être régulièrement autorisés des travaux de construction sur la parcelle provenant de la division » ; qu'en jugeant ainsi, pour les motifs qui viennent d'être indiqués, elle n'a entaché son arrêt d'aucune erreur de droit » (CE. 18 juin 2007, Association syndicale libre des propriétaires du lotissement Te Maru Ata, req. n°289.336); 

    alors qu’en ajoutant l’exigence du caractère « interne » au lotissement de l’équipement en cause le décret du 28 février 2012 ayant modifié l’article R.421-19 précité tel qu’il était applicable à la date de délivrance des permis de construire litigieux avait quelque restreint le champ d’application de la procédure de permis d’aménager comparé à celui découlant de ce même article dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision de non-opposition du 13 juillet 2011.

    Cela étant, la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans l’arrêté précité n’était pas totalement transposable au cas présent puisqu’elle a trait au cas où les détachements des terrains à bâtir ne relèvent tout simplement plus de la définition du lotissement à la date de délivrance des permis de construire portant sur ces parcelles alors qu’en l’espèce, le décret précité n’avait clairement pas pour effet de soustraire de projet de la ville à la règlementation sur les lotissements et, en substance, pour ce qui concerne les permis de construire attaqués, de rendre à leur égard rétrospectivement superfétatoire la décision de non-opposition du 13 juillet 2011.

    Mais en toute hypothèse, quelle que soit sa version applicable, l’article R.421-19 impliquait donc à tout le moins d’apprécier si la voie en cause constituait donc ou non une « voie commune » aux terrains à bâtir autorisés par cette décision de non-opposition. Sur ce point, la Cour a relevé que « le conseil municipal de Vincey a ainsi décidé de classer dans la voirie communale la voie dénommée " impasse des anciens d'AFN " avant d'arrêter le projet de lotissement ayant donné lieu au dépôt de la déclaration préalable le 23 mai 2011 ».

    A cet égard, il suffirait donc que le projet de voirie précède le projet de lotissement pour que ce dernier échappe à la procédure de lotissement ; ce qui au demeurant n’était pas réellement le cas puisque rappelons c’est par une seule et même délibération initiale que la Ville avait décidait la création du lotissement et de la réalisation d’une voie devant permettre leur desserte.

    Cela étant, la Cour nous semble surtout s’être fondée sur le fait que :

    • dans la mesure où « par délibération du 11 avril 2011, le conseil municipal a décidé, après le déroulement de l'enquête publique, d'incorporer dans le domaine public routier communal " l'impasse des anciens d'AFN " sur toute sa longueur soit 209 m » la réalisation de cette voie s’inscrivait donc dans le cadre non pas de la règlementation sur les lotissements mais d’une autre procédure, relevant en l’occurrence du Code de la voirie routière puisqu’il est vrai que tout projet de voirie desservant des terrains à détacher n’est pas nécessairement un équipement commun puisqu’en ce sens, il a déjà pu être jugé que :

    « Considérant que la ville de Paris fait valoir le dossier de permis de construire aurait dû contenir une convention de rétrocession en application des dispositions précitées, compte tenu du projet de création d’une « voie nouvelle » ; Considérant toutefois que cette voie, dont le projet prévoit la création, est destinée, en application de la servitude P 15-7 figurant en annexe n° 4 du plan local d’urbanisme de la ville de Paris, à devenir une voie publique intégrée dans le domaine public de la ville de Paris ; qu’elle ne constitue donc pas une voie commune au sens des dispositions précitées, qui ne sont susceptibles de s’appliquer qu’à des voies privées ; que le moyen doit dès lors être écarté » (TA. Paris, 21 février 2013,Ville de Paris, req. n°12-05625);

    • cette voie constituait donc, et « sur toute sa longueur », une voie communale puisqu’alors même « qu'elle avait vocation à desservir principalement le lotissement en question » elle n’était donc pas exclusivement destinée à cet usage (en ce sens, sur ce point : CE 17 mai 2013, Société IDE, req. n°337120).

    En résumé, la Cour semble ainsi avoir jugé que dans la mesure où il s’agissait d’un équipement n’étant pas exclusivement propre au lotissement et que la Ville réalisait non pas en sa qualité de lotisseur, mais en l’occurrence d’autorité compétente en matière de voirie communale, il ne s’agissait donc pas d’une voie commune au sens de l’article R.421-19 applicable.

    A suivre cet arrêt, un projet de voie peut être engagée concomitamment de la création des terrain à bâtir qu’elle dessert - et ce, par une seule et même personne - sans pour autant assujettir le lotissement à permis d’aménager dès lors que, notamment, cette voie n’est pas propre au lotissement et/ou est réalisée dans le cadre d’une autre procédure...

    Une telle conclusion nous semble toutefois sujette à caution puisqu'il faudrait comprendre qu’il suffirait à la "Ville/lotisseur" de planifier distinctement en tant que « travaux publics » la réalisation des équipements desservant les lots à bâtir pour échapper à la procédure de permis d’aménager et ainsi priver les acquéreurs de ces terrains des garanties liés à cette autorisation alors qu’il s’agit de la finalité première du régime généré par cette dernière. 

     

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur l'article L.442-14 du Code de l'urbanisme & le sursis à statuer sur une demande de permis de construire présentée dans un lotissement sans travaux

    Le sursis à statuer sur une demande de permis de construire dans un lotissement (sans travaux) ne saurait être légalement fondé sur une procédure de PLU qui n’était pas encore suffisamment avancée pour ce faire à la date de délivrance de l’autorisation de lotissement dès lors qu’un délai de cinq ans à compter de la déclaration d’achèvement prévue par l’article R.462-1 du Code de l’urbanisme n’est pas alors expiré.

    CAA. Nantes, 30 avril 2014, M.A & Mme E, req. n°12NT02273

     

    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu le 18 mars 2010 un permis de construire tacite, lequel devait toutefois être retiré, le 17 mai suivant, par un arrêté opposant à sa demande initiale une décision de sursis à statuer puisqu’un tel retrait a pour effet quelque peu théorique de ressaisir l’autorité instructrice de la demande initiale sans même que le pétitionnaire ne confirme sa demande puisque cette exigence formulée par l’article L.600-2 du Code de l’urbanisme, qui ne vise d’ailleurs pas le retrait des permis mais uniquement l’annulation des refus, ne vaut que pour bénéficier non pas du droit à « réinstruction » mais de la cristallisation des normes en vigueur à la date de la premier refus.

    Il reste que c’est d’un autre dispositif de cristallisation qui était principalement en cause dans cette affaire puisque la demande de permis de construire avait été présentée sur l’un des deux lots d’un lotissement précédemment autorisé, en l’occurrence le 24 avril 2008.

    I.- De ce fait, outre la légalité de la décision contestée en ce qu’elle valait retrait du permis de construire tacite précédemment obtenu, le pétitionnaire devait contester la légalité de du sursis à statuer par ailleurs opposé à sa demande initiale sur le fondement de l’article L.442-14 du Code de l’urbanisme qui, dans sa rédaction applicable dans cette affaire (c’est ici important, nous y reviendrons) disposait que : « dans les cinq ans suivant l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement ». Et c’est précisément à ce titre que la Cour administrative d’appel de Nantes devait donc annuler cette décision de sursis à statuer en jugeant tout que :

    « 12. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus par les articles (...) L. 123-6 (dernier alinéa) (...) du présent code (...) " ; que le dernier alinéa de l'article L. 123-6 du même code prévoit que : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. " ; que l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Dans les cinq ans suivant l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement" ; 13. Considérant qu'il résulte du rapprochement de ces dispositions que, si l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ne fait pas obstacle, par lui-même, à ce que la demande de permis de construire déposée dans les 5 ans suivant l'achèvement d'un lotissement fasse l'objet du sursis à statuer prévu par l'article L. 111-7 du même code, le prononcé de ce sursis ne peut être fondé, dans une telle hypothèse, sur la circonstance que la réalisation du projet de construction litigieux serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux l'équilibre d'un plan local d'urbanisme en cours d'élaboration, dès lors que cette circonstance, postérieure à la date d'autorisation du lotissement, qui repose sur l'anticipation de l'effet que les règles futures du plan local d'urbanisme auront sur l'autorisation demandée, ou celle-ci sur leur mise en œuvre, ne pourrait motiver un refus ou l'édiction de prescriptions spéciales portant sur le permis demandé sans méconnaître les dispositions de l'article L. 442-14 ».

    Ce faisant, la Cour a donc en amont jugé que les dispositions de l’article L.442-14 précitées ne faisait donc pas par elle-même obstacle en toute hypothèse à ce qu’une demande de permis de construire présentée dans le délai de cinq ans institué par cet article fasse l’objet d’une décision de sursis à statuer.

    Cette analyse est difficilement contestable puisque si ce dispositif vise à garantir le lotisseur et ses acquéreurs en leur permettant, en substance, d’obtenir un permis de construire en l’état des normes en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation de lotir, il ne saurait avoir pour objet de les « surprotéger » par rapport au droit opposable aux tiers sollicitant un permis de construire à la même époque mais en dehors du périmètre de ce lotissement.

    Il reste qu’a contrario, considérer que l’article L.442-14 du Code de l’urbanisme n’aurait aucune incidence sur le régime du sursis à statuer n’irait certes pas à l’encontre de la lettre de cet article qui vise les « dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement », et non pas celles en cours d’élaboration, mais serait totalement contraire de sa finalité puisque le lotisseur et ses acquéreurs seraient donc protégés contre les dispositions approuvées postérieurement à la date de délivrance de l’autorisation de lotissement mais non pas donc contre les normes seulement en cours d’élaboration.

    Au demeurant, une telle analyse ne serait pas toujours utile à moyen terme puisque si une décision de sursis à statuer préjuge le plus souvent d’un futur refus de permis de construire motivé par l’adoption des normes nouvelles seulement en cours d’élaboration au moment du sursis, il n’en demeure pas moins que ce refus constitue une décision distincte de celle ayant opposé un sursis à statuer.

    Or, si la garantie instituée par l’article L.442-14 précité vaut dès la délivrance de l’autorisation de lotissement le délai de cinq ans qu’il fixait, dans sa rédaction applicable en l’espèce, courrait à compter du constat de l’achèvement du lotissement alors que la durée cumulée maximale d’un sursis à statuer n’est « que » de trois ans ; l’autorité compétente devant statuer sur la demande initiale dans les deux mois de la confirmation de celle-ci par le pétitionnaire.

    De ce fait, ce délai global de 38 mois peut donc arriver à échéance alors que celui de cinq ans prévu par l’article L.442-14 n’est pas encore expiré.

    Ainsi, quand bien même les normes en cours d’élaboration à la date du sursis à statuer ont-elles entre temps été approuvées, il s’agit alors de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à l’autorisation de lotissement, ne pouvant donc légalement pas fonder un refus de permis de construire au regard de cet article.

    Tel n’aurait cependant pas été nécessairement le cas en l’espèce puisque selon la Cour ce délai de cinq ans expirait au 16 juin 2013 alors que la Ville s’était retrouvait saisie de la demande initiale à la date de la décision contestée, soit le 17 mai 2010.

    Sous réserve des conditions liées aux alinéas 2 et 3 de l’article L.111-8 du Code de l’urbanisme, la commune aurait donc pu proroger le sursis à statuer jusqu’au 17 mai 2013, de sorte qu’alors même que le pétitionnaire aurait-il immédiatement confirmé sa demande, le délai de deux mois ouvert à la Ville pour statuer définitivement sur celle-ci aurait expiré au plus tôt le 17 juillet 2013, soit après l’expiration du délai de cinq ans applicable en l’espèce au titre de L.442-14. Ce dernier ne se serait donc plus opposer en lui-même à un refus de permis de construire dont la légalité s’apprécie, comme en toute autre matière, à sa date d’édiction….

    Quant à l’application au cas d’espèce, de ce considérant de principe n°13 et selon lequel notamment « le prononcé de ce sursis ne peut être fondé, dans une telle hypothèse, sur la circonstance que la réalisation du projet de construction litigieux serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux l'équilibre d'un plan local d'urbanisme en cours d'élaboration, dès lors que cette circonstance, postérieure à la date d'autorisation du lotissement, qui repose sur l'anticipation de l'effet que les règles futures du plan local d'urbanisme auront sur l'autorisation demandée, ou celle-ci sur leur mise en œuvre, ne pourrait motiver un refus ou l'édiction de prescriptions spéciales portant sur le permis demandé sans méconnaître les dispositions de l'article L. 442-14 », la Cour a donc jugé que : « 15. Considérant (…) que, dans ces conditions, le maire de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel ne pouvait légalement se fonder sur les futures dispositions du plan local d'urbanisme, alors même que son élaboration avait été décidée par une délibération du conseil municipal avant la date de l'autorisation de lotir, pour surseoir à statuer par son arrêté du 17 mai 2010 sur la demande de permis de construire présentée par M. A... et Mme E... ».

    En effet, la légalité d’un sursis à statuer implique non seulement qu’une procédure de PLU soit alors en cours d’élaboration mais également que celle-ci soit en substance suffisamment avancée dans ces orientations aux fins de pouvoir apprécier si le projet objet de la demande est ou non de nature à compromettre l’exécution du futur et/ou à la rendre plus onéreuse.

    Le seul fait qu’une procédure de PLU soit en cours d’élaboration à la date de délivrance de l’autorisation de lotissement ne saurait donc suffire.

    Il faut encore qu’à cette même date, et non pas donc à celle de la décision de sursis à statuer sur la demande de permis de construire, cette procédure soit suffisant avancée ; toute avancée ultérieure susceptible de fonder un sursis à statuer devant donc être considérée comme une « dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement » au sens de l’article L.442-14 du Code de l’urbanisme.

    II.- Mais venant en maintenant aux modalités de calcul du délai de cinq ans prévu par l’article précité tel qu’elles ont été retenues en l’espèce par la Cour administrative d’appel au sujet d’un lotissement déclaratif – et donc sans travaux - pour l’application d’un article disposant alors, rappelons-le « dans les cinq ans suivant l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement » puisqu’à cet égard la Cour a donc jugé que :

    « 14. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 462-1 du même code : " La déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux est signée par le bénéficiaire (...) de la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou par l'architecte ou l'agréé en architecture, dans le cas où ils ont dirigé les travaux. Elle est adressée par pli recommandé avec demande d'avis de réception postal au maire de la commune ou déposée contre décharge à la mairie. " ; qu'aux termes de l'article R. 462-6 du même code : " A compter de la date de réception en mairie de la déclaration d'achèvement, l'autorité compétente dispose d'un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis ou à la déclaration " ; qu'aux termes de l'article R. 462-10 de ce code : " Lorsque aucune décision n'est intervenue dans le délai prévu à l'article R. 462-6, une attestation certifiant que la conformité des travaux avec le permis ou la déclaration n'a pas été contestée est délivrée sous quinzaine, par l'autorité compétente, au bénéficiaire du permis ou à ses ayants droit, sur simple requête de ceux-ci " ; 15. Considérant qu'il ressort des plans cadastraux et de l'acte notarié d'acquisition du terrain d'implantation du projet de construction que les parcelles cadastrées section ZD nos 86, 90, 91 et 92 sont issues de la division des parcelles cadastrées ZD nos 17, 20, 21, 22, 23 et 25, réalisée en vue de la création d'un lotissement de 2 lots à bâtir, ayant fait l'objet d'une déclaration préalable enregistrée en mairie de Saint-Denis-de-l'Hôtel le 3 avril 2008 ; que, par un arrêté du 24 avril 2008, le maire de cette commune a décidé de ne pas faire opposition à cette déclaration préalable ; que le certificat d'achèvement de ce lotissement a été réceptionné par la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel le 16 juin 2008, faisant échec à la péremption de l'autorisation de division de terrain sans travaux, prévue par l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme ; qu'il en résulte que la réglementation d'urbanisme applicable au permis de construire sollicité par M. A... et Mme E... était, à compter de la date d'autorisation du lotissement et jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans suivant son achèvement, soit jusqu'au 16 juin 2013, celle en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation de lotir ; qu'à cet égard, la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel ne peut utilement se prévaloir du rapport du groupement de recherche sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat dès lors qu'il n'a aucune valeur réglementaire ; que, dans ces conditions, le maire de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel ne pouvait légalement se fonder sur les futures dispositions du plan local d'urbanisme, alors même que son élaboration avait été décidée par une délibération du conseil municipal avant la date de l'autorisation de lotir, pour surseoir à statuer par son arrêté du 17 mai 2010 sur la demande de permis de construire présentée par M. A... et Mme E... ».

    La Cour a donc considéré que la notion de « l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat » devait ou à tout le moins pouvait en l’espèce s’entendre de la date de réception de la déclaration d’achèvement d’un lotissement sans travaux alors qu’à suivre la lettre des articles R.462-1 et suivants pourtant cités par la Cour, cette déclaration et les opérations de récolement qu’elle peut appeler ne porteraient que sur « les travaux » et ce, alors que par ailleurs il a été jugé que le certificat d’achèvement visé par l’article R.442-18 du Code de l’urbanisme (dans sa rédaction antérieure au 1er mars 2012, et qui ne visait donc encore expressément les seuls lotissements relevant d’un permis d’aménager) n’était pas requis (CAA. Lyon, 9 juillet 2013, M.C…E…, req. n°12LY03219), et n’avait donc pas être produit au dossier de demande de permis de construire en application de l’article R.431-22 du Code de l’urbanisme, dans le cas d’un lotissement sans travaux (CAA. Versailles, 10 avril 2014, SCI Valérie, req. n°13VE01380).

    A ce stade, il ne faut toutefois pas nécessairement en déduire que même dans le cas d’un lotissement sans travaux la formulation de cette déclaration est obligatoire, notamment pour bénéficier de l’article L.442-14 du Code de l’urbanisme, puisque cette déclaration ayant été formulée dans cette affaire, la question posée à la Cour n’était donc pas de déterminer ce qu’il en aurait été si tel n’avait pas été le cas.

    Or, dans la mesure où cette déclaration avait été effectivement faite et où elle n’avait pas été contestée par la Ville qui, même en tant que défenderesse, ne remettait pas en cause la réalité de cet achèvement, le Cour pouvait en toute hypothèse, et quand bien même serait-elle superfétatoire, la prendre en compte en tant qu’indice et, en l’absence de toute contestation, en tant que critère de détermination de la date à retenir pour l’application de l’article L.442-14.

    D’ailleurs, il faut rappeler qu’au regard de l’article L.442-14, l’achèvement n’est pas conçu comme le moment à partir duquel la cristallisation des règles d’urbanisme s’applique mais comme le fait susceptible de déclencher le délai jusqu’à l’expiration duquel cette cristallisation s’applique ou, a contrario, le délai dont l’expiration permet d’opposer les « dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement ».

    Le Conseil d’Etat a en effet jugé qu’il résulte de ces dispositions « que le bénéficiaire d'une autorisation de lotir se trouve titulaire, dès la délivrance de cette autorisation d'une garantie de stabilité des règles d'urbanisme en vigueur à la date de la délivrance de cette autorisation » (CE. 29 juin 2001, SA Blanc, req. n°210.217). Et pour cause puisque, même dans le cas d’un lotissement sans travaux, cette règle a également vocation à bénéficier aux acquéreurs des lots à construire qui, lorsque le lotisseur a obtenu l’autorisation de commercialisation anticipée prévue par l’actuel article R.442-13 du Code de l’urbanisme sur justification d’une « GFA », peuvent acquérir leur lot et y obtenir un permis de construire avant même que les travaux du lotissement ne soient achevés.

    L’achèvement et son constat ne sauraient donc être une condition d’application d’une garantie effective dès la délivrance de l’autorisation de lotissement. Il reste qu’avant cela, la Cour a souligné que « le certificat d'achèvement de ce lotissement a été réceptionné par la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel le 16 juin 2008, faisant échec à la péremption de l'autorisation de division de terrain sans travaux, prévue par l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme ».

    Or, s’il est clair que la garantie instituée par l’article L.442-14 du Code de l’urbanisme ne saurait perdurée dans le cas d’une autorisation de lotissement caduque au regard des articles R.424-17 et suivants du Code de l’urbanisme, la Cour n’a pas jugé que cette déclaration (non contestée) présumait de la non-caducité de l’autorisation de lotissement en cause mais qu’elle « faisait échec à sa préemption ».

    Il est vrai que de la même façon qu’il est difficile à l’administration de vérifier que les divisions opérées l’ont été conformément à celles prévues par l’administration, il l’est tout autant pour cette dernière de déterminer si elles ont ou non été effectivement réalisées dans le délai de deux ans visés par l’article R.424-18 du Code de l’urbanisme. On pourrait donc être tenté de considérer de façon disons pragmatique que cette déclaration étant le seul procédé susceptible à l’administration de savoir ce qu’il en est, il incombe au lotisseur de la formuler.

    Mais outre qu’une telle conception de l’article R.462-1 du Code de l’urbanisme n’aurait pas de réelle utilité dans la mesure où :

    • soit, les divisions foncières autorisées n’ont pas été réalisées dans le délai de deux ans prévu par l’article R.424-18 du Code de l’urbanisme et elles ne sauraient être ultérieurement mises en œuvre, ce que l’administration n’a toutefois pas plus la possibilité de vérifier même lorsqu’elle constate qu’aucune déclaration d’achèvement n’a été formulée par le lotisseur au terme de ce délai ;

    • soit, ces divisions ont été réalisées dans ce délai et la circonstance que l’autorisation de lotissement devrait être regardée comme caduque faute de la formulation d’une déclaration d’achèvement n’a en elle-même aucune incidence dès lors que cette caducité n’est pas rétroactive ; il reste que la caducité d’une autorisation résulte du seul écoulement du temps et n’a donc nullement besoin d’être opposée pour produire ses effets.

    Partant, le fait que l’administration ne soit pas en mesure de vérifier ce qu’il en est n’a par elle-même aucune incidence sur ce point. En outre, l’engagement comme l’achèvement des opérations au sens notamment des articles R.424-17 et suivants précités sont des notions purement factuelles, si bien que la simple formulation d’une déclaration d’ouverture de chantier ou l’absence de formulation d’une déclaration d’achèvement constituent tout au plus des indices. Et d’ailleurs, aucun des articles susvisés ne fait référence aux articles R.462-1 et suivants du Code de l’urbanisme, à la différence d’ailleurs de l’article R.600-3 du Code de l’urbanisme au sujet duquel il a d’ailleurs pu être jugé qu’il ne s’appliquait pas dans le cas d’une autorisation d’urbanisme ne prévoyant pas de travaux (TA Pau, 21 mai 2013, Mme Gastambide, n° 1101927).

    Il nous semble donc difficile de considérer qu’une telle déclaration est nécessaire pour faire échec à la péremption d’une autorisation de lotissement et ce, faisant pour établir sont droit au bénéfice de la garantie prévue l’article L.442-14 du Code de l’urbanisme ou, a contrario, qu’à défaut de pouvoir justifier d’une telle déclaration avant l’expiration du délai opposable en l’espèce au titre de l’article R.424-18, l’autorisation de lotissement doit être considérée comme caduque, caducité privant du bénéfice de cette garantie ; cette question restant posée certes de façon plus marginale aux termes de l’article L.442-14 dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mars 2012 s’agissant des lotissements certes sans travaux mais projetés dans un secteur sauvegardé ou dans un site classé et, partant, néanmoins soumis à permis d’aménager.

     

     

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés