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Permis de construire - Page 28

  • Des travaux de finition et d’extension d’une construction édifiée dans un lotissement de fait ne peuvent être régulièrement autorisés

    Nonobstant le caractère définitif du permis de construire initial, un permis de construire modificatif portant sur une construction édifiée dans un lotissement non autorisé ne peut être légalement délivré sans l’obtention préalable d’une autorisation de lotir destinée à régulariser ledit lotissement.

    CAA. Marseille, 18 mai 2006, Cne de Nice, req. n° 02MA02119


    Dans cette affaire, un premier permis de construire avait été obtenu, le 29 mars 1991, par la société EUROMED PROMOTION puis transféré, le 18 novembre 1991, à la SARL AEDIFICARE en vue de la construction, sur une même unité foncière, d’un groupe d’habitation de plusieurs logements prenant la forme de villas individuelles. Ultérieurement, les consorts Y devaient acquérir, le 31 mai 1995, l’une de ces villas puis obtenir, le 18 mai 1998, un permis de construire modificatif en vue de procéder à la finition et à l’extension de cette dernière.

    La Cour administrative d’appel de Marseille devait toutefois annuler l’autorisation du 18 mai 1998 aux motifs suivants :

    « Considérant que M. et Mme Y ont acquis le 31 mai 1995 de la SARL Aedificare le lot n° 11 de l'ensemble immobilier «Les Hauts de Saint-Antoine», correspondant à un pavillon non achevé, divers travaux de finition restant à effectuer, ainsi que les 291/1000ème indivis de l'entière partie du terrain et des parties communes générales ; que l'acte de vente stipulait que l'assiette du droit de construire est exclusive «de tout droit de propriété ou de jouissance sur aucune partie du terrain, lequel de convention expresse reste commun en toutes ses parties y compris les parties bâties», alors qu'un état descriptif de division avait été établi le 3 décembre 1991 prévoyant la création de seize lots ; que l'opération de la SARL Aedificare [autorisée par le permis de construire du 29 mars 1991] consistait à édifier sur un même terrain seize villas destinées à devenir la propriété exclusive et particulière de leurs acquéreurs, emportant nécessairement la subdivision en jouissance dudit terrain, alors même que la propriété du sol restait indivise ; que cette opération constituait donc un lotissement au sens de l'article R.315-1 du code de l'urbanisme (…) qu'il est constant que ce lotissement, qui n'avait pas été autorisé, n'a pas été régularisé ;
    Considérant (…) que, par arrêté en date du 15 mai 1998 le maire de Nice a délivré le permis de construire sollicité par la SARL Aedificare ; que les modifications autorisées consistaient en la pose d'un portail et d'une marquise, en la réalisation d'une terrasse et d'un auvent en façade sud, et dans le prolongement d'un balcon existant en façade ouest, avec création d'une surface hors oeuvre brute de 30 m² ; que, malgré le caractère mineur de ces modifications, le maire de Nice ne pouvait légalement délivrer le permis de construire sollicité par la SARL Aedificare dès lors qu'il portait sur l'aménagement d'une construction réalisée dans un lotissement non autorisé
    ».

    Cette appréciation n’est toutefois pas exempte de toute critique ou, à tout le moins, la rédaction des « considérants » précités laisse subsister de réelles interrogations sur la pertinence de la solution conséquemment retenue.

    En effet, s’il est vrai que le maintien en indivision du terrain d’assiette d’un opération de construction groupée ne permet pas à lui seul d’échapper à autorisation de lotir – ne serait-ce que dans la mesure où la privatisation éventuelle de l’emprise d’une construction implique, à tout le moins, la division en jouissance dudit terrain (pour exemple : CAA. Lyon, 21 mars 1997, M. Theodas, req. N° 94LY01852) – il reste que la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que l’opération autorisée par le permis de construire du 29 mars 1991 constituait un lotissement au sens de l’article R.315-1 du Code de l’urbanisme au seul motif tiré de ce qu’elle « consistait à édifier sur un même terrain seize villas destinées à devenir la propriété exclusive et particulière de leurs acquéreurs »

    Or, non seulement le permis de construire du 29 mars 1991 avait été délivré puis transféré à un bénéficiaire unique, c’est-à-dire à un seul et même maître d’ouvrage mais en outre, il ressort des termes mêmes de l’arrêt commenté que les villas ainsi autorisées avaient vocation à être vendues après leur réalisation : ce dont il résulte que les divisions foncières induites par l’opération avaient vocation à intervenir après l’opération de construction.

    Il convient ainsi de rappeler que l’article R.315-1 du Code de l’urbanisme dispose que « constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété ».

    Or, à ce titre, le Conseil d’Etat a précisé que, d’une part, la construction par un même maître d’ouvrage de plusieurs bâtiments sur un même terrain (CE. 23 décembre 1993, Billon, req. n°140.752), y compris à la faveur de plusieurs permis de construire concomitants ou successifs (CE. 10 décembre 1982, Orsini, req. n°14.125) ne constituait pas un lotissement et que, d’autre part, seules les divisions foncières préalables ou concomitantes à l’acte de construction relèvent du champ d’application de lotir (CE. 21 août 1996, Ville de Toulouse, req. n°137.834 ) ; les divisions ultérieures à l’achèvement des constructions relevant, pour leur part, du permis de construire valant division (CE. 26 mars 2003, Leclercq, req. n°231.425) au sens de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, le dossier présenté à l'appui de la demande est complèté par les documents énumérés à l'article R. 315-5 (A) et, le cas échéant, à l'article R. 315-6 ».

    Il est vrai qu’au cas présent, la villa acquise par les consorts Y. n’était pas achevée à la date à laquelle le permis de construire modificatif litigieux avait été délivré : la division en jouissance du terrain d’assiette de l’opération résultant de la privatisation de l’emprise au sol de cette villa n’était donc pas ultérieure à son achèvement. En outre, si le « modificatif » en cause ait été obtenu par le même titulaire que le « primitif » du 29 mars 1991, c’est à la faveur d’un mandat conféré à cet effet à la société AEDIFICARE par le consorts Y, lesquels revêtaient donc la qualité de maître d’ouvrage : la délivrance du permis de construire modificatif du 15 mai 1998 entérinait donc l’intervention du plusieurs maîtres d’ouvrage sur le terrain d’origine, ce qui constitue l’une des caractéristiques en l’absence desquelles il ne peut y avoir lotissement.

    Il faut toutefois relever qu’à la lecture de l’arrêt commenté, rien ne laisse apparaître que d’autres lots aient précédemment été constitués. En l’état, l’intervention des consorts Y. sur le terrain d’origine n’emportait donc que la constitution de deux lots, cependant qu’une autre condition sine qua none à l’exigibilité d’une autorisation de lotir est que les divisions foncières considérées emportent la constitution d’au moins trois lots.

    En outre, la constitution d’un lot n’est pris en compte que pourtant qu’elle soit destinée à l’implantation d’un bâtiment. Or, à la date de constitution du lot des consorts Y, la villa acquise par ces derniers pour n’être pas totalement achevée n’en constituait pas moins une construction juridiquement existante puisque, d’une part, le gros œuvre avait été accompli (CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Cne d’Eguilles, req. n° 02MA01240 ; TA. Nice, 23 février 2006, M. Cozza, req. n°01-05873) et que, d’autre part, nonobstant l’éventuelle illégalité du permis de construire en vertu duquel elle avait été édifiée, ce dernier n’avait pas été annulé (sur ce point : concl. Sthal sur CE. 5 mars 2003, Lepoutre, req. n°252.422).

    Quant à l’intervention des consorts Y en tant que maître d’ouvrage, si celle-ci tendait à la finition et à l’extension de leur villa, il reste que le Conseil d’Etat a précisé « qu'il ne résulte aucunement de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme, qui a trait à la définition des lotissements, qu'un agrandissement significatif d'une construction existante devrait être regardé comme équivalant à l'édification d'une construction nouvelle » (CE. 6 mai 1991, Tricon, req. n°70574) : la division foncière résultant de l’acquisition de leur villa par les consorts Y et la sollicitation d’un permis de construire modificatif en vue de son extension ne pouvaient donc être considérées comme destinées à l’implantation d’un bâtiment au sens de l’article R.315-1 du Code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, le lot ainsi constitué n’avait donc pas vocation à être pris en compte pour établir si l’opération précédemment autorisée constituait ou non un lotissement.

    Il s’ensuit que le seul fait que l’opération autorisée par le permis de construire du 29 mars 1991 « consistait à édifier sur un même terrain seize villas destinées à devenir la propriété exclusive et particulière de leurs acquéreurs » ne suffisait pas à caractériser un lotissement. A priori, cette opération relevait donc non pas du champ d’application de l’autorisation de lotir mais de celui du permis de construire valant division.

    Or, cette « nuance » n’était pas sans incidence.

    En application de l’article R.315-3 du Code de l’urbanisme, en effet, un permis de construire ne peut être régulièrement délivré dans un lotissement non autorisé (CE. 9 avril 1986, Ministère de l’urbanisme, req. n°59.677) et, à ce titre, l’absence d’autorisation de lotir oblige l’administration a déclaré « inconstructible » les terrains le constituant (CE. 30 avril 1982, Sarrat, REDI, 1984, p.54). Or, par principe, l’inconstructibilité d’un terrain est opposable tant au permis de construire initial qu’à ses éventuels « modificatifs » et force est de considérer qu’il n’en va pas différemment lorsque celle inconstructibilité résulte de l’absence d’autorisation de lotir.

    En revanche, l’exécution d’un permis de construire valant division n’aboutit pas à la constitution d’un lotissement et, par ailleurs, la seule spécificité du permis de construire valant division est d’imposer au pétitionnaire de produire à son dossier de demande les pièces visées par l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme : à défaut, le permis de construire éventuellement obtenu est illégal comme entaché d’un vice de procédure (pour exemple : CE. 8 février 1999, Cne de La Clusaz, req. n°171.940 ; CAA. Lyon, 10 juin 1997, Sté MGM, req. n°96LY00389 ; CE. 27 avril 1994, M. Vuillerme, req. n°139.238).

    Il s’ensuit que la méconnaissance des prescriptions de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme constitue un vice intrinsèque du permis de construire considéré qui n’est pas en lui-même opposable à ses éventuels « modificatifs », lesquels ne sont contestables qu’en raison de leurs vices propres, indépendamment donc de toute considération liée à l’illégalité éventuelle du permis de construire primitif (CE. 6 avril 1992, Cts Lazerges, req. n°87.168) .

    A priori, un permis de construire modificatif ne peut donc être annulé au seul motif qu’il porte sur un bâtiment réalisé en exécution d’un permis de construire méconnaissant les prescriptions de l’article R.421-7-1, quand bien même ledit bâtiment est-il sis sur un terrain issu d’une division non autorisée. On sait, d’ailleurs, que s’agissant du certificat de division instituée par l’ancien article R.315-54 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a jugé que « l'absence de ce certificat est sans influence sur la légalité d'un permis de construire accordé pour une parcelle résultant de la division » (CE. 26 avril 1993, Epx Beaucourt, Rec., p. 1089).

    En résumé, si l’annulation par la Cour administrative d’appel de Marseille du permis de construire modificatif du 18 mai 1998 est parfaitement logique dès lors qu’elle a considéré que la délivrance régulière du permis de construire du 29 mars 1991 exigeait l’obtention préalable d’une autorisation de lotir (sur la régularisation d'un lotissement de fait par l'évolution de la réglementation applicable, voir ici), cette solution apparaît plus critiquable en l’état d’un arrêt dont les énonciations amènent à considérer que l’autorisation primitive relevait du champ d’application du permis de construire valant division.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • L’élargissement de la voie motivant une cession gratuite du terrain doit être prévu à la date délivrance du permis de construire pour être pris en compte au titre de l’article R.111-4

    Si eu égard à sa largeur, la voie assurant la desserte du terrain à construire ne répond pas aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme, la cession d’une portion de ce terrain, imposée au pétitionnaire au titre de l’article R.332-15 du Code de l’urbanisme, aux fins d’assurer son élargissement ne peut être prise en compte si les travaux projetés à cet effet ne sont pas prévus à la date de délivrance du permis de construire

    CAA. Marseille, 4 mai 2006, EURL C2C, req. n°02MA021327

    L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 4 mai 2006 apporte certaines précisions sur les conditions dans lesquelles les voies futures ou les futurs travaux d’aménagement des voies existantes peuvent être pris en compte aux fins d’établir la conformité d’une autorisation d’urbanisme aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il s’impose tant aux permis de construire et aux déclarations de travaux qu’aux autorisations de lotir.

    On sait, en effet, qu’en application du principe selon lequel la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie en considération des circonstances de droit et de fait présentes à sa date de délivrance, le terrain d’assiette d’une opération assujettie au respect des prescriptions de l’article précité doit, à la date de délivrance de ce dernier, être desserve par une voie présentant des caractéristiques techniques et fonctionnelles adaptées à l’importance et à la destination des constructions projetées, de sorte à garantir leur accessibilité et la sécurité tant de leurs occupants que des tiers.

    Il peut, toutefois, arriver qu’à date où le pétitionnaire présente son projet à l’administration et, le cas échéant, obtient son permis de construire, le terrain d’assiette du projet soit enclavé ou desservi par une voie ne présentant pas les caractéristiques requises mais qu’en revanche, la réalisation d’une voie nouvelle ou l’élargissement d’une voie existante soient envisagée par l’administration.

    La question est alors de savoir si ces travaux d’aménagement routier peuvent être pris en compte pour apprécier la conformité du permis de construire obtenu aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme. Il ressort des quelques affaires où le juge administratif ait eu à se prononcer sur cette problématique que des tels travaux peuvent être pris en compte pour autant qu’à la date de délivrance de l’autorisation attaquée, deux conditions soient réunies (toutefois, voir ici).

    Au premier chef, la réalisation des travaux d’aménagement routier considérés doit avoir été effectivement planifiée, ce qui implique qu’elle ait à tout le moins fait l’objet d’une décision de principe de la collectivité compétente (CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325. Voir également, à propos de l’illégalité d’un refus de permis de construire motivé par l’article R.111-4 en considération d’un projet de giratoire n’ayant fait l’objet d’aucune décision de principe : CAA. Lyon, 2 novembre 2004, M. Jaunay, req. n°98LY00089).

    Mais bien plus, il est également nécessaire que la date de réalisation des travaux puisse être établie avec un certain degré de certitude. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a jugé que le seul projet d’aménagement d’un passage non viabilisé ne pouvait être pris en compte dès lors que sa date de réalisation était incertaine (CE. 7 mai 1986, Mme Kindersmans, req. n°59.847 ; voir également : CAA. Bordeaux, 4 décembre 2003, Cne de Toulouse, req. n°99BX00686) et que le Tribunal administratif de Nice a considéré qu’il en allait de même à l’égard d’un projet d’élargissement d’une voie planifié par le POS dès lors que l’échéance et les modalités de réalisation de ce projet n’étaient pas arrêtées à la date de délivrance du permis de construire en cause (TA. Nice, 5 mars 1998, M. Macherez, req. n°94-03028).

    On peut même raisonnablement penser que le seul fait que la date de réalisation des travaux soit connue ne suffirait pas si elle était trop éloignée. En toute hypothèse, force est de constater que dans l’une des rares affaires où le juge administratif a tenu compte de travaux d’aménagement routier futurs, ces derniers avait non seulement fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique mais étaient en outre en voie d’achèvement à la date de délivrance du permis de construire contesté (TA. Nice. 31 janvier 1984, Gianotti, req. n°83-0011 ; voir ici) et, à tous le moins, que cette achèvement soit prévu à brève échéance (voir là).

    Il reste que dans ces affaires, il n’existait strictement aucun lien juridique entre les permis de construire attaqués et les projets d’aménagement considérés. En revanche, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, l’élargissement de la voie publique desservant les terrains objets des deux autorisations lotir contestées était évoqué par le lotisseur dans la mesure où, en application de l’article R.332-15 du Code de l’urbanisme, l’administration lui avait prescrit de céder une partie de ces terrains aux fins de procéder à cet élargissement.

    La réalisation des lotissements projetés était donc conditionnée à ces cessions de terrains aux fins d’élargir la voie devant en assurer la desserte. Pour autant, la Cour administrative d’appel a jugé :

    « Considérant que, par arrêtés en date du 17 octobre 2000 et du 8 novembre 2000, le maire de Marseille a autorisé l'EURL C2C à créer respectivement le lotissement «Verte Feuille» comprenant quatre lots sur un terrain, sis 50 traverse Montcault, et le lotissement «Le Clos Montcault» comprenant onze lots sur un terrain sis 67 traverse Montcault ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans d'accès, que les deux lotissements projetés doivent être implantés de part et d'autre de la traverse Montcalt, voie au profil particulièrement sinueux d'une longueur de 1.100 mètres, présentant en maints endroits une largeur insuffisante pour permettre à des véhicules de se croiser dans des conditions de sécurité suffisante ; que si les deux autorisations de lotir en litige étaient assorties d'une obligation de cession gratuite de terrain au profit de la Ville de Marseille en vue de permettre l'élargissement de la voie de desserte au droit de ces lotissements, les travaux d'aménagement de la chaussée n'étaient pas encore prévus aux dates auxquelles ces autorisations ont été délivrées ; qu'ainsi, alors que la voie de desserte des projets supporte déjà le trafic généré par les riverains, dans un quartier résidentiel, auquel viendra s'ajouter celui induit par les deux projets autorisés qui créeront au total 15 logements supplémentaires, le maire de Marseille, en délivrant ces deux autorisations de lotir à l'EURL C2C, a entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation ».

    Dans cette affaire, la Cour a donc considéré que l’élargissement allégué ne pouvait donc être pris en compte pour apprécier la conformité des autorisations de lotir attaquées aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme puisque « les travaux d'aménagement de la chaussée n'étaient pas encore prévus aux dates auxquelles ces autorisations ont été délivrées » et qu’a fortiori, leur date de réalisation n’était pas alors connu et ne modifiait donc rien à la circonstance qu’à ces dates, la voie devant assurer la desserte des lotissements projetés était d’une largeur insuffisante pour permettre le croisement de deux véhicules.

    Le seul fait que l’élargissement de la voie soit directement saisi par l’autorisation d’urbanisme en cause via une prescription imposée au titre de l’article R.332-15 du Code de l’urbanisme ne modifie donc en rien les conditions nécessaires pour que des travaux d’aménagement routier futurs puissent assurer la conformité d’un projet au regard de l’article précité.

    Il faut dire qu’une telle prescription ne garantie pas à elle seule la réalisation des travaux de voirie la motivant dans la mesure où non seulement l’administration bénéficiaire n’a aucun délai pour les réaliser (Cass. civ. 20 janvier 2002, Epx Bourbigot, pourvoi n°010571) mais qu’en outre, celle-ci n’a même aucune réelle obligation de les exécuter puisqu’aucune disposition du Code de l’urbanisme ne lui impose de rétrocéder le terrain lorsqu’ils n’ont pas été réalisés (CE. 11 janvier 1995, Epx Thot, req. n°119.144).

    Au surplus, on pouvait même s’interroger sur la légalité de la cession de terrain imposée au lotisseur dans cette affaire puisque la légalité d’une telle prescription semble subordonnée à l’existence d’un projet précis d’aménagement routier (en ce sens : CE. 20 juin 2006, M. et Mme Jean A…, req. n°281.253), ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce.

    Mais toute hypothèse, sans que cela ait nécessairement été le cas dans cette affaire, il résulte de cet arrêt que l’administration et le pétitionnaire ne peuvent que difficilement s’entendre sur l’édiction d’une prescription fondée sur l’article R.322-15 du Code de l’urbanisme dans le seul but assurer la conformité d’un projet de construction à l’article R.111-4 puisqu’il est nécessaire qu’à la date de délivrance du permis de construire en constituant le fait générateur, le projet de création, d’élargissement ou de redressement de la voie la motivant ait été précédemment établi de façon précise.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Le pétitionnaire peut présenter deux titres habilitant à construire de nature distincte

    Une demande de permis de construire portant sur deux parcelles distinctes satisfait aux prescriptions de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme dès lors que le pétitionnaire justifie d’un titre habilitant à construire sur chacune d’entre elles. Ce dont il résulte qu’un permis de construire peut légalement porter sur deux unités foncières distinctes, lesquelles constituent le terrain d'assiette du projet au sens de l'article R.111-4 du Code de l'urbanisme et, a priori et de façon plus générale, au sens de la législation sur le permis de construire.

    CAA. Marseille, 13 avril 2006, Mme Ginette X & M. Jean-Paul Y., req. n°04MA01013


    Dans cette affaire, le permis de construire obtenu par la société SMCI DEVELOPPEMENT, le 2 juillet 2002, était contesté par deux particuliers, lesquels lui faisaient, notamment, grief de méconnaître les prescriptions de l’article R.421-1-1.al.-1 du Code de l’urbanisme aux termes duquel la demande de permis de construire doit être présentée soit par le propriétaire du terrain à construire, soit par son mandataire, soit par une personne disposant d’un titre habilitant à construire.

    En l’espèce, le terrain objet de la demande de permis de construire était constituée de deux parcelles ; la première appartenant à une société tierce, la seconde à la Ville de Marseille. Il s’ensuit que le pétitionnaire n’était ni propriétaire des parcelles à construire, ni mandataire des propriétaires de ces dernières. En revanche, à la date de délivrance du permis de construire, son dossier de demande comportait, d’une part, une attestation notariale émanant de la société propriétaire de la première parcelle, établissant qu’elle l’avait autorisé à présenter une demande de permis de construire sur cette dernière et d’autre part, d’une délibération par laquelle le conseil municipal de Marseille avait approuvé la cession de la seconde au profit du pétitionnaire.

    C’est dans cette mesure que la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme : « La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain » ; qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est constitué de deux parcelles cadastrées M 78 et M 118 ; qu'à l'appui de la demande de permis, était jointe, d'une part, une attestation notariale selon laquelle les propriétaires de la parcelle M. 78 autorisaient la société SMCI DEVELOPPEMENT, gérant de la société MARSEILLE 9ème -12 avenue MARIUS OLIVE, ou toute autre société civile immobilière pouvant s'y substituer, à déposer une demande de permis de construire sur leur parcelle ; que la société pétitionnaire justifiait ainsi d'un titre l'habilitant à construire sur ladite parcelle M 78 ; que, d'autre part, par délibération du 28 janvier 2002, le conseil municipal de Marseille a approuvé la convention de cession entre la ville de Marseille et la société SMCI DEVELOPPEMENT, ou toute société qui s'y substituerait, portant sur la parcelle M 118 ; qu'en l'absence de toute contestation, la société MARSEILLE 9ème -12 avenue MARIUS OLIVE a été regardée à bon droit par le service instructeur de la demande comme également titulaire d'un titre l'habilitant à construire sur cette parcelle, alors même que l'acte de cession n'était pas intervenu lors de la délivrance du permis de construire contesté ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le terrain d'assiette du projet n'est pas enclavé dès lors que la parcelle M 78 dispose d'un accès direct sur l'avenue Marius Olive, dont il n'est pas contesté qu'elle présente le caractère d'une voie ouverte à la circulation publique ; que, par suite, la société pétitionnaire n'avait pas à justifier du désenclavement de la parcelle M 118 non plus que d'un droit à utiliser ladite voie ».

    Cet arrêt confirme clairement qu’un pétitionnaire peut présenter plusieurs qualités et titres distincts à l’égard du terrain objet de sa demande de permis de construire ; l’essentiel étant qu’ils l’habilitent à construire sur l’ensemble de celui-ci.

    On sait, en effet, que la Cour administrative d’appel de Paris avait pu précédemment juger qu’un permis de construire pouvait être légalement délivré à un mandataire agissant pour le compte d’une société propriétaire d’une partie du terrain à construire et titulaire d’une promesse de vente sur l’autre partie de ce terrain (CAA. Paris, 19 mars 1997, Sté total, req. n°95PA01502).


    Il reste que dans la mesure où une promesse de vente confère non pas un titre habilitant à construire à proprement parler mais la qualité de propriétaire apparent du terrain sur lequel elle porte (CE. 13 janvier 1993, M. et Mme Mijon, req. n°118.347), le bénéficiaire du permis de construire présentait donc, dans cette affaire, une seule et même qualité à l’égard de l’ensemble du terrain d’assiette du projet.

    En revanche, dans l’affaire objet de l’arrêté commenté, le pétitionnaire disposait de deux titres différents lui conférant deux qualités distinctes puisque l’attestation notariale établissant l’autorisation consentie par la société propriétaire de la première parcelle constituant le terrain à construire ne faisait état d’aucune promesse de vente consentie au pétitionnaire. On peut, toutefois, relever que s’agissant du titre présenté sur la parcelle relevant de la Ville de Marseille, la Cour a estimé que la délibération approuvant la cession de celle-ci au pétitionnaire suffisait dès lors qu’elle était antérieure à la date de délivrance du permis de construire, sans rechercher si ultérieurement cette vente avait été effectivement réalisée. Or, si le juge administratif admet que des « actes préparatoires » existants à la date de délivrance du permis de construire peuvent conférer une qualité et un titre habilitant à construire au sens de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme, c’est dans la mesure où ceux-ci sont confortés par des éléments postérieurs à cette date (à propos de la délibération autorisant la signature d’un bail emphytéotique, conclu postérieurement au permis de construire : CE. 26 février 1988, Assoc. pour la sauvegarde du Parc Saint-Leu, Rec., p.90) : ce que la Cour administrative d’appel de Marseille n’a donc pas cru devoir vérifier ou, à tout le moins, relever.

    Par voie de conséquence, cet arrêt apporte également deux autres confirmations importantes.

    D’une part et au delà de la problématique liée à la qualité et au titre habilitant à construire, un même permis de construire peut donc être délivré sur deux unités foncières distinctes puisque dans cette affaire les deux parcelles à construire pour être contiguës n’en relevaient pas moins de deux propriétaires différents à la date de délivrance du permis de construire attaqué. Et si le pétitionnaire avait manifestement vocation à acquérir la propriété de la parcelle relevant de la Ville de Marseille, rien ne laisse à penser qu’il en était de même s’agissant de l’autre. Plus généralement d’ailleurs, rien ne semble s’opposer à ce qu’un même permis de construire porte sur des unités foncières non contiguës et ce, d’autant moins que l’éventuelle indivisibilité de l’opération projetée impose au pétitionnaire de présenter une demande unique, le cas échéant dans chacune des mairies concernées par son projet lorsque le terrain d’assiette de ce dernier, éventuellement formé de plusieurs unités foncières, est sis sur le territoire de plusieurs communes (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n°172.183).

    D’autre part, la notion de terrain au sens de la législation sur le permis de construire s’entend, par principe, de l’ensemble des parcelles sur lesquelles porte la demande, qu’elles constituent une ou plusieurs unités foncières. On rappellera, en effet, qu’aux termes de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme le permis de construire peut être refusé si « les terrains » ne sont pas desservi par des voies répondant à l’importance et à la destination des constructions projetées. Or, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la Cour administrative d’appel de Marseille a estimé que le terrain d’assiette du projet ne pouvait être considéré comme enclavé dans la mesure où si l’unité foncière appartenant à la Ville de Marseille ne disposait pas d’un accès à une voie ouverte à la circulation publique, l’unité foncière contiguë sur laquelle portait également la demande de permis de construire disposait, en revanche, d’un tel accès : il n’était donc pas nécessaire que le pétitionnaire justifie du désenclavement de la première. C’est donc bien le terrain d’assiette du projet conçu comme la réunion des parcelles le constituant qui doit satisfaire aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme, sans qu’il soit besoin, le cas échéant, que tel soit le cas de l’ensemble des unités foncières qu’il englobe.

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • La précarité d'un ouvrage édifié au titre de l'article L.423-1 du Code de l'urbanisme est attachée à la construction et n'est pas liée au titulaire du permis de construire ainsi obtenu

    La précarité d'un ouvrage édifié au titre de l'article L.423-1 du Code de l'urbanisme est attachée à la construction et n'est pas liée au titulaire du permis de construire ainsi obtenu. Par voie de conséquence, la vente d'un immeuble édifié en exécution d'un permis de construire délivré au titre de l'article L.423-1 n'affecte pas le caractère précaire de l'ouvrage, même en l'absence de transfert préalable de permis de construire

    CE. ord., 6 mars 2006, Ville de Lyon, req. 283.987


    Dans cette affaire, la construction d’installations affectées à un « poney-club » avait été autorisée dans le cadre d’un permis de construire délivré le 6 novembre 1986 sur le fondement de l’article L.423-1 du Code de l’urbanisme, lequel permet de construire – mais à titre précaire – sur des emplacements réservés par le document d’urbanisme local à la création future d’installations d’intérêt général. Conformément aux articles L.423-2.al.-2 et L.423-4.al.-2 du Code de l’urbanisme, la délivrance de ce permis de construire était assortie de l’obligation de démolir ces installations à une date déterminée.

    Cette échéance n’ayant pas été respectée, le Maire de Lyon ordonna au propriétaire de ces installations de procéder à leur démolition, par un arrêté date du 16 juin 2005. Il reste qu’à cette date, le propriétaire des installations litigieuses n’était plus le titulaire du permis de construire délivré le 6 février 1986 ; ces installations ayant entre temps été vendues.

    C’est ainsi que leur nouveau propriétaire, destinataire de l’arrêté du 16 juin 2005, exerça à l’encontre de ce dernier une requête aux fins de référé-suspension en soutenant que celui-ci était illégal dans la mesure où, notamment, d’une part, le permis de construire du 6 février 2006 ne lui avait pas été transféré et où, d’autre part, l’acte de vente de ces installations ne précisait pas qu’elles avaient été édifiées en exécution d’un permis de construire précaire assorti de l’obligation ultérieure de les démolir.

    Le requérant obtint gain de cause du juge des référés du Tribunal administratif de Lyon et ce, sur le moyen tiré de l’absence de transfert du permis de construire.

    Force est, en effet, d’admettre que ce moyen n’était pas dénué de toute pertinence dès lors qu’un transfert de permis de construire a pour principaux effets non seulement de rectifier le nom du titulaire de cette autorisation mais surtout d’en transférer la responsabilité à son nouveau bénéficiaire (CE. 10 décembre 1965, Synd. des copropriétaires de l’immeuble Pharao-Pasteur, req. n° 53.773). Faute de transfert du permis de construire délivré en 1986 à l’acquéreur des installations litigieuses, il pouvait donc être considéré que ce dernier n’avait pas à en supporter la responsabilité et, par voie de conséquence, n’était pas tenu par l’obligation de démolir dont était assortie cette autorisation.

    Pour autant, le Conseil d’Etat, saisi en cassation, annula l’ordonnance rendu par le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon aux motifs suivants:

    " Considérant qu'aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme : Lorsqu'un emplacement est réservé par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé, ou un document d'urbanisme en tenant lieu, pour un ouvrage public, une voie publique, une installation d'intérêt général ou un espace vert et que la construction à édifier a un caractère précaire, le permis de construire peut exceptionnellement être accordé ... et qu'aux termes de l'article L. 423-5 du même code : Nonobstant toutes dispositions contraires ... les titulaires de droits réels ou de baux de toute nature portant sur des constructions créées ou aménagées en application des articles précédents ne peuvent prétendre à aucune indemnité./ ...A peine de nullité et ce, sans préjudice de réparation civile s'il y a lieu, tout acte portant vente, location ou constitution de droits réels sur des bâtiments frappés de précarité en application des dispositions qui précèdent doit mentionner le caractère précaire desdites constructions. ; qu'il résulte de ces dispositions que le caractère précaire d'une construction autorisée sur le fondement d'un permis de construire délivré en application des articles L. 423-1 et suivants du code de l'urbanisme est attaché à la construction et, dès lors, opposable non seulement à la personne à laquelle le permis a été accordé mais également, le cas échéant, à toute personne détentrice de droits sur cette construction ; que ce caractère précaire n'est pas subordonné, en cas de changement de propriété, au transfert préalable du permis de construire ; que, dès lors, le juge des référés a commis une erreur de droit en retenant comme propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que le permis de construire précaire n'avait fait l'objet d'aucun transfert au profit de M. A ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ville de Lyon est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 27 juillet 2005 ;
    Considérant que M. A soutient que le signataire de la décision attaquée ne bénéficiait pas d'une délégation de compétence régulière ; qu'il n'est pas établi que le permis de construire à titre précaire se rapporte aux constructions dont la démolition a été requise ; que ni l'existence dudit permis de construire, ni son caractère précaire, ni l'engagement de démolir dont il est assorti n'ont été mentionnés dans l'acte de la vente intervenue à son profit ; que ce permis de construire ne lui a pas été transféré et lui est par conséquent inopposable ; qu'en raison de l'engagement parallèle, par la ville de Lyon, d'une action contentieuse tendant à le faire expulser du domaine public, la décision attaquée est constitutive d'un détournement de procédure"


    En effet, compte tenu caractère réel et non pas personnel de la légalisation d’urbanisme et des autorisations de construire, les effets d’un permis de construire sont attachés à l’ouvrage ainsi autorisé et ce, indépendamment de toute considération liée à la personne de son titulaire.

    C’est pourquoi l’exécution d’un permis de construire par un tiers n’en ayant pas obtenu le transfert n’est pas constitutive d’une infraction au droit pénal de l’urbanisme (Cass.crim., 29 juin 1999, Barthe et Lhermite, Bull.crim, n°166), interrompt le délai de caducité du permis (TA. Nice, 13 mai 1997, SCI Le Pavillon, req. n°93-3645) et ne permet pas de considérer l’ouvrage ainsi édifié comme une construction réalisée sans autorisation au sens de l’article 1723 quarter II du Code général des impôts ou comme une opération sans suite au sens de l’article 1723 quinquies du même Code (CE, 5 avril 2004, Ascher, juris-data n° 2004-066647) .

    En outre, non seulement l’article L.423-1 du Code l’urbanisme vise le cas où « la construction à édifier a un caractère précaire » mais, en outre et surtout, les articles L.423-3 et suivants dont résultent l’obligation ultérieure de la démolir sans indemnité visent « le propriétaire » de la construction ou « les titulaires de droits réels ou de baux » portant sur cette dernière.

    L’absence de transfert de permis de construire n’ayant par principe aucune incidence sur le régime applicable à l’ouvrage réalisé et les dispositions relatives au permis de construire à titre précaire ne se bornant pas à viser le titulaire de ce dernier, c’est donc en toute logique que le Conseil d’Etat jugea que « le caractère précaire d'une construction autorisée sur le fondement d'un permis de construire délivré en application des articles L. 423-1 et suivants du code de l'urbanisme est attaché à la construction et (…) que ce caractère précaire n'est pas subordonné, en cas de changement de propriété, au transfert préalable du permis de construire ».

    Au surplus, on peut relever qu’en l’espèce, le permis de construire délivré le 6 février 2006 n’était a priori plus transférable à la date d’édiction de l’arrêté enjoignant la démolition des installations litigieuses, ni même à la date de vente de ces dernières, puisqu’un permis de construire totalement exécuté ne peut plus être transféré. Mais surtout, il faut souligner que la solution retenue par le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon ouvrait la porte à des pratiques frauduleuses ou, à tout le moins, vidait de son sens l’article L.423-1 du Code de l’urbanisme – dont on rappellera qu’il a pour partie vocation à garantir la faisabilité de l’installation d’intérêt général projetée sur l’emplacement réservé considéré – puisqu’à s’en tenir à cette solution il suffirait qu’une première structure ad hoc obtiennent un permis de construire sur le fondement de cet article, l’exécute puis revende à une seconde la construction ainsi réalisée pour que cette dernière deviennent pérenne.

    Quant au moyen tiré de l’absence de mention dans l’acte de vente des installations litigieuses du caractère précaire du permis de construire en exécution duquel elles avaient été réalisées et de l’obligation de démolir dont il était assorti, celui-ci trouvait vraisemblablement son fondement dans l’article L.423-5 du Code de l’urbanisme en ce qu’il prescrit que « tout acte portant vente, location ou constitution de droits réels sur des bâtiments frappés de précarité en application des dispositions qui précèdent doit mentionner le caractère précaire desdites constructions ».

    Il reste que cette prescription ne vaut expressément qu’à « peine de nullité et ce, sans préjudice de réparation civile s’il y a lieu ». Or, par principe, la conformité d’une construction au regard du droit de l’urbanisme et la légalité des décisions prises au titre de cette police sont indépendantes de toute considération liée aux termes ou à la validité des conventions de droit privé (CE. 14 janvier 1981, Epx Simon, req. n°16.920).

    Ce moyen ne pouvait donc qu’être écarté dès lors que le Conseil d’Etat avait précédemment précisé que le caractère précaire d’une construction est « opposable non seulement à la personne à laquelle le permis a été accordé mais également, le cas échéant, à toute personne détentrice de droits sur cette construction ».

    En pareil cas, la seule solution ouverte à l’acquéreur de l’ouvrage précaire est donc d’exercer à l’encontre du vendeur les actions induites par l’article L.423-5 du Code de l’urbanisme mais dont les effets sur l’injonction de démolir qui aura pu lui être notifiée restent à préciser.

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés