Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Un simple « nota bene » attirant le pétitionnaire sur l’état du sol et lui préconisant la réalisation de sondages avant l’exécution des travaux ne constitue pas une prescription susceptible d’assurer la légalité du permis de construire ainsi délivré.

Lorsque l’un des services consultés sur une demande de permis de construire a sollicité l’accomplissement de formalité avant de rendre son avis, l’autorité compétente se doit d’attendre le résultat de ces formalités et l’avis subséquent de ce service avant de statuer sur la demande et ne saurait donc, avant cela, légalement délivrer le permis de construire en recommandant au pétitionnaire d’accomplir ces formalités.

TA. Versailles, 7 novembre 2007, Pénon, req. n°04-07353.pdf


Dans cette affaire, le pétitionnaire avait présenté une demande de permis de construire sur un terrain couvert par un arrêt préfectoral édicté en considération des risques générés par la présence d’ancienne carrière de calcaire et, selon toute vraisemblance, pris en application de l’arrêté interpréfectoral du 26 janvier 1966.

A ce titre, la demande de permis de construire devait ainsi être soumise à l’avis de l’inspecteur général des carrières, lequel s’estima cependant insuffisamment renseigné sur l’état du sous-sol du terrain à construire et sollicita conséquemment du pétitionnaire qu’il réalise une campagne de sondages dont les résultats devraient lui être communiqués pour qu’il émette son avis définitif.

Mais cette formalité ne fut pas accomplie et le maire décida d’octroyer le permis de construire sollicité en l’assortissant d’un simple « nota bene » consistant à attirer l'attention du pétitionnaire sur la présence de carrières en sous-sol et à l'inviter à procéder à des sondages et aux travaux confortatifs nécessaires avant de réaliser tout projet menaçant la stabilité des constructions ; et c’est sur ce point, notamment, que ce permis de construire devait être attaqué.

A titre liminaire, il incombait ainsi au Tribunal administratif de Versailles de trancher la légalité de la position de l’inspection générale des carrières en ce qu’elle avait subordonné son avis à la réalisation d’une compagne de sondages sur le terrain à construire et à l’établissement d’une étude en présentant les résultats.

Cette question n’est pas nouvelle. Et bien qu’elle n’ait pas donné lieu à une abondante jurisprudence, celle-ci a néanmoins été tranchée par un arrêt du Conseil d’Etat publié au Recueil.

Dans un premier temps et suivant le principe selon lequel une prescription doit avoir un fondement légal, la Cour administrative d’appel de Paris avait jugé que :

« Considérant que, dans son avis du 18 août 1995, auquel fait référence l'arrêté refusant le permis de construire, l'inspecteur des carrières a subordonné l'intervention d'un avis définitif, comportant l'indication du type de travaux à retenir sous la construction projetée pour tenir compte de la présence d'une ancienne carrière de gypse, aux résultats d'une "campagne de recherche systématique des caractéristiques de la carrière et de son état de remblaiement sous le bâtiment et son extension" que "le demandeur devra faire exécuter par une entreprise ou un bureau d'études spécialisé" ; qu'aucune disposition du code de l'urbanisme, qui énumère limitativement les pièces exigées à l'appui d'une demande de permis, n'impose qu'un pétitionnaire doive joindre une telle étude à sa demande ; que si l'arrêté interpréfectoral du 26 janvier 1966 relatif aux zones d'anciennes carrières de Paris et du département de la Seine prévoit, dans son article premier, que les demandes de permis de construire sont transmises pour examen et avis à l'inspection générale des carrières lorsque le terrain est situé dans une telle zone, afin que soient précisées les conditions qui seront inscrites dans le permis et auxquelles devra satisfaire le maître de l' uvre en vue d'assurer la stabilité des constructions projetées, et, dans son article deux, que celui-ci est tenu, préalablement à l'édification de la construction, de se conformer aux conditions particulières qui lui ont été prescrites en application de l'article premier, aucune disposition de ce texte ne subordonne l'édiction de ces conditions particulières, par le service compétent, aux résultats d'une étude de l'état de la carrière qui devrait être effectuée préalablement par les soins et aux frais du pétitionnaire ; que l'avis émis le 18 août 1995 par l'inspecteur des carrières étant dès lors irrégulier, le maire de Paris ne pouvait se retrancher derrière l'absence d'avis définitif pour refuser le permis sollicité ; que M. X... est, en conséquence, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus au motif que, l'avis exigé par les textes n'ayant pas été formulé en l'absence de diligences effectuées par le pétitionnaire pour satisfaire à la condition qui lui était imposée, le maire de Paris était tenu de refuser le permis sollicité » (CAA. Paris, 27 février 2001, Magerand, req. n°97PA01279 ; concl. Massias in BJDU, n°3/2001, p.171).

Mais cet arrêt devait être réformé par le Conseil d’Etat au motif suivant :

« Considérant qu'aux termes de l'article R.111-3 en vigueur à la date de la décision attaquée : "La construction sur des terrains exposés à un risque, tel que : inondation, érosion, affaissement, éboulement, avalanches, peut, si elle est autorisée, être subordonnée à des conditions spéciales" ; que l'article 1er de l'arrêté interpréfectoral du 26 janvier 1966 prévoit que "les demandes de permis de construire concernant l'édification, la surélévation, l'extension ou la modification de bâtiments dans Paris et dans le département de la Seine sont transmises pour examen et avis à l'inspection générale des carrières lorsque le terrain est situé dans une zone d'anciennes carrières, afin que soient précisées les conditions qui seront inscrites dans le permis de construire en vue d'assurer la stabilité des constructions projetées";
Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'inspection des carrières peut légalement, dans les zones délimitées par l'arrêté interpréfectoral précité, émettre un avis défavorable à la délivrance du permis demandé lorsqu'elle ne dispose pas d'études suffisamment précises sur l'état du sous-sol pour garantir la stabilité de la construction projetée, alors même que l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme n'impose pas la production d'une telle étude parmi les pièces devant figurer dans le dossier de demande de permis de construire ; que la circonstance qu'elle suggère au demandeur, s'il souhaite persister dans son projet, de faire réaliser des études sur l'état du sous-sol n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'avis ainsi émis ; qu'en jugeant qu'en demandant la production d'une telle étude, l'inspecteur des carrières avait excédé ses pouvoirs et donc entaché son avis d'illégalité, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; qu'ainsi la VILLE DE PARIS est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué
» (CE. 14 mars 2003, Ville de Paris, req. n°233.545, Rec., p.129 ; concl. Mitjavile n°2/2003, p.85).

NB : cette décision confirme que, nonobstant le caractère limitatif des pièces énumérées par le Code de l’urbanisme au sujet de la composition des dossiers de demande d’autorisation, il peut néanmoins incomber au pétitionnaire d’en produire d’autres dès lors qu’elles sont nécessaires pour établir la conformité du projet.

C’est donc sans grande surprise qu’en l’espèce, le Tribunal administratif de Versailles devait juger que la demande de l’inspection générale était légale et, par voie de conséquence, qu’en délivrant le permis de construire sollicité sans attendre les résultats de la campagne de sondages ainsi sollicitée et, a fortiori, ses résultats, le maire avait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation au regard, notamment, des dispositions de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme (lequel, depuis l’abrogation en 1995 de l’article R.111-3, englobe dans une certaines mesures les aspects antérieurement saisis par ce dernier).

Pour autant, l’arrêté de permis de construire contesté n’était pas totalement taisant sur la question de l’état du sol et des risques qu’il était susceptible de générer puisqu’il comportait, donc, un "nota bene" attirant l'attention du pétitionnaire sur la présence de carrières en sous-sol et l'invitant à procéder à des sondages et, le cas échéant, aux travaux confortatifs nécessaires avant de réaliser tout projet menaçant la stabilité des constructions.

Il reste que ni sur le forme, ni sur le fond, une telle recommandation n’était susceptible d’assurer la conformité du projet en cause et partant la légalité du permis de construire s’y rapportant.

Rappelons, en effet, que lorsque le projet présenté par le pétitionnaire n’apparaît pas, au vu des pièces du dossier qu’il produit, pleinement conforme aux prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables mais qu’un simple « ajustement » du projet permettrait d’assurer cette conformité, l’administration a la possibilité ou, plus précisément, l’obligation de délivrer le permis de construire sollicité mais ce, en l’assortissant de prescriptions aptes, à elles-seules, à assurer la conformité du projet.

Mais pour qu’il en soit ainsi, il doit s’agir d’une véritable prescription, c’est-à-dire d’une mesure non pas purement informative ou incitative mais d’une mesure imposant une réelle obligation au pétitionnaire.

De ce seul chef, le "nota bene" en cause, rédigé à titre informatif, ne constituait donc pas une prescription puisqu’il consistait en une simple recommandation.

Est-ce à dire que s‘il avait imposé au pétitionnaire de réaliser les sondages préconisés par l’inspection générale des carrières, le maire aurait ainsi assurer la légalité du permis de construire litigieux ? La réponse est clairement négative.

Il résulte, en effet, de la jurisprudence rendu en application de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme (repris par les dispositions combinées des nouveaux articles L.421-6 et L.421-7) qu’un permis de construire ne peut être légalement délivré qu’à la condition qu’il soit établi, à sa date de délivrance, que le projet est pleinement conforme aux prescriptions d’urbanisme se rapportant aux aspects du projet visé par cette article ; ce qui implique qu’en statuant sur la demande et en délivrant le permis de construire sollicité, l’administration prenne parti sur chacun de ces aspects et n’en laisse aucun en suspend.

Il s’ensuit qu’une prescription ne peut tendre qu’à imposer une obligation dont l’exécution assura en elle-même la conformité du projet au regard de la norme d’urbanisme en cause. Par voie de conséquence, une prescription ne peut légalement se borner à imposer la réalisation d’une démarche dont l’accomplissement n’assurera pas à elle seule cette conformité, laquelle dépendra encore des résultats de celle-ci puisqu’en pareil cas, l’administration ne prend pas directement et immédiatement parti sur la conformité du projet mais en laisse en suspend à la date de délivrance du permis de construire et, par voie de conséquence, se décharge de sa compétence. A titre d’exemple, il a ainsi été jugé que :

« Considérant qu'aux termes de l'article L.421-3 du code de l'urbanisme : "le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions,... et l'aménagement de leurs abords" ; que les dispositions de l'article UA 3 du plan d'occupation des sols d'Orgeval précisent : "Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée en bon état de viabilité ... Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par l'arrêté attaqué en date du 15 décembre 1983, le commissaire de la République du département des Yvelines a accordé à la société civile immobilière ASCODI un permis de construire un ensemble immobilier comprenant 29 logements et des locaux destinés à des activités artisanales et de bureaux sur un terrain situé ... ; que l'article 2 de ce permis précisait qu'avant tout commencement d'exécution de travaux, le pétitionnaire devrait se mettre en rapport avec les services techniques et administratifs intéressés par la réalisation du projet afin d'arrêter les modalités de construction et de raccordement sur la voirie, obtenir des services compétents les arrêtés d'alignement à respecter, et prendre contact avec les services de l'équipement afin d'arrêter les dispositions à adopter en ce qui concerne la structure de la voirie intérieure, des parkings et des trottoirs ; qu'ainsi l'arrêté attaqué ne comportait pas de prescription expresse concernant l'aménagement des abords des constructions projetées, et renvoyait à une concertation ultérieure avec les services de l'équipement l'adaptation des accès à l'opération ;
Considérant qu'en s'abstenant ainsi de définir, dans l'arrêté litigieux, les dispositions indispensables pour aménager les accès à la construction compte tenu de l'étroitesse de la rue des Alluets, le commissaire de la République a méconnu les dispositions précitées du code de l'urbanisme et du plan d'occupation des sols d'Orgeval
; qu'il résulte de ce qui précède que ni le ministre de l'équipement, ni la société civile immobilière ASCODIF ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 15 décembre 1983 accordant un permis de construire à ladite société
» (CE. 16 janvier 1987, SCI l’Ascodif, req. n° 64.032. Voir également, sur le même point et dans le même sens : CAA. Marseille, 18 février 1999, M. Tremellat, req. n°96MA02391) ;

et

« Considérant qu'aux termes de l'article L.421-3 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions, leur destination, leur nature ..." ; qu'aux termes de l'article UC 4-2 b] du règlement du Plan d'Occupation des Sols de la ville de Saint-Raphaël, approuvé par arrêté préfectoral du 30 novembre 1979 : "Les eaux pluviales provenant des toitures des constructions et des surfaces imperméabilisées doivent être conduites dans les caniveaux, fossés ou collecteurs d'évacuation prévus à cet effet. En aucun cas, elles ne doivent être rejetées dans le réseau public d'assainissement des eaux usées, sauf en cas de réseau unitaire existant" ; qu'enfin, aux termes de l'article R.421.2 du code de l'urbanisme : "lorsque la demande concerne la construction de bâtiments ou d'ouvrages devant être desservis par des équipements publics, le plan de masse ... indique le tracé de ces équipements et les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages y seront raccordés. A défaut d'équipements publics, ce plan de masse indique les équipements privés prévus ..." ;
Considérant que le plan de masse joint à la demande de permis de construire présentée par la S.C.I. "Les Cyprinées" pour un ensemble de seize pavillons en bande prévoyait le refoulement des eaux pluviales vers le collecteur pluvial public de l'avenue de Boulouris, située en contrehaut du terrain d'assiette du projet ; que, toutefois, si l'arrêté attaqué du maire de Saint-Raphaël accordant le permis excluait expressément cette solution, il se bornait, pour le surplus, à inviter le pétitionnaire "à solliciter auprès des services techniques municipaux les attestations de raccordement de la construction aux réseaux publics d'assainissement et pluvial" ; qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain n'était desservi par aucune autre canalisation relevant d'un réseau public d'évacuation des eaux pluviales ; que, dans ces conditions et alors qu'il ne contenait aucune indication sur la façon dont serait assuré le respect des dispositions de l'article UC 4 du règlement du plan d'occupation des sols, le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions réglementaires précitées et doit être annulé ; que M. MASSONI est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a refusé de prononcer cette annulation
» (CE.28 octobre 1987, Massoni, req. n°66.992).

ou encore que :

« Considérant (…) qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports d'expertise qui y figurent, que la parcelle sur laquelle devait être édifié l'immeuble d'habitation autorisé par les arrêtés du préfet de l'Ain en date des 8 juillet 1982 et 6 juin 1984 était dans le périmètre de protection rapproché des ouvrages de captage d'eau potable destinés à l'approvisionnement de l'agglomération de Bourg-en-Bresse, et à la limite du périmètre de protection immédiate (…) ; que dans cette circonstance, en délivrant le permis de construire sans imposer des conditions précises quant aux caractéristiques du dispositif d'assainissement, mais en se bornant à prévoir que ce dispositif serait soumis à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, le préfet de l'Ain a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme » (CE. 25 septembre 1987, Ministre de l’urbanisme, du logement et des transports, req. n° 66734).

Or, en l’espèce, même s’il avait imposer au pétitionnaire procéder à des sondages et aux travaux confortatifs nécessaires avant de réaliser tout projet menaçant la stabilité des constructions, il reste que ce faisant, le maire ne se serait pas assurer lui-même de la constructibilité du terrain au regard de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme et, le cas échéant, du caractère adéquat des travaux confortatifs envisagés mais en aurait laissé juge le seul pétitionnaire…



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

Les commentaires sont fermés.