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Sur les pièces à produire aux dossiers de demande et le délai pour les réclamer

Un règlement local d’urbanisme ne peut prévoir que des règles de fond et ne peut donc pas régir la composition des dossiers de demande d’autorisation urbanisme même si les pièces ainsi visées font partie de celles prévues par les dispositions du Code de l’urbanisme.

CAA. Paris, 26 décembre 2006, Cne de Rueil-Malmaison, req. n°03PA01979

Le récent communiqué du Ministre Jean-Louis Borloo et le dossier de presse.pdf qui l’accompagne nous amène à « exhumer » de notre veille jurisprudentielle n°5 cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris, lequel nous permet d’appréhender ce qui, avec la généralisation des autorisations tacites et la clarification du champ d’application des autorisations d’urbanisme, constitue l’axe majeur de la communication gouvernementale sur les avancées opérées par la réforme entrée en vigueur le 1er octobre 2007, à savoir la sécurisation des dossiers de demande.

A cet effet, on résumera ainsi la position de l’administration sur la prétendue innovation et le soi-disant intérêt de la réforme à ce sujet : tout d’abord, les nouveaux textes précisent clairement les pièces qui doivent être jointes au dossier de demande d’autorisation ou au dossier de déclaration, ensuite, seules ces pièces sont exigibles et il ne sera plus possible d’en solliciter d’autres et, enfin, les pièces manquantes doivent être sollicitées dans un délai d’un mois à compter du dépôt de la demande.

Un telle présentation nous paraît non seulement quelque peu trompeuse mais surtout particulièrement risquée compte tenu de la façon dont j’ai pu constater qu’elle était comprise tant par les opérateurs que les collectivités que je peux conseiller.

Tout d’abord et pour autant qu’il en soit besoin, force est de préciser que les textes applicables avant le 1er octobre 2007 définissait déjà clairement le contenu des dossiers de demande d’autorisation. Et même sur ce point, la réforme ne me paraît pas de nature à faciliter la tache des opérateurs dans la détermination des pièces requises.

Précédemment et pour ce qui concernait, à titre d’exemple, la demande de permis de construire, l’ensemble des pièces éventuellement requises étaient intégralement définies par les articles R.421-2 à R.421-7-1 du Code de l’urbanisme et ce, donc, par une série d’articles énoncés de façon continue au sein d’une même section du Code de l’urbanisme. Il en allait de même pour chaque autorisation ou déclaration.

Mais aujourd’hui, il est nécessaire, dans un premier temps, de se référer aux dispositions relatives au « tronc commun » de toute demande d’autorisation ou de toute déclaration avant, dans un deuxième temps, d’examiner les dispositions propres à l’autorisation sollicitée avant, dans un troisième et dernier temps, de rechercher les pièces exigibles selon la nature particulière du projet…

D’une façon générale, force est d’ailleurs d’admettre que la nouvelle organisation du Code de l’urbanisme n’est pas des plus praticables et n’est pas des plus opérationnelles puisque là où antérieurement un même Titre du Code déroulait de façon « verticale » l’ensemble du régime d’une même autorisation, le régime d’une même autorisation est dorénavant fractionnée de matière horizontale entre plusieurs Titres. Mais là n’est certes pas le plus important.

Ensuite, les dispositions du Code de l’urbanisme ont toujours eu un caractère strictement limitatif (pour exemple : CE. 15 janvier 1999, Omya, req. n°181.652), les règlement locaux d’urbanisme prescrivant la production de pièces étant illégaux, y compris d’ailleurs, lorsqu’ils visent une pièce prévue par les textes. C’est ce qu’illustre parfaitement cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris où l’article litigieux du règlement local d’urbanisme en cause n’était ni plus ni moins qu’une retranscription de l’ancien article R.421-2, b du Code de l’urbanisme exigeant que le plan de masse figurent les arbres à conserver, à abattre et/ou à couper :

« Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme que les plans d'occupation des sols ne peuvent comporter que des conditions de fond de l'octroi du permis de construire ; qu'il suit de là qu'il n'appartient pas aux auteurs des règlements d'urbanisme de fixer les règles de composition des dossiers de demandes de permis de construire ; que c'est, dès lors, à juste titre que le Tribunal administratif de Paris a estimé illégale la disposition de chacun des articles 13 du règlement applicable aux secteurs UA, UB, UC, UD, UE, UF, UL et UZA, aux termes de laquelle « toute demande de permis de construire devra être accompagnée d'un plan comportant le relevé des plantations à abattre ou à créer », alors même que cette disposition ne ferait que reprendre une disposition analogue énoncée à l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme »

A ce titre, il ressortait clairement de la jurisprudence rendue à la matière qu’une demande de pièces inexigibles constituait un acte faisant grief susceptible de recours et qu’un refus de permis de construire motivé par le défaut de production d’une pièce non requise était illégal (pour exemple : CAA. Marseille, 30 mars 2000, Peretti, req. n°97MA01188).

Enfin, s’il est exact que l’administration a dorénavant un mois pour solliciter les pièces manquantes, l’ancien article R.421-13 du Code de l’urbanisme prévoyait pour ce faire un délai de quinze jours.

En outre, si ce délai d’un mois court à compter du dépôt de la demande en mairie, lequel peut être le cas échéant prouvé par son envoi en recommandé avec demande d’avis d’accusé de réception, il reste que pour de nombreux projets ce dépôt par voie postale n’est pas possible – au regard de l’importance du dossier et du nombre d’exemplaire requis – si bien que le pétitionnaire sera amené à déposer lui-même les dossiers en mairie ; la preuve de ce dépôt ayant alors uniquement vocation à être établie par le récépissé prévu par l’article R.423-3 du Code de l’urbanisme. Il reste qu’aucune disposition ne régit le délai dans lequel l’administration doit délivrer ce récépissé…

Mais surtout deux précisons s’imposent.

D’une part, la méconnaissance du délai d’un mois offert à cet effet à l’administration pour solliciter la communication de pièces exigibles et manquantes ne signifie aucunement qu’une demande formulée passé ce délai serait illégale puisque la seule conséquence prévue est qu’alors, cette demande de modifie pas le délai d’instruction applicable à la demande (art. R.423-41 ; C.urb).

Par voie de conséquence, si le pétitionnaire ne produit pas la pièces manquantes dans le délai de trois mois qui lui est ouvert pour ce faire, sa demande, comme sous l’empire de l’ancien dispositif, aura vocation à être classée sans suite.

D’autre part et surtout, si les règlements locaux d’urbanisme ne peuvent prescrire la production de pièces aux dossiers de demande d’autorisation, il reste qu’ils peuvent, en revanche, édicter des règles de fond dont l’appréciation du respect implique, le cas échéant, la production de documents n’étant pas prescrits par le Code de l’urbanisme.

Or, en ce cas, il incombe au pétitionnaire d’établir que son projet respecte ces prescriptions par la production des documents adéquats

En d’autres termes, si un règlement local d’urbanisme ne saurait légalement prescrire la production de plans de niveaux indiquant l’affectation des pièces intérieures du bâtiment à construire, il reste que si ce même règlement régit, à titre d’exemple, l’implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété selon que la façade considérée comporte ou non une baie, éclairant ou non une pièce principale, l’appréciation de la conformité du projet à cette prescription implique que le pétitionnaire produise ces plans, même si les dispositions du Code de l’urbanisme ne l’impose pas. A défaut, un refus de permis de construire comme l’annulation du permis de construire éventuellement obtenu seraient justifiés (pour exemple : CE. 19 octobre 2001, Cne de Talange, req. n°207.677 ; CAA. Bordeaux, 9 novembre 2000, Malmerao-Marty, req. n°98BX00159) ; la circonstance que cette pièce soit inexigible au regard des dispositions du Code de l’urbanisme n’ayant aucune incidence à cet égard puisque l’ancien article L.421-3 et le nouvel article L.421-6 du Code de l’urbanisme implique que l’administration statue et prenne parti sur la conformité de l’ensemble du projet au regard de toutes les prescriptions de fond qui lui sont opposables, ce qui implique que le pétitionnaire produise un dossier dont la composition permette à l’administration d’assurer ce contrôle.

Comme sous l’empire de l’ancien dispositif, les opérateurs devront donc y réfléchir à deux fois avant de s’abstenir de produire une pièce sollicitée par l’administration et/ou d’exercer un recours contre cette demande du seul fait que la pièce considérée n’est pas prévue par le Code de l’urbanisme.

Pour conclure, il nous semble que sur cette question comme, d’ailleurs, sur celle relative à la vrai-fausse innovation que constitue la réglementation du nombre d’exemplaires du dossier requis – déjà strictement régie par l’ancien dispositif et, à titre d’exemple, pour ce qui concerne le dossier de demande de permis de construire, par l’ancien article R.421-8 du Code de l’urbanisme – la réforme et la communication gouvernementale qui l’accompagne nous semblent faire totalement abstraction de la force d’inertie de l’administration et de l’absence d’effectivité et d’utilité du droit en recours en la matière – les contentieux sur cette question se comptent sur les doigts de la main – dont l’exercice pour les constructeurs implique qu’ils acceptent de prendre plusieurs mois, voire plusieurs années de retard dans la concrétisation de leur projet, voire d’être « black-lister » sur le territoire de la commune ainsi mise en cause…

Pour le reste, nous aurons probablement l’occasion de revenir prochainement sur l’autre prétendue innovation de la réforme et la soi-disant garantie que constitue la généralisation des autorisations tacites, c’est-à-dire d’autorisations le plus souvent illégales…


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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