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JURISURBA - Page 75

  • Dans quelle mesure l’irrégularité des conditions de constitution des caractéristiques du terrain à construire impacte-elle la construction projetée ?

    Des travaux de remblaiement réalisés sans autorisation ne peuvent être pris en compte pour apprécier le niveau du terrain naturel.

    CAA. Paris, 29 janvier 2009, M. et Mme Y., req. n°07PA02481

    Dans cette affaire, le requérant avait sollicité un permis de construire en vue d’édifier une maison individuelle sur un terrain sis au sein d’une zone référencée comme inondable. Et précisément, cette autorisation devait lui être refusée en raison des risques présentés par une telle construction dans cette zone et, plus spécifiquement, au motif tiré du fait que le pétitionnaire avait remblayé sans autorisation le terrain à construire. Mais précisément, le pétitionnaire devait attaquer ce refus d’autorisation en soutenant, notamment, que c’est au regard de ces travaux de remblaiement que devait être établi le niveau du terrain à construire et, par voie de conséquence, la cote de la construction projetée.

    Néanmoins, la Cour administrative d’appel de Paris devait rejeter cet argument et, plus généralement, valider le rejet de la demande de permis de construire :

    « Considérant que M. et Mme X font appel du jugement en date du 12 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 12 octobre 2005 du maire de Montry opposant un refus à leur demande de permis de construire aux motifs que le projet, situé en zone inondable, était de nature à porter atteinte à la sécurité publique en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, que le terrain avait fait l'objet d'un remblai non autorisé et que le projet de construction était édifié sur un emplacement classé réservé par le plan d'occupation des sols ;
    Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations » ; que, par ailleurs, le projet d'intérêt général (PIG) Marne, intégré au plan d'occupation des sols de la commune de Montry approuvé par délibération du conseil municipal du 14 janvier 2000, prévoit que dans les zones B où la hauteur de submersion est supérieure à un mètre lors de la crue de référence « toute construction nouvelle est interdite » ;
    Considérant, d'une part, qu'il est constant que le terrain naturel d'assiette de la construction projetée est situé en zone inondable B correspondant à la zone d'expansion des crues dont l'altitude est comprise entre les cotes 45,02 et 45,17 NGF ; qu'ainsi, la hauteur de submersion est supérieure à un mètre par rapport à la crue de référence de 1955 située à 46,36 NGF normal ; que s'il est vrai qu'un remblai a été effectué sur le terrain, ce dernier qui, contrairement à ce que soutiennent les requérants, n'a pas été régulièrement autorisé par le maire de la commune, ne permet pas de transformer les caractéristiques du terrain naturel ; que, d'autre part, aux termes des dispositions de l'article UB 1-2 du plan d'occupation des sols, dans les zones A ou B aux aléas les plus forts toute construction nouvelle ou extension de l'emprise au sol des constructions existantes sont interdites ; que, par suite, le maire de la commune de Montry ne pouvait, sans méconnaître le champ d'application de la loi, légalement se fonder sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pour refuser le permis de construire sollicité ;
    Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer même d'office ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier sous réserve que les parties aient été à même de présenter des observations sur ce point ; qu'il est constant que le terrain d'assiette de la construction projetée était situé dans une zone B où la hauteur de submersion est supérieure à un mètre dans laquelle toute construction nouvelle est interdite en application des dispositions du plan d'occupation des sols, approuvé par délibération du 14 janvier 2000, qui intègre les prescriptions du PIG Marne ; qu'ainsi, le maire était tenu, pour ce seul motif, de rejeter le permis de construire sollicité ; que, par suite, le moyen des requérants tiré de ce que la commune ne pouvait leur opposer que le projet de construction était édifié sur un emplacement réservé dès lors que ledit emplacement avait fait l'objet d'une procédure de délaissement est inopérant et doit être écarté
    ».


    Il faut donc relever que la Cour administrative d’appel de Paris a souligné que les travaux de remblaiement allégués avaient été réalisés sans autorisation. Il reste que quand bien même ces travaux auraient-ils été autorisés, cette circonstance n’aurait a priori eu aucune incidence dès lors que les prescriptions d’urbanisme opposables au projet en cause faisaient référence au niveau du terrain naturel.

    En effet, par principe et sauf précision contraire, « le sol naturel est celui qui existe dans son état antérieur aux travaux entrepris pour la réalisation du projet de construction objet du permis » (CE. 26 février 1992, M. Lemée, Rec. p.1377. Pour exemple : CAA. Bordeaux, 27 novembre 2007, M. Michel Y., req. n°05BX01143). Or, cette règle est d’application stricte puisqu’elle implique de faire abstraction des travaux d’exhaussement ou d’affouillement réalisé préalablement dès lors qu’ils sont sans rapport avec le projet objet de la demande de permis de construire. C’est ainsi qu’à titre d’exemple, le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article NB 10 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat, "la hauteur des constructions, mesurée en tout point des façades, du sol existant jusqu'au niveau de l'égout du toit, ne pourra excéder 7 mètres" ; que, pour l'application de ces dispositions, il convient de mesurer la hauteur des constructions projetées à partir du niveau du sol existant avant tous travaux d'exhaussement ou d'excavation effectués en vue de la réalisation du projet faisant l'objet d'une demande de permis de construire ;
    Considérant que, pour déterminer le niveau du sol à partir duquel la hauteur des constructions devait être mesurée, la cour a estimé qu'il convenait de faire abstraction d'un remaniement du sol naturel effectué "à une date trop récente pour le faire regarder comme incorporé à celui-ci à la date du dépôt de la demande de permis de construire" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le remaniement en cause résultait de travaux effectués en vue de la réalisation du projet litigieux, la cour a commis une erreur de droit ; que la SCI VISTA AMENA est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué (…) ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le niveau du sol indiqué sur les plans de coupe joints à la demande de permis de construire ne correspondait pas au niveau existant à la date du dépôt de cette demande mais était sensiblement plus élevé ; que si la société déclare avoir entendu reconstituer le sol naturel tel qu'il existait avant la réalisation, par un ancien propriétaire du terrain, de travaux liés à l'aménagement d'une piste, ce niveau antérieur du sol ne pouvait être pris en considération pour l'application des règles de hauteur prévues par le plan d'occupation des sols, lesquelles ont été en l'espèce méconnues
    » (CE. 27 octobre 2000, SCI Vista Amena, req. n°195.651).


    Dans cette affaire, la haute Cour a donc, en substance, « privilégié le sol existant à la date de la demande du permis sans tenir compte des travaux réalisés trois ans auparavant et sans lien avec le projet de construction » (J-C. Bonichot, BJDU, n°5/000, pp. 343-344). De même, le Conseil d’Etat a plus récemment jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme : Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : (...) 4° Une ou des vues en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au terrain naturel à la date du dépôt de la demande de permis de construire ; qu'aux termes de l'article UF10 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Nice : La hauteur des constructions est mesurée jusqu'à l'égout des toits ou de la terrasse de couverture à partir du terrain naturel (...). Cette hauteur ne doit pas excéder 7 mètres ; que, pour l'application de ces dispositions, il convient de mesurer la hauteur des constructions projetées à partir du niveau du sol existant avant tous travaux d'exhaussement ou d'excavation exécutés en vue de la réalisation du projet faisant l'objet d'une demande de permis de construire et que le dossier de la demande doit contenir les éléments utiles à cette exacte mesure ;
    Considérant que, pour déterminer le niveau du sol à partir duquel la hauteur de la construction projetée par M. et Mme X devait être mesurée, la cour administrative d'appel de Marseille a estimé qu'il convenait de faire abstraction d'importants mouvements de remblai (...) réalisés trop peu de temps avant le dépôt de la demande de permis de construire pour pouvoir être regardés comme constituant le terrain naturel au sens des dispositions de l'article R. 421-1 précité ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les travaux de remblaiement en cause avaient été exécutés en vue de la réalisation du projet litigieux, la cour a commis une erreur de droit ; que M. et Mme X sont fondés à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le niveau du sol indiqué sur les plans de coupe joints à la demande de permis de construire ne correspondait pas au niveau naturel existant à la date du dépôt de cette demande mais était sensiblement plus élevé ; que cette surélévation résultait d'importants travaux de remblaiement réalisés avant la demande de permis de construire ; que cette surélévation, dont la hauteur ne varie que très faiblement, ne saurait avoir eu pour objet de corriger une pente excessive ni d'aplanir un terrain par trop irrégulier ; que M. et Mme X, qui se contentent d'affirmer qu'il n'est pas établi que ces travaux ont été réalisés par eux, ne soutiennent pas que ces travaux auraient été réalisés avant qu'ils acquièrent le terrain et n'énoncent aucun autre motif vraisemblable qui aurait pu conduire aux travaux dont il s'agit ; qu'il suit de là que ces travaux doivent être regardés comme ayant eu pour objet de permettre de construire à une hauteur supérieure à la hauteur maximale normalement autorisée ; qu'en mentionnant uniquement sur les plans de coupe le niveau ainsi surélevé sans assortir cette mention d'aucune explication, M. et Mme X se sont livrés à une manoeuvre de nature à fausser l'appréciation de l'administration ; qu'ainsi, alors même que le plan de lotissement dont M. et Mme X soutiennent qu'il était joint à leur demande faisait apparaître un niveau de sol différent, le permis a été obtenu par fraude et pouvait légalement être retiré même après l'expiration du délai de recours contentieux
    » (CE. 9 juin 2004, M. Ribas, req. n°248.042).


    Dès lors qu’ils étaient manifestement liés au projet de construction objet de la demande présentée ultérieurement, les travaux de remblaiement allégués n’auraient donc pu être pris en compte pour apprécier le niveau du terrain à construire même s’ils avaient été autorisés.

    Mais en l’espèce, les travaux de remblaiement en cause n’avaient donc pas été autorisés. Pour autant, la Cour administrative d’appel de Paris n’en a pas tiré toutes les conséquences qui nous semblaient s’imposer.

    Il est vrai que des travaux de remblaiement ne tendent pas, pris isolément, à l’édification d’une construction et n’impliquent donc pas l’obtention d’un permis de construire mais exigeaient, tout au plus, à l’époque des faits une autorisation « ITD » lorsqu’ils étaient projetés dans un des secteurs visés par l’ancien ’article R.442-1 du Code de l’urbanisme et répondaient aux conditions posées par son ancien article R.442-2, c’est-à-dire aient une profondeur de plus de deux mètres et une superficie de plus de 100 mètres carrés.

    Il reste que, comme on le sait, l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme, d’une façon générale, implique que la demande de permis de construire portent sur l’ensemble des travaux et éléments indissociables du projet, y compris sur ceux qui pris isolément ne relèveraient pas du champ d’application de cette autorisation et que, plus particulièrement, l’ancien article R.421-2-4° comme le nouvel article R.431-10 prescrivent que le dossier de demande comporte des vues de coupe figurant le niveau du terrain avant et après travaux ; ce qui impose, notamment, que ces plans figurent un éventuel remblaiement du terrain (CE. 6 avril 1990, Association du diocésaine de Saint-Anne, req. n°94.152) ou, à tout le moins, les induisent (CE. 18 janvier 1980, Boussard, req. n° 12651).

    Or, ainsi qu’il a été précédemment exposé, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de juger que lorsque des travaux d’exhaussement apparaissant indissociables d’un projet de construction ont été réalisés peu de temps avant le dépôt de la demande de permis de construire, il ne peut être tenu compte de la modification subséquente du niveau terrain à construire pour apprécier la hauteur de la construction projetée, laquelle doit être établie en considération du niveau du sol dans son état antérieur audits travaux (CE. 27 octobre 2000, SCI Vista Amena, req. n°195.651).

    C’est donc bien que lorsqu’ils sont nécessaires au projet de construction en cause, les travaux d’exhaussement - ou d’affouillement d’ailleurs – doivent, quelle que soient leur importance, être intégrés à la demande de permis de construire (d’ailleurs, lorsque ces travaux sont soumis à permis d’aménager ou à décision de non-opposition à déclaration d’aménagement, le permis de construire dispensera, en application des articles R.421-19 et R.421-23 d’obtenir ces autorisations à cet effet ; sur ce point, voir ici).

    On peut donc raisonnablement considérer que lorsque tel n’est pas le cas, les travaux d’exhaussement ou d’affouillement précédemment réalisés sont donc illégaux et, par voie de conséquence, que la construction prenant appui sur le terrain ainsi constitué ne peut être autorisée sans qu’aient été précédemment ou soient concomitamment régularisés ces derniers. Et d’ailleurs, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé que :

    « Considérant que le moyen invoqué par la commune de Noyal-Châtillon-sur-Seiche à l'appui de ses conclusions dirigées contre ledit jugement et tiré, par la voie d'une substitution de motif, de ce que le caractère indissociable des travaux d'exhaussement du terrain antérieurement réalisés sans autorisation et du projet de construction de la serre objet de la demande de permis de construire, nécessitait que l'EARL Collet présentât une demande portant, non seulement sur la construction de la serre, mais aussi, sur la régularisation de l'exhaussement litigieux, paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de ce jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce même jugement ; qu'il y a lieu, dès lors, dans les circonstances de l'affaire, par application des dispositions précitées de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à l'exécution du jugement du 9 février 2006 du Tribunal administratif de Rennes » (CAA. Nantes, 19 décembre 2006, Cne de Noyal-Châtillon-sur-Sèche, req. n°06NT00567).

    Mais force est donc de constater que tel n’est pas le motif que la Cour administrative d’appel de Pairs a substitué à ceux du Maire pour valider le refus d’autorisation contesté.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • VEILLE JURISPRUDENTIELLE N°22 – 2008/2009 - 23 DECISIONS SIGNALEES CE MOIS-CI

    INTERPRETATION & APPLICATION DES NORMES

    CAA. Paris, 29 janvier 2009, M. et Mme Y., req. n°07PA02481

    Des travaux de remblaiement qui n’ont pas été autorisés ne peuvent être pris en compte pour établir le niveau du terrain à construire.

    CAA. Marseille, 6 janvier 2009, 06MA02636

    En cas d’impossibilité technique de réaliser les places de stationnement requises, la simple mise à disposition d’une parcelle ne saurait constituer l’acquisition d’un parc privé de stationnement requise par l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Versailles, 17 décembre 2008, Cne de Montreuil, req. n°07VE0822

    En cas d’impossibilité technique de réaliser sur le terrain les places de stationnement requises, il appartient au pétitionnaire d’établir que les places dont il entend se prévaloir ailleurs sont réalisées pour satisfaire aux besoins du projet en cause ou, à tout le moins, qu’elle n’ont pas été réalisées pour les besoins d’un autre projet.

    CAA. Versailles, 17 décembre 2008, Giuseppe B., req. n°08VE01220

    L’article 6 d’un règlement local d’urbanisme s’appliquant aux seules voies futures est néanmoins applicables aux voies existantes grevées d’un emplacement réservé ayant pour but de l’élargir en modifiant de façon significative son axe.

    CAA. Marseille, 11 décembre 2008, Cne de Cannes, req. n°06MA01922

    Pour application de l’article 7 d’un règlement local d’urbanisme disposant qye « 7.3. - L'entretien, la transformation, le changement de destination, la réhabilitation et l'amélioration architecturale des bâtiments existants, y compris une surélévation ou une extension, sont autorisés dans les marges de recul ou au-delà des espaces constructibles définis aux articles 6.1, 6.2 et 7.1. - La SHON créée dans ces cas ne devra pas être supérieure à 10 % de la SHON existante. », il faut considéré que dans les marges de recul, la surélévation d'un bâtiment existant n'est autorisée que dans la limite de 10 % de la surface hors œuvre nette existante, mais que cette limitation ne porte que sur la portion de la surélévation comprise dans les marges de recul.

    CAA. Marseille, 11 décembre 2008, Mme Claude, req. n°06MA03324

    Un permis de construire une habitation n’ayant donné qu’à des travaux n’ayant abouti qu’à l'élévation partielle des murs principaux, sans même assurer le clos et le couvert de l'ensemble ainsi partiellement réalisé ne peuvent être réputé avoir abouti à l’édification d’une construction existante au sens de l’article L.111-1-2 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Marseille, 11 décembre 2008, Cne de Ganges, req. n°08MA01971

    La circonstance que le « mazet » dont le pétitionnaire sollicitait l'extension et la rénovation, a été décrit comme en ruine dans une assignation en justice ayant abouti à la vente forcée du bien au pétitionnaire n'est pas de nature à établir le caractère de ruine de ladite construction, dès lors qu'il ressort des photographies versées au dossier que, si une partie de la toiture a disparu, les façades n'ont subi aucun effondrement et les murs de pierre porteurs ont conservé leur aplomb : il s’agit donc d’une construction existante.

    CAA. Marseille, 27 novembre 2008, Michel X., req. n°06MA00084

    L’article 5 d’un règlement local d’urbanisme disposant que « pour être constructible un terrain doit avoir une superficie minimale de 800 m² en zone UD ; chaque terrain ne peut recevoir qu'une seule construction à usage d'habitation par tranche de 800 m² en zone UD » ne limite pas le nombre de logements par construction et n'interdisent pas qu'une construction comprenne plus d'un logement pas plus qu'il n'implique que chaque construction dispose d'une superficie minimale de terrain de 800 m² puisqu’il impose seulement que l'unité foncière, sur laquelle un constructeur envisage d'édifier plusieurs constructions, présente une superficie globale minimale multiple de 800 m² et du nombre de constructions envisagées.


    DROIT DE PREEMPTION

    CAA. Paris, 29 janvier 2009, Cne de Nandy, req. n°07PA01157

    Une décision de préemption se bornant à indiquer au vendeur que la ville entend acquérir le bien en cause « à des conditions financières supérieures à l'estimation des domaines, et pour un montant qui n'excède pas le prix demandé par le vendeur » est dépourvue de mention précise concernant l'acceptation du prix proposé ou l'offre d'un autre prix et, par voie de conséquence, ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article R. 213-8 du Code de l’urbanisme.


    MUNICIPALISATION DES VOIES

    CAA. Bordeaux, 22 janvier 2009, François X. req. n°07BX01591


    Il résulte des articles L.318-3 et R.318-11 du Code de l’urbanisme que la décision de transfert d'office dans le domaine public communal de la propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations doit être prise par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, à la demande de la commune, lorsqu'un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition dans le cadre de l'enquête


    LOTISSEMENTS

    CAA. Bordeaux, 5 février 2009, Erick Y., req. n°08BX01244

    Alors même que la propriété du vendeur est composée de différentes parcelles cadastrales, n'a pas fait l'objet d'une division en plus de deux lots sur une période de moins de dix ans en vue de l'implantation de bâtiments dès lors que le vendeur justifie n'avoir cédé que la parcelle cadastrée AV 627 à une société civile immobilière et avoir conservé le surplus de sa propriété sur laquelle il a édifié différentes constructions : il n’y a donc pas lieur à autorisation de lotir au regard de l’ancien article R.315-1 du Code de l’urbanisme.


    INSTALLATIONS CLASSEES & DROIT DE L’URBANISME

    CE. 2 février 2009, Sylvie X. & autres, req. n°312.131

    La vérification du respect des prescriptions contenues dans les arrêtés préfectoraux pris en application de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ne s'impose pas à l'autorité délivrant des permis de construire, même lorsque ces prescriptions comportent des règles relatives à l'implantation de certaines constructions.


    RECONSTRUCTION APRES SINISTRE

    CAA. Versailles, 15 janvier 2009, SCI GGMF, req. n°06VE02562

    L’article L.111-3 du Code de l’urbanisme s’applique à la condition que la démolition de l'immeuble initial trouve son origine dans un sinistre survenu en l'absence de tous travaux d'importance affectant la construction en cause. Par voie de conséquence, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'effondrement du pavillon objet de la reconstruction en cause est intervenu à la suite des travaux de réhabilitation et d'extension menés dans le cadre du permis de construire ultérieurement rapporté au motif de l'absence de toute autorisation de démolir et de la méconnaissance des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme, cet effondrement de l'ancienne construction ne peut être regardé comme constituant un sinistre au sens des de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme. [A comparer avec : CAA. Marseille, 6 janvier 2009, Gérad X., req. n°06MA03381].

    CAA. Nancy, 18 décembre 2008, 07NC01286

    Un modificatif ayant pour objet d’augmenter la surface du projet autorisé par un permis de construire obtenu en application de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme est illégal.


    AUTORISATIONS D’URBANISME

    CAA. Marseille, 11 décembre 2008, Jean-Claude Y., req. n°06MA00660

    La double circonstance que le maire de la commune ait refusé de délivrer un certificat de conformité pour les travaux réalisés en exécution du permis initial et que son titulaire n'aurait pas mis ces travaux en conformité avec ce permis avant de présenter une demande de modification ne peut suffire à démontrer l'illégalité d’un permis modificatif.

    CAA. Marseille, 11 décembre 2008, SCI ELFA, req. n°06MA02026

    Des places de stationnement qui ne peuvent être utilisées qu’à condition que des véhicules de ne soient pas stationnés sur deux autres sont inaccessibles et ne peuvent donc être prises en compte pour établir la conformité du projet au regard de l’article 12 du règlement local d’urbanisme. Par ailleurs, le pétitionnaire ne peut soutenir que son projet atténue l’irrégularité de la construction existante dès lors qu’il tend à emporter la démolition quasi-totale et tend donc à l’édification d’une construction nouvelle.

    CAA. Marseille, 27 novembre 2008, Françoise Z, req. n°06MA02699

    Un escalier extérieur solidaire à ses extrémités de la construction principale permettant de relier entre eux, par cet accès extérieur, deux niveaux de la résidence de la requérante est partie intégrante de la construction principale et doit dès lors respecter les règles d'implantation prescrite par l’article 7 du règlement d’urbanisme applicable [à rapprocher de ça].

    CAA. Marseille, 27 novembre 2008, Hubert X., req. n°06MA01763

    Les dispositions de l'article L.111-3 du Code de l’urbanisme n'ont ni pour objet ni pour effet de dispenser la personne désireuse d'édifier la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre de solliciter un permis de construire avant d'entreprendre les travaux. Par suite, même à admettre que le requérante se soit borné à reconstruire à l'identique une maisonnette habitable qui aurait été fortement endommagée par un orage de grêle, cette reconstruction était soumise aux dispositions de l'article L.421-1 du code de l'urbanisme. Faute de délivrance du permis de construire requis, c’est donc à bon droit que le Maire a pu faire application de l'article L.111-6 et s’opposé ainsi au raccordement électrique de ladite maisonnette.

    CAA. Marseille, 27 novembre 2008, Michel X., req. n°06MA00084

    Dès lors que la légalité d'une demande de permis de construire n'est appréciée qu'au regard des dispositions légales et réglementaires en vigueur à la date de la décision prise sur cette demande, la suspension du premier permis de construire qui lui avait été accordé ne s’opposait pas à ce que le pétitionnaire présente, même pour une construction entreprise sur la base du permis suspendu, une nouvelle demande dans laquelle elle procédait à des changements par rapport au projet initialement envisagé par elle et ce, que ces modifications tentent de pallier les insuffisances à l'origine de la suspension ou qu'elles relèvent du seul souhait du pétitionnaire : qu'ainsi, les moyens tirés de ce que cette nouvelle demande n'aurait eu d'autre objet que de contourner la décision de suspension du permis initial, et de ce que les changements prétendument apportés ne seraient pas justifiés ne peuvent qu'être écartés.

    CAA. Marseille, 27 novembre 2008, Cne de Verquières, req. n°05MA00335

    Si le pétitionnaire a requis l'instruction de sa demande en application des dispositions de l’article R.421-14 du Code de l’urbanisme au directeur départemental de l'équipement, il reste que les services placés sous l'autorité de ce dernier ont vocation à participer à l'instruction par les maires des demandes de permis de construire, cette circonstance ne permet cependant pas de le regarder comme l'autorité compétente mentionnée par les dispositions précitées, qui demeure en l'espèce le maire de la commune, seul investi de la compétence de délivrer ces autorisations au nom de la commune. Ainsi, et en l'absence alors de toute obligation de transmission d'une demande adressée à un service de l'Etat mais relevant de la compétence d'une collectivité territoriale, cette réquisition ne pouvait aboutir à la formation d’un permis de construire tacite

    CAA. Douai, 24 novembre 2008, Préfet du Nord-Pas de Calais, req. n°08DA01769

    Un permis de construire portant sur un bâtiment à usage d'habitation ayant conservé son caractère d'habitabilité, même si certaines parties du bâtiment sont susceptibles de présenter certains dangers à termes non définis, ne méconnait pas l’article 1 du règlement local d’urbanisme autorisant que « les reconstructions après sinistre ou de bâtiments ayant conservé leur caractère d'habitabilité dans la limite de 250 m² de superficie hors oeuvre nette totale » même s'il est vrai que pour des raisons techniques et économiques, le projet prévoit de le démolir et de le remplacer, avec des matériaux traditionnels, par un nouveau bâtiment situé sur les mêmes fondations puisque cette circonstance ne saurait disqualifier le caractère d'habitabilité du bâtiment


    CONTENTIEUX

    CAA. Bordeaux, 5 février 2009, SAS CSF, req. n°08BX00621

    Des conclusions se bornant à solliciter que le juge constate que le « modificatif » en cause ne se borne pas à modifier le projet initial mais emporte le retrait du permis de construire primitif l’ayant autorisé sont irrecevable.

    CAA. Lyon, 2 décembre 2008, l'Association Urbanisme et Environnement de la Confluence Drome/Rhone, req. n°08LY00277

    Une association ayant pour objet statutaire « la défense et la protection de l'urbanisme, de l'environnement, de l'écologie, du paysage, de la qualité de la vie comme aussi la défense des contribuables et des consommateurs...» n’a pas intérêt à agir à l’encontre d’une autorisation de lotir compte tenu de la généralité d'un tel objet, qui porte sur la défense de l'environnement et de l'urbanisme mais également sur la protection des intérêts des consommateurs et des contribuables.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Des liens entre permis de construire modificatifs successifs

    En cas de contentieux à l'encntre de ces deux autorisations, l'annulation d'un premier permis de construire modificatif n'emporte pas nécessairement l'annulation du second.

    CAA. Nancy, 22 janvier 2009, M. Gilbert X., req. n°08NC00223



    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire puis un premier « modificatif » et, enfin, un second « modificatif ». Ces deux autorisations modificatives devaient toutefois être attaquées. Mais seule la première de ces deux autorisations devait être annulée en première instance. Le requérant décida toutefois d'interjeter appel à l'encontre de ce jugement et soutint à son encontre qu'il était entaché d'une erreur de droit dans la mesure où l'annulation d'un premier modificatif emportait nécessairement l'annulation du second.

    Comme on le sait, en effet, un permis de construire modificatif ne se substitue pas au permis de construire modificatif mais s’y intègre pour former avec lui une « autorisation unique » (TA. Versailles, 22 février 1994.pdf, SCI Les Ormes, req. n°93-05140) ; ce dont il résulte que, d’une part, « le permis de construire initialement délivré pour l'édification d'une construction et le permis modificatif ultérieurement accordé pour autoriser des modifications à cette même construction constituent un ensemble dont la légalité doit s'apprécier comme si n'était en cause qu'une seule décision » (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511) et que, d’autre part, le bénéficiaire de ces autorisations doit exécuter le projet tel qu’il résulte de la combinaison de ces deux permis et, donc, ne saurait régulièrement exécuter le projet tel qu’il avait été initialement été autorisé (Cass. crim., 29 juin 2004, Association pour la sauvegarde de la commune de Favières-la-Route, Bull. crim., n°176 ; CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171).

    Compte tenu de cette intégration du « modificatif » au « primitif », on pouvait donc penser en premier analyse que l’annulation d’un premier modificatif emporte, par voie de conséquence, l’annulation du second et ce, de la même façon que l’annulation d’un « primitif » emporte par voie de conséquence celle de son « modificatif ».

    Mais la Cour administrative d'appel de Nancy devait donc rejeter ce moyen et ce, au motif suivant :

    « Considérant qu'un permis de construire modificatif ne constitue pas une mesure d'application d'un précédent permis modificatif et qu'il n'existe par ailleurs pas entre ces deux actes un lien tel que l'annulation de celui-ci entraîne par voie de conséquence l'annulation de celui-là ; que, par suite, les premiers juges pouvaient, sans entacher la régularité de leur jugement, annuler l'arrêté du 29 avril 2004 par lequel le maire de la commune de Coin-lès-Cuvry a accordé à la coopérative agricole de production de viande un permis de construire modificatif d'un permis initial délivré le 21 août 2003 et rejeter les conclusions dirigées contre l'arrêté du 8 novembre 2005 par lequel le maire a accordé à ladite coopérative un second permis de construire modificatif ;
    Sur les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire modificatif du 8 novembre 2005 :
    Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : « Le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions (...) » ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté susvisé du 24 décembre 2002 : « Les bâtiments d'élevage et leurs annexes sont implantés : à au moins 100 mètres des habitations occupées par des tiers (à l'exception des logements occupés par des personnels de l'exploitation de l'installation et des gîtes ruraux dont l'exploitant a la jouissance) (...) » et qu'aux termes de l'article 2 dudit arrêté : « (...) Les dispositions de l'article 4 ne s'appliquent, dans le cas des extensions des installations déjà autorisées, qu'aux nouveaux bâtiments d'élevage ou à leurs annexes nouvelles. Elles ne s'appliquent pas lorsqu'un exploitant doit, pour mettre en conformité son installation autorisée avec les dispositions du présent arrêté, réaliser des annexes ou reconstruire sur le même site un bâtiment de même capacité. » ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la note descriptive du projet présentée au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement, au vu de laquelle l'inspecteur des installations classées de la direction départementale des services vétérinaires de la Moselle a émis le 28 octobre 2005 l'avis que le projet entrait dans la procédure de mise aux normes des bâtiments d'élevage et de maîtrise des effluents agricoles, que la construction du nouveau bâtiment autorisé par le permis de construire modificatif du 8 novembre 2005, destiné à la réception, à l'identification, à la pesée, au tri et au stockage des bovins de boucherie, s'inscrit dans le cadre d'une réorganisation de l'ensemble de l'installation permettant de mettre celle-ci en conformité avec les exigences de l'arrêté du 24 décembre 2002 concernant le stockage des effluents, grâce à la transformation en fumière couverte du bâtiment précédemment affecté à la réception et au tri des bovins et à la réalisation dans le nouveau bâtiment d'une fosse à lisier répondant aux exigences réglementaires ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient M. X, le projet ainsi autorisé entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 2 de l'arrêté en cause, qui permettent de déroger à la règle fixée par les dispositions de l'article 4 du même arrêté, lesquelles interdisent l'implantation d'un bâtiment d'élevage à moins de 100 mètres d'une habitation occupée par un tiers
    ».


    Une telle solution apparaît difficilement contestable. En effet, si un « modificatif » d’intègre le « primitif », il n’en demeure pas moins que la légalité d’un permis de construire modificatif ne peut être contestée qu’en considération de ses vices propres (pour exemple : CE. 4 juin 1997, Ville de Montpellier, req. n°131.233) et, notamment, sur le fond, qu’au regard des irrégularités affectant les modifications ainsi autorisées du projet initial (pour exemple : CAA. Paris, 16 février 1995, Sté Sogébail, Rec., p.509).

    A contrario, le recours à l’encontre d’un « modificatif » ne peut donc être utilement fondé sur une irrégularité affectant le seul permis de construire primitif (CE. 3 avril 1997, Mme Monmarson, req. n°53.869) dès lors que celui-ci était définitif à la date d’introduction du recours contre le « modificatif » (CE. 30 novembre 1966, Dme Martin, Rec., p.1038 ; CE 25 avril 1975, SCI Le Clos des Loges, Rec., p.259 ; CAA. Nancy, 12 juin 1997, SEP Lorraine, req. n°95NC00363).

    C’est donc bien qu’isolément, un « modificatif » a un objet et un effet limités aux seules modifications qu’il autorise. Telle est la raison pour laquelle l’illégalité et l’annulation subséquente d’un « modificatif » n’ont en elles-mêmes aucune incidence sur la légalité et la pérennité du « primitif » puisque, compte tenu de son objet et de ses effets limités, un « modificatif » ne saurait contaminer un « primitif » qui, par définition et à tous les égards, se suffit à lui-même.

    Il s’ensuit que par principe seul le « primitif », tel qu’initialement délivré, constitue la base légale de l’ensemble des « modificatifs » auxquels il donne ultérieurement lieu et qu’a contrario, un premier « modificatif » ne constitue pas par principe la base légale d’un second : l’annulation du premier n’emporte donc pas nécessairement l’annulation du second.

    Deux cas doivent cependant être réservés.

    D’une part, il va sans dire que lorsque le premier « modificatif » a été obtenu aux fins de régulariser le « primitif » son annulation prive le « primitif » de cette régularisation et l’annulation subséquence de celui-ci emporte nécessairement l’annulation des autres « modificatifs » ultérieurement obtenus.

    Il reste qu’il ne s’agit là que d’une application du principe selon lequel c’est le « primitif » qui constitue la base légale de tout « modificatif ».

    Mais d’autre part et plus spécifiquement, il nous semble également que l’annulation d’un premier « modificatif » devrait emporter l’annulation du second lorsque les modifications autorisées par le premier ont rendu possibles celles opérées par le second.

    A titre d’exemple, il nous parait en effet difficilement concevable que l’annulation d’un premier « modificatif » ayant pour objet d’adjoindre un huitième étage à l’immeuble initiale n’emporte pas l’annulation d’un second ayant pour objet d’en ajouter un neuvième.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Les documents d’urbanisme locaux peuvent-ils interdire certaines formes de commerces ?

    Il résulte de l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme alors applicables qu’un POS peut légalement interdire certaines formes de commerces dans une zone déterminée sans porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie.

    TA. Versailles, 8 avril 2008.pdf, Sté Immo-Concept, req. n°0707895


    Voici un jugement appelant peu de commentaires mais qui permet de tordre le cou à l’idée aussi fausse que rependue selon laquelle, par principe, un POS ne saurait n’autoriser ou n’interdire que certaines formes particulières d’activités commerciales.

    Dans cette affaire, le requérant avait formulé une déclaration de travaux destiné à étendre une agence immobilière dans un local voisin, initialement occupé en tant que bijouterie.

    Mais le Maire devait s’opposer à cette déclaration au motif tiré de l’article UA.2 du POS communal en ce qu’il interdisait dans la zone toute nouvelle implantation de bureaux ou de services. Et pour sa part, le requérant devait contester la légalité de cette décision d’opposition en excipant de l’illégalité de cette disposition du POS communal ; moyen que rejeta donc le Tribunal administratif de Versailles au motif suivant :

    « Considérant qu’aux termes de l’article L.123-1 du code de l’urbanisme : « Les plans locaux d’urbanisme (…) peuvent : I° Préciser l’affectation des sols selon les usages qui peuvent en être fait ou la nature des activités qui peuvent être exercées (…) » ; et qu’aux termes de l’article UA 2.4 du plan d’occupation des soles de la commune de Maisons-Laffitte, est interdite : « Dans le secteur UAa, toute nouvelle implantation de bureaux et de services en rez-de-chaussée, avenue de Longueil » ;
    Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de présentation du POS, que cette interdiction, qui n’est ni générale ni absolue, vise à assurer l’objectif de protection des commerces fixé par ledit POS afin que les agences bancaires et immobilières ne participent pas à l’éviction des commerces traditionnels dont le centre-ville a besoin ; qu’eu égard à l’objet d’un plan d’occupation des sols, un tel document peut, pour des motifs d’urbanisme, interdire l’exercice de certaines activités commerciales dans une zone sans porter une atteinte illégale à la liberté du commerce et de l’industrie ou au droit de propriété ; que, par suite, le moyen invoqué, par la voie de l’exception , tiré de l’illégalité de cette disposition du POS, doit être écarté ;
    Considérant, en deuxième lieu, que les travaux objet de la déclaration de la société IMMO CONCEPT prévoyait l’extension d’une agence immobilière située au 30, avenue Longueil, en lui adjoignant le local commercial situé au rez-de-chaussée du n°32 de cette voie ; que cette extension, si elle n’implante pas une nouvelle enseigne sur l’avenue Longueil, entraîne la création d’une activité de services dans une boutique jusqu’alors occupée par une bijouterie ; qu’ainsi, en s’opposant aux travaux litigieux, le maire a fait application de l’article UA 2.4 précité du plan d’occupation des sols
    ».


    Cette solution n’est toutefois pas nouvelle puisque le Conseil d’Etat a eu l’occasion de jugé que :

    « Considérant qu'aux termes du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Yenne, en Savoie, publié le 6 mai 1982 et dans sa rédaction en vigueur à la date de délivrance du permis litigieux, la zone UE est "une zone réservée aux activités économiques, destinée à recevoir des établissements industriels, scientifiques ou techniques, des activités artisanales et commerciales à l'exclusion de l'habitat et des commerces de détail" ; que ces dispositions soumettent à la même interdiction le petit commerce et les magasins à grande surface se livrant à des opérations de commerce de détail ; qu'eu égard à l'objet d'un plan d'occupation des sols, un tel document peut interdire l'exercice de certaines activités commerciales dans une zone sans porter une atteinte illégale à la liberté du commerce et de l'industrie ;
    Considérant que, par un arrêté du 20 décembre 1982, le préfet de la Savoie a autorisé M. X... à construire un bâtiment à usage de supermarché en zone UE ; qu'un tel établissement, alors même que, comme le soutient le requérant, des activités de commerce de gros et de demi-gros étaient également prévues à titre accessoire, est principalement destiné à la vente au détail ; que dès lors, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal adminitratif a annulé la décision susmentionnée
    » (CE. 26 novembre 1986, Fol, req. n°65.618).


    ou, plus clairement encore, que :

    « Considérant d'une part qu'aux termes de l'article L 123-1 du code de l'urbanisme, les plans d'occupation des sols fixent les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols et notamment "les règles concernant le droit d'implanter les constructions, leur destination, leur nature, leur aspect extérieur, leurs dimensions..." ; qu'ainsi ces plans peuvent délimiter des zones dans lesquelles l'implantation des établissements commerciaux est interdite ou réglementée ; que, dans ces zones, des motifs d'urbanisme peuvent justifier l'application de règles différentes selon la nature ou l'importance des établissements concernés ; que la SOCIETE GUYENNE ET GASCOGNE n'est donc pas fondée à soutenir qu'en interdisant l'implantation de commerces de détail de plus de 500 m2 de surface commerciale dans les zones UA et UB du centre ville de Lourdes, les auteurs du plan d'occupation des sols de cette commune auraient méconnu l'article L 123-1 du code de l'urbanisme ;
    Considérant d'autre part que l'existence d'une législation soumettant à une autorisation particulière l'implantation de commerces de détail au delà d'un certain seuil de surface commerciale en vue de maintenir un équilibre entre les différentes formes de commerce ne fait pas obstacle à ce que, pour des motifs d'urbanisme, les plans d'occupation des sols interdisent dans certaines zones l'implantation de surfaces commerciales inférieures à ce seuil ;
    Considérant enfin qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en approuvant l'interdiction des commerces d'une surface hors oeuvre nette de plus de 500 m2 sur un sixième du territoire de la ville de Lourdes, dans des quartiers denses et peuplés du centre ancien de la ville où la circulation est difficile, notamment en période d'affluence, le préfet des Hautes-Pyrénées ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ou que cette décision ait répondu à d'autres motifs que ceux qui justifiaient légalement une telle interdiction ; que, dès lors cette interdiction ne porte pas d'atteinte illégale au principe de la liberté du commerce et de l'industrie
    " (CE. 7 mai 1986, req. n°57.902).


    Il est, toutefois, permis de s’interroger sur le point de savoir si cette solution est totalement transposable aux PLU. A priori oui dans la mesure où les décisions précitées sont motivée par l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme alors applicable que l’actuel article L.123-1 du Code de l’urbanisme n’a pas substantiellement changé ; ce dispositif devant être interprété au regard de l’article L.121-1 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « la diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale dans l'habitat urbain et dans l'habitat rural, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques, notamment commerciales, d'activités sportives ou culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics, en tenant compte en particulier de l'équilibre entre emploi et habitat, de la diversité commerciale et de la préservation des commerces de détail et de proximité ainsi que des moyens de transport et de la gestion des eaux ».

    Il reste que l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt » induit que les règles édictées par un règlement de zone peuvent variées pour les constructions de destination distinctes mais ne peuvent voir leur applicabilité et leur contenu modulés au sein d’une même destination de construction et, donc, notamment selon la nature des commerces en cause.

    Sur ce point comme sur tous les autres, force est donc d’attendre une jurisprudence significative sur la portée exacte de l’article précité.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés