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JURISURBA - Page 71

  • Sur le maintien de la jurisprudence « Thalamy » à l’encontre des travaux ayant irrégulièrement changé la destination d’une construction existante (I)

    Lorsque le sous-sol d’un immeuble initialement impropre à l'habitation a été transformé, sans permis de construire, en quatre appartements équipés de cuisines et de salles de bain, leur propriétaire ne saurait ultérieurement déposer une simple déclaration de travaux ayant pour objet, après décaissement du bâtiment, d'agrandir les ouvertures dont bénéficiaient les logements réalisés dans ces conditions : il lui incombe de présenter une demande de permis de construire autorisant l'ensemble des travaux qui ont eu ou qui devaient avoir pour effet de modifier la destination du sous-sol de son immeuble

    CE. 27 juillet 2009, SCI La Paix, req. n°305.920
    (134e note)

    Sans pour autant mettre en lui-même les choses au clair, voici un arrêt qui a le mérite de remettre les « pendules à l’heure » ; même si rendu l’empire des anciens articles L.421-1 et R.422-2 du Code de l’urbanisme, la question à laquelle il a trait est d’un d’intérêt plus réduit aujourd’hui .

    Comme le sait, les travaux illégalement réalisés ne sauraient aboutir à la formation d’une construction juridiquement existante et, par voie de conséquence, ne peuvent pas être pris en compte. En pareil cas, aucun travaux nouveaux ne saurait être légalement autorisée sur cette construction illégale sans que celle-ci ne soit régularisée par une autorisation adéquate (CE. 9 juillet 1986, Thalamy, req. n°51.172) ; sous réserve, toutefois, de la « prescription décennale » introduite par l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme.

    DTP.jpgC’est ainsi que le Conseil d’Etat a pu juger que ne pouvaient être autorisés sans une régularisation préalable des travaux portant sur une construction dont la destination avait été changée sans autorisation (CE. 8 juillet 1994, M. That, req. n°119.002) et, notamment, que des travaux projetés sur la façade d’une telle construction exigeait un permis de construire destiné à régulariser la destination de fait de cette dernière (CE. 30 mars 1994, Gigoult, req. n°137.881).

    En outre, il ressortait de la jurisprudence administrative qu’une construction est réputée conserver sa destination première, c’est-à-dire celle initialement autorisée, tant qu’un changement de destination n’a pas été entériné par une nouvelle autorisation d’urbanisme, y compris dans le cas où la construction n’a jamais reçu l’affectation pour laquelle elle avait été autorisée, telle une construction à destination d’habitation n’ayant jamais été occupée (CAA, Marseille, 10 décembre 1998, Cne de Carcès, req. n°97MA00527 ; CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Cne d’Eguilles, req. n° 02MA01240). Et bien plus, le Conseil d’Etat avait précisé que la circonstance qu’une construction soit utilisée à un autre usage que celle pour laquelle elle avait été autorisée ne lui faisait pas perdre sa destination initiale au regard du droit de l’urbanisme (CE. 31 mai 2001, Cne de d’Hyères-les-Palmier, req. n°234.226).

    grange.jpgPar voie de conséquence, pour déterminer s’il y avait ou non changement de destination, il convenait de s’en tenir à la destination autorisée de la construction et non pas à celle résultant de l’utilisation de celle-ci dès lors qu’elle n’avait pas été entérinée par une autorisation d’urbanisme.

    Mais ultérieurement, le Conseil d’Etat devait toutefois revenir sur cette jurisprudence (voir également : CE. 7 juillet 2008, M. Yves X., req. n°293.632), du moins pour application de l’ancien article R.422-2 (m) du Code de l’urbanisme assujettissant certains travaux à simple déclaration, et non pas à permis de construire, pour autant qu’ils n’emportent pas un changement de destination.

    « Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a relevé que le bâtiment en cause, initialement à usage agricole, avait ensuite été transformé à usage d'habitation ; qu'il a ensuite jugé que, dès lors que le propriétaire n'établissait pas que cette transformation avait fait l'objet d'un permis de construire l'autorisant, les travaux envisagés ne relevaient pas du régime de la déclaration de travaux et qu'il y avait lieu de régulariser le changement de destination de l'immeuble par le dépôt d'une demande de permis de construire ; qu'en recherchant les conditions dans lesquelles la destination du bâtiment avait évolué depuis sa construction et en annulant la décision attaquée au motif que le changement de cette destination n'avait pas régulièrement, dans le passé, fait l'objet d'une autorisation d’urbanisme, les juges du fond ont commis une erreur de droit ; que, dans ces conditions, les époux Fernandez et la commune de Carcassonne sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le bâtiment faisant l'objet de la déclaration de travaux en cause était déjà à usage d'habitation à la date de cette déclaration ; qu'il est constant que les travaux qui ont été déclarés, n'ont pas pour effet de changer la destination de ce bâtiment ; que si Mme soutient que ce bâtiment était initialement à usage de remise agricole et qu'ensuite, il y a plusieurs années, il a été transformé en bâtiment à usage d'habitation sans qu'une autorisation d’urbanisme ne soit intervenue, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; que ces travaux relèvent donc du régime de la déclaration dès lors qu'il n'est pas contesté qu'ils remplissent les conditions prévues à l'article R. 422-2 du code de l’urbanisme; qu'ainsi, Mme n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle le maire de Carcassonne ne s'est pas opposé à la réalisation des travaux déclarés par M.
    » (CE. 12 janvier 2007, Epx Fernandez., req. n°274.362).


    Il résulte de l’arrêt précité que pour établir s’il y a ou non changement de destination, il convient de prendre en compte non pas la destination initialement autorisée de la construction en cause mais sa destination effective à la date à laquelle l’administration statue sur la déclaration, y compris si cette destination a été irrégulièrement conférée à cette construction. A priori, cette solution a également vocation à valoir pour application des articles R.421-14 et R.421-17 du Code de l’urbanisme.

    Il ne faut cependant pas conclure au total l’abandon de la règle « Thalamy » en la matière comme en atteste l’arrêt objet de la présente note et par lequel le Conseil d’Etat a donc jugé :

    « Considérant que la SCI LA PAIX a déposé le 30 septembre 2003 une déclaration de travaux exemptés de permis de construire portant sur le décaissement d'un immeuble situé à Garges-lès-Gonesse et sur l'agrandissement des fenêtres de l'entresol ; que le maire s'est opposé à ces travaux par une décision du 25 novembre 2003 ; que la SCI a formé un pourvoi contre le jugement du 8 mars 2007 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté son recours dirigé contre cette décision ;
    Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : Quiconque désire entreprendre ou implanter une construction à usage d'habitation ou non, même ne comportant pas de fondations, doit, au préalable, obtenir un permis de construire (...) Sous réserve des dispositions des articles L. 422-1 à L. 422-5, le même permis est exigé pour les travaux exécutés sur les constructions existantes, lorsqu'ils ont pour effet d'en changer la destination ; qu'aux termes de l'article L. 422-2 du même code, : Les constructions ou travaux exemptés du permis de construire (...) font l'objet d'une déclaration auprès du maire de la commune avant le commencement des travaux ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le sous-sol de l'immeuble litigieux, impropre à l'habitation, a été transformé, sans permis de construire, en quatre appartements équipés de cuisines et de salles de bain ; que la SCI LA PAIX a déposé une simple déclaration de travaux ayant pour objet, après décaissement du bâtiment, d'agrandir les ouvertures dont bénéficiaient les logements réalisés dans ces conditions ; qu'il incombait, toutefois, à la SCI LA PAIX de présenter une demande de permis de construire autorisant l'ensemble des travaux qui ont eu ou qui devaient avoir pour effet de modifier la destination du sous-sol de son immeuble ; qu'ainsi, en jugeant que le maire était tenu de s'opposer aux travaux, au motif que le changement initial d'affectation des locaux n'avait pas été autorisé, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'une erreur de droit
    ».


    Dès lors qu’à notre sens l’arrêt précité ne marque pas non plus l’abandon de la jurisprudence « Fernandez », reste à savoir comment établir si les travaux projetés sur un ouvrage dont la destination a précédemment été irrégulièrement modifiée relèvent de cette dernière ou la jurisprudence « Thalamy », impliquant alors la régularisation de cet ouvrage.

    Selon nous, le critère déterminant peut-être rapproché de celui de « l’entreprise de construction unique » – issu de la jurisprudence pénale et relatif à l’achèvement des travaux comme élément déclenchant du délai de prescription de l’action publique – lequel nous parait également expliquer que, postérieurement à la jurisprudence « Fernandez » d’ailleurs, il a néanmoins put être jugé que l’on ne saurait régulièrement fractionner dans le temps le changement de destination, d’une part, et les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, d’une part, dès lors que ce changement et ces travaux sont liés (CAA. Lyon, 17 juin 2008, SARL « Sur La Montagne », req. n°07LY00056). En la matière donc, de deux choses à notre sens :

    - soit, les travaux projetés portent sur un ouvrage dont la destination a antérieurement été irrégulièrement modifiée mais ce, dans le cadre d’une entreprise de construction distincte et précédemment achevée et il y’a lieu d’appliquer la jurisprudence « Fernandez » pour, donc, s’en tenir à la destination de fait de l’ouvrage ;

    - soit, les travaux projetés portent sur un ouvrage dont la destination a été irrégulièrement modifiée certes antérieurement à ces travaux mais ce, dans le cadre de la même entreprise de construction que ces derniers et il y’a lieu d’appliquer la jurisprudence « Thalamy » et, donc, de régulariser le changement de destination litigieux, le cas échéant dans le cadre d’un permis de construire alors même que les travaux projetés ne relèveraient-ils isolément que du champ d’application de la déclaration préalable.

    (A suivre)


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Veille administrative : Sur le régime juridique des cabanes dans les arbres

    Question publiée au JO le : 03/02/2009 page : 951

    "Mme Marie-Jo Zimmermann attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur le cas des constructions et installations, telles que cabanes dans les arbres ou yourtes ou tipis. Elle lui demande de lui préciser le régime juridique qui leur est applicable au regard du code de l'urbanisme".

    Réponse publiée au JO le : 19/05/2009 page : 4858
    "Au regard de la réglementation applicable en matière de camping, les yourtes ou tipis peuvent être assimilées à des tentes, si elles sont non équipées. Elles peuvent être assimilées à des habitations légères de loisirs (HLL) si elles comportent des équipements intérieurs, tels que des blocs cuisine ou sanitaires. Dans un cas comme dans l'autre, ces hébergements sont strictement réglementés par le code de l'urbanisme. Les tentes peuvent être installées soit dans les terrains de camping aménagés, soit sur parcelle individuelle avec l'accord de celui qui a la jouissance du terrain, dans les conditions prévues par les articles R. 111-41 et suivants du code de l'urbanisme. Les HLL peuvent être implantées dans les terrains de campings, les parcs résidentiels de loisirs, certains villages de vacances ou encore dans certaines dépendances des maisons familiales de vacances. Les cabanes dans les arbres sont aussi éligibles au régime juridique des HLL. Dans ce cadre, ces installations d'une surface hors oeuvre nette inférieure (SHON) à 35 mètres carrés sont dispensées de formalité. Si elles présentent une SHON supérieure, une déclaration préalable est exigée. En dehors des quatre lieux d'implantations susvisés (terrains de campings, parcs résidentiels de loisirs, certains villages de vacances, certaines dépendances des maisons familiales de vacances), ces constructions sont soumises au droit commun des constructions, c'est-à-dire : déclaration préalable entre 2 et 20 m² de surface hors oeuvre brute (SHOB) et permis de construire au-dessus de 20 m² de SHOB, conformément aux dispositions des articles R. 421-1, R. 421-2 et R. 421-9 du code de l'urbanisme".

    En effet, hors du cas des "HLL" une cabane dans un arbre, sauf à développer une SHOB inférieure à 2 mètres carrés ou à avoir une durée d'installation inférieure à 3 mois se trouve assujettie soit à déclaration préalable, soit à permis de construire pusqu'une cabane bien qu'en bois n'en est pas moins une construction, en toute hypothèse soumise aux prescriptions d'urbanisme, et que la circonstance qu'une construction ne soit pas directement implantée sur le sol - notamment parce qu'elle est sur pilotis - ne la fait échapper au droit des autorisation d'occupation et d'utilisation du sol. 



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Du possible fractionnement de la réalisation d'un ensemble immobilier unique en plusieurs permis de construire

    Si la réalisation d'un ensemble immobilier unique doit en principe faire l'objet d'un seul permis de construire, l'ampleur et la complexité du projet peuvent justifier que les éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l'objet de permis distincts, à la condition que l'autorité administrative ait vérifié, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés.

    CE. 17 juillet 2009, Ville de Grenoble & Communauté d’Agglomération Grenoble Alpes Métropole, req. n°301.615 (133e note)

    jurisurba.jpgDans cette affaire, la communauté d'agglomération Grenoble Alpes Métropoles avait sollicité et obtenu un permis de permis de construire en vue d'être autorisée à réaliser un stade. Et parallèlement, la ville de Grenoble s’était vue délivrer le même jour un permis de construire portant sur la réalisation d'un parc de stationnement sous-terrain à aménager en dessous du stade projeté par la communauté d'agglomération.

    Mais confirmant le jugement de première instance, la Cour administrative d’appel de Lyon devait annuler le permis de construire délivré à la communauté d'agglomération Grenoble Alpes Métropole au motif tiré de l’irrégulier fractionnement de l’ensemble immobilier indivisible constitué par le stade et le parc de stationnement en deux permis de construire (CAA. Lyon, 28 décembre 2006, Association « SOS Parc Paul Mistral », req. n°05LY01535 ; cf : notre note : « La réalisation d’un ouvrage indivisible ne peut relever que d’un seul et même permis de construire », Construction & Urbanisme, n°4/2007). Et si la ville que la communauté d’agglomération devaient se pouvoir en cassation à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel, il reste qu’au vu de la jurisprudence ultérieure du Conseil d’Etat en la matière, les chances de succès de ce pourvoi apparaissaient minces puisque, confirmant ce qui ne ressortait alors qu’implicitement de sa jurisprudence (voir notamment : CE. 17 décembre 2003, Mme Bontemps, req. n° 242.282 ; CE. 25 septembre 1995, Mme Giron, req. n° 120.438 ; CE. 10 mai 1996, M. & Mme Maleriat Bihler, req. n° 136.926), la Haute Cour devait quelques mois après l’arrêt d’appel attaqué, poser le principe selon lequel « des constructions indivisibles doivent faire l'objet d'un permis de construire unique », ce dont il « résulte qu'un permis de construire ne peut être délivré à une partie seulement d'un ensemble indivisible » (CE. 10 octobre 2007, Association de défense de l'environnement d'une usine située aux Maisons à Saint-«Jory-Lasbloux, req. n°277.314 ; cf : notre note : « Des constructions constituant un ensemble indivisible doivent faire l’objet d’un permis de construire unique », Construction & Urbanisme, n°11/2007).

    Néanmoins, le Conseil d’Etat devait donc annuler l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon – et renvoyer l’affaire à cette dernière – et ce faisant, substantiellement infléchir la règle consacrée par l’arrêt précité d’octobre 2007 :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : Le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords et si le demandeur s'engage à respecter les règles générales de construction prises en application du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation. / En outre, pour les immeubles de grande hauteur ou les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux règles de sécurité propres à ce type d'immeubles ou d'établissements, que les locaux concernés soient ou non à usage d'habitation. / Pour les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation. (...) ; que s'il résulte de ces dispositions qu'une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l'objet d'un seul permis de construire, elles ne font pas obstacle à ce que, lorsque l'ampleur et la complexité du projet le justifient, notamment en cas d'intervention de plusieurs maîtres d'ouvrage, les éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l'objet de permis distincts, sous réserve que l'autorité administrative ait vérifié, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés ».

    Il faut en effet souligner que, par l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat n’a pas totalement abandonné le principe selon lequel l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme, et donc l’actuel article L.421-6, impliquent que la réalisation d’un ensemble immobilier unique doit faire l’objet d’un seul et même permis de construire ; principe constituant le prolongement de la jurisprudence constante selon laquelle il résulte de ces mêmes dispositions que l’administration en charge d’instruire la demande ne peut délivrer le permis de construire sollicité sans prendre parti sur tous les aspects du projet et ainsi vérifier sa conformité d’ensemble au regard des règles qui lui sont opposables, ce qui s’oppose à ce que pour certains aspects du projet elle renvoie à une autorisation distincte (CE. 7 novembre 1973, Giudicelli, req. n° 85.237).

    Mais à cet égard, le premier apport de l’arrêt commenté est d’avoir défini le champ d’application matériel de cette règle de principe, à savoir une construction formant un ensemble immobilier unique.

    CALJMHU4CASULTCUCAZM1E1QCA7XW5H1CAARIA6TCA2ZMC37CAO0KGAFCA3CZ7S3CAO30SDWCATSMIMGCAL9BRWOCA7EHHD3CAPL1YJTCAOJUD6RCABM8PJECA61V7XTCAWBY2YYCADZNSEZ.jpgSur ce point, trois remarques méritent d’être formulées. Tout d’abord, l’arrêt commenté fait donc exclusivement référence à la notion d’ensemble immobilier unique et n’évoque jamais la notion d’ensemble indivisible ou indissociable (cf : notre article : « La divisibilité des ouvrages et des ensembles immobiliers en droit de l’urbanisme », Construction & Urbanisme, n°3/2006) ; ce qui nous semble pourvoir s’expliquer par le tempérament apporté à cette règle puisque si un ensemble immobilier unique peut dans certains cas faire l’objet de plusieurs permis de construire c’est donc qu’il n’est pas indivisible à cet égard.

    Ensuite, cet arrêt définit ce qu’il faut entendre par ensemble immobilier unique. Il s’agit des ouvrages dont les composantes sont liées entre elle d’un point de vue physique et/ou fonctionnel. Il peut donc s’agir des parties d’un ouvrage accolées ou superposées mais également, nous semble-t-il, de « volumes » reliés physiquement l’un à l’autre par un équipement ou un élément de construction commun.

    Mais cette règle de principe tend également à s’appliquer aux ouvrages qui bien que dissociés d’un point de vue physique sont liés entre eux par un rapport d’interdépendance fonctionnelle, c’est-à-dire lorsque le projet pris dans son ensemble ne peut fonctionner sans la réalisation de toutes ses composantes (en ce sens : CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n° 172.183. Pour exemple, notre note : Les surfaces respectives d’ouvrages projetés sur un terrain bâti qui pour être réalisés concomitamment sont néanmoins dissociables n’ont pas à être additionnées pour établir si elles sont soumises à permis de construire ou à déclaration de travaux », TA. Nice, 24 mai 2006, Mme Baracco, Construction & Urbanisme, n°1/2007).

    Enfin, là où la décision d’octobre 2007 visait le cas « des constructions indivisibles », cet arrêt envisage uniquement l’hypothèse d’une construction formant un ensemble immobilier unique.

    Est-ce à dire que la règle de principe conservée par l’arrêt commenté ne trouve pas à s’appliquer dans le cas de constructions distinctes et qu’en toute hypothèse, celles-ci pourront nécessairement donner lieu à plusieurs permis de construire ? A priori, non puisqu’il résulte de l’arrêt commenté qu’un ensemble immobilier unique peut être constitué par la réunion de composantes physiquement dissociées et uniquement liées entre elles d’un point de vue fonctionnel.

    Or, si ces composantes n’ont strictement aucun lien physique, c’est qu’elles constituent autant de constructions distinctes.

    images.jpgMais le second et principal apport de l’arrêt commenté est donc d’avoir substantiellement assoupli la portée de la règle de principe fondée sur l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme pour ce faisant annuler l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon pour avoir annulé le permis de construire contesté « du seul fait qu'il ne portait pas sur la totalité de l'ensemble immobilier » ; ce qui n’est toutefois pas tout à fait exact dans la mesure où c’est au regard de l’incidence du fractionnement de l’opération au regard de son assujettissement à enquête publique que la Cour a statué. Selon le considérant de principe de la décision objet de présente note, en effet, les dispositions de l’ancien article L.421-3 et de l’actuel article L.421-6 du Code de l’urbanisme ne font pas obstacle à ce que, lorsque l'ampleur et la complexité du projet le justifient, notamment en cas d'intervention de plusieurs maîtres d'ouvrage, les éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l'objet de permis distincts, sous réserve que l'autorité administrative ait vérifié, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés.

    Ce tempérament de la règle de principe appelle trois principales observations, correspondant aux trois principales conditions pour qu’un ensemble immobilier unique puisse relever de permis de construire distincts.

    En premier lieu, le fractionnement de la réalisation d’un ensemble immobilier unique n’est possible que lorsque l’ampleur et la complexité du projet le justifient ; toute la difficulté étant d’établir à partir de quel stade l’ampleur et la complexité du projet peuvent le justifier.

    En effet, si le Conseil d’Etat a mis en exergue « l’intervention de plusieurs maîtres d’ouvrage », il ne nous semble pas pouvoir s’agir d’un critère déterminant compte tenu du caractère réel et non pas personnel de la législation sur les autorisations d’urbanisme ; sans compter que si tel était le cas, la règle de principe tirée de l’ancien article L.421-3 pourrait être aisément contournée sur ce point par la constitution de plusieurs structures ad hoc distinctes.

    Il n’en demeure pas moins que les perspectives ouvertes par cet arrêt tendent à réduire l’intérêt de la consécration du permis de construire conjoint (sur ce point, voir notre article : « Le permis de construire conjoint », RDI, n°9/2008).

    En deuxième lieu, ce fractionnement en plusieurs permis de construire distincts n’est possible qu’à la condition qu’en outre, chacune des autorisations portent sur un élément du projet ayant une vocation fonctionnelle autonome.

    Cette condition appelle elle-même trois remarques.

    Tout d’abord, quelles que soient l’ampleur et la complexité du projet, seules ses composantes autonomes peuvent donc donner à des permis de construire distincts mais, par voie de conséquence, les différents éléments de cette composante doivent quant à eux nécessairement relever d’un même permis de construire dès lors qu’ils sont indépendantes les uns des autres (sur l’exemple de la divisibilité d’une composante d’un projet mais dont les différents éléments sont en revanche indissociables : CAA. Lyon. 19 avril 1994, Préfet du Dpt de Haute-Corse, req. n° 93LY01230). Le seul fait qu’un ensemble immobilier unique réunisse plusieurs composantes autonomes ne saurait permettre de fractionner librement sa réalisation en plusieurs permis de construire : il ne saurait y avoir plus de permis de construire que de composantes autonomes et chacune des autorisations délivrées doit correspondre à la totalité des éléments composant cette composante ; rien ne semblant s’opposer à ce qu’un même permis de construire porte sur la totalité de plusieurs de ces composantes.

    Ensuite, l’autonomie des composantes doit être appréciée d’un point de vue exclusivement fonctionnel puisqu’il résulte de l’arrêt commenté et du cas d’espèce que le seul fait que les composantes d’un projet soient liées par un rapport d’interdépendance physique et technique résultant du fait que la réalisation de l’une dépend de celle de l’autre ne s’oppose pas à son fractionnement en plusieurs permis de construire.

    Enfin, cette autonomie fonctionnelle semble devoir être appréciée isolément, uniquement en considération de la fonction propre de la composante du projet considérée puisqu’il est clair en l’espèce que le parc de stationnement souterrain était utile au stade à construire en superstructure. Néanmoins, cette circonstance ne s’est pas opposée à ce que le Conseil d’Etat considère que ce parc et ce stade avaient « chacun une vocation fonctionnelle autonome ».

    En troisième et dernier lieu, il est encore nécessaire que l'autorité administrative vérifie, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés. Cette condition génère deux principales interrogations : quelles règles et quels intérêts doivent être pris en compte et comment l’autorité compétente peut-elle porter ou, à tout le moins, être regardée comme ayant porté sur le projet une appréciation globale.

    S’agissant de la protection des règles et intérêts que garantit par principe la délivrance d’un permis de construire unique, il est clair qu’il doit au premier chef s’agir du respect des règles d’urbanisme applicables au projet.

    L’administration doit donc vérifier que pris dans sa globalité, et non pas composante par composante, et demande par demande, le projet respecte l’ensemble des règles projet lui étant opposables et, en d’autres termes, que le fractionnement de sa réalisation en plusieurs autorisations n’aboutit pas à contourner une ou plusieurs de ces règles (pour l’exemple d’un fractionnement frauduleux : CAA. Paris, 18 octobre 2001, MM. Frack & Pinvin, req. n° 98PA02786).

    Reste qu’il convient d’établir comment l’administration peut vérifier, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés ; étant relevé que le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt d’appel pour avoir annuler le permis de construire attaqué du seul fait qu’il ne portait que sur une partie de l’ensemble immobilier projeté tout en soulignant qu’au surplus, « les deux permis avaient fait l'objet d'une instruction commune et avaient à l'origine été délivrés le même jour ».

    CA87GF8LCA7JPQ6SCANECO38CA5O3NNZCANC0SLECA9JM18JCAO2OSAHCACO2WD5CAHB2DY6CALSWPQ3CA1GAF1QCAGJ1Z4KCAK3GKZBCAE4TWS5CAAO8H5GCA2XVUXPCA9X0IP7CA5DK1MV.jpgTout d’abord, il parait nécessaire que toutes les demandes de permis de construire fassent l’objet d’une instruction commune ou, à tout le moins, coordonnée puisque l’on voit mal comment à défaut, au terme d’instructions isolées de chacune de ces demandes, l’administration pourrait être réputée avoir opéré une appréciation globale du projet. Mais sur ce point, la question est encore de savoir si l’administration peut ou doit procéder spontanément à cette instruction globale ou si elle doit y avoir été invitée, d’une façon ou d’une autre, par le ou les pétitionnaires. A priori, il serait logique que l’administration y soit invitée par le ou les pétitionnaires à travers les dossiers de demande.

    Deux considérations nous paraissent aller dans ce sens.

    D’une part, on sait que lorsque la réalisation d’un projet implique plusieurs autorisations distinctes – tels un permis de construire et un permis de démolir – le dossier de demande de permis de construire doit, au titre de l’article R.431-21 du Code de l’urbanisme justifier de la demande de permis de démolir aux fins d’assurer la coordination des procédures d’instruction. A défaut, le permis de construire délivré dans ces conditions est illégal.

    D’autre part, considérer que l’administration devrait spontanément procéder à cette instruction commune signifierait qu’elle devrait systématiquement rechercher si la demande de permis de construire qui lui est présentée se rapporte ou non à un projet dont l’une des composantes ferait concomitamment l’objet d’une autre demande. Il nous semble donc nécessaire que les dossiers de demande précise se rapporter à une partie d’un projet dont les autres composantes font l’objet d’autres demandes de sorte à mettre l’administration en mesure de procéder à une appréciation global du projet.

    Ensuite, et par voie de conséquence, force est d’admettre que la possibilité ainsi offerte qu’un ensemble immobilier unique donnent lieu à plusieurs permis de construire s’oppose à ce que la présentation des demandes soient trop fractionnées dans le temps. Ici encore, on voit en effet mal comment, du moins pour ce qui concerne la légalité du premier permis de construire, l’administration pourrait être réputée avoir apprécié globalement le projet si la première autorisation était délivrée avant même que la seconde n’ait été sollicitée.

    PC.jpgMais enfin, il faut se demander s’il est impératif que tous les permis de construire soient délivrés à la même date.

    En première analyse et si l’on s’en tient aux règles précédemment dégagés en la matière, ceci semble effectivement nécessaire, du moins pour assurer la légalité de l’ensemble de permis de construire se rapportant au projet.

    En effet, il ressort de la jurisprudence rendue en matière d’autorisations connexes que l’administration n’est réputée avoir connaissance d’un projet qu’à partir du moment où elle a statué sur la demande.

    Telle est la raison pour laquelle, compte tenu du principe d’indépendance des procédures, le seul fait que l’administration ait effectivement été précédemment saisie d’une demande de permis de démolir avant de délivrer un permis de construire n’assure pas la légalité de ce dernier au regard de l’article R.431-20 du Code de l’urbanisme mais qu’en revanche, le fait que la demande de permis de démolir n’ait pas été jointe au dossier de demande permis de construire est sans incidence si le permis de démolir a été délivré avant la délivrance du permis de construire puisqu’alors l’administration est réputée avoir eu connaissance de la première autorisation avant de délivrer la seconde (CE. 26 octobre 1994, OPHLM du Maine-et-Loire, req. n°127.718).

    Cependant, cette conclusion doit être doublement nuancée.

    D’une part, telle qu’il avait initialement dégagé, le principe selon lequel des constructions indivisibles devaient nécessairement donner lieu à un permis de construire unique semblait s’expliquer non seulement par les exigences résultant de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme mais également par le fait qu’en vertu du principe d’indépendance des procédures, l’administration devait être mise en mesure de ce prononcer sur l’ensemble du projet et en avoir ainsi une connaissance complète à l’examen du seul dossier de demande produit par le pétitionnaire.

    Or, en admettant en l’espèce que l’administration pouvait apprécier globalement la conformité d’un même projet à travers l’examen de demandes de permis de construire distinctes, le Conseil d’Etat a substantiellement assoupli le principe d’indépendance des procédures.

    Il ne semble donc pas exclu que même lorsque les permis de construire se rapportant au projet n’auront pas été délivrés à la même date, leur légalité pourra être établie pour autant que l’administration puisse démontrer que dès la délivrance du premier permis elle avait une connaissance complète du projet lui permettant de le contrôler dans sa globalité.

    D’autre part et en toute hypothèse, il faut rappeler que la question de la possibilité de fractionner la réalisation d’un ouvrage indivisible en plusieurs permis de construire s’était déjà posée au sujet de la réalisation de l’opéra Bastille et, plus précisément, à l’occasion du recours à l’encontre du second permis de construire s’y rapportant.

    Or, le Conseil d’Etat avait considéré que l’administration avait pu délivrer, sans commettre d’erreur de droit, le permis de construire correspondant à la tranche A de l’Opéra Bastille au motif qu’elle avait précédemment autorisé la tranche B et qu’elle était donc en mesure d’apprécier l’aspect définitif de l’ensemble immobilier ainsi autorisé, lequel ne dépendait plus de permis de construire ultérieurs (CE. 23 décembre 1987, Centre national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, Rec., p. 433).

    De ce fait, même à admettre que les deux permis de construire doivent être délivrés à la même date, la méconnaissance de cette exigence n’aurait d’incidence que sur la légalité du premier.

    En revanche, la légalité du second serait assurée dès lors que le premier serait définitif – puisqu’en revanche, son éventuelle annulation s’opposerait a priori à ce que l’administration s’en prévale pour établir son appréciation globale du projet – et pour autant, bien entendu, que les autres conditions posées par l’arrêt commenté soient respectées.




    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris

    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Qu’est-ce que le terrain au sens des articles R.424-15 et R.600-2 du Code de l’urbanisme ?

    L’affichage sur une parcelle de l’unité foncière satisfait aux prescriptions de l’article R.424-15 du Code de l’urbanisme, y compris si cette parcelle ne compte pas parmi celles sur lesquelles portent le permis de construire et constituant l’assiette du projet autorisé.

    TA. Cergy-Pontoise, 20 mars 2009, SARL AMINECOV, req. n°08-10295

    Bien qu’il appelle peu de commentaires, voici un jugement intéressant compte tenu de son intérêt pratique évident.

    P6CAU1DLRBCAEKRW54CAMZ66FVCAXCAOUACAJPDWCBCA13FR1GCAX0AO92CAD4FL3MCA6RZ559CA31M8TJCATL3JOCCA2F1JH1CA1G7PE9CAC0O2E9CAINGMRBCAQNHGPUCA7HBJE5CA53MG4ZCAHO81VF.jpgDans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire un ensemble immobilier à destination d’habitation sur un terrain bordé par trois voies. Et pour application de l’article R.424-15 du Code de l’urbanisme, celui-ci avait fait procéder à l’affichage de son autorisation sur deux de celles-ci et, immédiatement, l’avait fait constater par plusieurs constats d’huissier. Toutefois, un voisin devait exercer un recours gracieux puis un recours en annulation à l’encontre de ce permis de construire mais ce, après le délai de deux mois prévus par l’article R.600-2 du Code de l’urbanisme, tel qu’il résultait du premier des constats d’huissier qu’avait fait réalisé le pétitionnaire ; ce qu’en défense, ce dernier ne manqua évidemment pas d’opposer au requérant pour conclure à l’irrecevabilité de sa demande.

    Mais le requérant devait faire valoir que l’un des trois panneaux d’affichage apposés par le pétitionnaire l’avait été sur une parcelle ne comptant pas parmi celles sur laquelle portait le permis de construire contester pour ainsi soutenir que cet affichage n’avait pu déclencher le délai de recours fixé par l’article R.600-2, même si ces parcelles étaient contiguës et appartenaient toutes à un même propriétaire et, en d’autres termes, constituaient donc une seule et même unité foncière ; le requérant soutenant ailleurs que l’affichage sur la deuxième voie était également inopérant puisque c’était volontairement que le permis de construire n’avait pas été affiché sur la troisième donnant accès à son domicile. Néanmoins, cet argument devait être rejeté par le Tribunal administratif aux motifs suivants :

    « Considérant que, par arrêté du 20 novembre 2007, le maire d’Ezanville a délivré un permis de construire à la SNC Ezanville-les-Ouches en vue de la construction de 113 logements collectifs et individuels sur un terrain situé rue de la Fraternité-rue Colbert ; que par un recours gracieux du 11 juillet 2008 et une requête enregistrée le 24 septembre 2008, la SARL AMINECOV a demandé l’annulation de cet arrêté ; qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des constats d’huissier en date du 13 décembre 2007, 23 janvier 2008 et 12 février 2008, que le permis de construire attaqué a été affiché sur le terrain, sur la clôture du chantier rue Simone de Beauvoir et sur le mur de clôture du terrain rue de la Fraternité, au plus tard le 13 décembre 2007, date du premier constat d’huissier susmentionné ; que la circonstance que le permis litigieux n’ait pas été affiché sur une partie de son terrain d’assiette desservie par une troisième voie est sans incidence sur la régularité de cet affichage ; qu’ainsi, le recours gracieux exercé le 11 juillet 2008 était tardif et n’a pu par conséquent proroger le délai de recours contentieux qui était expiré le 24 septembre 2008, date d’enregistrement de la requête ; que, dès lors, la requête est entachée d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance et doit être rejetée selon la procédure fixée par les dispositions précitées de l’article R.222-1 du code de justice administrative » ;

    ce qui apparut , d’ailleurs, si évident pour le Tribunal que la requête fut rejetée pour irrecevabilité manifeste sur le fondement de l’article R.222-1 du Code de justice administrative.

    Il est vrai, en effet, que les articles R.600-2 et R.424-15 du Code de l’urbanisme se bornent à disposer respectivement que :

    « le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 » ;

    et :

    « mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. Cet affichage n'est pas obligatoire pour les déclarations préalables portant sur une coupe ou un abattage d'arbres situés en dehors des secteurs urbanisés » ;

    mais ce, de la même façon qu’à titre d’exemple, l’article R.423-1 (a) du Code de l’urbanisme précise que :

    « les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés (…) par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ».

    Or, comme on le sait, à ce titre notamment, la notion de terrain doit par principe s’entendre de l’unité foncière, c’est-à-dire d’un ilot de propriété d’un seul tenant composé, le cas échéant, de plusieurs parcelles dès lors que celles-ci, donc, sont contiguës et appartiennent à un même propriétaire ; telle étant la raison pour laquelle à titre d’exemple s’agissant de l’application des prescriptions de fond :

    • d’une part, la limite commune des assiettes respectives de deux permis de construire ne constitue pas une limite séparative au sens de l’article 7 d’un règlement d’urbanisme local dès lors que ces deux autorisations portent sur une même unité foncière (CAA. Paris, 29 avril 2004, OPAC de Paris, req. n°00PA03311) ;

    • d’autre part, un accès à aménager sur une parcelle permet de satisfaire à l’article R.111-5 du Code de l’urbanisme même si cette parcelle ne compte pas parmi celles constituant l’assiette foncière du projet dès lors qu’elles relèvent toutes d’une même unité foncière (CE. 8 octobre 2008, M. Jean-Pierre B., req. n°292.799).

    Il n’en va donc pas différemment pour les articles R.424-15 et R.600-2 du Code de l’urbanisme : pour apprécier la régularité de l'affichage sur le terrain, il faut donc se référer, au premier chef, à la notion d’unité foncière; étant toutefois rappelé que dans certains cas particuliers cet affichage peut être régulièrement opéré sur un terrain voisin (pour exemple, CE. 23 otcobre 1991, Cne de Rueil-Malmaison, req. n°119.065). 


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés