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JURISURBA - Page 74

  • Sur l’annulation partielle d’un permis de construire en tant qu’il vaut autorisation de division

    La méconnaissance des prescriptions de l’article 5 d’un règlement local d’urbanisme résultant de la surface des terrains issus d’un permis de construire délivré au titre de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme affecte d’illégalité cette autorisation dans son ensemble et ne peut donc emporter son annulation partielle sur le fondement de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Bordeaux, 17 mars 2009, Sté Bouygues Immobilier, req. n°07BX02438



    Voici un arrêt intéressant non seulement en ce qu’il illustre le champ d’application – décidément limité de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme – mais surtout parce qu’il permet d’appréhender la nature du permis de construire valant division aujourd’hui régi par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

    Dans cette affaire, la société requérante avait obtenu un permis de construire portant sur l’édification de 35 maisons individuelles, lequel devait être contesté sur le fondement de l’article 5 du règlement de POS applicable disposant que « « pour être constructible, un terrain doit avoir une surface minimale de 500 m². En cas de lotissements ou de groupes d'habitations, certaines parcelles issues de l'opération peuvent avoir une superficie minimale de 300 m², sans que la moyenne de celles-ci ne soit inférieure au seuil fixé précédemment ». Et précisément, ce moyen devait être retenu par le Tribunal administratif de Pau puis par la Cour administrative d’appel

    « Considérant que l'opération projetée par la SOCIETE BOUYGUES IMMOBILIER doit, eu égard à sa conception, ainsi qu'au contenu du dossier, notamment l'engagement du demandeur, pris au titre d'un « permis de construire valant division », et faisant référence à l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme, être regardée, non comme un lotissement, mais comme une division de terrain en propriété ou en jouissance ; que, dans ces conditions, le permis en cause vaut autorisation de division parcellaire en application des dispositions de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme ; que la circonstance que les constructions projetées seront vendues sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement ne rend pas par elle-même inapplicables les dispositions de l'article III NA 5, qui imposent qu'un terrain susceptible d'accueillir trente cinq constructions ait une superficie minimale de 17 500 m² (35x500 m²) ; que la surface du terrain à prendre en compte pour l'application des dispositions de l'article III NA 5 précité ne peut être en l'espèce que, soit la superficie de 17 447 m² indiquée par le pétitionnaire dans la demande de permis de construire du 13 août 2004, soit la superficie de 17 367 m² mentionnée dans l'attestation notariale du 28 septembre 2004, inférieures au minimum de 17 500 m² susmentionné ; qu'ainsi, compte tenu de la superficie du terrain à prendre en considération ci-dessus déterminée, et dès lors qu'il est constant que le projet prévoit effectivement une division en propriété, les dispositions de l'article III NA 5 précité du règlement du plan d'occupation des sols ont été méconnues ; que, par suite, le permis de construire délivré le 22 décembre 2004 est entaché d'illégalité ».

    Cette solution apparait difficilement contestable en l’état. En effet, quand bien pourrait-il être considéré qu’il y a lieu e faire application du principe fixé par l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme – en ce qu’il dispose que « dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur un même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, les règles édictées par le plan local d'urbanisme sont appréciées au regard de l'ensemble du projet » – a un permis de construire délivré avant l’entrée en vigueur (le 1er octobre 2007) de ce dispositif dans la mesure où celui-ci n’a pas trait à la détermination des règles applicables mais à leur modalité d’application, il reste qu’en toute hypothèse, l’article précité précise que la règle qu’il pose vaut « sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ».

    Or, en l’espèce, l’article 5 du règlement de POS applicable précisait expressément que « en cas de lotissements ou de groupes d'habitations, certaines parcelles issues de l'opération peuvent avoir une superficie minimale de 300 m², sans que la moyenne de celles-ci ne soit inférieure au seuil fixé précédemment ».

    Partant, il y avait donc lieu de faire application des solutions précédemment dégagées par la jurisprudence administrative et, notamment, par la jurisprudence dite « Ville de Sceaux » et, en d’autres termes, de faire application des prescriptions de l’article 5 susvisé non pas à l’échelle de l’ensemble du terrain à construire mais à l’échelon de chacune des trente-cinq parcelles à créer en exécution du permis de construire contesté – et, compte tenu des spécificité de cet article, en considération de la superficie moyenne de ces trente-cinq parcelle comme l’a d’ailleurs clairement jugé la Cour en précisant « qu'il résulte de ces dispositions que cette règle de surface minimale ne doit pas être appréciée parcelle par parcelle mais par rapport à la surface moyenne des parcelles obtenue en divisant celle du terrain d'assiette par le nombre de lots nouvellement créés » – pour ainsi constater la méconnaissance des prescriptions de cet article par cette autorisation ; étant précisé que dans la mesure où les dispositions de cet article se bornaient à viser, d’une part, les opérations induisant une division (« en cas de lotissements ou de groupes d'habitations ») et, d’autres part, les « parcelles issues de l'opération », il n’y avait pas lieu de rechercher si les divisions induites par l’opération en cause étaient en propriété ou en jouissance.

    Il reste qu’à titre subsidiaire, la société requérante avait sollicité que le permis de construire ne soit que partiellement annulé en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme. Mais cette demande devait également être rejetée par la Cour au motif suivant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, dont la requérante demande la mise en œuvre : « lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive » ; que le motif d'illégalité du permis de construire délivré retenu ci-dessus, qui met en cause la division parcellaire du terrain d'assiette des constructions, affecte la totalité du permis et ne permet donc pas au juge de prononcer l'annulation partielle du permis litigieux ».

    A ce stade, il faut s’interroger sur le point de savoir en quoi aurait pu consister l’annulation partielle sollicitée au regard du motif d’annulation retenu. Selon nous, trois principales pistes pouvaient être envisagées.

    Tout d’abord, on peut considérer qu’il peut être fait grief au permis de construire contesté d’avoir porter sur un terrain d’une superficie insuffisante pour accueillir l’opération telle qu’elle était projetée.

    Or, quand bien même ce vice aurait-il pu être régularisé par un « modificatif » consistant à adjoindre au terrain des opérations une bande de terrain voisine destiné à augmenter la superficie d’un des « lots » à créer et ce faisant, à augmenter la superficie moyenne de chacun des trente-cinq « lots » projetés, il ne demeure pas moins que l’insuffisante superficie du terrain d’assiette d’une opération ne peut être raisonnablement considérée comme n’affectant qu’une « partie du projet » au sens de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme puisqu’il ne peut y avoir d’opération de construction sans terrain.

    Dès lors que l’irrégularité du terrain d’assiette d’une opération concerne l’ensemble de celui-ci et de façon indissociable, force est donc de considérer qu’elle affecte d’illégalité l’ensemble de l’opération projetée sur ce terrain.

    Inversement, au regard de la contenance du terrain d’assiette de l’opération projetée, on peut ensuite considérer que c’est la création d’un trente-cinquième « lot » et d’une trente-cinquième construction qui a affecté d’illégalité le permis de construire contesté et, partant, que la Cour administrative d’appel n’aurait donc pu annuler cette autorisation qu’en tant qu’elle prévoyait ce trente-cinquième « lot » et cette trente-cinquième construction.

    Il reste que ce faisant la Cour aurait ipso facto réduit la superficie du terrain d’assiette du permis de construire dont, par voie de conséquence, les trente-quatre « lots » et constructions validés n’auraient toujours pas respectés les prescriptions de l’article 5 du règlement de POS applicable.

    Enfin, au regard de la contenance du terrain d’assiette de l’opération et de la consistance de cette dernière, on peut plus généralement reprocher au permis de construire contesté d’avoir valu autorisation de division au titre de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme pour ainsi conclure à ce que la Cour aurait pu annuler ce permis qu’en ce qu’il valait également autorisation de division pour, en d’autres termes, le valider en tant que permis « simple ».

    Il faut, toutefois, relever que pour conclure à ce que l’autorisation en cause relevait du champ d’application de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, la Cour s’est fondée sur la « conception » de l’opération en cause.

    Il n’est en effet pas inutile de rappeler que le seul fait qu’un dossier de demande de permis de construire comporte ou non les pièces requises par l’article précité ne suffit pas à établir que le permis de construire sollicité est ou non un permis de construire valant division. En effet, le juge administratif apprécie l’applicabilité de l’article précité non pas en considération des pièces produites par le pétitionnaire mais au regard des caractéristiques de l’ensemble immobilier projeté objet de la demande de permis de construire, dont il peut déduire que sa réalisation, sa commercialisation et/ou sa gestion impliquera nécessairement des divisions foncières (CE. 8 février 1999, Cne de La Clusaz, req. n°171.94 ; CAA. Lyon, 10 juin 1997, Sté MGM, req. n°96LY00389 ;CE. 27 avril 1994, M. Vuillerme, req. n°139.238).

    Par voie de conséquence, une telle annulation partielle n’aurait eu aucun sens puisqu’elle aurait impliqué de transformer en un permis de construire simple une autorisation portant sur une opération qui au regard de sa conception relevait nécessairement du champ d’application de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme. En substance, une telle annulation partielle aurait donc eu pour effet de substituer à la méconnaissance de l’article 5 du règlement de POS applicable une violation de l’article R.421-7-1.

    Et pour conclure, on relèvera qu’en outre et à transposer au « modificatif » prévu par l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme les règles générales applicables en la matière (notamment : CE. 22 novembre 2002, François-Poncet, req. n° 204.224), on voit mal comment le pétitionnaire aurait pu ensuite régulariser son projet – et donc transformer son permis devenu simple en un permis de construire valant division – par un simple « modificatif ».



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur le champ d’application du décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 prorogeant le délai de validité des autorisations d’urbanisme

    Rép. Min. n°38310 ; JOAN, 31/03/2009, p. 3094

    Texte de la question : « M. François Vannson attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme. Cet article prévoit qu'un permis de construire est périmé si, passé un délai de deux ans, les travaux sont interrompus pendant une durée supérieure à une année. Cette disposition peut se révéler préjudiciable, notamment lorsque les opérations sont réalisées sous forme de permis de construire valant division, prévu par l'article R. 431-24 du code précité. En effet, les promoteurs peuvent être amenés en raison de la conjoncture fortement dégradée du marché de l'immobilier, à ne réaliser que partiellement le projet pour le reprendre et l'achever ultérieurement. C'est la raison pour laquelle il lui semblerait souhaitable que le permis de construire valant division puisse être prorogé pendant deux périodes successives d'une année. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître ses intentions en la matière ».

    Texte de la réponse : « Suite au plan de relance présenté le 4 décembre 2008 par le Président de la République, a été publié, le 19 décembre 2008, le décret n° 2008-1353 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable. Ce décret assouplit les dispositions de l'article R. 421-17 en portant de deux à trois ans la validité des autorisations d'urbanisme en cours ou délivrées d'ici au 31 décembre 2010. En outre, cette nouvelle mesure ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions prévues aux articles R. 424-21 et R. 424-23 du code de l'urbanisme. Ainsi, les promoteurs titulaires de permis valant division en cours de validité ou délivrés d'ici au 31 décembre 2010 pourront, lorsqu'une demande de prorogation aura été engagée dans les temps, bénéficier d'une durée totale de quatre ans à compter de la délivrance du permis pour réaliser leur projet ».


    Voici une réponse dont le principal mérite est de nous offrir la possibilité de traiter d’une question d’importance – ayant déjà appelé un certain nombre de commentaires – à savoir le champ d’application du décret du 19 décembre 2008 et, plus précisément, son application au permis de construire sollicités et/ou délivrés avant le 1er octobre 2007.

    L’article 1er du décret du 19 décembre 2008 dispose que « par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 et à l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme, le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration intervenus au plus tard le 31 décembre 2010 est porté à trois ans. Cette disposition ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions définies aux articles R. * 424-21 à R. * 424-23 du même code ».

    A s’en tenir à la lettre de ces dispositions, force serait d’en déduire qu’il ne vaut qu’à l’égard des permis de construire délivrés après le 1er octobre 2007 et, donc, après l’entrée en vigueur des articles R.424-17 du Code de l’urbanisme.

    Mais cette conclusion nous parait devoir être doublement nuancée.

    En premier lieu, il faut préciser que l’article 26 du décret du 5 janvier 2007 – en ce qu’il dispose que « les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt. » – ne saurait avoir aucune incidence sur le champ d’application du décret du 19 décembre 2008.

    Ainsi qu’il l’indique, en effet, l’article 26 précité détermine uniquement les règles applicables à l’instruction des « demandes » (TA. Marseille, 10 mars 2009, SCI Cyrnos, req. n°08-05870) cependant que le dispositif relatif à la durée de validité d’une autorisation d’urbanisme, tel qu’actuellement régi par les articles R.424-17 et suivant du Code de l’urbanisme, a exclusivement trait à l’exécution des autorisations obtenues et ce, au même titre, pour exemple, que les dispositions édictées par l’article R.424-15 s’agissant de l’affichage de ces autorisations.

    Or, s’il on devait considérer que l’article 26 précité détermine les règles applicables à l’exécution d’un permis de construire, force serait donc de considérer qu’un permis de construire sollicité avant le 1er octobre 2007 mais délivré après cette échéance devrait être affiché selon les dispositions de l’ancien article R.421-39 du Code de l’urbanisme et verrait le délai de recours à son encontre déterminé par l’ancien article R.490-7.

    Mais précisément, le Conseil d’Etat vient de préciser que l’affichage et le délai de recours à l’encontre de ces permis de construire étaient régis par les articles R.424-15 et R.600-2 du Code de l’urbanisme (CE. 19 novembre 2008, avis n°317.279)…

    L’article 26 du décret du 5 janvier 2007 ne concernant donc pas les règles relatives à l’exécution des permis de construire, celui-ci ne saurait avoir une quelconque incidence sur le champ d’application du décret du 19 décembre 2008.

    En second lieu, il n’est pas totalement illogique que l’article 1er du décret du 19 décembre 2008 précise s’appliquer « par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 et à l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme » puisque l’entrée en vigueur du décret du 5 janvier 2007 et, par voie de conséquence, de ces deux derniers articles a eu pour corolaire l’abrogation, notamment, des anciens articles R.421-32 et suivants du Code de l’urbanisme qui jusqu’à cette date régissaient le délai de validité des permis de construire. Or, on imagine mal un décret précisait qu’il déroge à des dispositions précédemment abrogées.

    Mais du fait de cette abrogation, de deux choses l’une en toute hypothèse :

    - soit, le délai de validité des permis de construire délivré avant le 1er octobre 2007 n’est plus régi par aucune disposition du Code de l’urbanisme et, en d’autres termes, leur validité ne serait donc plus encadrée, ni limitée… ;

    - soit, le délai de validité des permis de construire des permis de construire délivrés avant cette date et n’étant pas précédemment devenu caducs est aujourd’hui régi par le dispositif s’étant substitué aux articles R.421-32 du Code de l’urbanisme, à savoir les articles R.424-17 et suivants du Code de l’urbanisme.

    Or, l’examen de la jurisprudence rendue en la matière tend à établir que le délai de validité d’une autorisation d’urbanisme suit, tant qu’elle n’est pas frappée de caducité, l’évolution et les modifications du dispositif organisant la matière et n’est pas « cristallisé » par celui en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation considérée.

    A titre d’exemple, s’agissant de l‘application de l’article 3 du décret du 12 août 1981 ayant eu pour effet de porter à deux ans le délai initial de validité du permis de construire antérieurement fixé à un an par le décret du 7 juillet 1977, le Conseil d’Etat a été jugé que :

    « Considérant d'une part que l'article R.421-38 du code de l'urbanisme prévoit que le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans un délai qui, après avoir été fixé à un an, a été porté à deux ans par l'article 3 du décret du 12 août 1981 modifiant le premier alinéa de l'article R.421-38 dudit code ; que ledit délai de deux ans s'appliquait dès l'entrée en vigueur du décret l'instituant à tous les permis de construire en cours de validité à cette date ; que, par suite, l'Association des amis des sites de la baie de BANDOL n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire délivré le 17 juin 1981 par le préfet du Var à la société civile immobilière "Village de Pierreplane" était périmé à la date du 7 juin 1983 à laquelle, par la décision attaquée, le commissaire de la République du département du Var a prorogé ledit permis de construire » (CE. 27 novembre 1987, Association des amis des sites de la baie de BANDOL, req. n°66.287).

    et, en d’autres termes, qu’un permis de construire délivré sous l’empire des dispositions issues du décret du 7 juillet 1977 bénéficiait néanmoins de l’extension du délai de validité prévue par les dispositions du décret du 12 août 1981 – ayant concomitamment abrogé les dispositions précédemment en vigueur – dès lors qu’il précisait que son « délai de deux ans s'appliquait dès l'entrée en vigueur du décret l'instituant à tous les permis de construire en cours de validité à cette date ».

    De même et pour ce qui concerne l’application de du décret du 31 juillet 2006 suspendant le délai de validité des permis de construire frappé de recours, il a été jugé que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du décret n° 2006-958 du 31 juillet 2006, lequel s'applique aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication : « Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 … Lorsque le permis de construire fait l'objet d'un recours en annulation devant la juridiction administrative…, le délai de validité de ce permis est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable… » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la SCI Lespagnol ait reçu notification du permis modificatif litigieux plus de deux ans avant l'entrée en vigueur du décret du 31 juillet 2006 ; que le délai de validité de ce permis est donc, en vertu de ce même décret, suspendu tant que n'a pas été notifiée une décision juridictionnelle irrévocable ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ce permis serait caduc ne peut qu'être écarté » (CAA. Bordeaux, 5 juillet 2007, Sophie X…, req. n°05BX00191) ;

    et, en d’autres termes, qu’un permis de construire délivré sous l’empire des dispositions de l’ancien article R.421-32 (al.4), issues du décret du 30 décembre 1983, bénéficiait néanmoins du régime suspension du délai de validité organisé par l’article R.421-32 (al.4) dans sa rédaction issu du décret du 31 juillet 2006 – ayant concomitamment abrogé les dispositions précédemment applicables – y compris s’il avait été frappé de recours avant l’entrée en vigueur de ce dernier et ce, alors même qu’à sa date de délivrance aucune disposition du Code de l’urbanisme ne prévoyait une telle suspension ; l’article 2 du décret du 31 juillet 2006 précisant « s'applique(r) aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication ».

    De ce fait, il nous semble donc raisonnable de considérer que les permis de construire délivrés avant le 1er octobre 2007 et n’ayant pas été précédemment frappés de caducité voient aujourd’hui leur délai de validité régi par les articles R.424-17 et suivants du Code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, bénéficient de la prorogation prévue par l’article 1er du décret du 19 décembre 2008. Et d’ailleurs :

    - d’une part, si l’article 1er vise les « permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration », son article 2 précise, d’une façon beaucoup plus générale, que « le présent décret s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication » ;

    - d’autre part, si les dispositions de ce décret ont été réparties en deux articles distincts, c’est bien que celles contenues par son article 1er ne doivent pas être systématiquement interprétées en considération de celles de son article 2 et, a contrario, que celles de ce dernier n’ont pas vocation à être strictement interprétées à la lumière de celles de son l’article 1er.

    Et si cette conclusion doit être formulée sous la réserve de principe liée à l’interprétation du juge administratif, il reste que l’on voit mal comment et pourquoi celui-ci distinguerait le champ d’application du décret du 19 décembre 2008 selon que l’autorisation considérée ait été délivré avant ou après le 1er octobre 2007 dès lors que la cause de décret du 19 décembre 2008 est totalement étrangère à cette considération…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Quelques précisions sur les contours et les modalités d’application de la jurisprudence « Sekler »

    Des travaux tendant à l’édification de garages accolés à une construction existante méconnaissant les règles d’emprise d’un cahier des charges de lotissement aggrave la non-conformité de cette construction et, par voie de conséquence, ne sauraient bénéficier de la jurisprudence « Sekler » ; d’autant moins que si, par ailleurs, ces travaux améliorent la situation au regard de l’article 12 du règlement de POS, ils impliquent la démolition quasi-intégrale de la construction existante.

    CAA. Marseille, 11 décembre 2008, SCI ELFA, req. n°06MA02026

    Pour avoir été édifiée conformément à un permis de construire valide n’ayant pas été ultérieurement annulé ou retiré, une construction peut néanmoins ne pas être conforme aux prescriptions d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle de nouveaux travaux sont projetés sur cette construction. Cette situation met en conflit deux types d’intérêts aussi légitimes qu’opposés : d’un côté, les droits acquis tirés du caractère définitif du permis de construire en vertu duquel cette construction a été édifiée ; de l’autre, la nécessaire application des règles d’urbanisme en vigueur à l’époque à laquelle cette construction doit faire l’objet de nouveaux travaux.

    La première solution d’équilibre trouvée par le Conseil d’Etat fut toutefois particulièrement sévère puisqu’elle s’opposait à la réalisation de travaux n’ayant pas pour objet de rendre la construction plus conforme aux prescriptions réglementaires ou qui ne consistent pas en des adaptations mineures (CE. 23 décembre 1976, Casseau, req. n°00296). Quels que soient leurs objets et la règle méconnue par la construction existante, les travaux projetés sur cette dernière devaient nécessairement améliorer sa conformité ou, à défaut, ne consister qu’en des adaptations mineures.

    Mais les critiques à l’encontre de cette règle ainsi les infléchissements d’origine textuelle (art. R.111-19 ; C.urb) devaient conduire le Conseil d’Etat à assouplir sa position par la jurisprudence « Sekler » (CE. 27 mai 1988, Mme Sekler, req. n°79530) : de deux choses l’une au terme de la jurisprudence « Sekler » : soit les travaux projetés sur la construction existante présente un lien avec la règle méconnue et alors ils devront améliorer la non-conformité de cette construction à cette règle, soit les travaux projetés sont étrangers à la règle méconnu et alors il ne sera nécessaire d’atténuer par ailleurs la non-conformité de cette règle.

    L’arrêt commenté touche à trois des aspects principaux de cette jurisprudence et, notamment, illustre concrètement ces modalités d’application telles qu’elles ont été récemment précisé par le Conseil d’Etat.

    Dans cette affaire, le pétitionnaire était propriétaire d’une ville sise au sein d’un lotissement dont les documents fixaient les limites d’implantation des constructions autorisées dans chacun de ses lots et, partant, en définissaient ainsi l’emprise. Précisément, la villa du pétitionnaire excédait ces limites et en outre ne comportait pas le nombre de places de stationnement requises au titre de l’article 12 du règlement de POS applicable. Il reste que dans la mesure où ces mêmes documents autorisaient en dehors de ces limites diverses annexes dont les garages, le pétitionnaire devait ainsi solliciter et obtenir un permis de construire en vue de l'élévation du bâtiment existant et de la création de deux logements ainsi que de l’édification de garages accolés à ce dernier. Néanmoins cette autorisation devait être contestée et annulée, notamment au regard, des prescriptions de l’article 12 susvisé et ce, aux motifs suivants :

    « Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article UC12 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Villefranche-Sur-Mer : « (...) Pour les véhicules automobiles, il est exigé le nombre de places de stationnement ci-après : - construction à usage d'habitation : une place par 60 m2 de surface hors oeuvre nette de construction avec au minimum une place par logement (...) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que sept emplacements de stationnement sont prévus par le projet autorisé, répartis entre trois places de stationnement extérieures et quatre places de garage ; que, toutefois, deux des places de garage ne sont accessibles que si des véhicules ne sont pas stationnés sur les deux autres ; que le bâtiment devant compter au total 6 logements, il est exclu, au regard de l'article UC 12 précité, que ces quatre places de garage puissent être affectées à seulement deux logements, ce que, d'ailleurs, la S.C.I. ELFA ne soutient ni même n'allègue ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'elles devaient être regardées comme des places inaccessibles et ne pouvaient, dès lors, être prises en compte dans l'appréciation du respect des dispositions précitées de l'article UC12 ; que par ailleurs, si la S.C.I. ELFA soutient que le projet litigieux diminue en réalité l'illégalité du bâtiment existant en prévoyant la création de quatre emplacements pour seulement deux nouveaux logements alors que bâtiment initial ne comportait aucun emplacement de stationnement pour quatre logements existants, c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que le projet impliquant la démolition de la quasi-totalité du bâtiment avant sa reconstruction, il devait être regardé comme portant non pas sur une simple modification dudit bâtiment mais sur l'édification d'une nouvelle construction devant, par suite, se conformer aux dispositions du plan d'occupation des sols de la commune ; qu'il s'en suit que la S.C.I. ELFA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le projet litigieux, qui ne comporte que cinq places de stationnement au lieu des six requises, méconnaissait les dispositions précitées et que les deux permis attaqués étaient, dès lors, illégaux et devaient, par suite, être annulés ».

    Sur ce point, cet arrêt permet ainsi du définir les contours de la notion de construction existante au sens de la jurisprudence « SEKLER »… pour ainsi constater qu’elle est strictement identique à celle utilisée par ailleurs par le droit de l’urbanisme.

    Comme on le sait en effet, pour qu’un ouvrage accède au statut de construction existante, il n’est pas seulement nécessaire que les travaux réalisés l’aient été conformément à une autorisation d’urbanisme n’ayant pas disparue de l’ordonnancement juridique du fait de son annulation ou de son retrait. Il est encore nécessaire, tout d’abord que les travaux réalisés aient abouti à la formation d’une véritable construction et que l’autorisation en vertu de laquelle ils ont été accomplis ne soit pas encore en cours d’exécution. Il s’ensuit, d’une part, que le seul fait qu’un projet ait une existence légale pour avoir été régulièrement autorisé par un permis de construire ne suffit pas pour le regarder comme une construction existante.

    En effet, dès lors que la construction projetée n’a pas été entièrement réalisée et que le permis de construire l’autorisant est encore valide – et n’a donc pas été frappé de caducité (art. R.421-17 ; C.urb) – tout travaux nouveaux portant sur cette construction impliquera l’obtention, à tout le moins, d’un « modificatif », y compris si pris isolément ces travaux relèvent du champ d’application de la déclaration préalable (CAA. Paris, 26 octobre 1999, Sté foncière de Joyenval, req. n°96PA02891 ; CAA. Marseille, 15 mai 2008, SCI Les Hautes Terres, req. n°05BX02700) voire sont dispensés de toute formalité (CAA. Nancy, 28 juin 2001, Gaillot, req. n°97NC00472).

    Il reste que, d’autre part, le seul fait que le délai de validité de l’autorisation en vertu de laquelle les travaux ont été accomplis ait expiré ne saurait suffire à considérer l’ouvrage issu de ces travaux comme constituant une construction existante. En effet, si le seul fait qu’un ouvrage soit resté inachevé à l’expiration du délai de validité du permis de construire l’ayant autorisé n’a pas pour effet de le rendre illégal (CE. 29 mars 2006, Cne d’Antibes, req. n° 280.194. Voir également : P.E.DURAND, « « La réunion de murs et d’une toiture forme une construction existante au regard du droit de l’urbanisme », CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Cne de l’Eiguilles, AJDA, n°20/2006 & P.E.DURAND, « Le statut des ouvrages inachevés en droit de l’urbanisme », RDI, n°5/2006), il est encore nécessaire que les travaux accomplis aient abouti à la formation d’un ouvrage présentant les caractéristiques physiques d’une construction, ce qui implique, en substance, que les travaux de gros œuvre aient été accomplis et aient assurés le clos et le couvert ; ce qui vaut tant pour la détermination de l’autorisation requise que pour l’application des règles de fond. C’est ainsi que le même jour que la date de lecture de l’arrêt commenté, la Cour administrative d’appel de Marseille devait également jugé que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si le précédent propriétaire du terrain, pour lequel le certificat d'urbanisme était demandé par les requérantes, avait obtenu en janvier 1981 le permis de construire une habitation, les travaux entrepris dans ce cadre n'ont consisté qu'à l'élévation partielle des murs principaux, sans même assurer le clos et le couvert de l'ensemble ainsi partiellement réalisé ; que le terrain des requérantes ne peut dans ces conditions être regardé pour l'application des dispositions précédentes comme supportant une construction existante, dont la réfection et l' adaptation étaient l'objet de leur projet ; que le préfet pouvait dès lors à bon droit examiner leur demande comme relative à un projet nouveau de construction d'une maison d'habitation » (CAA. Marseille, 11 décembre 2008, Mme Claude, req. n°06ma03324).

    Mais pour pouvoir bénéficier du régime des travaux sur existant, il est ensuite nécessaire que ceux projetés portent sur un ouvrage résultant de travaux régulièrement accomplis, ayant abouti à la formation d’une véritable construction et en ayant conservé les caractéristiques physiques. A défaut, les travaux projetés devront être regardés comme des travaux de reconstruction et, donc, comme des travaux destinés à édifier une construction nouvelle (CAA. Marseille, 10 décembre 1998, Cne de Carcès, req. n°97MA00527) En revanche, seront regardés non pas comme des travaux sur existant mais comme des travaux de reconstruction et, donc, tendant à l’édification d’une construction nouvelle, des travaux portant sur un ouvrage à l’état de ruine ou dont il ne subsiste que quelques vestiges et ce, quelle que soit l’origine de la démolition, de la destruction ou du délabrement de la construction initiale (CE. 10 mai 1995, Mme Besson, req. n°130.369) et même si les travaux projetés tendent à la reconstruire à l’identique (Cass. crim, 11 octobre 1995, Cne de Viarmes, Bull. crim. n°303).

    Enfin, lorsque le projet porte sur un ouvrage légalement édifié et ayant conservé les caractéristiques d’une construction, il est en dernier lieu nécessaire que les travaux à réaliser ou effectivement réalisés n’aient pas pour effet de lui faire perdre ce statut de construction existante et ce, que cette démolition soit ou non volontaire, et quelle qu’en soit la cause. Ainsi lorsqu’en cours d’exécution d’un permis de construire portant sur une construction existante, cette dernière est démolie, non seulement sa reconstruction sera soumise à l’obtention d’une autorisation spécialement obtenue à cet effet mais en outre cette dernière sera réputée autoriser une construction nouvelle puisqu’à titre d’exemple, le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article NC 1 du plan d'occupation des sols applicable dans la COMMUNE DU BARROUX sont interdits dans la zone NC : "Les locaux à usage d'habitation autres que ceux liés aux exploitations agricoles" ; qu'il résulte de l'instruction qu'un permis de construire avait été accordé le 3 mai 1990 à Mme X... pour l'extension d'une habitation sise sur un terrain agricole et destiné à augmenter de 30 m ladite habitation ; qu'à la suite de la démolition totale du bâtiment existant, un permis modificatif a été accordé le 11 mars 1991 par le maire de la commune ; que, quelle que soit l'imprévisibilité des raisons techniques qui ont conduit à la démolition de l'habitation existante, le permis litigieux a eu pour objet d'autoriser la création d'une nouvelle habitation ; qu'il a ainsi été délivré en violation des dispositions précitées du plan d'occupation des sols ; que, dès lors, et sans qu'elles puissent utilement faire valoir que le permis accordé le 9 mai 1990 était devenu définitif et avait créé des droits acquis au profit de Mme X..., les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé le permis litigieux » (CE. 10 mai 1995, Mme Besson, req. n°130.369).

    C’est pourquoi en l‘espèce et alors même que les travaux projetés en ce qu’ils prévoyaient, notamment, la réalisation de garage améliorant assurément la situation par rapport à l’existant devaient néanmoins être considérés comme illégaux puisque, précisément, le bâtiment existant dépourvu du nombre de places requises devait en fait être démoli en quasi-totalité : quand bien même les travaux projetés auraient-ils eu pour objet de le reconstruire à l’identique, il n’en demeurait pas moins que ces travaux tendaient donc à l’édification d’une construction nouvelle qui, par voie de conséquence, devaient strictement respecter les prescriptions du POS en vigueur et non pas seulement améliorer la situation au regard de l’ancien bâtiment.

    A cet égard, l’arrêt commenté est donc le pendant de celui par lequel la Cour administrative d’appel de Marseille avait précédemment jugé qu’une simple structure en béton édifiée dans le cadre d'un commencement d'exécution de permis de construire précédemment frappés de caducité n'est pas un ouvrage suffisamment avancé pour constituer une construction existante au regard de la jurisprudence « Sekler » et, par voie de conséquence, que si cette structure n'est pas conforme prescriptions du document local d'urbanisme, le pétitionnaire ne peut alors se prévaloir d'aucun droit acquis résultant de son existence pour l'achever, quand bien même les travaux projetés à cet effet seraient-ils étrangers aux règles méconnues ou auraient-ils pour effet de rendre l'existant plus conforme à ces dernières (P.E.DURAND, « Les travaux entrepris pour terminer une structure en béton inachevée et ainsi la transformer en véritable construction peuvent-il bénéficier de la jurisprudence « Selker » ? », CAA. Marseille, 25 janvier 2007, SCI Vector, Construction & Urbanisme, n°4/2007).

    Mais par ailleurs, le permis de construire contesté en ce qu’il portait sur les garages projetés pour tenter d’améliorer la situation de l’ouvrage existant par rapport à l’article 12 du règlement de POS devait également être annulé aux motifs suivants :

    « Considérant, en premier lieu, que l'article 3 du cahier des charges du lotissement « Fernand Martin » prévoit, notamment, que « dans le plan annexé à la vente du lot, l'emplacement de la villa a été désigné au moyen d'un contour en noir (rectangle, carré, ou autre)...En dehors des limites de constructions désignées ci-dessus, il pourra être construit un pavillon pour gardien, garage et remise (...) » ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux prévoit la construction de garages le long de la limite séparative Est, dont le toit forme partiellement une terrasse au niveau 1 et qui sont implantés dans la zone non aedificandi ci-dessus précisée ; que, contrairement à ce que soutient la S.C.I. ELFA, lesdits garages présentent un lien matériel et fonctionnel avec le bâtiment principal et font corps avec lui, nonobstant l'existence d'un joint de dilatation de 4 cm séparant les constructions et l'absence de porte intérieure de communication ; que, dans ces conditions, la S.C.I. ELFA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que, d'une part, les garages en cause devaient être regardés comme étant intégrés à la villa, méconnaissant par suite l'article 3 du cahier des charges précité et que, d'autre part, le projet contesté aggravait ainsi l'irrégularité de l'emprise du bâtiment initial au regard de cet article ».

    En effet, si le principe posé par le Conseil d’Etat dans l’arrêt « Sekler » vise les dispositions du règlement local d’urbanisme (POS/PLU), ce principe a également vocation à valoir s’agissant non seulement de règles locales spécifiques tels les « espaces boisés classés » au titre de l’article L.130-1 du Code de l’urbanisme (CAA. Marseille, 27 mars 2003, M. De Smet, req. n°99MA0086) et des dispositions du règlement national d’urbanisme (CAA. Bordeaux, 9 mai 2006, M. Gouaux, req. n°02BX02451) mais également pour les constructions existantes non-conformes, notamment, aux prescriptions d’un règlement de lotissement (CE. 3 juillet 1991, Epx Guillemot, req. n°87.550) … ou, donc, d’un cacher des charges ; pour autant, toutefois, que ce document ait été approuvé par l’autorité règlementaire puisqu’à défaut, il n’a pas vocation à être sanctionné par le permis de construire au titre de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme.

    Mais par ailleurs, l’arrêt commenté est, à notre connaissance, l’une des premières applications concrète d’une précision récemment apportée par le Conseil d’Etat au sujet de la jurisprudence « Sekler ».

    En effet, ce n’est que tardivement que le Conseil d’Etat a été amené à fournir une méthode d’application de la jurisprudence « Sekler » selon que les travaux projetés portent sur une construction formant ou non un ensemble indivisible (Sur la question : P.E.DURAND, « La divisibilité des ouvrages et des ensembles immobiliers en droit de l’urbanisme », Construction & urbanisme, n°3/2006) en jugeant que :

    « Considérant que, lorsqu'une construction existante n'est pas conforme à une disposition d'un plan d'occupation des sols régulièrement approuvé, cette circonstance ne s'oppose pas à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues ; que, dans l'hypothèse où le permis de construire est relatif à une partie d'un ouvrage indivisible, il y a lieu d'apprécier cette meilleure conformité en tenant compte de l'ensemble de l'ouvrage ; qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que, sur le territoire de la commune de Montigny-le-Bretonneux, les quinze pylônes de la ligne électrique à haute tension « Elancourt-Mérantais », installés en 1958, et constituant, par nature, un ouvrage indivisible, se trouvaient en contrariété avec la servitude de reculement rendue applicable sur la voie publique par l'article UG 6 du plan d'occupation des sols de la commune approuvé en 1992 ; que le projet consistant à aménager le pylône n° RD 22 en pylône aérosouterrain avait pour objet l'enfouissement des quatorze autres pylônes ; que si cet enfouissement n'était pas inclus dans le permis de construire parce qu'il ne nécessitait pas d'autorisation, il faisait partie du même aménagement de l'ouvrage ; que, par suite, en jugeant que la conformité à l'article UG 6 du plan d'occupation des sols devait s'apprécier au regard du seul pylône n° RD 22, sans tenir compte des modifications apportées à l'ensemble de l'ouvrage constitué par la ligne électrique, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que le MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER et la S.A. RESEAU DE TRANSPORT D'ELECTRICITE sont, pour ce motif, fondés à en demander l'annulation ;
    Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que tous les pylônes de la ligne électrique à haute tension « Elancourt-Mérantais » implantés sur le territoire de la commune de Montigny-le-Bretonneux, étaient installés, depuis l'approbation du plan d'occupation des sols, en méconnaissance de la servitude de reculement prévue par l'article UG 6 ; que l'objet du permis litigieux est d'autoriser un léger aménagement sur le pylône n° RD 22, en vue de faire disparaître la contrariété avec le plan d'occupation des sols des quatorze autres pylônes ; qu'ainsi, l'objet du permis est de rendre l'ensemble indivisible constitué par l'ouvrage électrique plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues ; que la commune de Montigny-le-Bretonneux n'est donc pas fondée à soutenir que le permis litigieux méconnaît l'article UG 6
    » (CE, 9 juill. 2008, Min. Équipement c/ Cne Montigny-le-Bretonneux, req. n° n° 284831).


    De deux choses l’une à ce titre : soit les travaux projetés porte sur l’un des éléments d’une construction formant un ensemble indivisible et l’appréciation des conditions posées par la jurisprudence « Sekler » devra être appréciée à l’échelle de cet ensemble ; soit les travaux portent sur un élément divisible de la construction et c’est à l’échelon de ce seul élément qu’il conviendra d’établir s’ils améliorent ou non la non-conformité de l’ouvrage.

    Mais en l’espèce, la Cour administrative d’appel de Marseille a donc jugé que dès lors que les garages projetés étaient liés techniquement et matériellement à la construction existante, nonobstant la présence d’un joints de dilatation et l’absence de porte de communication entre eux, ils devaient être regardés comme intégrés à celle-ci et donc former avec elle un ensemble indivisible : ils aggravaient donc la méconnaissance par la construction des limites d’implantation fixées par les documents du lotissement ; la circonstance que ces travaux ne portent pas directement sur la construction existante n’ayant pas d’incidence.

    Sur ce point, cet arrêt permet de rappeler que deux bâtiments distincts peuvent néanmoins constituer un ensemble indivisible (CAA. Paris, 27 juin 2007, M. Raymond Y., jurisurba.com :10/10/2007 ; voir également : P.E.DURAND, « Des constructions constituant un ensemble indivisible doivent faire l’objet d’un permis de construire unique », CE. 10 octobre 2007, Association de défense de l'environnement d'une usine située aux Maisons à Saint-Jory-Lasbloux, req. n°277.314, Construction & Urbanisme, n°11/2007) ; le seul fait qu’ils soient séparés par un joint de dilatation ne pouvant suffire à les regarder comme dissociables (CAA. Paris, 18 octobre 2001, M. et Mme X., req. n°99PA04126).

    Mais l’on peut surtout le rapprocher de la récente jurisprudence rendue à propos de la jurisprudence « Thalamy » et selon laquelle il est nécessaire qu’un ouvrage projeté sur un terrain accueillant une construction illégale soit suffisamment dissociable de cette dernière pour qu’il ne soit pas nécessaire de régulariser celle-ci pouvoir édifier ce nouvel ouvrage (CAA. Marseille, 15 mai 2008, Cne de Fuveau, req. n°06MA00807).




    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • VEILLE JURISPRUDENTIELLE N°23 – 2008/2009 – 13 DECISIONS SIGNALEES CE MOIS-CI

    INTERPRETATION & APPLICATION DES NORMES

    CAA. Nancy, 12 mars 2009, Cne de Pont-a-Mousson, req. n°07NC01828

    Les dispositions de l’article 3 d’un règlement local d’urbanisme relatives aux créations de voiries sont distinctes de celles relatives à l’accès à l’unité foncière à construire. Partant, ces dispositions peuvent s’appliquer aux voiries internes à créer sur cette unité foncière.

    CE. 9 mars 2009, Cne de Trimbach, req. n°296.538

    Un hall constituant une dépendance d’un aménagement – en l’occurrence, un aérodrome – incompatible avec le voisinage d’une zone habitée constitue lui-même une construction incompatible avec ce voisinage au sens de l’article L.111-1-2 du Code de l’urbanisme

    CE. 4 mars 2009, Mme Samia A., req. n°303.867

    Il résulte des dispositions de l’ancien article L.421-5 du Code de l’urbanisme, aujourd’hui codifiées à l’article L.111-4, qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.

    CAA. Nantes, 30 septembre 2008, Ministère de l’écologie, req. n°07NT03713

    Les prescriptions relatives à l’implantation des constructions dans un bande de 20 mètres comptés depuis l’alignement d’une voie ne sont pas opposables à une construction sise sur un terrain dont les limites séparatives latérales ne jouxtent pas cette voie.


    POS/PLU

    CE. 11 mars 2009, SIC Saint-Michel, req. n°312.712

    Une servitude de plantations figurée par les documents graphiques d’un POS modifié à cet effet mais n’étant pas évoquée dans le règlement de POS issu de cette modification n’est pas opposable.

    CAA. 12 février 2009, Coordination pour la sauvegarde du Bois de Boulogne, req. n°07PA03838

    Il résulte des dispositions combinées des articles L.123-1 et R.123-9 du Code de l’urbanisme qu’un PLU à travers son règlement et/ou ses documents graphiques doit obligatoirement prévoir des règles d’implantation par rapport aux voies, emprises publiques et limites séparatives. Par voie de conséquence, ces règles ne peuvent demeurer abstraites mais doivent, qu'elles soient exprimées dans le règlement ou qu'elles résultent des documents graphiques, déterminer entre lesdites voies, emprises et limites et les constructions un rapport dont le respect puisse être concrètement apprécié. En revanche, dès lors que ces mêmes dispositions n’imposent pas de règlementer l’implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur un même terrain, l’article 8 du règlement peut se borner à prévoir des règles générales.

    CAA. Nantes, 30 septembre 2008, Cne de Saint-Florent des Bois, req. n°08NT0324

    Dès lors que l’illégalité de dispositions illégales d’un règlement de PLU remet en cause l’équilibre recherché par les auteurs dudit plan, celle-ci n’en sont pas divisibles et il y donc lieur de prononcer l’annulation de l’ensemble du plan.


    CONCERTATION

    CE. 3 mars 2009, Association Opale Environnement, req. n°300.570

    Doivent faire l'objet de la concertation prévue à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme toute action ou opération d'aménagement qui remplit les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 300-1 du code, quelle que soit la personne publique qui a pris l'initiative de l'engager. Dès lors et s'agissant des investissements routiers, ceux-ci doivent faire l'objet de la concertation prévue par ces dispositions, dès lors qu'ils conduisent à la création de nouveaux ouvrages ou à la modification d'assiette d'ouvrages existants, qu'ils sont, pour tout ou partie, situés dans une partie urbanisée d'une commune et que la partie du projet située dans la partie urbanisée est d'un montant supérieur à 1 900 000 euros.


    AUTORISATIONS D’URBANISME

    TA. Marseille, 10 mars 2009.pdf, SCI Cyrnos, req. n°08-05870

    Il résulte de l’article 26 du décret du 5 janvier 2007 que la légalité des permis de construire délivrés après le 1er octobre 2007 mais sollicités avant cette échéance n’est régie par les dispositions applicables avant cette date que pour ce qui concerne les règles de compétence, de forme et de procédure relatives au traitement de ces demandes et à la décision par laquelle il est statué sur celle-ci. En revanche, même sollicité avant le 1er octobre 2007, un permis de construire délivré après cette date est assujetti aux règles de fond en vigueur à sa date de délivrance.

    CE. 4 mars 2009, Cne de Beaumettes, req. n°319.974

    L’article L.600-2 du Code de l’urbanisme aux termes duquel « lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol (...) a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation (...) confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande (...) soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire» s’applique alors même que l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire sollicité aurait changé entre le refus initial et la seconde demande

    CAA. Versailles, 29 janvier 2009, Elix X., req. n°07VE00449

    L’appréciation de la qualité et la régularité des documents photographiques joints au dossier produit par le pétitionnaire s’agissant de la représentation des paysages lointains doit tenir de la difficulté qu’il peut y avoir à les représenter compte tenu de la densité des constructions sises aux environs du terrain à construire.


    CONTENTIEUX

    CE. 11 mars 2009, Cne d’Auvers sur Oise, req. n°307.656

    Le vice de forme constitué par la méconnaissance des prescriptions de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 affectant un arrêté de permis de construire ne comportant ni le nom, ni le prénom de son destinataire peut être invoqué par toute personne recevable à en demander l’annulation.

    CE. 3 mars 2009, avis n°321.157

    Il résulte de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme que pèse sur l'auteur d'un recours contentieux à l'encontre notamment d'un permis de construire, une obligation d'information à l'égard tant de l'auteur de la décision contestée que du pétitionnaire, distincte du recours exercé et des formalités qu'il implique, et consistant à notifier aux intéressés une copie du recours, dans un délai de quinze jours francs à compter de son enregistrement au greffe de la juridiction. Aussi, en prévoyant que cette notification est réalisée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'a eu d'autre objet que de faciliter la preuve de l'envoi dans le délai imparti, la formalité de la notification étant réputée accomplie à la date apposée par les services postaux sur le certificat de dépôt de la lettre recommandée au moment où la remise leur en est faite. Ainsi lorsque le destinataire de la lettre se borne à soutenir devant le juge qu'il ne l'a pas reçue, la production du certificat de dépôt de celle-ci suffit à justifier de l'accomplissement de la formalité de notification prescrite par l'article R. 600-1, sans que l'auteur du recours ait à produire l'accusé de réception y afférent



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés