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Sur le champ d’application du décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 prorogeant le délai de validité des autorisations d’urbanisme

Rép. Min. n°38310 ; JOAN, 31/03/2009, p. 3094

Texte de la question : « M. François Vannson attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme. Cet article prévoit qu'un permis de construire est périmé si, passé un délai de deux ans, les travaux sont interrompus pendant une durée supérieure à une année. Cette disposition peut se révéler préjudiciable, notamment lorsque les opérations sont réalisées sous forme de permis de construire valant division, prévu par l'article R. 431-24 du code précité. En effet, les promoteurs peuvent être amenés en raison de la conjoncture fortement dégradée du marché de l'immobilier, à ne réaliser que partiellement le projet pour le reprendre et l'achever ultérieurement. C'est la raison pour laquelle il lui semblerait souhaitable que le permis de construire valant division puisse être prorogé pendant deux périodes successives d'une année. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître ses intentions en la matière ».

Texte de la réponse : « Suite au plan de relance présenté le 4 décembre 2008 par le Président de la République, a été publié, le 19 décembre 2008, le décret n° 2008-1353 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable. Ce décret assouplit les dispositions de l'article R. 421-17 en portant de deux à trois ans la validité des autorisations d'urbanisme en cours ou délivrées d'ici au 31 décembre 2010. En outre, cette nouvelle mesure ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions prévues aux articles R. 424-21 et R. 424-23 du code de l'urbanisme. Ainsi, les promoteurs titulaires de permis valant division en cours de validité ou délivrés d'ici au 31 décembre 2010 pourront, lorsqu'une demande de prorogation aura été engagée dans les temps, bénéficier d'une durée totale de quatre ans à compter de la délivrance du permis pour réaliser leur projet ».


Voici une réponse dont le principal mérite est de nous offrir la possibilité de traiter d’une question d’importance – ayant déjà appelé un certain nombre de commentaires – à savoir le champ d’application du décret du 19 décembre 2008 et, plus précisément, son application au permis de construire sollicités et/ou délivrés avant le 1er octobre 2007.

L’article 1er du décret du 19 décembre 2008 dispose que « par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 et à l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme, le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration intervenus au plus tard le 31 décembre 2010 est porté à trois ans. Cette disposition ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions définies aux articles R. * 424-21 à R. * 424-23 du même code ».

A s’en tenir à la lettre de ces dispositions, force serait d’en déduire qu’il ne vaut qu’à l’égard des permis de construire délivrés après le 1er octobre 2007 et, donc, après l’entrée en vigueur des articles R.424-17 du Code de l’urbanisme.

Mais cette conclusion nous parait devoir être doublement nuancée.

En premier lieu, il faut préciser que l’article 26 du décret du 5 janvier 2007 – en ce qu’il dispose que « les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt. » – ne saurait avoir aucune incidence sur le champ d’application du décret du 19 décembre 2008.

Ainsi qu’il l’indique, en effet, l’article 26 précité détermine uniquement les règles applicables à l’instruction des « demandes » (TA. Marseille, 10 mars 2009, SCI Cyrnos, req. n°08-05870) cependant que le dispositif relatif à la durée de validité d’une autorisation d’urbanisme, tel qu’actuellement régi par les articles R.424-17 et suivant du Code de l’urbanisme, a exclusivement trait à l’exécution des autorisations obtenues et ce, au même titre, pour exemple, que les dispositions édictées par l’article R.424-15 s’agissant de l’affichage de ces autorisations.

Or, s’il on devait considérer que l’article 26 précité détermine les règles applicables à l’exécution d’un permis de construire, force serait donc de considérer qu’un permis de construire sollicité avant le 1er octobre 2007 mais délivré après cette échéance devrait être affiché selon les dispositions de l’ancien article R.421-39 du Code de l’urbanisme et verrait le délai de recours à son encontre déterminé par l’ancien article R.490-7.

Mais précisément, le Conseil d’Etat vient de préciser que l’affichage et le délai de recours à l’encontre de ces permis de construire étaient régis par les articles R.424-15 et R.600-2 du Code de l’urbanisme (CE. 19 novembre 2008, avis n°317.279)…

L’article 26 du décret du 5 janvier 2007 ne concernant donc pas les règles relatives à l’exécution des permis de construire, celui-ci ne saurait avoir une quelconque incidence sur le champ d’application du décret du 19 décembre 2008.

En second lieu, il n’est pas totalement illogique que l’article 1er du décret du 19 décembre 2008 précise s’appliquer « par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 et à l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme » puisque l’entrée en vigueur du décret du 5 janvier 2007 et, par voie de conséquence, de ces deux derniers articles a eu pour corolaire l’abrogation, notamment, des anciens articles R.421-32 et suivants du Code de l’urbanisme qui jusqu’à cette date régissaient le délai de validité des permis de construire. Or, on imagine mal un décret précisait qu’il déroge à des dispositions précédemment abrogées.

Mais du fait de cette abrogation, de deux choses l’une en toute hypothèse :

- soit, le délai de validité des permis de construire délivré avant le 1er octobre 2007 n’est plus régi par aucune disposition du Code de l’urbanisme et, en d’autres termes, leur validité ne serait donc plus encadrée, ni limitée… ;

- soit, le délai de validité des permis de construire des permis de construire délivrés avant cette date et n’étant pas précédemment devenu caducs est aujourd’hui régi par le dispositif s’étant substitué aux articles R.421-32 du Code de l’urbanisme, à savoir les articles R.424-17 et suivants du Code de l’urbanisme.

Or, l’examen de la jurisprudence rendue en la matière tend à établir que le délai de validité d’une autorisation d’urbanisme suit, tant qu’elle n’est pas frappée de caducité, l’évolution et les modifications du dispositif organisant la matière et n’est pas « cristallisé » par celui en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation considérée.

A titre d’exemple, s’agissant de l‘application de l’article 3 du décret du 12 août 1981 ayant eu pour effet de porter à deux ans le délai initial de validité du permis de construire antérieurement fixé à un an par le décret du 7 juillet 1977, le Conseil d’Etat a été jugé que :

« Considérant d'une part que l'article R.421-38 du code de l'urbanisme prévoit que le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans un délai qui, après avoir été fixé à un an, a été porté à deux ans par l'article 3 du décret du 12 août 1981 modifiant le premier alinéa de l'article R.421-38 dudit code ; que ledit délai de deux ans s'appliquait dès l'entrée en vigueur du décret l'instituant à tous les permis de construire en cours de validité à cette date ; que, par suite, l'Association des amis des sites de la baie de BANDOL n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire délivré le 17 juin 1981 par le préfet du Var à la société civile immobilière "Village de Pierreplane" était périmé à la date du 7 juin 1983 à laquelle, par la décision attaquée, le commissaire de la République du département du Var a prorogé ledit permis de construire » (CE. 27 novembre 1987, Association des amis des sites de la baie de BANDOL, req. n°66.287).

et, en d’autres termes, qu’un permis de construire délivré sous l’empire des dispositions issues du décret du 7 juillet 1977 bénéficiait néanmoins de l’extension du délai de validité prévue par les dispositions du décret du 12 août 1981 – ayant concomitamment abrogé les dispositions précédemment en vigueur – dès lors qu’il précisait que son « délai de deux ans s'appliquait dès l'entrée en vigueur du décret l'instituant à tous les permis de construire en cours de validité à cette date ».

De même et pour ce qui concerne l’application de du décret du 31 juillet 2006 suspendant le délai de validité des permis de construire frappé de recours, il a été jugé que :

« Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du décret n° 2006-958 du 31 juillet 2006, lequel s'applique aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication : « Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 … Lorsque le permis de construire fait l'objet d'un recours en annulation devant la juridiction administrative…, le délai de validité de ce permis est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable… » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la SCI Lespagnol ait reçu notification du permis modificatif litigieux plus de deux ans avant l'entrée en vigueur du décret du 31 juillet 2006 ; que le délai de validité de ce permis est donc, en vertu de ce même décret, suspendu tant que n'a pas été notifiée une décision juridictionnelle irrévocable ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ce permis serait caduc ne peut qu'être écarté » (CAA. Bordeaux, 5 juillet 2007, Sophie X…, req. n°05BX00191) ;

et, en d’autres termes, qu’un permis de construire délivré sous l’empire des dispositions de l’ancien article R.421-32 (al.4), issues du décret du 30 décembre 1983, bénéficiait néanmoins du régime suspension du délai de validité organisé par l’article R.421-32 (al.4) dans sa rédaction issu du décret du 31 juillet 2006 – ayant concomitamment abrogé les dispositions précédemment applicables – y compris s’il avait été frappé de recours avant l’entrée en vigueur de ce dernier et ce, alors même qu’à sa date de délivrance aucune disposition du Code de l’urbanisme ne prévoyait une telle suspension ; l’article 2 du décret du 31 juillet 2006 précisant « s'applique(r) aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication ».

De ce fait, il nous semble donc raisonnable de considérer que les permis de construire délivrés avant le 1er octobre 2007 et n’ayant pas été précédemment frappés de caducité voient aujourd’hui leur délai de validité régi par les articles R.424-17 et suivants du Code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, bénéficient de la prorogation prévue par l’article 1er du décret du 19 décembre 2008. Et d’ailleurs :

- d’une part, si l’article 1er vise les « permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration », son article 2 précise, d’une façon beaucoup plus générale, que « le présent décret s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication » ;

- d’autre part, si les dispositions de ce décret ont été réparties en deux articles distincts, c’est bien que celles contenues par son article 1er ne doivent pas être systématiquement interprétées en considération de celles de son article 2 et, a contrario, que celles de ce dernier n’ont pas vocation à être strictement interprétées à la lumière de celles de son l’article 1er.

Et si cette conclusion doit être formulée sous la réserve de principe liée à l’interprétation du juge administratif, il reste que l’on voit mal comment et pourquoi celui-ci distinguerait le champ d’application du décret du 19 décembre 2008 selon que l’autorisation considérée ait été délivré avant ou après le 1er octobre 2007 dès lors que la cause de décret du 19 décembre 2008 est totalement étrangère à cette considération…



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

Commentaires

  • Je partage assez votre analyse sur cette question délicate. A cet égard, il faut bien observer qu’il est regrettable que nous soyons obligés, alors même qu’un texte vient de paraître avec l’ambition de relancer la construction, d’essayer, sans y parvenir complètement, d’interpréter les dispositions en question. Il n’est pas sûr que toutes les interrogations soulevées quant au champ d’application de ce texte soient de nature à créer les conditions permettant aux constructeurs de se lancer sereinement dans l’exécution d’un permis de construire dont on ne saurait dire avec certitude s’il est ou non en cours de validité. Soit.

    Je pense que cette analyse correspond à l’esprit du texte et que le « sauvetage » des permis de construire déposés avant l’entrée en vigueur de la réforme des autorisations d’urbanisme a été souhaité, dès lors qu’ils demeurent en cours de validité à la date de publication du décret. Pour autant il faut reconnaître que la rédaction du texte est malhabile.

    Cela étant dit, si l’on considère que, suite à l’abrogation de l’ancien article R. 421-32, les autorisations d’urbanisme sont nécessairement soumises, en ce qui concerne leur délai de validité, aux dispositions de l’article R. 424-17, quel sera le délai d’exécution des autorisations qui ont « disparu » avec la réforme. En effet, si le permis de construire ou le permis de démolir subsistent et peuvent donc être sans difficulté, d'une part, soumis au délai visé à l’article R. 424-17 et, d’autre part, concerné par le décret du 19 décembre 2008, qu’en sera-t-il en revanche de la déclaration de travaux ou de l'autorisation de lotir, pour ne citer qu’elles ? La déclaration de travaux n’est pas une déclaration préalable de même que l’autorisation de lotir n’est pas le permis d’aménager. Quel serait alors leur délai de validité, aucun texte ne le prévoyant désormais ? Le juge pourrait-il considérer que de telles autorisations dépourvues de « descendance » continueront à être régies, s’agissant de leur délai de validité, par les articles qui prévalaient avant l’entrée en vigueur de la réforme ?

  • Je partage votre analyse mais le problème des autorisations d'urbanisme disparues est constant dans la réforme. Bien plus, elle organise même une "discrimination" entre autorisations d'urbanisme existantes puisqu'à titre d'exemple, l'article L.424-5 ne vise pas les autorisation "UTN".

    sur le point en question de deux choses l'une:

    - soit l'on fait dépendre les anciennes autorisations des articles R.424-17 et suivants actuels;
    - soit les anciennes autorisations n'ont plus aucune limite de validité : une décision opposant aujourd'hui la péremption d'un permis de construire ancien régime ne saurait se fonder sur l'article R.421-32 dès lors qu'il a été abrogé...

    je ne vois pas d'autre alternative.

    bien à vous.

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