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Quelle parcelle doit disposer d’un accès à une voie publique ou privé pour que le terrain soit constructible au regard de l’article 3 du règlement d’urbanisme ?

La légalité d’un permis de construire au regard de l’article 3 du règlement local d’urbanisme relatif à la desserte des terrains peut être établie en considération d’un accès à la voie publique aménagée sur une autre parcelle que celle sur laquelle porte la demande dès lors que l’une et l’autre forment une même unité foncière.

CE. 8 octobre 2008, M. Jean-Pierre B., req. n°292.799



Bien qu’il appelle peu de commentaires, voici un arrêt plus intéressant qu’il n’y paraît et qui, à ce titre, mérite donc d’être mis en exergue (et en tout état de cause l’actualité jurisprudentielle est relativement pauvre cette semaine…).

On sait, en effet, que l’article R.111-5 du Code de l’urbanisme – reprenant les dispositions de l’ancien article R.111-4, tout en en supprimant, pour le moins curieusement, son caractère d’ordre public – se borne, comme d’autres, à viser « le terrain » et à prévoir, en substance, son accessibilité depuis une voie publique ou privée. Mais l’on sait que sur ce point, le Conseil d’Etat a jugé que c’est bien le terrain qui devait être desservie par une voie présentant des caractéristiques techniques et fonctionnelles à l’opération projetée et, par voie de conséquence, que ces prescriptions étaient inapplicables s’agissant des voies internes permettant l’accès aux constructions (CE. 26 octobre 2005, Cne de Sceaux, req. n°265.488).

Et à l’instar de ce dispositif, la plupart des articles 3 des règlements locaux d’urbanisme régit également l’accessibilité du terrain ; rien ne s’opposant toutefois à ce qu’ils imposent la desserte des constructions (CAA. Versailles, 16 mai 2006, Sté Francelot, req. n°04VE03353) , le cas échéant, en limitant le nombre de bâtiment accessible par une même voie (CAA. Paris, 16 octobre 2008, M. A.Z., req. n°07PA00235) et/ou en modulant ses exigences selon les caractéristiques de la construction projetée (CE. 20 janvier 1988, SCI « Le Clos du Cèdre », req. n° 85.548).

Mais lorsqu’ils se contentent de viser le terrain, leurs prescriptions ne sont également opposables que pour ce qui concerne la desserte de celui-ci et ne valent donc pas pour ce qui a trait aux voies internes permettant l’accès aux constructions à édifier (CAA. Nancy, 24 juin 2004, M. Y., req. n°00NC00148 ; TA. Poitiers, 25 octobre 2007, Mme Servouse, req. n°06-01532 & 07-00878).

Reste à savoir ce qu’il faut entendre par « terrain ».

Comme on le sait, les prescriptions d’urbanisme ont, par principe, vocation à s’appliquer à l’échelle de l’unité foncière à construire et non pas spécifiquement à l’échelon des parcelles de celle-ci sur lesquelles portent concrètement la demande d’autorisation de construire.

Il reste qu’avec celles de l’article 4 du règlement local d’urbanisme, les prescriptions de l’article 3 présentent une dimension plus fonctionnelle que technique en ce sens qu’elles n’ont pas trait aux caractéristiques constructives ou architecturales du projet mais procèdent avant tout de considération liée à son utilisation.

Dans cette mesure, on pouvait donc penser que c’est bien les parcelles à construire qui devaient être desservies et non pas plus généralement l’unité foncière dont elles font partie dès lors que l’on voit mal l’utilité de prendre en compte l’accès dont dispose une parcelle ne relevant pas de l’assiette foncière du projet si les parcelles à construire ne sont pas pour leur part effectivement desservies par une voie. Et d’ailleurs, force est de relever que le Conseil d’Etat avait précédemment jugé que :

« Considérant qu'aux termes de l'article UA 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE MONT-DE-LANS : "Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisins ou éventuellement obtenu par application de l'article 682 du code civil. Les caractéristiques des accès doivent permettre de satisfaire aux règles minimales de desserte en montagne : défense contre l'incendie, protection civile, brancardage, déneigement, soit une largeur minimale d'emprise de 6,00 mètres ( ...)" ;
Considérant que, pour rejeter les requêtes qui lui étaient présentées, la cour a estimé que "nonobstant la circonstance qu'à la date de la délivrance du permis de construire litigieux, le terrain d'assiette des deux chalets faisant l'objet de cette autorisation ait fait partie d'une parcelle plus étendue longée par une voie publique, ce terrain, désormais dépourvu d'accès direct à la voie publique, a été détaché depuis du reste de ladite parcelle sur laquelle existe un passage d'une largeur inférieure à 6 mètres" ; que la légalité du permis de construire litigieux s'appréciant à la date à laquelle il a été délivré, la cour a commis une erreur de droit en tenant compte, pour statuer sur la légalité de ce permis, de circonstances de droit et de fait postérieures à la date de délivrance du permis ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué doit être annulé ;
(…)
Considérant que le permis litigieux a été délivré pour la construction de deux chalets sur la parcelle AL 221 qui, si elle faisait alors partie d'un terrain composé des parcelles AL 220 et AL 221 appartenant à la copropriété "Le Schriss", constituait cependant une parcelle distincte ; que cette parcelle constituait ainsi le terrain d'emprise du projet au regard desdispositions ci-dessus énoncées de l'article UA 3 du règlement du plan d'occupation des sols ; que l'accès à cette parcelle depuis la voie publique, assuré par un droit de passage, devait respecter les dispositions précitées du règlement du plan d'occupation des sols ; que ce dernier, en fixant une largeur minimale d'emprise des accès aux terrains constructibles, n'a méconnu ni l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme, relatif aux conditions de desserte des terrains faisant l'objet d'une demande de permis, ni l'article 682 du code civil relatif à la fixation des servitudes ; qu'il est constant que la largeur du passage donnant accès à la parcelle AL 221 au droit de la parcelle AL 220 est inférieure à six mètres, méconnaissant ainsi les prescriptions de l'article UA 3 du règlement du plan d'occupation des sols ; que le permis délivré est, dès lors, illéga
l » (CE. 29 juillet 1998, Cne de Mont-de-Lans, req. n°176.156) ;


et, donc, que c’est bien la parcelle visée dans la demande de permis de construire qui devait disposer d’un accès à une voie.

Mais précisément, le Conseil d’Etat vient d’adopter une position différente en jugeant que :

« Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article RUI 3 du règlement de plan d'occupation des sols de la ville de Marseille, applicable en l'espèce : « Les constructions sont desservies par des voies publiques ou privées, dont les caractéristiques, telles qu'elles se présentent au moment de l'exécution du projet, correspondent à leur destination » ; qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la parcelle litigieuse, d'une surface hors oeuvre nette de 120 m² était desservie par une impasse en escalier d'1,50 m de large ayant pour seule vocation d'assurer l'accès piéton, que les deux places de stationnement des véhicules étaient situées à proximité et non sur le terrain d'assiette du projet et que cette parcelle formait une unité foncière unique avec la parcelle K n° 13 la jouxtant, appartenant également à M. A, et disposant d'un accès direct plus large à une voie publique, la cour a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, en déduire que la desserte de la construction en cause était conforme à sa destination ; qu'en relevant, en outre, que l'article R. UI 3 ne portait pas sur les conditions d'accès des services d'incendie et de secours, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit »

et donc en estimant que la desserte des terrains peut être établie en considération d’un accès à la voie publique aménagée sur une autre parcelle que celle sur laquelle porte la demande dès lors que l’une et l’autre forment une même unité foncière

Cette solution nous paraît parfaitement cohérente. On sait en effet que le propriétaire d’un terrain enclavé ou, plus généralement, d’un terrain desservi par une voie ne présentant pas les caractéristiques requises pour son projet de construction, a la possibilité d’obtenir une servitude de passage sur le fonds d’un tiers aux fins de relier son terrain à une voie présentant des caractéristiques plus adaptées aux prescriptions de l’article R.111-5 du Code de l’urbanisme ou de l’article 3 du règlement local d’urbanisme. Et en pareil cas, l’accès au terrain depuis cette voie s’opère donc non seulement depuis une autre parcelle mais, en outre, depuis une autre unité foncière.

On voit donc mal pourquoi un propriétaire ne pourrait pas se prévaloir d’un accès existant sur une autre parcelle que celle à construire dès lorsqu’elles forment une seule et même unité foncière.

Néanmoins, il faut souligner que les circonstances de fait de cette affaire étaient différentes de celles de l’arrêt précité dans la mesure où dans celle objet de l’arrêt commenté la demande de permis de construire émanait du propriétaire de l’unité foncière en cause alors que dans la précédente la demande émanait d’une personne ne présentant pas la qualité de propriétaire de l’unité foncière existante et qui n’était titré que sur la parcelle de la demande.



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

Commentaires

  • Bonjour,
    Mon terrain est situé entre 2 routes, en aval, j'ai créé un accès pour les véhicules, et en amont un accès piétonnier via un escalier en pierre.
    La commune réalise des travaux d'aménagement de la route amont, avec l'édification d'un muret et d'une barrière.
    Ces travaux ont nécessité la démolition de cet escalier, et la commune ne veut pas rétablir ce passage.

    Quels sont mes droits en ce domaine ?

    Merci d'avance.

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