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Le projet d’ordonnance relatif à la correction de la réforme des autorisations d’urbanisme (II) : Le futur alinéa 2 de l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme est-il nécessaire et suffisant ?

Quand le projet d’ordonnance relatif à la correction de la réforme des autorisations d’urbanisme ignore l’article L.421-6 (al.1) du Code de l’urbanisme et, partant, ne règle qu’une partie du problème visé.


Allez savoir pourquoi mais certains arrêts marquent les esprits plus que d’autres. Ainsi, alors qu’il proposait une solution loin d’être inédites en la matière, qui plus est issue d’une jurisprudence ancienne, l’arrêt par laquelle la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA. Versailles, 29 décembre 2009, Cne de Meudon, req. n°08VE03693) a annulé la totalité d’un permis de construire un ensemble immobilier au motif que l’aménagement intérieur du local « ERP » en rez-de-chaussée n’était pas déterminé a eu un certain « retentissement ».


C’est en conséquence qu’aux fins de régler cette problématique, le projet d’ordonnance relatif à la correction de la réforme des autorisations d’urbanisme entend ajouter à l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme l’alinéa 2 suivant :

« Toutefois, lorsque l'affectation de l’établissement recevant du public ou d'une partie de celui-ci n'est pas connue lors du dépôt de la demande de permis de construire, le permis de construire indique qu’une autorisation complémentaire au seul titre de l’article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation devra être demandée en ce qui concerne l'aménagement intérieur de la partie de bâtiment concernée ».

La cause du problème rencontré par les promoteurs souhaitant vendre des locaux « ERP » à des investisseurs n’étant pas connus au moment de l’obtention du permis de construire tiendrait donc à l’alinéa 1er de l’article L.425-3 précité et, partant, le futur alinéa 2 résoudra à lui seul l’ensemble de cette problématique. Pas si sûr. Et non seulement il n’est pas si évident que l’ajout de cet alinéa soit nécessaire s’agissant de ce qui ne constitue en fait que l’un des aspects de cette problématique mais surtout il est clair que ce nouveau dispositif sera totalement inopérant à l’égard des autres.

Il faut en effet rappeler que l’ensemble de la jurisprudence rendue en la matière procédait de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme qui dans sa rédaction en vigueur avant le 1er octobre 20007 disposait non seulement, d’une façon générale, que « le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords et si le demandeur s'engage à respecter les règles générales de construction prises en application du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation » mais précisait, plus spécifiquement, qu’en « outre, pour les immeubles de grande hauteur ou les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux règles de sécurité propres à ce type d'immeubles ou d'établissements, que les locaux concernés soient ou non à usage d'habitation. Pour les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation ».

Il s’ensuit que sous l’empire de ce dispositif, les règles de sécurité et d’accessibilité applicables aux « ERP » étaient placées au même rang que l’ensemble des normes d’urbanisme qu’un permis de construire avait « naturellement » vocation à sanctionner. Le respect de l’ensemble de cette règlementation était une condition sans laquelle « le permis de p(ouvai)t être délivré ».

Si le dispositif entré en vigueur le 1er octobre 2007 a conservé un « socle » équivalent dans son objet à l’ancien à travers l’article L.421-3 précité, en l’occurrence l’article L421-6 du Code de l’urbanisme, il reste que ce dernier se borne à disposer que : « le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ».

A ce titre, le respect de la règlementation propre aux « ERP » n’est donc pas ici une condition sans laquelle « le permis (…) ne peut être accordé » ; ce qui n’est pas fondamentalement illogique puisque cette règlementation codifiée au Code de la construction et de l’habitation est indépendante de la législation d’urbanisme : c’est précisément la raison pour laquelle l’ancien article L.421-3, pour faire exception à ce principe d’indépendance des législations, visait donc expressément les « ERP » et la règlementation leur étant propre.

Or, si cette règlementation propre aux « ERP » n’est pas exclue du dispositif entrée en vigueur le 1er octobre 2007, il reste que c’est précisément, et au premier chef pour ne pas dire exclusivement, à travers l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme, lequel se borne à disposer que :

« Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions ».

Et force est d’admettre qu’il y a une différence substantielle entre le fait de prévoir, comme l’ancien article L.421-3, que « le permis de construire ne peut être délivré » si le projet n’est pas conforme à la règlementation opposables aux « ERP » et prévoir, comme l’article précité, que lorsque le projet porte sur un « EPR », le permis de construire tient lieu de l’autorisation de travaux et d’aménagement prévue par l’article précité.

Surtout, il résulte de l’article précité que le permis de construire tient lieu de cette autorisation dès lors que le projet a recueilli l’accord de l’autorité compétente, lequel implique l’avis favorable des commissions de sécurité et d’accessibilité ; sauf dans le cas d’un « ERP » de 5e catégorie où seul ‘avis de la commission d’accessibilité est requis.

A suivre cet article – le seul à valeur législative à saisir et à organiser l’articulation entre la législation d’urbanisme et la règlementation applicable aux « EPR » – que se passe-il lorsque le projet ne recueille pas un tel accord, à titre d’exemple parce que les commissions consultés n’ont pas pu réellement se prononcer sur le projet faute de prévoir l’aménagement intérieur des locaux relevant de cette réglementation ? Et bien le permis de construire (éventuellement) obtenu ne tient pas lieu de l’autorisation visée par l’article L.111-8 du Code de la construction et de l’habitation.

Est-ce à dire que ce permis de construire délivré dans ces conditions est illégal ? Difficile à affirmer et à démontrer dès lors que la légalité d’un permis de construire a vocation à s’apprécier au regard des normes sanctionnant les aspects du projet visés par l’article L.421-6 précité, lequel à la différence de de l’ancien article L.421-3 n’intègre en aucune mesure la règlementation de sécurité et d’accessibilité applicable aux « EPR »…

Dans cette mesure, la portée et l’unité réelles du futur alinéa 2 de l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme n’est donc pas si évidente ; le principal mérite de cet alinéa étant toutefois de confirmer la possibilité de reporter la détermination et l’examen de la conformité de l’aménagement intérieur des locaux « ERP ».

Il reste surtout que la problématique que vise à résoudre l’alinéa précité n’est réellement pas propre à la règlementation « ERP » : elle tient en droit à la législation d’urbanisme. Et si ce sont les « EPR » qui en subissent les conséquences, c’est uniquement pour des raisons factuelles tenant au mode de commercialisation des locaux en rez-de-chaussée d’ensemble immobilier ne relevant pas, au principal, de cette règlementation. En effet, cette problématique résulte concrètement du seul fait qu’à la date d’obtention de son permis de construire, le promoteur prévoyant ces locaux ne connait pas la qualité de celui qui les acquerra et, a fortiori, n’a aucune connaissance de cet acquéreur souhaitera en faire. Il s’ensuit que, dans la majorité des cas, ce n’est pas que l’aménagement intérieur de ces locaux qui n’est pas prévu…

Ainsi qu’il a été pré-exposé, la cause de cette problématique tient en effet à l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme dont l’économie générale – pour ce qui concerne ses dispositions de « droit commun » - a été reprise par l’actuel article L.421-6, lequel impose à l’administration de prendre parti sur l’ensemble des aspects du projet saisis par ces dispositions (CE. 7 novembre 1973, Giudicelli, req. n° 85.237) et, partant, impose en amont au pétitionnaire de soumettre un projet finalisé sur ces points.

Dès lors, force est en premier lieu de relever que le futur alinéa 2 de l’article L.425-3 du Code de l’urbanise vise « l'affectation de l’établissement » pour ainsi rappeler que la notion d’affectation est propre à la législation immobilière et, en droit, est donc distincte de la destination d’une construction avec laquelle, en fait, elle ne se confond pas nécessairement.

Or, précisément, l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme – auquel les auteurs du projet d’ordonnance ici commenté n’entendent donc pas toucher – vise pour sa part la « destination » de la construction projetée. A priori, le fait que le futur alinéa 2 de l’article L.425-3 permette de reporter la détermination de l’aménagement intérieur du local « ERP » projeté ne dispensera pas pour autant de conférer une destination à ce local ; et quand on sait (CAA. Paris, 2 avril 2009, Cne de Maincy, req. n°06PA00937) que cette destination s’apprécie au premier chef au regard des caractéristiques physiques de l’ouvrage…

Mais en outre, l’affectation et l’aménagement intérieur des locaux sont sans rapport avec « l’architecture » au sens de l’ancien article L.421-3 et de l’actuel article L.421-6 du Code de l’urbanisme dont il résulte que le permis de construire doit prendre parti sur l’aspect extérieur des locaux et, notamment, de leur façade (CE. 8 janvier 1982, Association « Tradition & Maintien des Puces », Rec., p. 786).

Il s’ensuit que pour affranchir clairement de l’obligation de prévoir l’aménagement intérieur des locaux « ERP » projeté, le futur alinéa 2 de l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme en ce qu’il est sans incidence sur l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme ne dispensera pas de conférer une destination aux locaux projetés et de finaliser leur façade.

 

 

Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

Commentaires

  • Bonjour,

    Participant aux travaux des commissions de sécurité qui sont chargées du contrôle des ERP depuis presque 20 ans, j’ai suivi avec intérêt la réforme du permis de construire entrée en vigueur le 1er octobre 2007.

    Comme votre analyse le souligne très pertinemment, je suis convaincu également que la délivrance du permis de construire n’est plus désormais conditionnée par le respect des règles de sécurité et d’accessibilité.
    Toutefois, les services du ministère de l’Ecologie… ne sont pas du même avis et l’on peut s’en convaincre en lisant certains extraits de la circulaire n°2007-53 du 30 novembre 2007 relative à l’accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d’habitation.
    On peut en effet y lire au § 2.4.a.4 (p. 25) de la section « C.2.4. Instruction de la demande d’autorisation de travaux et de la dérogation » :

    « Décision :
    « Dans la pratique, les cas suivants peuvent se présenter :

    « – l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation n’est pas celle qui délivre le permis de « construire (cas d’un permis délivré par un président d’EPCI). Alors, le maire doit notifier directement son refus concernant l’autorisation de travaux dans le délai de cinq mois et en faire copie au président d’EPCI qui devra en prendre acte pour refuser le permis de construire ;

    « – les deux autorités sont confondues, l’autorité unique dispose d’un délai de six mois pour délivrer le permis (art. R. 423-28 du code de l’urbanisme) mais de cinq mois seulement pour délivrer l’autorisation de travaux (art. R. 111-19-22 du CCH). En cas de refus de cette autorisation, et ce même si l’instruction du permis n’est pas terminée, elle doit impérativement le notifier au pétitionnaire dans le délai de cinq mois (ce qui entraîne alors le refus de permis), car une absence de décision vaudrait autorisation de travaux implicite. »
    (Voir aussi les annexes de la circulaire : Lien vers ces Annexes 1 à 5)



    Je m’écarte toutefois un peu de votre analyse pour ce qui concerne les ERP de 5e catégorie concernant deux points :
    Rappel de l’alinéa de votre analyse concerné :
    « (…)
    Surtout, il résulte de l’article précité que le permis de construire tient lieu de cette autorisation dès lors que le projet a recueilli l’accord de l’autorité compétente, lequel implique l’avis favorable des commissions de sécurité et d’accessibilité ; sauf dans le cas d’un « ERP » de 5e catégorie où seul l‘avis de la commission d’accessibilité est requis. »


    PREMIER POINT (petit détail qui peut avoir son importance) :
    Extrait du texte concerné : « …lequel implique l’avis favorable des commissions de sécurité et d’accessibilité ».

    Selon moi, l’avis (favorable ou non) d’une commission de sécurité (ou d’accessibilité) n’est plus requis (cf. Art. L. 111-8 du CCH) même si dans la réalité les autorités utilisent toujours cet organe technique.
    Toutefois, étrangement, la commission de sécurité est citée à nouveau dans l’alinéa d’un article traitant uniquement des ERP de 5e catégorie hébergeant du public – voir Art. R. 123-14 du CCH en vigueur).
    Nota : On verra plus bas que la position de l’administration n’est pas claire à ce sujet.

    Sauf dans le cas précité, ces commissions ne sont donc plus que des moyens mis à la disposition (si elles le souhaitent) des autorités pour « s’assurer » du respect des règles de sécurité (et d’accessibilité).

    Avant le 1er octobre 2007, ce sont les anciens articles R. 123-22 et R. 123-14 (al. 3) du CCH qui imposaient la consultation d’une commission de sécurité dans le cadre d’un permis de construire (les ERP de 5e catégorie n’hébergeant pas de public n’étaient pas concernés).
    A cette époque, l’absence de consultation d’une commission de sécurité ou la consultation d’une commission incompétente (absence d’un membre…) constituait un vice procédure pouvant entrainer l’annulation d’une décision (arrêté de permis de construire, arrêté de fermeture d’un établissement… – voir dans ce dernier cas : CE n°52275, 12/03/86, Commune de Mérignac…).


    DEUXIEME POINT :
    Extrait du texte concerné : « … sauf dans le cas d’un « ERP » de 5e catégorie où seul l‘avis de la commission d’accessibilité est requis ».

    Selon moi, les ERP de 5e catégorie (hébergeant ou non du public) sont soumis aux mêmes dispositions que les ERP des catégories supérieures.
    Les autorités doivent donc s’assurer du respect des règles de sécurité et d’accessibilité (après éventuellement consultation des commissions appropriées) pour les ERP de toutes catégories.
    En effet, l’article L. 111-8 du CCH ne distingue pas les ERP selon leur catégorie.

    La jurisprudence constante du CE (CE n°108304, 17/06/96 - Voir 3e considérant ; etc.) relative à l’application de l’ancien Art. R. 123-14 pouvait laisser penser que l’article L. 111-8 n’était pas applicable aux ERP de 5e catégorie n’hébergeant pas de public, notamment suite à la modification en 2009 du seul alinéa 3 de cet article réservé aux ERP hébergeant du public.
    Mais selon le principe de la hiérarchie des normes, on ne peut que conclure que la dernière rédaction de cet article n’a pas pris en compte les dispositions de l’article L. 111-8 du CCH.

    Le ministère de l’Ecologie c’est d’ailleurs rangé à cette interprétation dans la réponse qu’il a apportée à un député à ce propos (QEAN - N° : 84886 - M. Gilles Bourdouleix du 20/07/2010).
    Nota : Et oui, le ministère parle de commissions… ! Mais ce n’est pas à mon avis approprié (voir mon Premier point plus haut).

    Conclusion : Souhaitons que l’article R. 123-14 soit rapidement modifié.


    J’attends avec impatience vos observations sur mon analyse et vous félicite pour vos articles toujours très instructifs.


    PS : Les liens hypertextes que j'ai mis dans mes commentaires n'étant pas pris en compte, je peux envoyer l'original de ce courrier avec ces liens sur demande.

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