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Chroniques & études - Page 3

  • Sur le champ d’application du décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 prorogeant le délai de validité des autorisations d’urbanisme

    Rép. Min. n°38310 ; JOAN, 31/03/2009, p. 3094

    Texte de la question : « M. François Vannson attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme. Cet article prévoit qu'un permis de construire est périmé si, passé un délai de deux ans, les travaux sont interrompus pendant une durée supérieure à une année. Cette disposition peut se révéler préjudiciable, notamment lorsque les opérations sont réalisées sous forme de permis de construire valant division, prévu par l'article R. 431-24 du code précité. En effet, les promoteurs peuvent être amenés en raison de la conjoncture fortement dégradée du marché de l'immobilier, à ne réaliser que partiellement le projet pour le reprendre et l'achever ultérieurement. C'est la raison pour laquelle il lui semblerait souhaitable que le permis de construire valant division puisse être prorogé pendant deux périodes successives d'une année. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître ses intentions en la matière ».

    Texte de la réponse : « Suite au plan de relance présenté le 4 décembre 2008 par le Président de la République, a été publié, le 19 décembre 2008, le décret n° 2008-1353 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable. Ce décret assouplit les dispositions de l'article R. 421-17 en portant de deux à trois ans la validité des autorisations d'urbanisme en cours ou délivrées d'ici au 31 décembre 2010. En outre, cette nouvelle mesure ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions prévues aux articles R. 424-21 et R. 424-23 du code de l'urbanisme. Ainsi, les promoteurs titulaires de permis valant division en cours de validité ou délivrés d'ici au 31 décembre 2010 pourront, lorsqu'une demande de prorogation aura été engagée dans les temps, bénéficier d'une durée totale de quatre ans à compter de la délivrance du permis pour réaliser leur projet ».


    Voici une réponse dont le principal mérite est de nous offrir la possibilité de traiter d’une question d’importance – ayant déjà appelé un certain nombre de commentaires – à savoir le champ d’application du décret du 19 décembre 2008 et, plus précisément, son application au permis de construire sollicités et/ou délivrés avant le 1er octobre 2007.

    L’article 1er du décret du 19 décembre 2008 dispose que « par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 et à l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme, le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration intervenus au plus tard le 31 décembre 2010 est porté à trois ans. Cette disposition ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions définies aux articles R. * 424-21 à R. * 424-23 du même code ».

    A s’en tenir à la lettre de ces dispositions, force serait d’en déduire qu’il ne vaut qu’à l’égard des permis de construire délivrés après le 1er octobre 2007 et, donc, après l’entrée en vigueur des articles R.424-17 du Code de l’urbanisme.

    Mais cette conclusion nous parait devoir être doublement nuancée.

    En premier lieu, il faut préciser que l’article 26 du décret du 5 janvier 2007 – en ce qu’il dispose que « les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt. » – ne saurait avoir aucune incidence sur le champ d’application du décret du 19 décembre 2008.

    Ainsi qu’il l’indique, en effet, l’article 26 précité détermine uniquement les règles applicables à l’instruction des « demandes » (TA. Marseille, 10 mars 2009, SCI Cyrnos, req. n°08-05870) cependant que le dispositif relatif à la durée de validité d’une autorisation d’urbanisme, tel qu’actuellement régi par les articles R.424-17 et suivant du Code de l’urbanisme, a exclusivement trait à l’exécution des autorisations obtenues et ce, au même titre, pour exemple, que les dispositions édictées par l’article R.424-15 s’agissant de l’affichage de ces autorisations.

    Or, s’il on devait considérer que l’article 26 précité détermine les règles applicables à l’exécution d’un permis de construire, force serait donc de considérer qu’un permis de construire sollicité avant le 1er octobre 2007 mais délivré après cette échéance devrait être affiché selon les dispositions de l’ancien article R.421-39 du Code de l’urbanisme et verrait le délai de recours à son encontre déterminé par l’ancien article R.490-7.

    Mais précisément, le Conseil d’Etat vient de préciser que l’affichage et le délai de recours à l’encontre de ces permis de construire étaient régis par les articles R.424-15 et R.600-2 du Code de l’urbanisme (CE. 19 novembre 2008, avis n°317.279)…

    L’article 26 du décret du 5 janvier 2007 ne concernant donc pas les règles relatives à l’exécution des permis de construire, celui-ci ne saurait avoir une quelconque incidence sur le champ d’application du décret du 19 décembre 2008.

    En second lieu, il n’est pas totalement illogique que l’article 1er du décret du 19 décembre 2008 précise s’appliquer « par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 et à l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme » puisque l’entrée en vigueur du décret du 5 janvier 2007 et, par voie de conséquence, de ces deux derniers articles a eu pour corolaire l’abrogation, notamment, des anciens articles R.421-32 et suivants du Code de l’urbanisme qui jusqu’à cette date régissaient le délai de validité des permis de construire. Or, on imagine mal un décret précisait qu’il déroge à des dispositions précédemment abrogées.

    Mais du fait de cette abrogation, de deux choses l’une en toute hypothèse :

    - soit, le délai de validité des permis de construire délivré avant le 1er octobre 2007 n’est plus régi par aucune disposition du Code de l’urbanisme et, en d’autres termes, leur validité ne serait donc plus encadrée, ni limitée… ;

    - soit, le délai de validité des permis de construire des permis de construire délivrés avant cette date et n’étant pas précédemment devenu caducs est aujourd’hui régi par le dispositif s’étant substitué aux articles R.421-32 du Code de l’urbanisme, à savoir les articles R.424-17 et suivants du Code de l’urbanisme.

    Or, l’examen de la jurisprudence rendue en la matière tend à établir que le délai de validité d’une autorisation d’urbanisme suit, tant qu’elle n’est pas frappée de caducité, l’évolution et les modifications du dispositif organisant la matière et n’est pas « cristallisé » par celui en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation considérée.

    A titre d’exemple, s’agissant de l‘application de l’article 3 du décret du 12 août 1981 ayant eu pour effet de porter à deux ans le délai initial de validité du permis de construire antérieurement fixé à un an par le décret du 7 juillet 1977, le Conseil d’Etat a été jugé que :

    « Considérant d'une part que l'article R.421-38 du code de l'urbanisme prévoit que le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans un délai qui, après avoir été fixé à un an, a été porté à deux ans par l'article 3 du décret du 12 août 1981 modifiant le premier alinéa de l'article R.421-38 dudit code ; que ledit délai de deux ans s'appliquait dès l'entrée en vigueur du décret l'instituant à tous les permis de construire en cours de validité à cette date ; que, par suite, l'Association des amis des sites de la baie de BANDOL n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire délivré le 17 juin 1981 par le préfet du Var à la société civile immobilière "Village de Pierreplane" était périmé à la date du 7 juin 1983 à laquelle, par la décision attaquée, le commissaire de la République du département du Var a prorogé ledit permis de construire » (CE. 27 novembre 1987, Association des amis des sites de la baie de BANDOL, req. n°66.287).

    et, en d’autres termes, qu’un permis de construire délivré sous l’empire des dispositions issues du décret du 7 juillet 1977 bénéficiait néanmoins de l’extension du délai de validité prévue par les dispositions du décret du 12 août 1981 – ayant concomitamment abrogé les dispositions précédemment en vigueur – dès lors qu’il précisait que son « délai de deux ans s'appliquait dès l'entrée en vigueur du décret l'instituant à tous les permis de construire en cours de validité à cette date ».

    De même et pour ce qui concerne l’application de du décret du 31 juillet 2006 suspendant le délai de validité des permis de construire frappé de recours, il a été jugé que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du décret n° 2006-958 du 31 juillet 2006, lequel s'applique aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication : « Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 … Lorsque le permis de construire fait l'objet d'un recours en annulation devant la juridiction administrative…, le délai de validité de ce permis est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable… » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la SCI Lespagnol ait reçu notification du permis modificatif litigieux plus de deux ans avant l'entrée en vigueur du décret du 31 juillet 2006 ; que le délai de validité de ce permis est donc, en vertu de ce même décret, suspendu tant que n'a pas été notifiée une décision juridictionnelle irrévocable ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ce permis serait caduc ne peut qu'être écarté » (CAA. Bordeaux, 5 juillet 2007, Sophie X…, req. n°05BX00191) ;

    et, en d’autres termes, qu’un permis de construire délivré sous l’empire des dispositions de l’ancien article R.421-32 (al.4), issues du décret du 30 décembre 1983, bénéficiait néanmoins du régime suspension du délai de validité organisé par l’article R.421-32 (al.4) dans sa rédaction issu du décret du 31 juillet 2006 – ayant concomitamment abrogé les dispositions précédemment applicables – y compris s’il avait été frappé de recours avant l’entrée en vigueur de ce dernier et ce, alors même qu’à sa date de délivrance aucune disposition du Code de l’urbanisme ne prévoyait une telle suspension ; l’article 2 du décret du 31 juillet 2006 précisant « s'applique(r) aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication ».

    De ce fait, il nous semble donc raisonnable de considérer que les permis de construire délivrés avant le 1er octobre 2007 et n’ayant pas été précédemment frappés de caducité voient aujourd’hui leur délai de validité régi par les articles R.424-17 et suivants du Code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, bénéficient de la prorogation prévue par l’article 1er du décret du 19 décembre 2008. Et d’ailleurs :

    - d’une part, si l’article 1er vise les « permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration », son article 2 précise, d’une façon beaucoup plus générale, que « le présent décret s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication » ;

    - d’autre part, si les dispositions de ce décret ont été réparties en deux articles distincts, c’est bien que celles contenues par son article 1er ne doivent pas être systématiquement interprétées en considération de celles de son article 2 et, a contrario, que celles de ce dernier n’ont pas vocation à être strictement interprétées à la lumière de celles de son l’article 1er.

    Et si cette conclusion doit être formulée sous la réserve de principe liée à l’interprétation du juge administratif, il reste que l’on voit mal comment et pourquoi celui-ci distinguerait le champ d’application du décret du 19 décembre 2008 selon que l’autorisation considérée ait été délivré avant ou après le 1er octobre 2007 dès lors que la cause de décret du 19 décembre 2008 est totalement étrangère à cette considération…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • PREMIER BILAN DE L’ARTICLE L.600-5 DU CODE DE L’URBANISME ©

    Faute de jurisprudence présentant un réel intérêt, j'ai décidé de créer une nouvelle rubrique (laquelle ne sera toutefois alimentée que très épisodiquement...). Et pour l'inaugurer, j'ai choisi ma dernière "marotte"... pour ne plus y revenir qu'exceptionnellement (promis).


    L’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, introduit par la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 dite « ENL », prévoit que « lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation » et, le cas échéant, que « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ».

    Il reste que le seul fait de prévoir pour le juge administratif la possibilité de prononcer l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme n’est pas d’une absolue nouveauté puisqu’il s’y autorisait déjà lorsque l’autorisation en cause était divisible, c’est-à-dire lorsque la composante du projet illégale était dissociable des autres d’un point de vue juridique et technique, voir fonctionnel. Or, pour sa part, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme se borne à viser le cas, plus général, où « seule une partie du projet (…) est illégale » et, ainsi, semble avoir vocation à élargir les hypothèses dans lesquelles l’autorisation d’urbanisme contestée pourra ne faire l’objet que d’une annulation partielle.

    Néanmoins près d'un an et demi après son entrée en vigueur, force est de constater que l’article L.600-5 n’a donné lieu qu’à peu de décisions jurisprudentielles alors qu’au regard de sa rédaction (« lorsqu’elle constate… ») il n’est pas besoin que les parties en aient sollicité l’application qui pour être facultative (« la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle … ») est néanmoins ouverte pour l’ensemble des actions contentieuses en cours d’instance, qu’elles aient ou non été introduites avant l’entrée en vigueur de la loi « ENL » (TA. Amiens, 29 décembre 2006, req. n° 04-01732), tant devant le juge administratif de première instance que devant les juges d’appel et de cassation lorsqu’ils sont appelés à statuer sur le fond du litige. Mais précisément, il est permis de se demander si cette application marginale de ce nouveau dispositif n’est pas le signe de ce qu’il ne revêt pas tout l’intérêt que certains ont voulu y voir.

    Tout d’abord, mais ce n’est pas une réelle surprise, l’article L.600-5 ne saurait en principe s’appliquer lorsque l’autorisation litigieuse est entachée d’illégalité externe pour avoir été délivrée au vu d’un dossier de demande incomplet (CAA. Bordeaux, 30 octobre 2007, SCI Les Terrasses de Marie, req.n° 05BX01764) ou au terme d’une procédure d’instruction irrégulière (CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015) puisqu’il est rare que seule une partie du projet puisse s’en trouver spécifiquement affectée d’illégalité. Et s’il peut y avoir des exceptions, force est de constater qu’elles avaient déjà été admises par le juge administratif avant même l’entrée en vigueur de l’article précité.

    Ainsi à l’égard d’un permis de construire portant, d’une part, sur un ensemble de maisons individuelles et, d’autre part, sur un établissement hôtelier délivré mais au vu d’un dossier de demande ne comportant pas la justification de la demande d’autorisation d’exploitation comme le prescrivait alors l’ancien article R.421-4 du Code de l’urbanisme, il a pu être jugé que cette circonstance n’affectait d’illégalité le permis de construire qu’en tant qu’il portait sur l’hôtel dans la mesure où seul ce dernier était soumis à autorisation d’exploitation et où il était, à tous les égards, dissociable des maisons à réaliser (CAA. Nantes, 18 avril 2006, Sté Investimmo Régions).

    Mais surtout, il faut relever qu’à l’égard d’un permis de construire méconnaissant l’ancien article L.421-2-4 du Code de l’urbanisme en ce qu’il prescrivait que « lorsque a été prescrite la réalisation d'opérations d'archéologie préventive, le permis de construire indique que les travaux de construction ne peuvent être entrepris avant l'achèvement de ces opérations », la Cour administrative d’appel de Nantes a récemment jugé que « ledit permis de construire est entaché d’illégalité en tant qu’il n’est pas assorti de cette prescription et encourt, dans cette mesure, l’annulation » (CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015) et ce, en se plaçant clairement en dehors du champ d’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, sur lequel elle s’est prononcée par ailleurs. Et pour cause puisque dans cette affaire, les opérations d’archéologie préventive prescrites concernaient ensemble du terrain d’assiette du permis de construire contesté et, donc, non pas une partie mais l’ensemble du projet. De la même façon, sans viser cet article, la Cour administrative d’appel de Bordeaux n’a annulé une autorisation de lotir qu’en tant que l’une de ces prescriptions méconnaissait l’ancien article R.315-30 du Code de l’urbanisme relative à son délai de validité et, donc, au délai de réalisation de l’ensemble du projet (CAA Bordeaux, 20 nov. 2006, n° 03BX00962, épx X.) Ce faisant, ces deux juridictions ont donc adopté une solution que n’aurait pas permise l’application l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    Mais il est vrai que le principe posé par cet article a surtout été voulu pour limiter l’étendue de l’annulation d’autorisations d’urbanisme entachées d’illégalité interne liée au projet lui-même ou, plus précisément, liée à l’une de ses parties ; toute la difficulté étant d’établir quand et jusqu’à quel stade est-il possible de considérer que seule une partie du projet est illégale, notamment, lorsqu’il s’agit d’un projet indivisible formant, donc, un tout indissociable dont aucune partie ne peut être isolée.

    La jurisprudence rendue en la matière ne permet pas encore de l’établir précisément. En revanche, alors même que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme précise qu’en cas d’annulation partielle « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive », il ressort clairement de deux décisions récentes que le simple fait que l’élément illégal du projet puisse être isolé et puisse être régularisé par un permis de construire modificatif ne suffit pas.

    Dans la première affaire (CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015), le permis de construire en litige était contesté et devait ainsi être annulé dans son ensemble au motif tiré de l’ancien article R.111-8 du Code de l’urbanisme après qu’eut été rejetée la demande des parties défenderesses tendant à ce qu’il soit fait application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    En première analyse, cette solution n’allait pas de soi puisque si le permis de construire devait être jugé illégal au regard de l’article R.111-8 c’est dans la mesure où le pétitionnaire avait prévu d’assurer l’alimentation en eau de sin installation par un forage que la Cour a jugé irrégulier puisque projeté à 70 mètres de l’installation en cause alors que le respect de l’article 4 de l’arrêté du 11 septembre 2003 aurait impliqué qu’il soit prévu à au moins 200 mètres de celle-ci. Ainsi, dès lors qu’il s’agissait d’un équipement autonome et distinct de l’installation en cause, on pouvait penser que le permis de construire contesté ne serait annulé qu’en tant qu’il avait autorisé ce forage ; à charge pour le pétitionnaire d’obtenir un modificatif ayant pour objet de modifier l’implantation du forage projeté.

    Il reste que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme se borne à préciser que « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive » et, en d’autres termes, n’impose donc pas au pétitionnaire de régulariser son projet par le dépôt d’une demande de permis de construire modificatif ; ce que l’administration ne peut elle-même pas imposer au pétitionnaire, même dans un but de régularisation (CAA. Marseille, 31 janvier 2002, Melois, req. n°98MA02231). Or, en annulant le permis de construire contesté sur ce point, la Cour aurait donc validé un permis de construire autorisant un projet n’assurant plus par lui-même l’alimentation en eau de la construction projetée et ce, sans aucune garantie que le pétitionnaire, soit renoncera à en entreprendre l’exécution, soit régularisera cet aspect du projet par le dépôt d’une demande de modificatif. Cet arrêt tend donc à confirmer qu’il ne peut y avoir d’annulation partielle d’un permis de construire lorsque « la partie du projet » en cause est liée aux autres par un rapport d’interdépendance juridique dont dépend la conformité d’ensemble du projet.

    Dans la seconde affaire (CAA. Lyon, 1er juillet 2008, Cne de Valmeinier, req. n°07LY02364), le permis de construire contesté portait sur un immeuble de sept étages lequel devait être totalement annulé en première instance au motif tiré de la méconnaissance de l’article R.111-21 du Code de l’urbanisme et de celle de l’article 10 du règlement d’urbanisme local. Et en appel, la Cour administrative de Lyon devait confirmer ce jugement et rejeter les conclusions présentées à titre subsidiaire par les appelants, sur le fondement de l’article L.600-5, dans la mesure où ces motifs mettaient en cause « la conception de l'ensemble de l'ouvrage » et, par voie de conséquence, « ne permett(ai)ent pas l'application de ces dispositions ».

    S’agissant de la méconnaissance de l’article R.111-21 du Code de l’urbanisme résultant de l’implantation d’un bâtiment unique, on voyait mal comment celle-ci aurait pu donner lieu à une annulation partielle. D’ailleurs, si Tribunal administratif d’Amiens a fait application de l’article L.600-5 à l’égard d’un permis de construire méconnaissant l’article R.111-21 (TA. Amiens, 29 décembre 2006, req. n° 04-01732), il reste que cette autorisation portait dans cette affaire sur la construction de cinq silos distincts, lesquels, pour être autorisés par un seul et même permis de construire, constituaient un ensemble divisible à l’instar, à titre d’exemple, d’un parc éolien dont certaines des installations peuvent être dissociables les unes des autres (CE. 6 novembre 2006, req. n°281.872).

    En revanche, on aurait pu penser qu’il pouvait avoir lieu à appliquer l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme s’agissant de la méconnaissance des règles de hauteur puisque celle-ci procédait du septième niveau – soit d’une « partie du projet » – dont la régularisation aurait pu être assurée par un « modificatif » y substituant une toiture-terrasse ou un niveau en combles. Il reste que ce faisant, la Cour aurait validé un permis de construire autorisant alors un projet non finalisé – notamment, sur son aspect architectural – et ne portant que sur une partie de l’immeuble contrairement à ce qu’implique l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme.

    En résumé, il résulte de ces deux arrêts que la circonstance que l’illégalité du projet tient à un de ses éléments pourtant régularisable par le jeu d’un simple « modificatif » ne saurait suffire à considérer que cette illégalité n’affecte qu’une « partie du projet » et, par voie de conséquence, qu’il y a lieu d’appliquer l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme. Et il en va de même des considérations liées au point de savoir si, en fait, le pétitionnaire pourra ou non raisonnablement entreprendre l’exécution du permis de construire n’ayant été que partiellement annulé sans avoir régulariser la partie de son projet jugé illégal dès lors qu’en droit, rien ne saurait s’opposer à l’exécution d’un permis de construire qui partiellement annulé et validé par le juge ne prévoit ni alimentation en eau de la construction, ni toiture de l’immeuble, ni balcon ou garde-fou aux droits des baies principales ; le contrôle de la conformité des travaux réalisés s’appréciant au seul regard de ceux autorisés par le permis et dans le respect du principe d’indépendance des législations.

    De ce fait, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, s’il semble pouvoir s’appliquer à l’égard de certains d’éléments traditionnellement considérés comme indivisibles de la construction, apparaît néanmoins appelé à ne recouvrir qu’un champ d’application matériel réduit, limité aux quelques accessoires de la construction – telle une terrasse – n’ayant strictement aucune incidence ni sur la conformité, ni sur la conception d’ensemble du projet (sur point, on donne souvent l’exemple du balcon : mais peut-on sérieusement imaginer le juge administratif n’annuler un permis de construire en ce qu’il autoriserait des balcons et, donc, valider un immeuble dont les baies donnerait en dans le vide en méconnaissance de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme ?)

    Mais à cet égard également le champ d’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme apparaît limité puisqu’il ne vise que les autorisations et tend donc à exclure la possibilité d’annulation partielle d’une décision de refus d’autorisation lorsque seule une partie du projet est illégale, même s’il s’agit d’un élément totalement accessoire à celui-ci.

    Précisément, la Cour administrative d’appel de Nancy a validé dans son ensemble un refus de permis de construire motivé par le fait que le muret terminant la rampe d’accès au parc de stationnement de l’immeuble – laquelle y était accolée et en faisait donc « partie intégrante » – ne respectait pas la règle de distance par rapport au limite séparative fixée par l’article 7 du règlement d’urbanisme local (CAA. Nancy, 11 octobre 2007, Cne de Wolfisheim, req. n°06NC00685) puisque, sauf disposition contraire, l’ensemble des composantes indivisibles d’une construction doivent être prises en compte pour apprécier la conformité de cette dernière, notamment, par rapport aux prescriptions d’urbanisme relatives à l’implantation des constructions (CE. 23 août 2006, Assoc. Le Fonvairous, req. n°267.578).

    Pour les décisions de refus, le principe semble donc demeurer qu’une telle décision ne peut faire l’objet d’une annulation partielle qu’à la condition qu’elle soit divisible, c’est-à-dire porte sur deux projets en tous points distincts. Mais est-ce réellement le fait qu’il ait s’agissait d’une décision de refus qui seul explique cette décision de la Cour nancéennes. En effet, à suivre les auteurs de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, si la décision en cause avait constitué un permis de construire autorisant ce projet, le juge aurait donc pu n’en prononcer que l’annulation partielle et, plus concrètement, n’en prononcer l’annulation qu’en tant qu’il avait autorisé cette rampe d’accès. Il reste qu’alors, cette annulation partielle aurait abouti à la formation d’un permis de construire autorisant un immeuble doté d’un parc de stationnement inaccessible et donc méconnaissant les prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme, puisque les aires de stationnement inutilisables ou inaccessibles ne peuvent être prise en compte au titre de ce dernier (pour exemple : CAA. Marseille, 8 février 2007, M. Joseph X., req. n°04MA02390).

    Ainsi, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que l’irrégularité de six des seize places de stationnement prévues pour assurer la conformité du projet audit article 12 était de nature à emporter l’annulation de l’ensemble de celui-ci dans la mesure où « ces six places (…) ne sont pas dissociables du reste du projet compte-tenu de la réglementation applicable » puisque leur suppression aboutirait a un projet ne prévoyant pas le nombre de places requises au titre de cet article (CAA. Bordeaux, 11 décembre 2007, SCI Redon, req. n°06BX01060).

    Mais pour conclure, il est même permis de se demander si l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme aura une réelle incidence sur les règles gouvernant l’annulation partielle du permis de construire puisqu’à titre d’exemple, pour censurer l’ensemble d’un permis de construire méconnaissant les conclusions d’un diagnostic d’archéologie préventive et n’annuler que partiellement un permis de construire un parc éolien, la Cour administrative d’appel de Lyon a motivé sa première décision par le fait que les dispositions de cette autorisation « pour l'ensemble de la réalisation d'un village de vacances (n’étaient) pas divisibles » (CAA. Lyon, 21 juin 2007, Ministre de l'équipement, req. n°04LY01501) et sa seconde par la circonstance que « les éoliennes n° 2 et n° 3 sont des ouvrages distincts des trois autres éoliennes dont la construction a été autorisée par le permis (et) que les dispositions de ce permis applicables aux dites éoliennes sont, dans cette mesure, divisibles des autres dispositions de ce même permis » (CAA. Lyon, 23 octobre 2007, SARL, Le Pré Bossu, req. n°06LY02337). Et plus clairement encore, on sait qu'au sujet d'un jugement prononcé après l'entrée en vigueur de l'article L.600-5, la Cour administrative d'appel de Nantes a jugé que : « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de Mernel a, par l'arrêté contesté du 19 juillet 2005, modifié par arrêté du 27 octobre suivant, délivré au GAEC “Mac Mahon” un permis de construire dont les dispositions, bien qu'elles autorisent à la fois la couverture d'une aire d'alimentation pour génisses, l'édification d'un hangar à fourrage et le creusement d'une fosse à lisier de 1 500 m3, portent sur des travaux distincts et présentent un caractère divisible ; que, dès lors, le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES est fondé à soutenir que le tribunal, bien qu'ayant estimé que le permis de construire litigieux n'était illégal qu'en tant qu'il autorisait la construction du hangar à fourrage, a commis une erreur de droit en prononçant pour ce seul motif, l'annulation dudit permis dans sa totalité » (CAA. Nantes, 6 mai 2008, req. n°07NT02215)...




    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés