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Contentieux - Page 23

  • Une prescription technique irréalisable n’affecte pas d’illégalité le permis de construire lorsqu’elle n’apparaît pas nécessaire pour assurer la conformité du projet aux prescriptions d’urbanisme

    Lorsque le terrain n’apparaît pas exposé à un risque d’inondation, la prescription technique imposée par le permis de construire en considération de ce risque n’est pas nécessaire pour assurer la conformité du projet au regard de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme. Par voie de conséquence, la circonstance que cette prescription ne serait pas réalisable n’est pas de nature à affecter le permis de construire d’illégalité.

    CAA. Marseille, 9 novembre 2006, Cne de Tarascon, req. n°04MA00895

    Dans cette affaire, le Maire de la Commune de Tarascon avait délivré un permis de construire un immeuble à destination d’habitation sur un terrain faisant l’objet d’un classement administratif en zone submersible mais ce, en l’assortissant de la prescription suivante « l'attention du pétitionnaire est attirée sur le fait que la construction projetée est située en zone submersible réglementée du Rhône et qu'une crue de ce fleuve peut endommager ses biens. Le niveau des plus hautes eaux de la dernière crue s'est élevé à cet endroit à la cote de 11,90 m NGF. La construction devra disposer d'un niveau refuge accessible situé au-dessus de l'altitude précitée ».

    Le Préfet des Bouches-du-Rhône devait toutefois déférer ce permis de construire à la censure du juge administratif au motif tiré de la méconnaissance de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme et ce, en soutenant, notamment, que la prescription précitée ne pouvait assurer la conformité du projet au regard de cet article dès lors qu’elle était irréalisable.

    On sait, en effet, qu’aux fins d’assurer la conformité du projet aux normes d’urbanisme qui lui sont opposables, un permis de construire peut être assorti de prescriptions techniques imposant la réalisation de travaux ou d’aménagements que n’auraient pas prévus par le pétitionnaire.

    Mais pour être opérante, il est nécessaire que cette prescription soit légale ce qui implique non seulement qu’elle soit adéquate et qu’elle ait un impact limité au regard de l’économie générale du projet mais également qu’elle n’apparaisse pas irréalisable (CE. 14 décembre 1992, Epx Léger, req. n°106.685 ; CE. 1er mars 1996, Becaud, req. n°116.820).

    Or, contrairement aux prescriptions financières, une prescription technique constitue le soutien indivisible de l’autorisation d’urbanisme qui l’édicte, si bien que son illégalité intrinsèque affecte d’illégalité l’ensemble de l’autorisation et emporte donc l’annulation de cette dernière dans sa globalité ; telle étant la raison pour laquelle un recours en annulation exclusivement dirigé vers une telle prescription, et concluant donc à l’annulation partielle de l’autorisation, est irrecevable qu’il émane d’un tiers ou du pétitionnaire (CE 12 octobre 1979, Poidevin, req. n°12957).

    Mais dans l’affaire objet de l’arrêt commenté le moyen tiré du caractère irréalisable de la prescription en cause a été écarté, au premier chef, du simple fait qu’elle n’était pas nécessaire puisque la Cour administrative d’appel de Marseille avait précédemment constaté que nonobstant le classement administratif dont il faisait l’objet, le terrain à construire n’était pas, en fait, exposé à un risque particulier d’inondations :

    « Considérant, en second lieu, que, pour contester la légalité du permis en litige, le préfet fait également valoir que la prescription, fixée par l'article 3 de l'arrêté contesté, assortissant le permis de construire en litige, serait irréalisable ; que, toutefois, il résulte de ce qui vient d'être dit que la parcelle d'assiette du projet contesté n'est pas soumise à un risque d'inondation du fait de l'existence des ouvrages de protection existants ; qu'ainsi, et en toute hypothèse, la circonstance que la prescription en cause serait irréalisable est sans effet sur la légalité du permis de construire contesté ; qu'en tout état de cause, le préfet n'établit pas le caractère irréalisable de ladite prescription alors qu'il ressort des pièces du dossier que, des aménagements mineurs permettraient la réalisation d'un accès au toit à partir du bâtiment ».

    En substance, la Cour a donc considéré que le caractère prétendument irréalisable de la prescription en cause « est sans effet sur la légalité du permis de construire contesté » dès lors que celle-ci n’était pas nécessaire, en l’espèce, pour assurer la conformité du projet à l’article R.111-2 du code de l’urbanisme. Sur ce point, cet arrêt peut être rapproché de celui par lequel la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé qu’il ne pouvait être fait grief à un permis de construire délivré sur un terrain en zone inondable de ne pas être assorti de prescriptions spéciales dès lors qu’eu égard à la nature de la construction projetée – en l’occurrence, un abri de jardin ouvert – de telles prescriptions n’apparaissaient pas nécessaires (CAA. Bordeaux 3 mai 2001, Savariau, req. n°97BX02145).

    On sait, en effet, que le Conseil d’Etat a précisé que s’agissant de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme et, notamment, du risque d’inondation d’absence de prescriptions spéciales n’est illégale que si de telles prescriptions sont nécessaires (CE. 23 décembre 1994, Peissik, req. n°108.969). Mais a contrario, force est donc de considérer qu’une prescription qui n’est pas nécessaire est nécessairement illégale puisqu’elle impose au titulaire de l’autorisation qui l’édicte une contrainte injustifiée.

    Partant et suivant le principe selon lequel une prescription technique est indivisible de l’autorisation qu’elle assortit, une prescription technique qui n’est pas nécessaire, et donc illégale, affecte d’illégalité l’ensemble de l’autorisation obtenue. Il faut, toutefois, préciser que si, par principe, une prescription technique est indivisible de l’autorisation qui l’impose c’est dans la mesure où celle-ci est censée permettre d’assurer la conformité du projet aux normes d’urbanisme qui lui sont opposables ; telle étant la raison pour laquelle, d’une part, l’administration ne peut refuser un permis de construire lorsqu’il apparaît que l’édiction de prescriptions spéciales aurait permis d’assurer la conformité du projet aux règles d’urbanisme (CE. 12 mai 1989, SCI Azr Parc, req. n°96.665) et, d’autre part, la légalité d’un permis de construire assorti de prescriptions doit être appréciée non pas seulement en considération du projet présenté par le pétitionnaire mais également au regard de ces prescriptions (CE. 26 février 2001, Dorwling-Carter, req. n°211.318).

    A notre sens, une prescription qui n’est pas nécessaire est certes illégale mais dans la mesure où, précisément, elle n’est pas nécessaire pour assurer la conformité du projet aux règles d’urbanisme qui lui sont opposables, celle-ci n’a pas à être considérée comme le soutien indivisible du permis de construire qui l’édicte. Mais force est de constater que telle ne semble pas être la position du juge administratif et, notamment, de la Cour administrative d’appel de Marseille à s’en tenir à sa jurisprudence antérieure :

    « Considérant, d'autre part, que le juge administratif, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation partielle d'un acte dont les dispositions forment un tout indivisible, est tenu de rejeter ces conclusions comme irrecevables quels que soient les moyens invoqués contre la décison attaquée ; Considérant que, par une décision en date du 22 juillet 1993, le maire de BANDOL ne s'est pas opposé à l'ouverture d'une fenêtre sur une maison à usage d'habitation projetée par Mme GILBERT ; que, toutefois, le maire de BANDOL a précisé, dans le corps de sa décision, que cette ouverture devrait comporter un verre opaque ; que cette prescription spéciale édictée par application des dispositions précitées constitue un tout indivisible avec l'autorisation accordée alors même qu'elle ne constitue pas une prescription relative à la sécurité ou à l'aspect architectural de la construction ; que, par suite, Mme GILLET n'était pas recevable à demander l'annulation de la décision précitée en tant seulement qu'elle prescrit l'utilisation d'un verre opaque » (CAA. Marseille, 31 mai 2001, Mme Gillet, req. n°98MA00512).

    Dans cette affaire, la Cour a donc considéré que pour ne pas être nécessaire à la sécurité et à l’aspect architectural de la construction, la prescription en cause n’en était pas moins indivisible de l’autorisation en cause et ne pouvait donc pas faire l’objet d’une annulation partielle ; ce dont il résulte que son illégalité aurait pu emporter l’annulation de l’ensemble de l’autorisation…

    Mais il est vrai que dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la légalité de la prescription en cause était contestée en considération de son caractère prétendument irréalisable et non pas au motif qu’elle n’était pas nécessaire ; ce qui aurait été pour le moins contradictoire au soutient d’un recours principalement fondé sur l’article R.111-2 du code de l’urbanisme et la soi-disant inondabilité du terrain à construire.

     

    Patrick E. DURAND Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris Cabinet Frêche & Associés

  • Première application du nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 (« dite ENL »)

    Les dispositions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, introduites par la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, permettant au juge de prononcer l’annulation partielle d’autorisations d’urbanisme étant d’application immédiate, elles peuvent être mises en oeuvre s’agissant d’instances introduites avant l’entrée en vigueur de la loi. Est ainsi annulé, à raison de l’erreur manifeste d’appréciation dont il était entaché au regard de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, un permis de construire en tant qu’il autorisait la construction de deux des cinq silos à grain initialement prévus.

    TA. Amiens, 29 décembre 2006, req. n° 04-01732


    Une des principales innovations de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant Engagement National pour le Logement (« ENL ») – ou, à tout le moins, une de ses dispositions présentées comme telles – est d’avoir introduit, via son article 11, un nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme dont l’alinéa 1er dispose que :

    « Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation ».

    Une des questions posées par l’introduction de cet article était ainsi de savoir s’il était d’applicabilité immédiate ou, plus particulièrement, s’il était susceptible d’être mis en ouvre par le juge de l’excès de pouvoir dans le cadre d’instances introduites avant son entrée en vigueur ; tel est l’intérêt du jugement commenté (signalé dans « Les Feuillets du TA d’Amiens », février 2007 n°24, lesquels sont accessibles sur son site).

    En effet, le Tribunal administratif d’Amiens a ainsi précisé que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme était d’applicabilité immédiate. Mais force est d’admettre que c’est l’inverse qui aurait surpris dès lors que ce dernier ne précise pas avoir vocation à être étayé par un décret d’application ou que son entrée en vigueur est subordonnée à celle de l’ordonnance du 8 décembre 2005 relative à la réforme des autorisations d’urbanisme et de son décret d’application, intervenu le 5 janvier 2007, laquelle est programmée pour le 1er juillet 2007 ; étant rappelé que l’entrée en vigueur d’autres disposition de la loi dite « ENL » est ainsi conditionnée.

    De même, ce jugement souligne que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme est applicable aux instances introduites précédemment ; une précision qui méritait assurément d’être apportée mais qui pour être moins évidente est néanmoins tout aussi logique que la première dès lors, d’une part, que cet article ne précise pas expressément le contraire et que, d’autre part, les conclusions présentées dans le cadre du contentieux de l’excès de pouvoir ne sont pas cristallisées dès leur formulation initiale.

    Dès lors qu’il est d’applicabilité immédiate, rien ne s’oppose à ce que les parties à une instance introduite précédemment à son entrée en vigueur « modulent » leurs conclusions initiales sur le fondement du nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme. On peut ainsi imaginer que le requérant, qui ne serait opposé qu’à une partie du projet et se serait « entendu » avec le titulaire de l’autorisation d’urbanisme en litige, revienne sur ses conclusions initiales tendant à l’annulation globale de cette autorisation pour ne plus conclure qu’à son annulation partielle et/ou que la partie défenderesse conclue, a priori à titre subsidiaire, à une telle annulation de son autorisation.

    Mais en revanche, outre ces précisions d’ordre procédural et relatives à l’application de la loi dans le temps, force est de relever que ce jugement ne permet pas de répondre à ce qui constitue, selon nous, la principale question posée par le nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme : le juge administratif peut-il n’annuler que partiellement l’autorisation d’urbanisme contestée lorsque le projet est indivisible ?

    Il convient, en effet, de préciser que dans l’affaire objet du jugement commenté, le permis de construire en litige autorisait la construction de cinq silos, lesquels, pour être autorisés par un seul et même permis de construire, constituaient, selon toute vraisemblance (nous n’avons pas plus d’informations sur la consistance exacte du projet), un ensemble divisible à l’instar, à titre d’exemple, d’un parc éolien dont certaines des installations peuvent être dissociables les unes des autres (CE. 6 novembre 2006, req. n°281.872).

    Or, comme on le sait, le principe initial de l’indivisibilité des autorisations d’urbanisme, lequel était absolu, a fait long feu puisqu’il est dorénavant de jurisprudence bien établie qu’une autorisation d’urbanisme peut n’être que partiellement annulée lorsque le projet est lui-même divisible (CE. 2 février 1979, Cts Sénécal, req. n° 05.808 ; CE. 16 février 1979, SCI Cap Naio c/ Dlle Fournier, Rec., p.66).

    Deux lectures du nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme sont donc possibles : soit, il s’agit d’une simple consécration législative du principe jurisprudentiel pré-exposé, soit, il s’agit d’une réelle innovation permettant au juge administratif de prononcer une annulation partielle même lorsque le projet et, par voie de conséquence, l’autorisation s’y rapportant sont indivisibles. Et selon nous, c’est la première qui devrait s’imposer dans l’essentiel des cas ; étant d’ailleurs relevé que le principe de la divisibilité des prescriptions financières d’une autorisation d’urbanisme issu de la jurisprudence « Plunian » (CE. 13 novembre 1981, Rec., p.413) a lui même antérieurement fait l’objet d’une telle consécration, en l’occurrence par la l’article L332-7 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de l’article 23 de la loi n°85-729 du 18 juillet 1985.

    On soulignera, en effet, que le critère déterminant de l’indivisibilité d’un ouvrage ou d’un ensemble immobilier au regard du droit de l’urbanisme tient, au premier chef, à des considérations juridiques et, plus accessoirement, à des considérations techniques et fonctionnelles (sur cette question : notre étude, « La divisibilité des ouvrages et des ensembles immobiliers en droit de l’urbanisme », Construction & Urbanisme, n°3/2006).

    Or, si l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme portant sur une projet dont l’indivisibilité est exclusivement technique et/ou fonctionnelle – c’est-à-dire que la réalisation d’une des composantes du projet ne peut être réalisée qu’à la condition qu’une autre le soit et/ou que le projet tel qu’il a été conçu par le pétitionnaire ne peut fonctionner que si toutes ces composantes sont réalisées – n’est pas inenvisageable, elle paraît plus difficilement concevable, en l’état de la rédaction de l’alinéa 2 de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, lorsque l’indivisibilité du projet est d’ordre juridique – à savoir lorsque la réalisation d’une des composantes du projet est indispensable à la conformité de celui-ci au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables.

    A titre d’exemple, il a pu être jugé qu’un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments mais dont l’accès et le parc de stationnement sont communs constitue, même lorsqu’il est autorisé par plusieurs permis de construire, dont la légalité est alors appréciée globalement, un ensemble indivisible (CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832 ; CAA. Nancy, 4 mars 1997, Epx Ravachol c/ Ville de Reims, req. n° 94NC01290) ; et pour cause puisqu’à défaut de cet accès ou de ce parc de stationnement, un tel projet méconnaîtrait les prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme et, le cas échéant, celles des articles 3 et 12 du règlement d’urbanisme local.

    Prenons donc le cas, d’un permis de construire portant sur plusieurs bâtiments distincts mais « reliés » entre-eux par un parc de stationnement, projeté pour satisfaire aux prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme, lequel serait là seule composante du projet à méconnaître les prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables et, en d’autres termes, la « seule partie » du projet illégale au sens de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme (d’ailleurs, cette rédaction et l’hypothèse ainsi visée tendent à exclure son application à des projets indivisibles puisque, précisément, du fait de l’irrégularité d’une de ses composantes, c’est le projet dans son ensemble qui s’en trouve illégal…).

    Si l’on considère que ce dernier a vocation à s’appliquer nonobstant l’indivisibilité de ce projet, le juge administratif pourrait donc n’annuler le permis de construire en cause qu’en tant qu’il a autorisé ce parc de stationnement. Il reste que ce faisant, il « validerait » donc un projet et un permis de construire qui ne respecteraient plus les prescriptions de l’article 12 du règlement d’urbanisme local.

    Il est vrai que l’alinéa 2 de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme précise qu’en cas de prononcé d’une annulation partielle « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ». Il reste que la mise en oeuvre de cet alinéa, qui n’est pas rédigé sur le mode impératif et ne contient aucune obligation chronométrique pour ce faire, implique que le pétitionnaire présente une demande de modificatif, ce que ni l’administration (en ce sens : CAA. Marseille, 31 janvier 2002, Melois, req. n°98MA02231), ni le juge administratif n’ont le pouvoir de lui enjoindre.

    On relèvera, d’ailleurs, que s’agissant de l’annulation partielle des PLU la rédaction du nouvel article L.123-1 du Code de l’urbanisme est plus contraignante puisqu’elle expose « en cas d'annulation partielle par voie juridictionnelle d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente élabore sans délai les nouvelles dispositions du plan applicables à la partie du territoire communal concernée par l'annulation ».

    Sauf à ce que le juge administratif module la portée de son alinéa 2, ce que sa rédaction n’exclue pas totalement, il nous semble donc difficilement concevable que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme soit mise en œuvre à l’égard de projets indivisibles.

    Pour reprendre l’exemple sus-décrit, l’annulation du seul parc de stationnement aboutirait donc à valider un permis de construire méconnaissant, du fait de celle-ci, les prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme mais que son titulaire pourrait néanmoins mettre en œuvre sans qu’il n’y ait aucune garantie sur sa diligence à régulariser, via une autorisation modificative, son projet. Il est même possible de considérer qu’une telle interprétation de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ne pourrait qu’inciter les opérateurs pour qui les règles d’urbanisme en matière de stationnement sont souvent significatives de contraintes constructives et financières, à faire en sorte que leur permis de construire ne soit annulé qu’en ce qu’il autorise le parc devant les accueillir pour ainsi en être déchargés…

    Au surplus, cette interprétation autoriserait le juge administratif à opérer, en toute hypothèse, ce que l’administration statuant sur le demande de permis de construire ne peut régulièrement accomplir que lorsque le projet est divisible, à savoir accorder, refuser ou retirait partiellement le permis de construire (CE. 4 janvier 1985, SCI Résidence du Port, req. n° 47.248 ; CE. 28 février 1996, Dme de la Grote de Chanterac, req. n° 124.016).

    Telle est, d’ailleurs, la raison pour laquelle, si l’annulation partielle d’un permis de construire autorisant un projet ne nous paraît pas totalement inconcevable lorsque son indivisibilité procède exclusivement de considérations fonctionnelles et/ou techniques, elle ne nous nous semble pas non plus aller de soi pour des raisons qui, d’ailleurs, valent également en cas d’indivisibilité d’ordre juridique.

    En première analyse, l’annulation partielle serait, en effet, moins problématique au regard de la règle d’urbanisme puisqu’elle aboutirait à valider un projet techniquement irréalisable et/ou ne présentant pas la fonctionnalité conçue par le pétitionnaire ; mais finalement cela ne regarde que lui et s’il veut réaliser le projet tel qu’il l’avait initialement envisagé, il ne tiendrait qu’à lui d’obtenir le modificatif prévu par l’article L.600-5, al.2 du Code de l’urbanisme.

    Il reste qu’une telle annulation peut intervenir avant l’achèvement des travaux et que la régularisation du projet initial via une seconde autorisation peut être impossible au regard des règles d’urbanisme applicables : l’opérateur s’en trouverait alors maître d’ouvrage d’un projet qu’il ne peut techniquement mener à terme et/ou qui ne correspond en rien à ce qu’il avait souhaité avec, en outre, l’obligation de finir les travaux nécessaires à la conformité du projet au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui demeures opposables (sur ce point, notre étude : « Le statut des constructions inachevées en droit de l’urbanisme », RDI, n°5/2006).

    Mais surtout, il faut rappeler qu’en cas d’indivisibilité juridique, technique ou fonctionnel du projet, le pétitionnaire à l’obligation de présenter une demande d’autorisation unique (CAA. Lyon, 28 décembre 2006, Association « SOS Parc Paul Mistral », req. n°05LY01535) sur laquelle l’administration devra statuer en prenant partie sur tous les aspects du projet sans pouvoir renvoyer à une autre autorisation (CE. 7 novembre 1973, Giudicelli, req. n° 85.237) ; une jurisprudence rendue en application de l’article L.421-3, al.1 du Code de l’urbanisme dont les dispositions sont intégralement reprises par le nouvel article L.421-6 dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2007 pris pour application de l’ordonnance du 8 décembre 2005.

    Il s’ensuit qu’en prononçant l’annulation partielle d’un permis de construire portant sur un projet indivisible non seulement le juge administratif opérerait ce que l’administration statuant sur le demande de permis de construire ne peut régulièrement accomplir que lorsque le projet est divisible mais, en outre, validerait un projet ne correspondant pas à celui sur lequel l’administration se serait prononcée et aurait pris parti : dans une certaine mesure, le juge ferait donc office d’administrateur.

    Pour conclure, on relèvera que le nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme se borne à prévoir l’annulation partielle des autorisations d’urbanisme et, en d’autres termes, ne permet pas leur suspension partielle, pas plus que l'annulation partielle d'un refus d'autorisation. De même, en visant "une partie du projet", il est clair que cet article ne permet pas l'annulation partielle d'une autorisation en tant qu'elle est affectée d'illégalité externe (sur ces deux points, voir ici). 

    En l’état, la seule indiscutable innovation de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme est de consacrer tout à la fois le permis de construire modificatif et sa dimension régularisatrice et ce, d’ailleurs, indépendamment de toute considération liée à l’ampleur des modifications induites par l’annulation partielle au regard de l’économie générale du projet initial.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le maire n’est pas en situation de compétence liée pour constater la péremption d’un permis de construire et en tirer les conséquences

    Lorsqu'il constate la péremption d'un permis de construire et la réalisation de travaux postérieurement à cette date, le maire est nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits. Il ne se trouve donc pas en situation de compétence liée rendant inopérants les moyens tirés des vices de forme et procédure dont seraient entachées les décisions subséquentes à ce constat.

    CE. 29 décembre 2006, Ministre de l’équipement, req. n°271.164


    Au terme de son délai de validité, dont l’échéance procède du défaut d’engagement de travaux significatifs dans les deux ans suivant sa notification ou de l’interruption des travaux autorisés pendant plus d’un an, le permis de construire se trouve frappé de caducité et ne peut donc plus être régulièrement mis en œuvre.

    Il s’ensuit que son titulaire en perd définitivement le bénéfice et, par voie de conséquence, que tout travaux qu’il serait amené à engager en se fondant sur cet ancien permis de construire serait constitutif d’un délit de travaux sans autorisation analogue au délit constitué lorsque l’autorisation requise n’a jamais été obtenue et ce, sans qu’il y soit besoin que l’administration ait préalablement opposé au constructeur la caducité de son permis de construire puisque la péremption de ce dernier procède du simple écoulement du temps et non pas de l’éventuelle décision administrative la constatant.

    Aussi, lorsque le constructeur entreprend tardivement l’exécution d’un permis de construire précédemment frappé de caducité et, en d’autres termes, engage des travaux non autorisés, le maire est en droit de faire usage à son encontre des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L.480-2.al.10 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose « dans le cas de constructions sans permis de construire ou de constructions poursuivies malgré une décision de la juridiction administrative ordonnant qu'il soit sursis à l'exécution du permis de construire, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public ».

    Mais bien entendu, l’arrêté interruptif de travaux édicté au titre de l’article précité peut faire l’objet d’un recours en annulation auprès du juge administratif. Il reste que les moyens d’illégalité interne susceptibles d’être utilement invoqués à l’encontre d’une telle décision sont réduits puisqu’ils ne peuvent que se limiter à contester la péremption du permis de construire et/ou à soutenir que les travaux exécutés nonobstant la caducité de ce dernier sont des simples travaux de finition ; étant rappelé que l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme ne peut plus être mise en œuvre lorsque les ouvrages sont achevés ou quasi-achevés, c’est-à-dire que deux restant à accomplir ne relèvent pas du champ d’application du permis de construire (CE. 2 mars 1994, Cne de Saint-Tropez, req. n°135.448).

    Par voie de conséquence, les principaux moyens susceptibles d’être invoqués ont trait à la légalité externe de la décision et, plus précisément, aux vices de forme et/ou de procédure dont elle serait entachée.

    Toute la question était ainsi de savoir si lorsqu’il constate la péremption d’un permis de construire le maire est ou non en situation de compétence liée puisque les vices de forme et de procédure sont inopérants à l’encontre d’une décision lorsque son auteur est en pareille situation. C’est à cette question qu’a répondu le Conseil d’Etat à travers l’arrêt commenté en jugeant que :

    « Considérant que lorsqu'il constate la péremption d'un permis de construire et la réalisation de travaux postérieurement à cette date, le maire est conduit nécessairement à porter une appréciation sur les faits ; qu'il ne se trouve donc pas, pour prescrire par arrêté l'interruption de ces travaux, en situation de compétence liée rendant inopérants les moyens tirés des vices de procédure dont serait entachée sa décision ;
    Considérant que, pour rejeter les conclusions du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER tendant à l'annulation du jugement du 7 octobre 1999 en tant que par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté interruptif de travaux du 30 novembre 1998 pris par le maire de Saint-Laurent-du-Var, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur le fait que, le maire n'était pas tenu malgré cette péremption, d'ordonner leur interruption, et aurait donc dû en vertu des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 alors en vigueur, mettre à même Mme A de présenter des observations écrites dès lors que les travaux en cause ne présentaient pas un risque pour la sécurité ou la salubrité publiques imposant une procédure d'urgence ; que ce faisant, la cour n'a pas commis une erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'en conséquence, son recours doit être rejeté
    ».

    Il s’ensuit qu’une décision édictée sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme peut être contestée au regard des vices de forme et de procédure dont elle est entachée et, notamment, en considération de son défaut de motivation et/ou de l’absence de mise en œuvre préalable de la procédure administrative contradictoire prescrite par l’article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 (laquelle s’est « substituée », depuis la date des faits objet de l’arrêté commenté, à la procédure anciennement prévue par l’article 8 du décret du 28 novembre 1983).

    Mais a priori, ce principe vaut également à l’égard de l’ensemble des décisions subséquentes à la péremption du permis de construire, à commencer par celle par laquelle l’administration la constate puisque si une telle décision n’est pas requise pour que la caducité du permis de construire soit acquise (CE. 16 avril 1975, Cne de Louveciennes, Rec., p.240), il s’agit néanmoins d’une décision faisant grief laquelle est, par voie de conséquence, attaquable (CE. 5 décembre 1984, SCI Pavoi, req. n°37.168).

    Il reste qu’à s’en tenir aux décisions de certains tribunaux administratifs, cette question a moins d’importance à cet égard puisqu’il a pu être jugé que l’acte par lequel l’administration se borne à constater la péremption d’un permis de construire n’est pas assujetti à l’obligation de motivation résultant de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et, par voie de conséquence, n’a pas à être précédé d’une procédure administrative contradictoire (pour exemple : TA. Grenoble, 13 octobre 1999, Sté Arc-en-Ciel Promotion, req. n°97-04061).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le fait d’appartenir au périmètre d’intervention d’une association nouvellement agréée pour la défense de l’environnement ne confère pas à une commune intérêt à agir à l’encontre de la décision l’agréant

    Dans la mesure où une décision d’agrément d’une association de défense pour l’environnement n’a pas en elle-même pour effet de susciter des recours à l’encontre des décisions administratives produisant leurs effets sur le territoire pour lequel elle est agréée, la seule circonstance qu’une commune soit sise dans le périmètre d’intervention de cette association et, par voie de conséquence, que ses décisions susceptibles de produire des effets dommageables pour l’environnement puissent éventuellement être attaquées par cette association ne porte pas une atteinte suffisamment directe et certaine aux intérêts de cette commune pour lui conférer intérêt à agir à l’encontre de cette décision d’agrément.

    CE. 13 décembre 2006, Cne d’Issy-les-Moulinaux, req. n°264.115


    Bien qu’il appelle peu de commentaires et que sa portée excède la seule matière du droit et du contentieux de l’urbanisme, l’arrêt commenté n’en mérite pas moins d’être mis en exergue.

    Dans cette affaire, l’association « Val de Seine Vert » s’était vue agréée par un arrêté du Préfet des Hauts-de-Seine pour la défense de l’environnement au titre de l’article L.252-1 du Code rural alors applicable, aujourd’hui transposé à l’article L141-1 du Code de l’environnement ; décision d’agrément dont le principal intérêt pour l’association concernée est, en substance et pour reprendre les termes de l’arrêté commenté, de la faire bénéficier « d'une présomption d'intérêt à agir pour contester toute décision administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l'agrément ». Et l’expérience prouve que les associations agrées pour la défense de l’environnement utilise à plein cette présomption en développant de multiples actions contentieuses (sur l'article L.600-1-1 ; voir ici).

    Aussi, la commune requérante, en l’occurrence la Ville d’Issy-les-Moulinaux, devait décider d’exercer un recours en annulation à l’encontre de la décision d’agrément de l’association « Val de Seine Vert » et ce, en arguant du fait que son territoire était sis dans le périmètre d’intervention pour lequel cette association s’était vue agréée.

    Il reste que le Tribunal administratif puis la Cour administrative d’appel de Paris devaient rejeter ce recours comme irrecevable et, plus précisément, pour défaut d’intérêt à agir de la commune requérante ; ce que confirma donc le Conseil d’Etat au motif suivant :

    « Considérant, en second lieu, que l'agrément pour la protection de l'environnement a pour objet de favoriser, par la voie des associations agréées, la participation des citoyens à la concertation locale sur les décisions relatives à l'environnement ; que s'il confère intérêt pour agir contre toute décision administrative, quel que soit son auteur, susceptible de produire des effets dommageables pour l'environnement sur le territoire pour lequel l'association est agréée, la décision attaquée n'a pas, par elle-même, pour effet de susciter des recours contentieux contre les décisions de la COMMUNE D'ISSY-LES-MOULINEAUX, et ne porte pas une atteinte suffisamment directe et certaine aux intérêts de la commune pour justifier son intérêt à agir ; qu'au demeurant, l'absence d'intérêt pour agir d'une commune qui se borne à faire valoir son appartenance au périmètre d'intervention d'une association agréée n'a pas pour effet de soustraire la décision accordant l'agrément à tout recours contentieux ; que par suite, en estimant que la COMMUNE D'ISSY-LES-MOULINEAUX ne justifiait pas d'un intérêt suffisamment direct de nature à lui permettre de contester l'arrêté du 21 janvier 1999 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a agréé l'association « Val-de-Seine Vert » pour la protection de l'environnement, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ».

    Bien qu’en fait l’agrément prévu par l’article L.141-1 du Code de l’environnement ait pour principal effet de conférer à l’association qui en bénéficie une présomption d’intérêt à agir à l’encontre des décisions d’ordre environnemental et urbanistique produisant leurs effets dans son périmètre d’intervention et soit le plus souvent sollicité dans ce seul but par les associations de défense de l’environnement (ce que l’on peut comprendre, là n’est pas le propos), les personnes publiques susceptibles d’en pâtir ne peuvent donc chercher à se prémunir de ses conséquences à leur encontre en exerçant un recours en annulation à l’encontre de la décision octroyant cet agrément puisqu’en droit, une telle décision n’a pas en elle-même pour effet de susciter des recours à l’encontre de leurs propres décisions.

    Il est vrai que la solution retenue en l’espèce ne conclue pas à l’irrecevabilité de principe d’une telle action mais procède de la circonstance que la commune requérante se bornait à faire valoir que son territoire était sis au sein du périmètre d’intervention de l’association agréée. Il reste qu’au regard de la teneur du considérant précité, on voit mal comment une personne publique pourrait établir son intérêt à agir à l’encontre d’une telle décision d’agrément, si ce n’est, peut-être, en prouvant que l’agrément n’a été sollicité et obtenu que dans le but d’attaquer une décision administrative déterminée que l’association n’aurait pas eu intérêt à agir au regard des critères en considération desquels l’intérêt à agir des associations non agrées est apprécié…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés