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Contentieux - Page 24

  • Quelques précisions sur la portée des conséquences de l’annulation d’une décision de préemption et leur mise en oeuvre

    La caducité de la promesse de vente en conséquence de laquelle a été formulée la Déclaration d’Intention d’Aliéner ne dispense pas le titulaire du droit de préemption de proposer à l’acquéreur évincé d’acheter le bien illégalement préempté.

    CAA. Paris, 23 novembre 2006, Ville de Paris & Sté AVI, req. n°05PA04012


    Dans cette affaire, le Tribunal administratif de Paris avait annulé une décision de préemption édictée par la Ville de Paris, laquelle devait décidé d’interjeter appel de ce jugement. Mais de son côté, le requérant de première instance, en l’occurrence l’acquéreur évincé, en l’espèce la société AVI, devait également saisi la Cour administrative d’appel de Paris d’une demande fondée sur l’article L.911-4 du Code de justice administrative et motivée par la circonstance que la Ville de Paris n’avait pas tiré à son égard les conséquences de l’annulation de la décision litigieuse.

    On sait, en effet, que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n'ayant jamais décidé de préempter. Par voie de conséquence, cette annulation implique nécessairement, sauf atteinte excessive à l'intérêt général appréciée au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le titulaire du droit de préemption, s'il n'a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne tout mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée et qu'il lui appartient à cet égard, d’une part et avant toute autre mesure, de s'abstenir de revendre à un tiers le bien illégalement préempté et d’autre part, de proposer à l'acquéreur évincé puis, le cas échéant, au propriétaire initial, d'acquérir le bien, et ce, à un prix visant à rétablir en l'espèce les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle (sur ce principe : CE. 26 février 2003, M. et Mme Bour, req. n°231.558).

    Précisément, la société AVI soutenait que la Ville de Paris n’avait pas tiré toutes les conséquences de l’annulation de la décision litigieuse puisqu’elle ne lui avait pas proposer d’acquérir le bien illégalement préempté. Mais pour sa défense, le Ville de Paris soutenait qu’il n’y avait pas lieu de formuler une telle proposition dès lors que la promesse de vente conclue entre la société AVI et le propriétaire initial du bien avait été frappée de caducité avant que le Tribunal administratif de Paris annule la décision de préemption contestée.

    En première analyse, une telle argumentation pourrait surprendre puisque si la Ville de Paris avait effectivement été déliée de son obligation vis-à-vis de l’acquéreur évincé, il lui aurait alors incombé, suivant la jurisprudence « Bour », de proposer au propriétaire initial de racheter ce bien ; ce que la Ville de Paris n’avait pas non plus effectué dans cette affaire.

    Il reste que l’article L.911-4 du Code de justice administrative dispose qu’en « cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel » (sur la notion de partie intéressée en la matière: CE. 28 avril 2004, UECM, req. n°249.430).

    Il s’ensuit que dans l’hypothèse où la caducité de la promesse de vente dont la société AVI aurait effectivement déchargée la Ville de Paris de son obligation vis-à-vis de l’acquéreur évincé, la demande formulée par ladite société sur le fondement de l’article précité n’aurait pu aboutir à l’injonction faite à la Ville de Paris de proposer au propriétaire initial de racheter le bien, d’une part, parce que la société AVI ne l’avait pas demandé, d’autre part et en toute hypothèse, parce qu’en sa qualité d’acquéreur évincé, elle n’avait pas intérêt à agir à cet effet. On sait d’ailleurs (cf : Veille jurisprudentielle n°3 ; note du 7 décembre 2006) que le Conseil d’Etat a très récemment jugé que « si le propriétaire initial d'un bien ayant fait l'objet d'une décision de préemption peut, afin de récupérer son bien, demander au juge administratif d'enjoindre au titulaire du droit de préemption, en exécution de la décision juridictionnelle qui a annulé la décision de préemption, de lui proposer d'acquérir ce bien après l'avoir au préalable proposé à l'acquéreur évincé, il n'a pas qualité pour le saisir à seule fin que le bien préempté soit proposé à l'acquéreur évincé » (CE. 6 septembre 2006, Sté France TELECOM, req. n°289.822).

    A contrario, une demande présentée par l’acquéreur évincé sur le fondement de l’article L.911-4 du Code de justice administrative aux fins qu’il soit enjoint au titulaire du droit de préemption de proposer au propriétaire initial de racheter son bien illégalement préempté est, a priori, irrecevable.

    Toutefois, il y avait, pour le moins, peu de chances que l’argument présenté par la Ville de Paris prospère. Il est, en effet, de jurisprudence dorénavant bien établie que la caducité de la promesse de vente ne prive pas l’acquéreur évincé de son intérêt à agir à l’encontre de la décision de préempter le bien objet de cette promesse (pour exemple : CAA. Paris, 28 novembre 2000, Association Cultuelle des témoins de Jéhovah de Paris Ouest, req. n°99PA00130).

    Dès lors, force est d’admettre que l’on aurait eu du mal à comprendre comment et pourquoi l’acquéreur évincé pourrait avoir intérêt à agir à l’encontre de la décision de préemption nonobstant la caducité de la promesse de vente dont il était titulaire mais, en revanche, serait irrecevable ou, à tout le moins, infondé à solliciter du juge administratif qu’il fasse injonction au titulaire du droit de préemption de tirer les conséquences de l’annulation de la décision litigieuse en lui proposant d’acquérir le bien illégalement préempté en raison de cette même caducité. Et précisément, la Cour administrative d’appel de Paris, après avoir confirmé l’annulation de la décision de préemption en litige, a donc jugé que :

    « Considérant que la VILLE DE PARIS soutient avoir effectué l'ensemble des diligences nécessaires à l'exécution du jugement du 28 juillet 2005 ; qu'elle établit avoir payé à la société AVI la somme de 1 000 euros que le Tribunal administratif de Paris avait mise à sa charge et qu'elle a ainsi exécuté l'article 2 du jugement ; que, s'agissant des conséquences à tirer de l'annulation de la décision du 23 décembre 2003, la VILLE DE PARIS fait valoir qu'elle ne devait pas obligatoirement proposer l'acquisition à la société AVI puisque la promesse de vente conclue entre Mme Bohère et cette société était devenue caduque depuis le 30 décembre 2003, cette promesse de vente comportant une clause prévoyant une déchéance si le bénéficiaire n'avait pas signé l'acte d'acquisition à cette date ; que toutefois, en admettant qu'une telle clause puisse avoir pour effet de mettre fin aux obligations que la promesse de vente impose aux parties, elle ne fait pas obstacle à ce que, en cas d'annulation de la décision de préemption qui, en l'espèce, a été seule à empêcher la poursuite de la vente, le bien soit proposé à l'acquéreur évincé ; que, dès lors, la VILLE DE PARIS, qui n'a pas proposé l'acquisition du bien préempté illégalement à la société AVI ainsi qu'elle y était tenue, n'a pas entièrement exécuté le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris ».

    Il faut, cependant, relever que la Cour a souligné que la décision de préemption illégale « a été seule à empêcher la poursuite de la vente ». Il ne semble donc pas déraisonnable d’en déduire que le titulaire du droit de préemption pourrait être déliée de son obligation à l’égard de l’acquéreur évincé dans l’hypothèse où il parviendrait à prouver qu’en toute hypothèse, la vente initialement promise n’aurait pas été réalisée.

    Mais quoi qu’il en soit, l’arrêt commenté va donc sur ce point dans le sens non seulement de la jurisprudence administrative relative à l’intérêt à agir de l’acquéreur évincé et à la présomption d’urgence dont il bénéficie nonobstant la caducité de la promesse de vente dont il était titulaire (CE. 22 avril 2005, Ville de Choisy-le-Roy, req. n°274.054) mais également de la jurisprudence judiciaire et, plus particulièrement, dans une certaine mesure, de l’arrêt par lequel la 3e chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’eu égard à l’effet rétroactif de l’annulation d’une décision de préemption, la condition suspensive de non-exercice du droit de suspension sous laquelle a été conclue la promesse de vente doit être considérée comme réalisée, si bien que l’acquéreur retrouve conséquemment l’ensemble de ses droits et peut donc poursuivre l’exécution forcée de la vente précédemment promise (Cass. civ., 22 juin 2005, SARL Sud Immobilier c/ Lasmarigues, pourvoi n° 03-20.473).

    Et pour être complet, puisque la solution ici retenue est propre au cas d’espèce, on relèvera également que la Cour administrative d’appel a rejeté l’argument de la Ville de Paris selon lequel la rétrocession du bien illégalement préempté emporterait une atteinte excessive à l’intérêt général et ce, au motif suivant :

    « Considérant que la VILLE DE PARIS fait valoir qu'elle a conféré à la Régie Immobilière de la Ville de Paris des droits réels sur le bien préempté, par un bail emphytéotique conclu le 11 avril 2005 ; que, par une délibération des 12, 13 et 14 décembre, elle a voté l'octroi de subventions pour l'opération ; que la Régie est sur le point de désigner les entreprises de travaux et que la revente aurait des conséquences pour les locataires en place ; que toutefois, la société AVI établit que les travaux n'ont pas débuté ; qu'il n'apparaît pas que la subvention accordée pour la réalisation de l'opération ait été dépensée non plus qu'il ne résulte de l'instruction que la cession à la société AVI aurait des conséquences pour les locataires en place ; que, par suite la VILLE DE PARIS n'est pas fondée à soutenir que, dans les circonstances de l'espèce, la revente du bien porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ».

    Sur ce point, l’arrêt commenté peut néanmoins être rapproché, dans une certaine mesure, de la décision par laquelle le Conseil d’Etat a récemment jugé qu’une requête aux fins de référé suspension à l’encontre d’une décision de préemption conservée son objet tant que cette dernière n’était pas devenue irréversible, ce qui n’est pas le cas tant que le titulaire du droit de préemption est propriétaire du bien ainsi acquis (CE.18 juillet 2006, M. Monique X. & autres, req. n°291.569).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet Frêche & Associés

  • Un protocole de non recours à l’encontre d’un permis de construire vaut pour l’ensemble du projet immobilier autorisé

    Un protocole par lequel un tiers s’engage à n’exercer aucun recours à l’encontre d’un permis de construire vaut pour l’ensemble du projet immobilier objet de celui-ci, y compris pour ses composantes qui isolément ne relèvent pas d’une telle autorisation. Dès lors, celui qui l’a conclu est fondé à solliciter l’annulation de cette transaction si les travaux réalisés ne correspondent pas à ceux figurés sur les plans du dossier demande et sa requête ne peut pas être rejetée au seul motif que les travaux litigieux n’exigeaient aucune autorisation.

    Cass. civ., 24 octobre 2006, SCI Arzac, pourvoi n°05-19708


    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire et avait conséquemment signé avec le propriétaire voisin un protocole transactionnel par lequel ce dernier, moyennant diverses compensations, s’était engagé à n’exercer aucun recours en annulation à l’encontre de ce permis de construire et à laisser se réaliser l’opération de construction ainsi autorisée.

    Cet transaction, signée avant l’engagement des travaux, avait été conclue au vu des documents du dossier de demande de permis de construire et, notamment, de son plan masse.

    Il reste qu’à l’engagement des travaux, le propriétaire voisin devait s’apercevoir que ces derniers ne correspondaient pas à ceux figurés sur ledit plan de masse et, en d’autres termes, à ceux pour lequel il avait renoncé à son droit au recours. Par voie de conséquence, celui-ci exerça un recours en annulation doublée une requête aux fins de référé suspension à l’encontre du permis de construire et obtint satisfaction.

    A titre liminaire, certains pourraient s’interroger sur la recevabilité de ces recours alors que le requérant y avait contractuellement renoncé et d’autres pourraient considérer qu’ils furent jugés recevables puisque, précisément, les travaux réalisés ne correspondaient pas à ceux en considération desquels il y avait renoncé.

    A ce sujet, on précisera ainsi que, par principe, une convention de non recours n’a strictement aucune incidence sur l’intérêt à agir du requérant (CE. 7 juin 1985, SA d’HLM « L’habitat communautaire Locatif », req. n°39492) et, en d‘autres termes, sur la recevabilité de son recours puisqu’un recours en annulation est un recours objectif relatif à la légalité d’un acte administratif et non pas un litige entre parties tendant au respect de droits subjectifs ; quant à la circonstance que les travaux réalisés n’étaient pas conformes à ceux annoncés, celle-ci n’avait pas plus d’incidence puisque la légalité d’un permis de construire s’apprécie en considération de ce qu’a autorisé l’administration au vu des pièces du dossier produit par le pétitionnaire et non pas au regard des travaux effectivement réalisés (CE. 13 novembre 1992, Cne de Nogent-sur-Marne, req. n°110.878). Par voie de conséquence, la recevabilité de son recours était indépendante de toute considération lié à l’existence de cet engagement et à son étendue exact. A titre d’exemple, la Cour administrative d’appel de Paris a, en effet, jugé que :

    « Considérant que le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M. BOYER comme irrecevable au motif qu'aux termes du protocole d'accord qu'il a signé le 14 mars 1990, il avait acquiescé à l'arrêté en date du 26 juillet 1988 par lequel le maire de Boulogne-Billancourt avait accordé une autorisation de construire à la société groupe Kosser et renoncé à tous recours et toutes actions à l'encontre de ladite société ;
    Mais considérant que, quelle que soit l'étendue de l'engagement pris par M. BOYER à l'égard des bénéficiaires successifs de l'autorisation de construire en cause et quels que soient le sens et la portée du protocole d'accord le concrétisant en date du 14 mars 1990, cet engagement et ce protocole d'accord ne pouvaient être de nature à interdire à l'intéressé l'exercice du recours pour excès de pouvoir, lequel n'a pas pour objet la défense de droits subjectifs, mais d'assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité ; qu'ainsi, M. BOYER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 octobre 1994, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête comme irrecevable et, pour ce motif, à en demander l'annulation ; Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. BOYER devant le tribunal administratif de Paris
    » (CAA. Paris, 20 décembre 1996, Boyer, req. n°94PA02185)

    Mais vraisemblablement par peur de voir sa responsabilité contractuelle engagée au motif qu’il avait méconnu son obligation de non recours, le propriétaire voisin avait également engagé une action tendant à l’annulation du protocole transactionnel conclu avec le titulaire du permis de construire litigieux. Celui-ci devait, toutefois, être débouté devant la Cour d’appel au motif que la cause de son préjudice résultait d’un ouvrage dont la réalisation n’exigeait l’obtention d’aucune autorisation et que, par voie de conséquence, les erreurs relatives à cet ouvrage entachant le plan de masse et le préjudice subséquent étaient extérieurs audit protocole et à la contestation du permis de construire.

    Cette appréciation devait cependant être censurée par la Cour de cassation au motif suivant :

    « Attendu que pour débouter la SCI Arzac de sa demande en annulation de la transaction du 10 février 2000 portant de sa part renonciation à exercer un recours en annulation du permis de construire obtenu par la SNC Ponsot Gleyzes et compagnie, la cour d'appel a énoncé que l'objet de la convention n'était pas l'étendue du mur à construire en limite de propriété pour lequel la SCI du Parc d'Arzac n'avait aucune autorisation à demander, mais seulement la suppression du puits du jour et que, dans ces conditions, l'erreur de positionnement de la cour sur le plan de masse était sans influence sur la validité de la convention, le trouble allégué étant extérieur à la transaction et à la contestation du permis de construire ;
    Qu'en statuant ainsi, quand le fait de s'abstenir d'exercer un recours contre le permis de construire déposé avait pour objet l'acceptation par la SCI Arzac du projet immobilier de la SNC Ponsot Gleyzes et Cie, c'est-à-dire toutes les parties de la construction litigieuse susceptibles de lui porter préjudice, la cour d'appel a dénaturé la convention litigieuse et violé le texte susvisé
    ».

    En substance, la Cour de cassation a donc considéré que l’engament de n’exercer aucun recours à l’encontre d’un permis de construire valait pour l’ensemble du projet immobilier ainsi autorisé, y compris donc pour ses composantes ne relevant pas isolément du champ d’application de cette autorisation d’urbanIsme.

    Bien qu’il s’agisse d’un arrêt de la Chambre civile de la Cour de cassation dont le sens tient, au premier chef, au contexte d’espèce et, notamment, aux stipulations du protocole transactionnel en cause, cette décision n’en est pas moins conforme à l’objet du permis de construire qui ne se borne pas à autoriser une construction mais porte sur un projet d’ensemble.

    En effet, si la réalisation d’un projet immobilier n’est assujetti à permis de construire que pour autant qu’il comprenne une construction au sens de l’article L.421-1 du Code de l’urbanisme, il est rare qu’un tel projet se borne à prévoir la réalisation d’une telle construction. Dans la plupart des cas, en effet, le projet comporte également divers aménagements extérieurs, tels des travaux de voirie, des plantations d’arbres ou encore des clôtures, qui en eux-mêmes et pris isolément ne relèvent pas du champ d’application du permis de construire.

    Il reste qu’aux termes de l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme « le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords ». Et à ce titre, l’administration a l’obligation de prendre parti sur l’ensemble des composantes du projet relevant des aspects visés par l’article précité (CE. 7 novembre 1973, Giudicelli, req. n° 85.237) ; ce qui implique qu’elle en est connaissance.

    Telle est, notamment, la raison pour laquelle les documents que le pétitionnaire doit produire à l’appui de sa demande au titre de l’article R.421-2 du Code de l’urbanisme doivent figurer non seulement les constructions projetées mais également la plupart des aménagements extérieurs prévus. A titre d’exemple, le plan de masse devra également renseigner sur « les travaux extérieurs » et « les plantations maintenues, supprimées ou crées », les vues de coupe devront indiquer « le traitement des espaces extérieurs » et les documents graphiques ainsi que la notice paysagère devront renseigner, notamment, sur « le traitement des accès et des abords » ; les documents graphiques devant, en outre, figurer la situation des arbres de haute tige à l’achèvement des travaux, d’une part, et à long terme, d’autre part. Et bien entendu, toute insuffisance du dossier de demande sur l’un de ces aspects du projet peut suffire à emporter l’annulation du permis de construire obtenu (pour exemple, s’agissant de la figuration de l’évolution des arbres à planter par les documents graphiques et de leur localisation par le plan masse : CAA. Paris, 20 décembre 2002, Association Surmelin Saint-Fargeau Environnement, req. n°99PA02414).

    Or, l’administration est réputée statuer au vu du dossier produit pas le pétitionnaire (CE. 18 mars 1970, Rodde, Rec. p.208) et, par voie de conséquence, autoriser l’ensemble des composantes du projet figuré par celui-ci, y compris les aménagements extérieurs aux constructions projetées qui pris isolément ne relèveraient pas du champ d’application du permis de construire puisque l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme saisit non seulement « l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions (et) leur assainissement » mais également « l'aménagement de leurs abords ».

    C’est ainsi que, par principe, sous réserve de certaines exceptions donc, ces travaux et ces aménagements extérieurs aux constructions formeront avec celles-ci un tout indivisible au regard du permis de construire les autorisant. C’est ainsi, à titre d’exemple, que la non conformité aux prescriptions d’urbanisme opposables au projet d’une terrasse et d’un muret pourra justifier l’annulation de l’ensemble du permis de construire autorisant, au principal, le bâtiment au regard duquel ils constituent des travaux extérieurs (CAA. Lyon. 19 avril 1994, Préfet du Dpt de Haute-Corse, req. n° 93LY01230) ; bien qu’isolément de tels ouvrages ne relèvent pas du permis de construire mais, le cas échéant, de la simple déclaration de travaux et peuvent même être exemptés de toute autorisation en considération de leur faible hauteur (60 centimètres pour les terrasse ; 2 mètres pour les murs).

    De même, les opérations de contrôle générées par la déclaration d’achèvement des travaux dont on rappellera qu’elle vaut demande de certificat de conformité (art. R.460-1 et ss ; C.urb) portent sur l’ensemble des aspects visés par l’article R.460-3 du Code de l’urbanisme, lequel dispose que « le service instructeur s'assure, s'il y a lieu, par un récolement des travaux, qu'en ce qui concerne l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur aspect extérieur, leurs dimensions et l'aménagement de leurs abords, lesdits travaux ont été réalisés conformément au permis de construire ».

    C’est ainsi qu’un certificat de conformité pourra être refusé en considération de la réalisation d’aménagements extérieurs ne relevant pas du champ d’application d’un permis de construire, tel un mur de soutènement (pour exemple : CAA. Marseille, 28 avril 1998, SA Ballario, req. n°96MA11778. Voir, toutefois, sur l’illégalité d’un refus de certificat de conformité fondé sur la réalisation non autorisée d’une clôture au motif qu’un tel aménagement ne relève pas du champ d’application du permis de construire : CAA. Nantes, 2 décembre 2003, M. Bazin-Laziou, req. n°02NT00664).

    A tous les égards, un permis de construire autorise donc l’ensemble du projet figuré par le pétitionnaire dans son dossier de demande et non pas seulement sur ceux des ouvrages relevant intrinsèquement du champ d’application matériel de cette autorisation. Par suite, l’engagement de n’exercer aucun recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire vaut pour l’ensemble du projet ainsi autorisé, y compris donc pour ses composantes qui prises isolément relèveraient du champ d’application d’une autre autorisation d’urbanisme, voire même ne seraient assujetties à aucune forme d’autorisation.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • En cas de permis de construire conjoint, chacun des pétitionnaires doit disposer d’un titre habilitant à construire au sens de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme

    Un permis de construire délivré conjointement a plusieurs pétitionnaires dont l’un ne justifie pas d’un titre habilitant à construire est illégal au regard des prescriptions de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme. Néanmoins, par exception au principe d’indivisibilité du permis de construire et compte tenu du caractère réel de la législation d’urbanisme, ce permis de construire ne sera annulé qu’en tant qu’il a été délivré au bénéficiaire ne justifiant pas de la qualité requise.


    CAA. Bordeaux, 25 juillet 2006, Cne de Messanges, req. n°05BX02381


    Dans la mesure où il ne résulte pas de l’article R.421-1-1, ni d’aucune autre disposition du Code de l’urbanisme qu’une demande de permis de construire doit nécessairement être formulée par un seul et unique pétitionnaire, une même autorisation peut légalement être délivrée à plusieurs bénéficiaires (CE. 28 juillet 1999, SA d’HLM « Le nouveau logis – Centre Limousin », req. n° 182.167) (voir également ici). Il s’agit alors d’un permis de construire conjoint.

    Il reste que l’article précité impose que le ou, le cas échéant, les pétitionnaires disposent d’un titre habilitant à construire.

    Mais on sait que le principe d’indivisibilité des autorisations d’urbanisme connaît certaines exceptions dont il résulte qu’un permis de construire peut, lorsqu’il est divisible, faire l’objet d’une annulation partielle (pour exemple : CE. 2 février 1979, Cts Sénécal, req. n° 05.808). Et à notre sens, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi « ENL » du 13 juillet 2006, autorisant le juge administratif à prononcer l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme ne changera rien à la circonstance qu’une telle annulation n’est possible que si le projet est divisible.

    En substance (pour une analyse approfondie voir : P.E DURAND « La divisibilité des ouvrages et des ensembles immobiliers en droit de l’urbanisme », in « Construction & Urbanisme », n°3/2006), un permis de construire est divisible s’il recouvre en fait plusieurs autorisations et/ou si la légalité d’une des composantes du projet au regard des normes d’urbanisme ne dépend pas des autres.

    A titre d’exemple, un permis de construire autorisant plusieurs bâtiments reliés entre eux par un parc de stationnement commun souterrain formera un tout indivisible (pour exemple : CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832) puisqu’en droit, d’une part, ce parc assure la conformité de l’ensemble du projet au regard des prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme et, le cas échéant, de l’article 12 du règlement d’urbanisme local et qu’en fait, d’autre part ce même parc constitue le socle commun de l’ensemble des bâtiments sans lequel ces derniers ne peuvent être construits (sauf à modifier le projet). En revanche, un permis de construire portant sur deux maisons individuelles n’ayant aucun équipement commun est divisible (pour exemple : CAA. Marseille, 22 avril 1999, M. Bracco, req. n° 97MA00647) en ce qu’il recouvre en fait deux permis de construire dont la légalité de l’un ne dépend pas de celle de l’autre puisqu’à défaut de réalisation de l’une de ces deux maisons, celle construire pourra néanmoins être régulière au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables.

    Or, il résulte du caractère réel et non pas personnel de la législation d’urbanisme que la légalité d’un permis de construire est indépendante de toute considération liée à la qualité et à la personne du pétitionnaire. Telle étant la raison pour laquelle, à titre d’exemple, un refus de permis de construire dans une zone réservé à l’activité agricole motivé par le fait que le pétitionnaire n’a pas le statut d’agriculteur est illégal dès lors que la construction projetée constitue bien un équipement nécessaire à l’exploitation agricole.

    Il s’ensuit que la circonstance que l’un des bénéficiaires d’un permis de construire conjoint ne dispose pas d’un titre habilitant à construire ne saurait remettre en cause la légalité de l’ensemble du permis de construire au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables dès lors que l’un d’entre eux justifie bien d’un tel titre puisqu’en conséquence, la condition posée par l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme est alors satisfaite. Et précisément, dans l’arrêt commenté, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme : « La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique. La demande précise l'identité du demandeur, l'identité et la qualité de l'auteur du projet l'identité du propriétaire au cas où celui-ci n'est pas l'auteur de la demande » ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une demande de permis de construire est présentée par plusieurs personnes, chacune d'elles doit justifier d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire a été déposée par M. Gérard A, propriétaire du terrain et par M. Christian A ; que, dès lors, la circonstance que l'arrêté attaqué du 3 janvier 2003 mentionne comme titulaire de l'autorisation une « EURL consorts A Gérard et Christian » est sans incidence sur sa légalité ;
    Considérant, en revanche, qu'en se bornant à produire une convention, signée le 17 décembre 2001 et n'ayant pas date certaine, par laquelle M. Gérard A et son épouse, agissant en qualité de propriétaires du terrain, objet de la demande, ont autorisé M. A et son frère, M. Christian A, à constituer une demande de permis de construire, la COMMUNE DE MESSANGES n'établit pas que ce dernier justifiait d'un titre l'habilitant à construire ; qu'il suit de là que l'autorisation d'aménager un terrain de camping valant permis de construire susmentionnée, qui est divisible sur ce point, est entachée d'illégalité en tant qu'elle désigne comme bénéficiaire M. Christian A
    ».

    Ce faisant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc suivi le raisonnement précédemment tenu par la Cour administrative d’appel de Lyon qui, elle-même, avait jugé que :

    « Considérant que, si, par arrêté du 16 avril 1998, le maire de la COMMUNE DE TALLOIRES a délivré un permis de construire 5 bâtiments d'habitation au lieudit Les Balmettes à la fois à la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER et à la S.A. BALADDA, il est constant que seule la première des sociétés justifiait d'un titre l'habilitant à construire ; qu'il s'ensuit que le permis de construire susmentionné, qui est divisible sur ce point, est entaché d'illégalité en tant qu'il désigne comme bénéficiaire la S.A. BALADDA » (CAA. Lyon, 12 juin 2001, Assoc. Lac d’Annecy Environnement, req. n°00LY01431).

    Néanmoins, l’arrêté commenté apporte deux précisions comparé à celui-ci de la Cour administrative d’appel de Lyon.

    D’une part, dans l’affaire objet de l’arrêt de la Cour lyonnaise, le permis de construire méconnaissait également les prescriptions de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme et avait donc, à ce titre, était entièrement annulé.

    Or, dans l’arrêt commenté, seules les prescriptions l’article R.421-1-1 du Code l’urbanisme avaient été partiellement ignorées, si bien que le permis de contesté n’a été annulé qu’en tant qu’il a été délivré au pétitionnaire ne justifiant pas d’un titre habilitant à construire et, en d’autres termes, a été validé en ce qu’il a été délivré au propriétaire du terrain, lequel devint ainsi, par l’effet de cette annulation, bénéficiaire unique d’un permis de construire unipersonnel pourtant sollicité et initialement délivré en tant que permis de construire conjoint.

    Cet arrêt confirme ainsi clairement qu’un permis de construire conjoint peut n’être que partiellement annulé en considération de l’absence de titre habilitant à construire de l’un de ces bénéficiaires dès lors que l’un d’entre eux en justifie.

    D’autre part, l’arrêt de la Cour lyonnaise, ne permettait pas d’établir de quel titre disposait le pétitionnaire satisfaisant à la condition posée par l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme. En revanche, il ressort clairement de l’arrêt commenté que le bénéficiaire à l’égard duquel le permis de construire a été validé était propriétaire du terrain à construire.

    Or, si sur ce point la convention produite en cours d’instance par la commune appelante pour établir l’existence d’un titre habilitant à construire était inopérante puisque cette convention n’avait pas été produite au dossier de demande et, a priori, ne se rapportait pas à l’opération, il n’en demeure pas moins que ce permis de construire initialement conjoint avait fait l’objet d’une demande unique présentée, notamment, par le propriétaire du terrain.

    Par suite, il aurait également pu être raisonnablement jugé qu’en s'associant à un tiers pour présenter une demande de permis de construire conjoint, le propriétaire du terrain lui avait implicitement mais nécessairement donné son accord à cet effet lequel aurait donc pu suffire à satisfaire aux prescriptions de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme, d’autant qu’au cas présent, il s’agissait du frère du propriétaire du terrain à construire. En ce sens, le Conseil d’Etat a d’ailleurs jugé, avec pragmatisme, qu’un maire avait pu valablement estimé que le pétitionnaire disposait d’une autorisation l’habilitant à construire en considération des indications fournies par son père dans un mémoire en défense se rapportant à un précédent permis de construire et dans lequel il indiquait que c’était avec son plein accord que son fils avait sollicité l’octroi de ce permis (CE. 30 octobre 1996, M. Sengler, req. n°135.442).

    Mais tel n’a pas été le cas au cas présent et c’est donc à une appréciation stricte des conditions posées par l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme que s’est livrée la Cour administrative d’appel de Bordeaux.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Un permis de construire tacite n’ayant pas fait l’objet des formalités de publication requises ne peut être retiré que dans un délai de deux mois à compter de sa formation

    Bien que l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme organise les modalités d’affichage des permis de construire obtenus tacitement, l’article 23-2° de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est néanmoins applicable lorsque ces formalités n’ont reçu aucun commencement d’exécution. Il s’ensuit qu’en pareil cas, ce permis de construire tacite ne peut plus être légalement retiré passé un délai de deux mois à compter de sa formation.

    CAA. Marseille, 1er juin 2006, M. Dominique X., req. n°04MA02608 & CAA. Nancy, 4 août 2006, M. Karen X., req. N°05NC00085


    Les deux arrêts commentés apportent une intéressante précision s’agissant des règles applicables en matière de retrait de permis de construire tacite.

    Rappelons, en effet, qu’à la double condition (CE. 4 juillet 1980, Brumbt, req. n°16.156) que, d’une part, la lettre de notification des délais d’instruction prescrite par l’article R.421-12 du Code de l’urbanisme l’ait expressément indiqué et que, d’autre part, le projet objet de la demande de permis de construire ne relève d’aucun des cas prévus par l’article R.421-19 du Code de l’urbanisme, l’expiration des délais d’instruction de la demande emportent la formation d’une autorisation tacite lorsqu’à cette échéance, l’administration compétente n’a pas statué sur la demande (CE. 24 mai 1995, Sté civile du domaine agricole de Roumegou, req. n°134.236).

    Toutefois, il est rare que l’administration ne statue finalement pas expressément sur cette demande. Mais en pareil cas, la décision opposée au pétitionnaire est souvent un refus de permis de construire.

    Il reste qu’il résulte de l’abondante jurisprudence rendue en la matière que ce refus de permis de construire vaut, en droit, retrait du permis de construire tacite précédemment obtenu (pour exemples : CE. 17 novembre 1999, Fosto, req. n°186.258 ; CAA. Paris, 17 mai 2001, Gueidan, req. n°98PA00228). Tel était le cas dans ces deux affaires et, sur ce point, les deux arrêts commentés se bornent donc à faire application de ce principe.

    En revanche, ces deux arrêts précisent les délais dans lesquels un tel retrait peut légalement intervenir. On sait, en effet, que l’article 23 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 régit les délais de retrait des décisions implicites créatrices de droit – tel un permis de construire tacite – mais ce, en distinguant trois cas puisqu’il dispose que :

    « Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative :
    1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ;
    2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ;
    3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé
    ».

    Or, l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme prévoit de façon expresse les modalités d’affichage du permis de construire tant en mairie que sur le terrain des opérations et précise, de façon générale, que « l’inobservation de la formalité d’affichage sur le terrain est punie de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième catégorie ».

    Comme pour les permis de construire exprès, l’affichage du permis de construire tacite est donc une condition sine qua none du déclenchement des délais de recours contentieux et, plus généralement, une obligation pour son titulaire puisqu’à défaut d’affichage sur le terrain des opérations, celui-ci s’expose à une contravention de cinquième catégorie ; sanction certes limitée mais qui n’en constitue pas moins une condamnation pénale.

    En l’état, il pouvait donc en être raisonnablement déduit que le pétitionnaire ne pouvait utilement se prévaloir du fait de pas avoir respecté les prescriptions de l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme et, en d‘autres termes, ne pas avoir affiché le permis de construire tacitement obtenu.

    Il reste que l’article 23-2° de la loi du 12 avril 2000, relatif au cas où la décision tacite ne peut être retirée que « pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision » ne vise pas l’hypothèse où l’affichage de cette décision n’est pas prévue par les textes qui lui sont applicables mais, plus généralement, celle où « aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en œuvre ».

    Précisément, dans ces deux affaires, la Cour administrative d’appel de Marseille puis la Cour administrative d’appel de Nancy ont strictement suivi la lettre de l’article 23-2° de la loi du 12 avril 2000. Ainsi, dans ces deux arrêts, chacun des deux refus valant retrait des permis de construire tacitement obtenus a été annulé au motif qu’il était intervenu plus de deux mois après la formation de ces derniers alors que ceux-ci n’avaient pas été publiés.

    Chacun de ces deux arrêts apporte, toutefois, une précision spécifique. D’une part, il résulte de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy que le retrait du permis de construire tacite doit non seulement être décidé mais encore notifié au pétitionnaire avant l’extinction du délai de deux mois suivant la formation de l’autorisation. Il s’ensuit qu’une décision de retrait signée et expédiée au pétitionnaire avant cette échéance mais finalement reçue ou, à tout le moins, présentée après ce délai de deux mois est illégale.

    D’autre part, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille souligne le fait qu’en l’espèce, le permis de construire tacite ainsi retiré « n'avait fait l'objet d'aucune mesure d'information des tiers », ce qui est ici encore conforme à lettre de l’article 23-2° de la loi du 12 avril 2000. Il semble donc possible d’en déduire que lorsque toutes les formalités prescrites par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme n’ont certes pas été mises en oeuvre mais qu’une d’entre elles a néanmoins été accomplie, les délais de retrait ne sont pas ceux visés par l’article 23-2° mais ceux prescrits par l’article 23-1° de la loi du 12 avril 2000.

    A titre d’exemple, si le permis de construire tacite n’a pas été affiché par le pétitionnaire sur le terrain des opérations mais a néanmoins été affiché en mairie ce permis pourra alors être retiré « pendant le délai de recours contentieux » ; étant rappelé qu’à défaut d’accomplissement de l’une ou l’autre des formalités d’affichage prescrites par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme, le délai de recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire n’est précisément pas déclenché.

    Pour être complet, on précisera toutefois que la solution dégagée par les deux arrêts n’aura qu’un champ d’application rationae temporis limité puisqu’elle ne vaudra que pour les retraits de permis de construire tacites intervenus entre l’entrée en vigueur de la loi du 12 avril 2000 et l’entrée en vigueur, à venir, de l’ordonnance 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative à la réforme des autorisations d’urbanisme.

    En effet, les retraits intervenus avant l’entrée en vigueur de la loi du 12 avril 2000 restent et resteront a priori régis par les principes issus de la jurisprudence dite « Dame Cachet » et ceux intervenus à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 8 décembre 2005 seront régis par les dispositions de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme, lequel, dans sa rédaction issue de l’article 6-3° de loi n°2006-872 dite « ENL » du 16 juillet 2006, dispose que « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés