Le fait d’appartenir au périmètre d’intervention d’une association nouvellement agréée pour la défense de l’environnement ne confère pas à une commune intérêt à agir à l’encontre de la décision l’agréant
Dans la mesure où une décision d’agrément d’une association de défense pour l’environnement n’a pas en elle-même pour effet de susciter des recours à l’encontre des décisions administratives produisant leurs effets sur le territoire pour lequel elle est agréée, la seule circonstance qu’une commune soit sise dans le périmètre d’intervention de cette association et, par voie de conséquence, que ses décisions susceptibles de produire des effets dommageables pour l’environnement puissent éventuellement être attaquées par cette association ne porte pas une atteinte suffisamment directe et certaine aux intérêts de cette commune pour lui conférer intérêt à agir à l’encontre de cette décision d’agrément.
CE. 13 décembre 2006, Cne d’Issy-les-Moulinaux, req. n°264.115
Bien qu’il appelle peu de commentaires et que sa portée excède la seule matière du droit et du contentieux de l’urbanisme, l’arrêt commenté n’en mérite pas moins d’être mis en exergue.
Dans cette affaire, l’association « Val de Seine Vert » s’était vue agréée par un arrêté du Préfet des Hauts-de-Seine pour la défense de l’environnement au titre de l’article L.252-1 du Code rural alors applicable, aujourd’hui transposé à l’article L141-1 du Code de l’environnement ; décision d’agrément dont le principal intérêt pour l’association concernée est, en substance et pour reprendre les termes de l’arrêté commenté, de la faire bénéficier « d'une présomption d'intérêt à agir pour contester toute décision administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l'agrément ». Et l’expérience prouve que les associations agrées pour la défense de l’environnement utilise à plein cette présomption en développant de multiples actions contentieuses (sur l'article L.600-1-1 ; voir ici).
Aussi, la commune requérante, en l’occurrence la Ville d’Issy-les-Moulinaux, devait décider d’exercer un recours en annulation à l’encontre de la décision d’agrément de l’association « Val de Seine Vert » et ce, en arguant du fait que son territoire était sis dans le périmètre d’intervention pour lequel cette association s’était vue agréée.
Il reste que le Tribunal administratif puis la Cour administrative d’appel de Paris devaient rejeter ce recours comme irrecevable et, plus précisément, pour défaut d’intérêt à agir de la commune requérante ; ce que confirma donc le Conseil d’Etat au motif suivant :
« Considérant, en second lieu, que l'agrément pour la protection de l'environnement a pour objet de favoriser, par la voie des associations agréées, la participation des citoyens à la concertation locale sur les décisions relatives à l'environnement ; que s'il confère intérêt pour agir contre toute décision administrative, quel que soit son auteur, susceptible de produire des effets dommageables pour l'environnement sur le territoire pour lequel l'association est agréée, la décision attaquée n'a pas, par elle-même, pour effet de susciter des recours contentieux contre les décisions de la COMMUNE D'ISSY-LES-MOULINEAUX, et ne porte pas une atteinte suffisamment directe et certaine aux intérêts de la commune pour justifier son intérêt à agir ; qu'au demeurant, l'absence d'intérêt pour agir d'une commune qui se borne à faire valoir son appartenance au périmètre d'intervention d'une association agréée n'a pas pour effet de soustraire la décision accordant l'agrément à tout recours contentieux ; que par suite, en estimant que la COMMUNE D'ISSY-LES-MOULINEAUX ne justifiait pas d'un intérêt suffisamment direct de nature à lui permettre de contester l'arrêté du 21 janvier 1999 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a agréé l'association « Val-de-Seine Vert » pour la protection de l'environnement, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ».
Bien qu’en fait l’agrément prévu par l’article L.141-1 du Code de l’environnement ait pour principal effet de conférer à l’association qui en bénéficie une présomption d’intérêt à agir à l’encontre des décisions d’ordre environnemental et urbanistique produisant leurs effets dans son périmètre d’intervention et soit le plus souvent sollicité dans ce seul but par les associations de défense de l’environnement (ce que l’on peut comprendre, là n’est pas le propos), les personnes publiques susceptibles d’en pâtir ne peuvent donc chercher à se prémunir de ses conséquences à leur encontre en exerçant un recours en annulation à l’encontre de la décision octroyant cet agrément puisqu’en droit, une telle décision n’a pas en elle-même pour effet de susciter des recours à l’encontre de leurs propres décisions.
Il est vrai que la solution retenue en l’espèce ne conclue pas à l’irrecevabilité de principe d’une telle action mais procède de la circonstance que la commune requérante se bornait à faire valoir que son territoire était sis au sein du périmètre d’intervention de l’association agréée. Il reste qu’au regard de la teneur du considérant précité, on voit mal comment une personne publique pourrait établir son intérêt à agir à l’encontre d’une telle décision d’agrément, si ce n’est, peut-être, en prouvant que l’agrément n’a été sollicité et obtenu que dans le but d’attaquer une décision administrative déterminée que l’association n’aurait pas eu intérêt à agir au regard des critères en considération desquels l’intérêt à agir des associations non agrées est apprécié…
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés