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Le maire n’est pas en situation de compétence liée pour constater la péremption d’un permis de construire et en tirer les conséquences

Lorsqu'il constate la péremption d'un permis de construire et la réalisation de travaux postérieurement à cette date, le maire est nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits. Il ne se trouve donc pas en situation de compétence liée rendant inopérants les moyens tirés des vices de forme et procédure dont seraient entachées les décisions subséquentes à ce constat.

CE. 29 décembre 2006, Ministre de l’équipement, req. n°271.164


Au terme de son délai de validité, dont l’échéance procède du défaut d’engagement de travaux significatifs dans les deux ans suivant sa notification ou de l’interruption des travaux autorisés pendant plus d’un an, le permis de construire se trouve frappé de caducité et ne peut donc plus être régulièrement mis en œuvre.

Il s’ensuit que son titulaire en perd définitivement le bénéfice et, par voie de conséquence, que tout travaux qu’il serait amené à engager en se fondant sur cet ancien permis de construire serait constitutif d’un délit de travaux sans autorisation analogue au délit constitué lorsque l’autorisation requise n’a jamais été obtenue et ce, sans qu’il y soit besoin que l’administration ait préalablement opposé au constructeur la caducité de son permis de construire puisque la péremption de ce dernier procède du simple écoulement du temps et non pas de l’éventuelle décision administrative la constatant.

Aussi, lorsque le constructeur entreprend tardivement l’exécution d’un permis de construire précédemment frappé de caducité et, en d’autres termes, engage des travaux non autorisés, le maire est en droit de faire usage à son encontre des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L.480-2.al.10 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose « dans le cas de constructions sans permis de construire ou de constructions poursuivies malgré une décision de la juridiction administrative ordonnant qu'il soit sursis à l'exécution du permis de construire, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public ».

Mais bien entendu, l’arrêté interruptif de travaux édicté au titre de l’article précité peut faire l’objet d’un recours en annulation auprès du juge administratif. Il reste que les moyens d’illégalité interne susceptibles d’être utilement invoqués à l’encontre d’une telle décision sont réduits puisqu’ils ne peuvent que se limiter à contester la péremption du permis de construire et/ou à soutenir que les travaux exécutés nonobstant la caducité de ce dernier sont des simples travaux de finition ; étant rappelé que l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme ne peut plus être mise en œuvre lorsque les ouvrages sont achevés ou quasi-achevés, c’est-à-dire que deux restant à accomplir ne relèvent pas du champ d’application du permis de construire (CE. 2 mars 1994, Cne de Saint-Tropez, req. n°135.448).

Par voie de conséquence, les principaux moyens susceptibles d’être invoqués ont trait à la légalité externe de la décision et, plus précisément, aux vices de forme et/ou de procédure dont elle serait entachée.

Toute la question était ainsi de savoir si lorsqu’il constate la péremption d’un permis de construire le maire est ou non en situation de compétence liée puisque les vices de forme et de procédure sont inopérants à l’encontre d’une décision lorsque son auteur est en pareille situation. C’est à cette question qu’a répondu le Conseil d’Etat à travers l’arrêt commenté en jugeant que :

« Considérant que lorsqu'il constate la péremption d'un permis de construire et la réalisation de travaux postérieurement à cette date, le maire est conduit nécessairement à porter une appréciation sur les faits ; qu'il ne se trouve donc pas, pour prescrire par arrêté l'interruption de ces travaux, en situation de compétence liée rendant inopérants les moyens tirés des vices de procédure dont serait entachée sa décision ;
Considérant que, pour rejeter les conclusions du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER tendant à l'annulation du jugement du 7 octobre 1999 en tant que par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté interruptif de travaux du 30 novembre 1998 pris par le maire de Saint-Laurent-du-Var, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur le fait que, le maire n'était pas tenu malgré cette péremption, d'ordonner leur interruption, et aurait donc dû en vertu des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 alors en vigueur, mettre à même Mme A de présenter des observations écrites dès lors que les travaux en cause ne présentaient pas un risque pour la sécurité ou la salubrité publiques imposant une procédure d'urgence ; que ce faisant, la cour n'a pas commis une erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'en conséquence, son recours doit être rejeté
».

Il s’ensuit qu’une décision édictée sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme peut être contestée au regard des vices de forme et de procédure dont elle est entachée et, notamment, en considération de son défaut de motivation et/ou de l’absence de mise en œuvre préalable de la procédure administrative contradictoire prescrite par l’article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 (laquelle s’est « substituée », depuis la date des faits objet de l’arrêté commenté, à la procédure anciennement prévue par l’article 8 du décret du 28 novembre 1983).

Mais a priori, ce principe vaut également à l’égard de l’ensemble des décisions subséquentes à la péremption du permis de construire, à commencer par celle par laquelle l’administration la constate puisque si une telle décision n’est pas requise pour que la caducité du permis de construire soit acquise (CE. 16 avril 1975, Cne de Louveciennes, Rec., p.240), il s’agit néanmoins d’une décision faisant grief laquelle est, par voie de conséquence, attaquable (CE. 5 décembre 1984, SCI Pavoi, req. n°37.168).

Il reste qu’à s’en tenir aux décisions de certains tribunaux administratifs, cette question a moins d’importance à cet égard puisqu’il a pu être jugé que l’acte par lequel l’administration se borne à constater la péremption d’un permis de construire n’est pas assujetti à l’obligation de motivation résultant de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et, par voie de conséquence, n’a pas à être précédé d’une procédure administrative contradictoire (pour exemple : TA. Grenoble, 13 octobre 1999, Sté Arc-en-Ciel Promotion, req. n°97-04061).


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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