Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Contentieux - Page 21

  • Sur les actions en réparation prévues par l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme

    Dès lors qu'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs lorsque ceux-ci entrent dans son objet social, elle peut, sur le fondement de l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme, solliciter et obtenir la démolition d’un ouvrage édifié en exécution d’un permis de construire illégal lui portant un préjudice personnel direct au regard de son objet social.

    Cass. civ., 26 septembre 2007, pourvoi n°04-20.636


    Voici un arrêt intéressant, lequel sera d’ailleurs publié au bulletin, en ce qu’il précise les conditions d’exercice par les associations des actions prévues par l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme et nous permettra ainsi d’aborder les modifications apportées à ce dispositif par la loi « ENL » du 13 juillet 2006, lesquelles sont, toutefois, entrées en vigueur le 1er octobre 2007.

    Préalablement au 1er octobre 2007 le seul fait qu’un permis de construire était devenu définitif ne permettait pas de considérer que sa légalité ne pouvait plus être mise en cause et, bien plus, que les constructions réalisées à ce titre étaient pérennes. En effet, l’illégalité de cette autorisation pouvait encore être remise en cause dans le cadre d’une action tendant à obtenir la réparation du préjudice causé par son exécution et ce, en application de l’article précité, lequel dans sa rédaction antérieure disposait que « lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile se prescrit, en pareil cas, par cinq ans après l'achèvement des travaux ».

    Il s’ensuivait que dans un délai de cinq ans à compter de l’achèvement des travaux et alors même que le permis de construire était définitif et que celui-ci avait fait l’objet d’un certificat de conformité, un tiers lésé par son exécution pouvait saisir le juge civil d’une action tendant à la démolition de l’ouvrage ainsi édifié et/ou à l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice pour autant, toutefois, que le permis de construire ait méconnu une règle ou une servitude d’urbanisme dont la violation était la cause directe du préjudice allégué par le requérant. En ce cas, il incombait alors au juge civil d’interroger – via la formulation d’une question préjudicielle – le juge administratif sur la légalité du permis de construire en cause. Ce qu’illustre l’arrêt commenté.

    Dans cette affaire, un permis de construire avait été définitivement obtenu en vu de la construction d’une maison et d’une piscine. Mais dans la mesure où cet ouvrage avait été réalisé une zone du plan d'occupation des sols où les constructions étaient interdites, l’association « UDVN » devait solliciter du juge civil qu’il ordonne la démolition de cette construction ; demande à laquelle devait accéder la Cour d’appel de Nîmes après que le juge administratif, saisi par la Cour d’une question préjudicielle, eu déclaré le permis de construire illégal.

    Toutefois, le propriétaire de cet ouvrage devrait se pourvoir en cassation à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes en lui faisant grief d’avoir accueilli les demandes de l'association requérante alors que :

    - tout d’abord, les tiers ne peuvent exercer une action en responsabilité pour violation des règles d'urbanisme devant le juge civil qu'à la condition d'établir l'existence d'un préjudice personnel en relation directe avec l'infraction à ces règles ;
    - ensuite, une association ne subit pas, du fait de la violation d'une règle d'urbanisme portant atteinte à l'intérêt collectif qu'elle s'est donné pour mission de défendre un préjudice personnel distinct du dommage causé à la collectivité toute entière ;
    - enfin, si la loi permet aux associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 du code de l'environnement d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice aux intérêts collectifs qu'elle ont pour objet de défendre, il s'agit de l'exercice de l'action en réparation d'un dommage causé par une infraction : dès lors qu'il n'avait été ni constaté, ni même allégué que le permis de construire aurait été obtenu par fraude, le constructeur n'avait commis aucune infraction en édifiant une construction conformément à ce permis déclaré ultérieurement illégal ;

    et, par voie de conséquence, qu'en déclarant l'association UDVN fondée à demander réparation, par la démolition de ladite construction, du préjudice que lui aurait été causé par la violation de la règle d'inconstructibilité applicable au terrain à construire, la cour d'appel aurait violé l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme ensemble l'article 1382 du code civil.

    Mais la Cour de cassation devait rejeter ce pourvoi au motif suivant :

    « Mais attendu qu'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs, dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'ayant relevé que la juridiction administrative avait déclaré le permis de construire illégal en ce qu'il autorisait des constructions dans une zone inconstructible protégée pour la qualité de son environnement, sur les parcelles classées en espaces boisés à conserver en application de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, la cour d'appel a pu retenir que la violation par la SCI de l'inconstructibilité des lieux qui portait atteinte à la vocation et à l'activité au plan départemental de l'association, conforme à son objet social et à son agrément, causait à celle-ci un préjudice personnel direct en relation avec la violation de la règle d'urbanisme ».

    En résumé, le simple fait que la méconnaissance de la règle d’urbanisme affectant le permis de construire d’illégalité porte atteinte aux intérêts collectifs d’une association tels qu’ils résulte de son objet social statutaire et, le cas échéant, de son agrément, lui permet de justifier d’un préjudice direct personnel et, par voie de conséquence, d’exercer une action sur le fondement de l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme puisque ce dernier implique que l’illégalité du permis de construire constitue la cause directe d’un préjudice personnel pour le requérant.

    Si cette solution n’est pas remise en cause par la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL », il n’en demeure pas moins que cette dernière a procédé à une réécriture profonde de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme dont il résulte que la possibilité d’obtenir la condamnation du propriétaire à démolir de la construction litigieuse est limitée de façon significative mais qu’en revanche, la responsabilité des constructeurs peut être engagée aux fins d’obtenir leur condamnation à verser des dommages et intérêts puisque dans sa nouvelle rédaction l’article précité dispose dorénavant que « lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :
    a) Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L'action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ;
    b) Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l'achèvement des travaux.
    Lorsque l'achèvement des travaux est intervenu avant la publication de la loi nº 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, la prescription antérieure continue à courir selon son régime
    ».


    Il faut, toutefois, relever que l’article L.480-13 du code de l’urbanisme reste applicable au seul cas où la « construction a été édifiée conformément à un permis de construire ». Il s’ensuit que les actions prévues par cet article ne sauraient être mises en œuvre lorsque le permis de construire n’a pas fait l’objet d’une exécution conforme. A contrario, leur propriétaire et leur constructeur ne pourront donc pas se prévaloir, en pareil cas, des limites introduites par la nouvelle rédaction de cet article.

    Mais surtout, il faut souligner que le nouvel article L.480-13 prévoit dorénavant deux actions bien distinctes, la première tendant à la condamnation du propriétaire à démolir la construction litigieuse, la seconde ayant pour objet d’obtenir la condamnation de son constructeur à verser des dommages et intérêts.

    En premier lieu, le point a) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme fixe les conditions auxquelles la démolition de la construction peut être ordonnée.

    Il conserve ainsi le principe selon lequel une action en démolition a vocation à être engagée à l’encontre du propriétaire de la construction litigieuse. De même, il maintient le principe selon lequel le permis de construire doit être illégal du fait de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique ; ce qui exclut les vices de forme ou de procédure.

    En revanche, il supprime la possibilité d’obtenir la démolition de la construction lorsque le permis de construire est devenu définitif en en faisant constater l’illégalité par le juge administratif saisi d’une question préjudicielle par le juge civile. En effet, il résulte du point a) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme qu’une condamnation à démolir ne peut plus être prononcée que lorsque « le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative » et non plus également, comme c’était précédemment le cas, lorsque « son illégalité a été constatée par la juridiction administrative ».

    Dès lors que le permis de construire est définitif, sa légalité ne peut plus être remise en cause par le jeu de l’action prévue par le point a) de l’article L.480-13 et, par voie de conséquence, la démolition de la construction réalisée en exécution de celui-ci ne peut plus être prononcée.

    Ce n’est donc que dans le cas où le permis de construire a été préalablement annulé du fait d’une méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique que la démolition pourra être ordonnée en conséquence d’une action entreprise sur le fondement du point a) de l’article L.480-13 par un tiers lésé pour autant, toujours, que la violation de cette règle ou de cette servitude soit la cause directe du préjudice dont il sollicite ainsi la réparation. En revanche, il n’est pas nécessaire que ce tiers lésé ait été l’auteur du recours ayant abouti à l’annulation du permis de construire en exécution duquel la construction litigieuse à été édifiée.

    Mais en toute hypothèse, cette action doit être introduite non plus, comme c’était précédemment le cas, dans un délai de cinq ans à compter de l’achèvement des travaux mais, au plus tard, dans les deux ans suivant la décision devenue définitive par laquelle la juridiction administrative a prononcé l’annulation du permis de construire.

    En second lieu, le point b) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme vise et régit le cas des actions tendant à la condamnation des constructeurs à verser des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de l’exécution du permis de construire.

    A son sujet, on relèvera d’emblée que celle-ci pourra être exercée y compris lorsque le permis de construire est devenu définitif puisque le point b) de l’article L.480-13 précise qu’il a vocation à s’appliquer « si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative ». Lorsque le permis de construire n’a pas été préalablement annulé, il incombe donc au requérant d’établir son illégalité et au juge civil d’interroger en conséquence le juge administratif sur le bien fondé des griefs qui lui sont opposés par le requérant. Mais en toute hypothèse, que le permis de construire ait ou non été préalablement annulé, l’action prévue par le point b) de article L.480-13 du code de l’urbanisme devra être engagée dans un délai non plus de cinq ans mais de deux ans à compter de l’achèvement des travaux ; l’achèvement des travaux s’appréciant de façon concrète et non pas seulement en considération de la date de formulation de la déclaration d’achèvement qui ne constitue qu’un indice (Cass.civ., 11 mai 2000, Mme Duguet, Bull. civ., III, p.107).

    Pour le reste, la rédaction du point b) de article L.480-13 appelle deux principales observations qui constituent autant d’interrogations.

    D’une part, à la différence de l’ancien article L.480-13 (a), son point b) ne vise pas le propriétaire de la construction mais leur constructeur. A cet égard, la nouvelle rédaction de l’article L.480-13 élargit donc le champ d’application de l’action qu’il prévoit.

    Il reste que la notion de constructeur est particulièrement vague et incertaine puisqu’elle peut recouvrir non seulement le maître d’ouvrage, le bénéficiaire du permis de construire ou celui qui l’a mis en oeuvre mais également l’architecte du projet, voire son promoteur. Il incombera donc à la jurisprudence judiciaire de préciser la notion de constructeur au sens de son point b) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme.

    Par ailleurs, force est de constater que le point b) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme ne précise pas que l’illégalité doit procéder de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique. Il ne semble pas, cependant, que l’action ainsi prévue puisse aboutir lorsque le préjudice allégué par le requérant ne trouve pas sa cause directe dans la violation de ces règles et servitudes.

    Le point b) de l’article L.480-13 ne peut, en effet, trouver à s’appliquer que « si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative » : la cause de cette action reste donc bien l’illégalité du permis de construire.

    Or, par principe, un permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers, c’est-à-dire que sa légalité est appréciée exclusivement au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables et indépendamment donc de toute considération liée, notamment, à une norme ou une servitude de droit privé. L’illégalité d’un permis de construire ne peut donc pas être réputée être la cause directe d’un préjudice résultant de la méconnaissance d’une norme ou d’une servitude de droit privé.

    De même, si l’illégalité d’un permis de construire peut résulter d’un simple vice de forme ou de procédure, force est d’admettre que l’on voit mal comment un vice de forme – tels le défaut de motivation d’une prescription l’assortissant et l’absence du nom et du prénom de son auteur – ou un vice de procédure – tels l’absence d’une des pièces requises au dossier de demande et le défaut de consultation d’un service intéressé lors de l’instruction de la demande – pourrait, à lui-seul, être la cause directe d’un préjudice pour les tiers.

    A priori et, en toute hypothèse, dans la plus grande majorité des cas, il semble donc que ce n’est que dans le cas où l’illégalité du permis de construire en exécution duquel a été édifiée la construction litigieuse résulte de la méconnaissance d’une règle de fond qui lui était opposable que l’action prévue par le point b) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme pourra prospérer.

    Mais à notre sens, la principale interrogation générée par le nouvel l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme procède de à son dernier alinéa précisant que « lorsque l'achèvement des travaux est intervenu avant la publication de la loi nº 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, la prescription antérieure continue à courir selon son régime ». Ce dispositif présente, en effet, deux difficultés.

    D’une part, dans la mesure où les seules dispositions transitoires prévues par la nouvelle rédaction de l’article L.480-13 concernent la prescription des actions qu’il prévoit, l’action en démolition ne pourra vraisemblablement prospérer qu’à la condition, notamment, que le permis de construire ait été préalablement annulé du fait de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique : a priori, cette solution devrait donc valoir pour les procédures engagées avant la publication de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL ».

    Mais s’agissant, d’autre part, de l’action tendant à la condamnation du constructeur à verser des dommages et intérêts, la portée des dispositions transitoires de la nouvelle rédaction de l’article L.480-13 est encore plus délicate à trancher dans la mesure où, dans sa rédaction antérieure, l’action alors prévue par cet article ne concernait que le propriétaire de l’ouvrage litigieux et non pas les constructeurs.

    A priori, ce n’est donc pas le délai de prescription de cinq ans à compter de l’achèvement des travaux anciennement prévu par l’article L.480-13 qui sera opposable à cette action. Mais alors, on voit mal quel autre délai de prescription pourrait s’appliquer, si ce n’est la prescription décennale prévue par l’article 2270-1 du code civil en matière de responsabilité extracontractuelle dont on rappellera qu’elle courts à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. Si l’on devait suivre ces dispositions à la lettre, il en résulterait que des tiers lésés pourraient engager l’action prévue par l’article L.480-13 dans ce délai de dix ans lorsque l’achèvement des travaux est intervenu antérieurement à la publication de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL », c’est-à-dire à une époque où la responsabilité d’un constructeur autre que le propriétaire de l’ouvrage litigieux de pouvait pas être engagée sur ce fondement….



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Passé, présent et avenir de la jurisprudence dite « Vicquenau »

    La délivrance d’un second permis de construire sur un même terrain, à un même titulaire et pour un même projet rapporte le premier nonobstant la circonstance que ce deuxième permis de construire ait, contrairement au premier, mentionné l'ensemble des parcelles dont la société pétitionnaire était propriétaire, et non pas les seules parcelles concernées par le projet.

    CAA. Nancy, 21 juin 2007, Sté Bricorama France, req. n°06NC00965


    Voici un arrêt qui s’il appelle peu de commentaires n’en est pas moins intéressant dans la mesure où, d’une part, il précise les modalités d’application de la jurisprudence dite « Vicquenerau » et, d’autre part, nous permet d’aborder la question du devenir de cette jurisprudence en considération du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme relatif au délai de retrait des principales d’autorisations d’urbanisme.

    On sait, en effet, que par l’arrêt « Vicqueneau » (CE. 31 mars 1999, Vicqueneau, BJDU, 2/1999, p.156) , le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel la délivrance d’un second permis de construire peut emporter implicitement le retrait définitif du premier ; ce dont il résulte, d’une part, qu’il n’y a pu lieu de statuer sur le recours exercé à l’encontre de ce dernier et, d’autre part, que dans l’hypothèse où le second est annulé, cette circonstance n’a pas pour effet de faire revivre le premier, sauf à ce que le second ait été contesté en tant qu’il valait retrait du premier.

    Il reste que l’application de ce principe est subordonné à trois conditions cumulatives.

    Tout d’abord, il est nécessaire que le second permis de construire soit délivré au même titulaire que le premier (CE. 16 janvier 2002, Portelli, Juris-Data, n° 2002-063443).

    Ensuite, il semble que le projet autorisé par le second permis de construire doive être similaire à celui visé par le premier ou, à tout le moins, que les deux permis de construire successivement délivrés aient le « même objet » (CE. 7 juillet 1999, Michelland, req. 181.312) ou poursuivent « le même but » (CAA. Versailles,18 novembre 2004, M. Bruno Y., req n°02VE02508).

    Enfin, les deux permis de construire doivent porter sur le même terrain ; ce qui constitue, d’ailleurs, la condition de base dès lors que c’est le terrain qui constitue l’assiette du droit de l’urbanisme et, notamment, du droit des autorisations d’occupation ou d’utilisation des sols.

    Précisément, c’est la portée de cette condition que précise l’arrêt commenté.

    Dans cette affaire, un premier permis de construire conjoint avait été délivré à deux sociétés, lesquelles, après que ce permis eu été frappé d’un recours, en obtinrent un second.

    Par voie de conséquence, le Tribunal administratif de Besançon devait juger que le recours exercé à l’encontre du premier permis de construire était devenu ainsi dépourvu d’objet du fait de la délivrance du second et qu’il n’y avait donc pas lieu de statuer dessus.

    Mais la société requérante devait faire appel de ce jugement en faisant valoir que les deux permis de construire en cause n’étaient pas strictement identiques puisque, s’ils portaient sur la même unité foncière, il reste que le premier ne portait que sur les parcelles directement concernées par le projet alors que le second incluait l’ensemble des parcelles constituant cette unité foncière. Mais la Cour administrative d’appel de Nancy devait également juger que :

    « Considérant que le maire de la commune de Bessoncourt a accordé le 14 janvier 2004 aux sociétés Auchan et Immochan un permis de construire portant sur l'extension et la restructuration de l'hypermarché qu'elles exploitent dans la zone industrielle et commerciale de ladite commune ; que, postérieurement au recours formé par la SOCIETE BRICORAMA France devant le Tribunal administratif de Besançon, le maire de la commune a, sur la nouvelle demande de permis de construire déposé le 27 juillet 2004, accordé le 20 septembre 2004 aux sociétés Auchan et Immochan, un nouveau permis de construire sur le même terrain, qui a implicitement mais nécessairement rapporté le permis initial du 14 janvier 2004, nonobstant la circonstance que ce deuxième permis de construire ait, contrairement au premier, mentionné l'ensemble des parcelles dont la société pétitionnaire était propriétaire, et non pas les seules parcelles concernées par le projet ; que, par suite, la SOCIETE BRICORAMA France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé un non-lieu sur la demande d'annulation du permis initial et que l'existence de ce permis initial aurait rendu illégale la délivrance d'un nouveau permis de construire ».

    En résumé, la délivrance d’un second permis de construire sur un même terrain, à un même titulaire et pour un même projet rapporte le premier nonobstant la circonstance que ce deuxième permis de construire ait, contrairement au premier, mentionné l'ensemble des parcelles dont la société pétitionnaire était propriétaire, et non pas les seules parcelles concernées par le projet.

    La solution retenue est difficilement contestable dès lors, tout d’abord, que quelle que soit l’assiette foncière visée dans les demandes de permis de construire, toujours est-il que les deux permis de construire portaient sur la même unité foncière, ensuite, que les deux projets étaient sis au même endroit, enfin et plus spécifiquement, qu’elle empêche de contourner la jurisprudence « Vicqueneau » par un artifice n’ayant, par principe, aucune incidence sur la consistance réelle du projet. Dans le même sens, force est de considérer que la circonstance que terrain d’assiette de l’opération projetée ait changé de propriétaire entre la délivrance du premier permis de construire et celle du second ne s’opposerait pas à l’application de cette jurisprudence.

    Précisément, l’élément déterminant nous semble être que les deux projets autorisés avaient vocation à être implantés au même endroit puisqu’à notre sens, la jurisprudence « Vicqueneau » ne s’oppose pas à ce qu’une même personne obtiennent deux permis de construire portant sur des constructions identiques mais projetées à des endroits différents de la même l’unité foncière, pour autant que l’exécution de l’un ne s’oppose pas à l’exécution conforme du second.

    Il faut maintenant trancher la question de l’avenir de la jurisprudence « Vicqueneau » au regard du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme limitant le délais de retrait des permis à trois mois en ce qu’il précise que « passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

    En première analyse, on pourrait considérer que le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme n’est pas de nature à remettre en cause la portée de cette jurisprudence dès lors que la jurisprudence dite « Ternon » ne s’est pas elle-même opposée à la formation et au maintien de la jurisprudence dite « Vicqueneau ».

    Il reste que la première se bornait à préciser que le délai de retrait de quatre moins ainsi imposé valaient « hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire » – sans plus de précision – et que la seconde considérait que la demande de second permis valait demande implicite de retrait du premier (CE. avis du 6 juillet 2005, n° 277.276). Telle étant la raison de la condition selon laquelle les deux permis de construire doivent avoir été délivrés à un même titulaire puisque la demande de permis de construire présentée par un tiers ne saurait s’analyser comme une demande de retrait du premier émanant de son bénéficiaire.

    Or, précisément, l’alinéa 2 du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme précise expressément que « passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

    En l’état, il semble donc que ce n’est que dans le cas où le pétitionnaire aura expressément précisé que sa demande tendant à la délivrance d’un second permis de construire vaut demande de retrait du premier que la délivrance éventuelle du second vaudra retrait de ce dernier. A défaut d’une telle précision et passé le délai de trois mois prévu par le nouvel article L.424-5 du code de l’urbanisme, cette seconde autorisation ne pourra donc valoir, a priori, retrait de la première.

    Mais bien entendu, il incombera à la jurisprudence administrative de confirmer cette analyse mais également de préciser si, forte de la demande explicite formulée par le pétitionnaire, l’administration pourra retirer le premier permis sans pour autant délivrer le second.

    Dans cette attente, on conseillera ainsi aux pétitionnaires de préciser expressément que leur demande d’un second permis de construire ne vaut pas expressément demande de retrait du premier ou, le cas échéant, de conditionner leur demande de retrait portant sur la première autorisation à la délivrance de la seconde (sur cette possibilité : TA. Strasbourg, 2 mai 1996, SCI Diffusion, BJDU, n°2/96, p.125).

    Quoi qu’il en soit, le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme n’apparaît pas, en lui-même, de nature à remettre en cause la jurisprudence « Vicqueneau » pour le cas où la délivrance du second permis interviendrait avant l’expiration du délai de trois mois pendant lequel l’administration peut procéder au retrait du premier. En pareil cas et sauf infléchissement de la jurisprudence, la délivrance de cette seconde autorisation pourra donc valoir retrait implicite de la première alors même que son titulaire ne l’aurait pas explicitement demandé.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Vers un assouplissement des conditions d’application de l’article 4 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ?

    L’avis rendu par la commission de sécurité dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire n’est pas une décision au sens de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000.

    CAA. Versailles, 10 juillet 2007, Association de Sauvegarde du Parc de Cochet, req. n°07VE00201

    Une décision anonyme de retrait de permis de construire n’est pas illégale au regard de cet article dès lors que le titulaire de ce permis peut en identifier l’auteur par recoupement avec la lettre qui lui a été adressée en application de l’article 24 de la même loi.

    CAA. Lyon, 5 juillet 2007, SCI Lade, req. n°05LY01966.


    Aux fins d’améliorer les relations entre les citoyens et les administrations, la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 a, par l’alinéa 2 de son article 4, posé le principe selon lequel « toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci » ; l’article 1er visant « les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif ».

    Cette obligation ayant eu un certain mal à pénétrer les services administratifs, l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 fut et reste la cause d’annulation de très nombreuses décisions administratives et, notamment, de ce qu’il est convenu d’appeler les permis de construire anonymes.

    Mais si cette disposition n’a jamais été appliquée totalement à la lettre – l’essentiel étant que l’auteur du permis de construire soit facilement identifiable et sans ambiguïté à l’examen de cette décision, sans qu’il soit nécessaire qu’il soit scrupuleusement identifié par celle-ci – il nous semble percevoir dans certaines jurisprudences récentes un réel assouplissement des conditions d’application de l’article 4 précité.

    Deux arrêts de Cours administratives d’appel différentes nous semble l’illustrer ; l’un pour ce qui concerne son champ d’application, l’autre pour ce qui a trait à l’appréciation en fait de l’incidence de la méconnaissance de cette obligation.

    Dans la première affaire, le permis de construire en cause portait sur un collège, c’est-à-dire sur un « ERP », conçu pour accueillir 1500 élèves : à ce titre, sa délivrance avait donc obligatoirement à être précédée de l’avis de la commission de sécurité compétente et, en l’occurrence, de la commission d’arrondissement d’Etampes.

    Précisément, ce permis de construire devait être contesté au motif tiré, notamment, de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 non pas parce que lui-même ne respectait pas les prescriptions de cet article mais parce que l’avis de la commission d’arrondissement au vu duquel il avait été délivré ne comportait ni le nom, ni le prénom de son signataire, en l’occurrence le Président de cette commission ; étant précisé que si les avis émis dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire sont considérés comme des actes préparatoires, insusceptibles de recours donc (CE. 6 mars 1964, Cie l’Union, Rec., p.162), leur irrégularité éventuelle peut être excipée dans le cadre d’un recours à l’encontre de la décision statuant sur cette demande (CE. 26 octobre 2001, Eisenchteter, Rec., p.495).

    Ce moyen devait, toutefois, être rejeté par le Tribunal administratif puis par la Cour administrative d’appel de Versailles et ce, au motif suivant :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : « Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. » ; que l'avis émis par la commission d'arrondissement d'Etampes pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ne constituant pas une décision, le moyen tiré de ce que cet avis méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant ; que, dès lors, en se bornant à constater cette inopérance, le Tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à ce moyen, n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation ».

    En substance, la Cour a donc jugé que le moyen était inopérant – et non pas qu’il manquait en fait dès lors que l’avis mentionné la qualité de son signataire et, partant, permettait d’identifier ce dernier – dès lors que l’avis en cause ne constituait pas une décision et, par voie de conséquence, que l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 n’était pas applicable à un tel avis puisque cet article vise les seules « décisions ».

    Une telle analyse nous paraît quelque peu critiquable.

    Il convient, en effet, de rappeler que l’avis de la commission de sécurité et d’accessibilité compétente à l’égard des « ERP » est ce qu’il est convenu d’appeler un « avis conforme » dont le sens s’impose, d’ailleurs, à l’autorité administrative compétente pour délivrer le permis. Mais s’il constitue un « avis conforme », c’est parce qu’il vaut autorisation au titre de la réglementation sur la sécurité et l’accessibilité dans les « ERP » et ce, en application de l’article L.111-8 du Code de la construction et de l’urbanisme, lequel dispose :

    « Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2.
    Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente mentionnée à l'alinéa précédent
    »

    ce qui ressort également des anciens articles L.421-1 et L.421-3 du Code de l’urbanisme et ressort encore clairement du nouvel article L.425-15 en ce qu’il dispose que :

    « Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions ».

    De ce fait, la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Versailles nous semble poser un double problème.

    D’une part, elle est de nature à introduire une distinction, qui ne nous semble pas avoir lieu d’être, selon que les travaux soient ou non soumis à permis de construire puisque lorsque tel n’est pas le cas, il nous semble qu’il serait difficile de considérer que l’autorisation prévue par l’article L.111-8 du Code de la construction et de l’habitation ne constitue pas une décision, alors que, selon la Cour, lorsque les travaux sont assujettis à permis de construire, il ne s’agirait que d’un avis qui, en tant que tel, n’est donc pas susceptible d’être assujetti à l’obligation posée par l’article 4 de la loi du 12 avril 2000.

    D’ailleurs, on relèvera qu’à proprement parler, il résulte, notamment, de l’article L.111-8 du Code de l’urbanisme que lorsque les travaux projetés relèvent de la procédure de permis de construire, ce qu’il est convenu d’appeler « avis » est en fait prévu comme un accord ou, le cas échéant, comme un refus d’accord : difficile donc de ne pas y voir une décision.

    D’autre part, il convient de préciser que la régularité d’un avis rendu dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire peut être contestée, notamment, en raison de l’incompétence de la personne qu’il l’a rendu (CE. 18 mai 1979, Kees, req. n°01680).

    Or, si ces avis n’ont pas à comporter le nom, le prénom et la qualité de son signataire, force est d’admettre qu’il sera, pour le moins, difficile de contrôler et de contester la compétence de ce dernier.

    Mais pour conclure sur ce point, on précisera que, selon nous, la véritable question posée en l’espèce avait trait à la nature de la commission d’arrondissement de sécurité et, plus précisément, au fait de savoir si elle constitue une autorité administrative au sens de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 et donc compte, aux termes de son article 1er, parmi « les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif » ; ce qui nous semble, toutefois, être le cas dès lors que :

    - d’une part, les commissions d’arrondissement sont des démembrements des commissions départementales de sécurité, qui elle-même sont des émanations de la commission centrale instituée auprès du Ministère de l’intérieur (art.. R.123-29 ; CCH), et qui sont créées par le Préfet (art. R.123-38 ; CCH), lequel en fixe les attributions (art. R.123-29 ; CCH) et en fait assurer la présidence par le sous-préfet de l’arrondissement en cause (art. R.123-40 ; CCH) ;
    - d’autre part, elle nous semble pourvoir s’analyser, à l’échelon de l’arrondissement, comme un organisme en charge de la gestion sur service public administratif, en l’occurrence du service public de la protection civile.

    Dans la seconde affaire, c’est une décision de retrait d’un permis de construire qui était contestée pour ne pas indiquer le nom et le prénom du maire l’ayant signé (sur ce vice de forme et sa régularisation, voir ici et là). Mais ce moyen devait être rejeté par la Cour administrative d’appel de Lyon au motif suivant :

    « Considérant que si la décision susmentionnée du maire de Lugrin comporte une signature accompagnée seulement de la mention « le maire » sans indication de son prénom et de son nom, il ressort toutefois des pièces du dossier que le maire avait seulement 12 jours auparavant, au titre de la procédure contradictoire préalable à l'intervention du retrait, signé une lettre adressée à la société comportant l'initiale de son prénom suivie de son nom ; que les signatures apposées sur ladite lettre et la décision litigieuse sont identiques ; que la société était ainsi à même dans les circonstances de l'espèce, d'identifier sans ambiguïté, l'auteur de la décision ; que le moyen doit être écarté »

    La Cour a donc considéré que la circonstance que la décision de retrait contestée ne mentionnait pas le nom et le prénom de son signataire était sans incidence dès lors que le requérant, le titulaire du permis de construire ainsi retiré, était en mesure, par recoupement avec la lettre par laquelle le maire l’avait préalablement informé de son intention de procéder à ce retrait, d’identifier l’auteur de cette décision.

    Il reste que l’obligation prescrite par l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 vaut non seulement à l’égard du destinataire de la décision mais également à l’égard des tiers, lesquels peuvent, parfois, avoir intérêt à agir à l’encontre d’une décision de retrait.

    Mais en toute hypothèse, quelle que soit la nature de la décision en cause, la solution retenue par la Cour administrative de Lyon nous paraît donc de nature à moduler la portée de l’article précité selon la qualité de la personne qui l’invoque cependant que, pour sa part, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a récemment jugé, s’agissant d’un permis de construire anonyme jugé ainsi comme « entaché d’une irrégularité substantielle » que « la circonstance que ce moyen était invoqué par un tiers et non par le pétitionnaire du permis de construire est à cet égard inopérante » (CAA. Bordeaux, 23 février 2007, Cne de Sarlat-la-Caneda, req. n°04BX00670)…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Extension et restriction du champ d’application de la notification des recours prescrite par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme

    L’arrêté préfectoral portant déclaration de Projet d’Intérêt Général (« PIG ») constitue une décision relative à l’occupation et l’utilisation du sol. Par voie de conséquence, le recours en annulation à l’encontre d’un tel arrêté est assujetti à l’obligation de notification prescrite par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Lyon, 5 juillet 2007, Communauté de communes du Senonais, req. n°04LY00564

    L’arrêt ici commenté est intéressant dans la mesure où, d’une part, il précise la nature juridique d’un arrêté de « PIG » au regard de l‘article R.600-1 du Code de l’urbanisme – ce qui, à notre connaissance, n’avait donné lieu à ce jour qu’à un jugement du Tribunal administratif de Nice allant dans le même sens (TA. Nice, 5 mai 1998, Association Equilibre, req. n°97-04214) – et où, d’autre part, il nous permettra d’appréhender la restriction du champ de l’obligation de notification des recours régie pas cet article, telle qu’elle résulte du décret du 5 janvier 2007 relatif à la réforme des autorisations d’urbanisme, laquelle nous semble assez « symptomatique » de l’esprit de cette réforme (dont, pour ma part et sous réserve de rares exceptions, je recherche encore l’aspect simplificateur et sa dimension sécurisante pour les constructeurs …).

    Dans le but et au prétexte de responsabiliser les requérants et de sécuriser les constructeurs, la loi n°94-112 du 9 février 1994 a institué à la charge des requérants – par l’article L.600-3 du Code de l’urbanisme, ultérieurement transféré à l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme par le décret n°2000-389 du 4 mai 2000 – l’obligation de notifier les recours administratifs et les recours en annulation exercés à l’encontre d'un « document d’urbanisme » ou d'une « décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol » dont la méconnaissance reste encore aujourd’hui une cause d’irrecevabilité de très nombreuses requêtes.

    Mais au delà de cet aspect strictement contentieux, l’application de l’actuel article R.600-1 du Code de l’urbanisme a participé à la définition et la circonscription des notions :

    - de documents d’urbanisme, d’une part, définis comme « les documents élaborés à l’initiative d’une collectivité publique ayant pour objet de déterminer les prévisions et règles touchant à l’affectation et à l’occupation des sols, opposables aux personnes publiques et privées » (CE. avis, 17 janvier 1997, Association de défense du site de Galluis, req. n°183.072) ;
    - de décisions relatives à l’utilisation ou l’occupation du sol, d’autre part, définies, du moins pour application de l’article précité, comme « les décisions valant autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol qui sont régies par le code de l’urbanisme » (CE. avis, 6 mai 1996, SARL Nicolas-Hill Immobilier, req. n°178.426).

    Il reste qu’un certain nombre d’actes institués et régis par le Code de l’urbanisme se trouvent à la croisée des chemins de ces deux notions.

    Tel est le cas de l’autorisation de création d’unité touristique nouvelle (« UTN ») qui, d’une part, entérine la faisabilité d’un projet d’aménagement en montagne sans pour autant constituer un document d’urbanisme puisqu’il est nécessaire que la commune intéressée dispose d’un document local d’urbanisme permettant la réalisation de ce projet (CE. 22 janvier 2003, Cne de Saint-Ours-les Roches, req. n°212.522) et qui, d’autre part, bien qu’elle porte le terme d’autorisation n’a pas pour effet d’autoriser des travaux et ne dispense évidemment pas d’obtenir les permis de construire et/ou les autorisations d’installation de remontées mécaniques requis.

    Pour autant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que le recours exercé contre une telle autorisation était assujetti à l’obligation de notification prescrite par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme (CAA. Bordeaux, 28 décembre 1995, Association de défense du lac, req. n°95BX00521) ; la Cour administrative d’appel de Marseille ayant plus récemment précisé que cet assujettissement valait en tant que cette autorisation constitue une décision relative à l’utilisation du sol (CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Association pour la protection du lac de Sainte-Croix, req.n°02MA00707). Pourquoi pas dès lors qu’une autorisation « UTN » répond bien à une demande formulée par la commune intéressée, laquelle s’en trouve ainsi bénéficiaire pour la réalisation d’un projet déterminé.

    Quant à l’arrêté portant déclaration de « PIG », il est bien évident que celui-ci ne constitue pas un document d’urbanisme dès lors qu’il a pour objet, d’une part, de qualifier d’intérêt général un projet déjà inscrit (art. R.121-3 ; C.urb) soit dans la délibération ou la décision d’une personne ayant la capacité d’exproprier et ayant arrêté le principe et les conditions de réalisation du projet, soit dans un document de planification prévus par les lois et règlements (sur ce point : CE. 28 juillet 1995, SA Plâtres Lambert-Productions, AJDA, 1995, p.696) et a pour effet, d’autre part, d’imposer à la commune concernée de réviser son document d’urbanisme local aux fins de permettre la réalisation du projet (art. L.123-14 ; C.urb). En cela, un arrêté portant déclaration de « PIG » n’est pas un document d’urbanisme mais « se situe à la charnière de deux séries de règles juridiques : celles qui sont liées à la décisions à la décision initiale qui l’a constitué en tant que projet et celles qui sont liées aux documents d’urbanisme qui doivent le prendre en compte » (F. Moderne, « Les projets d’intérêt général dans le droit de l’urbanisme », CJEG, 1986, p.301).

    Mais en revanche, la Cour administrative d’appel de Lyon vient donc de juger qu’un recours à l’encontre d’un arrêté portant déclaration de « PIG » devait être notifié au titre de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme en tant que cette déclaration constitue « une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par les dispositions du Code de l’urbanisme » :

    « Considérant que la décision qualifiant un projet de projet d'intérêt général en application de l'article R. 121-4 du code de l'urbanisme est une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol qui est régie par les dispositions du code de l'urbanisme ; qu'il est constant que la commune de Saint-Denis-Les-Sens n'a pas effectué les formalités de notification de sa demande de 1ère instance ; qu'ainsi la demande de la commune présentée devant le Tribunal administratif était irrecevable ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Dijon en date du 17 février 2004, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur sa régularité, et de rejeter la demande de première instance de la commune de Saint-Denis-Les-Sens ».

    Une telle solution de manque pas de surprendre au regard de la position du Conseil d’Etat qui, rappelons-le, considère qu’il faut entendre par décisions relatives à l’occupation ou l’utilisation du sol au sens de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme « les décisions valant autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol qui sont régies par le code de l’urbanisme » (CE. avis, 6 mai 1996, SARL Nicolas-Hill Immobilier, req. n°178.426) et ce, de façon stricte puisque la Haute Cour a ainsi précisé que sont exclus du champ d’application de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme les recours dirigés contre un certificat d’urbanisme positif puisque si ce dernier est créateur de droit, il ne vaut cependant pas, même lorsqu’il est d’ordre opérationnel, autorisation dès lors qu’il n’a pas pour objet de permettre une construction ou la réalisation d’une opération d’urbanisme (CE. avis 13 octobre 2000, Procarione, req. n°223.297) ; étant relevé que, pour sa part, la Cour lyonnaise avait précédemment jugé le contraire (CAA. Lyon, 10 juin 1997, Sté MGM, req. n°96LY00389)

    Or, non seulement un arrêté portant déclaration de « PIG » n’autorise pas la réalisation d’un projet mais, en outre et à la différence d’un certificat d’urbanisme positif, il n’a pas de titulaire et, a fortiori, pas de bénéficiaire.

    Il faut, en effet, préciser que, bien que cela soit souvent le cas, un arrêté portant déclaration de « PIG » n’est pas réputé intervenir sur une demande ; telle étant, d’ailleurs, la raison pour laquelle un refus de déclaration de « PIG » n’a pas à être motivé au titre de la loi du 11 juillet 1979 (CE. 7 février 2007, Sté Sagace, req. n°287.252).

    En outre, un tel arrêté a pour seul et unique destinataire la commune concernée par l’implantation du projet (art. R.121-4 ; C.urb) et ne produit ses effets propres qu’à l’encontre de cette dernière en l’obligeant à diligenter ou à subir une révision d’office de ce document d’urbanisme. A son égard, l’arrêté portant déclaration de « PIG » constitue donc une décision faisant grief dont elle ne saurait être raisonnablement être reconnue comme bénéficiaire…

    Mais à compter du 1er octobre 2007 ou, plus précisément, pour ce qui concerne les recours introduits après cette date, cette jurisprudence sera obsolète puisque si le décret du 5 janvier 2007 a conservé l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme et l’obligation de notification subséquente, il a en revanche exclu de son champ d’application les recours dirigés à l’encontre des documents d’urbanisme pour n’y assujettir expressément que ceux exercés à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, d’une décision de non-opposition à déclaration préalable et d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir. Cette restriction ne nous apparaissant pas choquante puisqu’elle ramène le champ d’application de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme à ce qui est nécessaire pour sécuriser les constructeurs, bien qu’à la marge, l’on puisse regretter que semblent s’en trouver exclus les recours à l’encontre d’autorisations d’installation de remontées mécaniques, lesquelles valent permis de construire mais ne constituent pas, à proprement parler, des permis de construire.

    Mais il faut, surtout, rappeler que l’idée de la loi du 9 février 1994 « était d’assurer une meilleures protection d’autorisation contre des recours intempestifs qui ont tendance à se multiplier » (Concl. Bonichot sur : CE. avis, 6 mai 1996, SARL Nicolas-Hill Immobilier, req. n°178.426). Et force est d’admettre que l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme a, parfaitement, rempli son office à cet égard en participant au rejet pour irrecevabilité de nombreux recours dont les auteurs n’avaient pas toujours connaissance ou souvenance de cette obligation.

    Or, il n’est pas si certain qu’il conservera cette capacité puisque tout en maintenant l’obligation notification des recours à l’encontre des principales autorisations d’urbanisme, le décret du 5 janvier 2007 a prévu un dispositif de nature à informer les requérants de l’obligation mise à leur charge par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme puisque le nouvel article R.424-15 du Code de l’urbanisme prescrit que l’affichage de l’autorisation sur le terrain des opérations « mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable » ; le nouvel article A.424-17, issu des arrêtés des 11 et 13 septembre 2007, précisant pour sa part que « le panneau d'affichage comprend la mention suivante (…) "Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme)"»

    Mais précisément, toute la question est de savoir quelles seront les conséquences d’un affichage ne mentionnant pas avec les précisions requises l’obligation prévue par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme (voir : CAA. Lyon, 25 mars 2008, M et Mme X., req. n°07LY02820 ; 16e décision signalée).

    Mais pour notre part, il nous semble exclu qu’en pareil cas, la méconnaissance de cette obligation par le requérant n’affecte pas la recevabilité de son recours puisque l’article R.600-1 ne prévoit lui-même aucune exception au principe d’irrecevabilité qu’il institue en cas d’absence de notification du recours dans les conditions qu’il prévoit.

    Tout au plus, on pourrait imaginer que l’absence de cette mention s’opposerait au déclenchement du délai de recours contentieux à l’encontre de la décision en cause. Mais même si tel devait être le cas, les perspectives pour les requérants n’en seraient pas moins réduites puisque par l’exercice d’un recours ils manifestent leur connaissance acquise de la décision attaquée, laquelle suffit à déclencher le délai de recours contentieux à son encontre, y compris lorsqu’elle est irrecevable au regard des prescriptions de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme.

    Ce n’est donc que dans le cas où ils s’apercevraient spontanément de leur erreur ou qu’ils en seraient avertis par le greffe de la juridiction saisie avant l’expiration du délai contentieux déclenché par l’exercice d’un recours à l’encontre de la décision attaquée qu’ils pourraient régulariser leur situation par l’exercice d’un nouveau recours cette fois-ci dûment notifié.

    Or, compte tenu de la pratique de la plupart des greffes des tribunaux administratifs qui, le plus souvent, attendent consciencieusement l’expiration du délai de quinze jours à compter du dépôt de la requête pour demander aux requérants de justifier de l’accomplissement de la notification, il n’est pas si certain que les requérants puissent profiter de leur concours puisque, pour les juridictions administratives, l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme a pour principal intérêt de leur permettre d’évacuer rapidement, le cas échéant, par ordonnances de tri, les recours affectés d’une irrecevabilité manifeste…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés