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Contentieux - Page 22

  • Sur les limites du permis de construire modificatif de régularisation

    Un permis de construire modificatif ne peut régulariser un permis de construire primitif ne précisant ni le nom, ni le prénom de son auteur dès lors que cette méconnaissance de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 constitue une irrégularité entachant l’édiction même du permis primitif.

    CAA. Marseille, 16 mai 2007, M.Y., req. n°04MA01336


    Depuis son apparition, dont elle rappellera qu’elle est d’origine jurisprudentielle, le permis de construire modificatif a toujours eu deux finalités et utilités distinctes : permettre au pétitionnaire qui le souhaite de modifier le projet initialement autorisé sans avoir à obtenir un nouveau permis de construire mais également permettre de régulariser le permis de construire primitif entaché d’illégalité. C’est d’ailleurs dans sa dimension « régularisatrice » que le permis de construire modificatif a vu son existence consacrée par le législateur :

    - dans un premier temps, par l’article L.462-2 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 8 décembre 2005, en ce qu’il dispose qu’en cas de non conformité des travaux réalisés, l’autorité compétente peut « mettre en demeure le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité » ;
    - dans un second temps, par l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL », en ce qu’il dispose qu’en cas d’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive »

    Cependant, la Cour administrative d’appel de Paris avait mis un coup d’arrêt à cette seconde pratique en jugeant qu’un « modificatif » ne pouvait régulariser que l’illégalité interne d’un permis de construire primitif – c’est-à-dire celle procédant de la conception même du projet et de sa non conformité aux prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables sur le fond – mais qu’en revanche, il était insusceptible de régulariser les vices affectant ce dernier d’illégalité externe – c’est-à-dire ceux relatifs à la compétence de l’auteur de se permis, à sa forme (signature, motivation et indication du nom et du prénom ainsi que de la qualité de son auteur) ou la procédure préalable à sa délivrance (effectivité et régularité des consultations et avis requis) – dans la mesure où, d’une part, « la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date de son édiction » et où, d’autre part, « l'instruction d'une demande de permis de construire modificatif n'a pas pour finalité la reprise de celle qui a été conduite préalablement à la délivrance du permis de construire initial », si bien que « si des formalités nécessaires à la conformité du permis de construire initial aux dispositions législatives et règlementaires régissant la procédure de délivrance des permis de construire ont été omises au cours de l'instruction d'une demande de permis de construire, leur accomplissement à l'occasion de l'instruction d'une demande de permis de construire modificatif n'a pas pour effet de régulariser la procédure ayant conduit à la délivrance du permis de construire initial » (CAA. Paris, 14 janvier 2001, req. n°99PA00757).

    Pour notre part, cette solution ne nous paraissait pas totalement contestable dans la mesure où si sur le fond un « modificatif » s’intègre au « primitif » – ce dont il résulte que, sauf à se rendre coupable d’un délit de construction en méconnaissance des prescriptions de l’autorisation obtenue, son titulaire ne peut plus exécuter le projet initial sans tenir des modifications autorisées puisqu’à cet égard, ils forment, dans une certaine mesure, une seule est même autorisation (CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171 ; TA. Versailles, 22 février 1994, SCI Les Ormes, req. n°93-05140) – l’auteur, la forme et la procédure préalable à l’édiction d’un « modificatif » ne sauraient rétrospectivement modifier la circonstance que le « primitif » a été édicté par une autorité incompétente, en une forme et/ou au terme d’une procédure irrégulière et ce, d’autant moins lorsque le projet est effectivement modifié puisqu’alors la procédure est réputée porter sur ces seules modifications ; tel, d’ailleurs, étant l’intérêt du « modificatif » obtenir rapidement une autorisation au terme d’une procédure allégée qui ne sera contestable qu’en raison de ces vices propres.

    Mais quoi qu’il en soit, le Conseil d’Etat devait annuler l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris en jugeant, dans un considérant de principe, que « lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises » (CE. 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, 238.315).

    En résumé, à l’exception peut-être de l’incompétence de l’auteur, un « modificatif » peut donc régulariser l’ensemble des vices affectant le permis de construire initial, y compris donc ses vices de forme et, a priori, celui résultant de la méconnaissance de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 qui implique qu’outre la signature de son auteur, un acte administratif indique le nom, le prénom et la qualité de son auteur, laquelle est à l’origine de nombreuses annulations d’autorisations d’urbanisme.

    Pour autant – et malgré, par ailleurs, le récent assouplissement du juge administratif dans l’application des prescriptions de l’article 4 précité puisqu’à titre d’exemple, il a été récemment jugé que l’absence de mention du nom et du prénom du maire signataire de la décision prononçant le retrait d’un permis de construire tacite peut être palliée par la présence de ces indications sur la lettre par laquelle ledit maire a, conformément à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, informé sont titulaire de son intention de procéder à ce retrait (CAA. Lyon 5 juillet 2007, SCI LADE, req. n°05LY01966) – la Cour administrative d’appel de Marseille vient donc de juger qu’un « modificatif » ne pouvait pas régulariser un permis de construire primitif et ce, au motif suivant :

    « Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article 4, alinéa 2, de la loi du 12 avril 2000 : «Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.» ; qu'en application de ces dispositions, l'omission de la mention des nom et prénom du signataire des permis de construire en cause est une irrégularité formelle entachant l'édiction même desdits actes, qui ne peut être régularisée, postérieurement à ladite édiction, par la circonstance que des permis de construire modificatifs, intervenus le 11 juillet 2002 et le 30 septembre 2002 respectivement pour les permis de construire LC041 délivré à B et LC042 délivré à , comporteraient, eux, les mentions exigées par les dispositions précitées ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que les permis en cause étaient irréguliers au regard des exigences sus-rappelées de la loi du 12 avril 2000 »

    Si au regard de l’arrêt précité du Conseil d’Etat, cette solution paraît entachée d’une erreur de droit (voir, d'ailleurs, ici) et d’une motivation erronée puisque, dans cet arrêt, le litige portait sur l’irrégularité de la consultation de l’ABF, laquelle est « une irrégularité [procédurale] entachant l’édiction même » du permis de construire, cette solution nous paraît néanmoins conforme à l’objectif et l’utilité de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000, lequel institue cette formalité au bénéfice non seulement du destinataire de la décision en cause mais également des tiers.

    En effet, l’article précité a pour finalité ou, à tout le moins, pour utilité de permettre aux administrés de connaître l’auteur du permis de construire en cause pour, le cas échéant, constater son incompétence. A défaut, ces administrés sont donc privés d’une information susceptible de les amener à contester la légalité de cet acte et de leur laisser à penser qu’il n’est pas entaché d’incompétence.

    Il est vrai qu’un permis de construire modificatif mentionnant le nom, le prénom et la qualité de son auteur peut alors leur fournir « rétrospectivement » cette information s’agissant du « primitif » et alors leur permettre d’apprécier la légalité de ce dernier au regard des règles de compétence.

    Il reste que si le permis de construire primitif n’a pas été frappé de recours ou a fait l’objet d’un recours exclusivement fondé sur des moyens d’illégalité interne inopérants ou infondés, cette information ne leur sera d’aucune utilité pour contester la légalité de ce dernier.

    Or, quand bien même obtiendraient-ils l’annulation du « modificatif », cette circonstance n’aurait strictement aucune incidence sur le permis de construire primitif puisque si celui constitue la base légale du « modificatif », si bien que l’annulation du permis initial emporte nécessairement l’annulation par voie de conséquence de son « modificatif » – pour autant bien entendu qu’il ait également été frappé de recours – et que même lorsque ce dernier a survécu à l’annulation du primitif – faute d’avoir été également frappé de recours – il ne peut autoriser à exécuter les travaux (TA. Nice, 22 novembre 2005, Patoulle, req. n°05-05326), l’inverse n’est pas vrai.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le recours en annulation à l’encontre du retrait d’un permis de construire ne s’oppose pas nécessairement au prononcé d’un non-lieu à statuer sur la requête exercée à l’encontre de ce dernier

    Un tiers ayant provoqué le retrait d’un permis de construire par l’exercice d’un recours en annulation à son encontre n’a pas intérêt à agir à l’encontre de ce retrait. Par suite, le recours en annulation exercé à son encontre ne s’oppose pas à considérer ce retrait comme définitif et, par voie de conséquence, à conclure au non lieu à statuer sur la requête dirigée à l’encontre du permis de construire ainsi retiré.

    CAA. Marseille, 29 mars 2007, Mme Y Janik, req. n°04MA00644


    Dans cette affaire, Madame Janik avait exercé un recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire délivré le 28 juillet 2003, lequel, sans que la requérante ne l’ait demandé à l’autorité compétente, devait être retiré le 30 décembre 2003 ; décision de retrait que le titulaire du permis de construire en litige ne contesta pas, ce qui fut le cas, en revanche, de Madame Janik qui exerça un recours en annulation à l’encontre de celle-ci.

    Mais confirmant le jugement du Tribunal administratif de Montpellier, la Cour administrative d’appel de Marseille devait prononcer un non-lieu à statuer sur le recours exercé à l’encontre du permis de construire et rejeter la requête exercée à l’encontre de la décision retirant ce permis comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir de la requérante et ce, au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le retrait du permis de construire accordé à M. X, décidé le 30 décembre 2003 par le maire postérieurement à la demande d'annulation dudit permis présentée par Mme JANIK-Y, est, à ce jour, définitif pour avoir été notifié le 31 décembre 2003 au pétitionnaire qui ne l'a pas attaqué ; que, dans ces circonstances, même si ledit permis a reçu un commencement d'exécution par l'abattage de certains arbres situés sur le terrain d'emprise du projet, la demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire est devenue sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer, quel que soit l'intérêt que présenterait pour la requérante l'examen par la Cour des illégalités dont ce permis était susceptible d'être entaché ;
    (…)
    Considérant que l'intérêt à agir d'un requérant s'apprécie au regard de ses conclusions et non de ses moyens ; que, comme il a été dit plus haut, Mme JANIK-Y a présenté une demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 28 juillet 2003 à M. X ; que, dans ces circonstances, la décision du 30 décembre 2003 retirant le permis de construire et au demeurant fondée sur un des motifs d'illégalité relevés par la requérante elle-même, loin de faire grief à Mme JANIK-Y, satisfait sa demande d'annulation du permis de construire ; que la requérante est ainsi sans intérêt à agir contre la décision de retrait du permis de construire ; que la circonstance que la seule illégalité retenue par la commune de Saint Cyprien pour effectuer le retrait en cause aurait été en réalité connue du service instructeur lors de la délivrance du permis de construire ne saurait invalider ledit retrait et est, par suite, sans incidence sur l'intérêt de la requérante à agir contre cette décision ; qu'ainsi, les conclusions dirigées contre la décision du 30 décembre 2003 sont irrecevables et doivent être rejetées
    ».

    On sait, en effet, qu’au regard du but objectif d’un recours pour excès de pouvoir lequel, en substance, consiste en un procès fait à un acte administratif et non pas en un litige entre parties (CE. 17 mai 1999, Cne de Montreuil, req. n°191.292), la disparition de l’acte attaqué de l’ordonnancement juridique rend sans objet la requête exercée à son encontre et, par voie de conséquence, doit amener le juge administratif à prononcer un non lieu à statuer sur cette requête.

    Tel est l’effet d’un retrait de permis de construire et ce, indépendamment de toute considération liée au commencement d’exécution que ce permis a pu recevoir ; cette considération n’intéressant que l’effet d’une abrogation qui ne peut emporter le non lieu à statuer sur la requête qu’à la condition que l’acte attaqué n’ait fait l’objet d’aucune mesure d’exécution (sur le principe : CE. 19 avril 2000, Borusz, req. n°207469).

    Cette distinction peut s’expliquer par les effets dans le temps de ces deux mesures, lesquels sont bien distincts. En effet, le retrait ayant un effet rétroactif, les travaux entrepris en exécution du permis de construire ultérieurement retiré seront réputés avoir été exécutés sans autorisation et, par voie de conséquence, devront donc être considérés comme irréguliers. En revanche, l’abrogation ne valant que pour l’avenir, les travaux réalisés avant cette décision conserveront une existence légale : le recours en annulation à l’encontre du permis de construire exécuté mais abrogé conserve donc une « utilité » et, surtout, le fait qu’il reste néanmoins lieu de statuer sur la requête évite la pratique qui consisterait à abroger un permis de construire frappé de recours dès lors qu’il aurait été entièrement exécuté.

    Mais dans tout les cas, il reste nécessaire, pour qu’il y est non lieu à statuer sur la requête exercé à l’encontre de la décision contestée, que le retrait ou l’abrogation de cette dernière soit définitif.

    Or, en l’espèce, la Cour administrative d’appel de Marseille semble avoir considéré que décision du 30 décembre 2003 par laquelle l’administration avait retiré le permis de construire délivré le 28 juillet 2003 était définitive dès lors que le titulaire de ce dernier ne l’avait pas attaquée puisque, pour ce qui concerne Madame Janik, la Cour a donc considéré que faute d’intérêt à agir à l’encontre de cette décision de retrait la requête exercée à l’encontre de cette dernière était irrecevable.

    En substance, la Cour semble donc avoir jugé que l’irrecevabilité d’un recours en annulation à l’encontre d’une décision de retrait de permis de construire permettait de considérer cette dernière comme définitive et, par voie de conséquence, de conclure au non lieu à statuer sur la requête exercée à l’encontre dudit permis.

    Sur ce point, l’arrêt commenté peut être rapproché de celui rendu par la Cour administrative de Nancy s’agissant du contentieux du permis de construire modificatif.

    On sait, en effet, que par principe la légalité d’un permis de construire modificatif ne peut être contestée qu’en considération des vices propres de ce dernier (pour exemple : CE. 4 juin 1997, Ville de Montpellier, req. n°131.233) et, notamment, sur le fond, au regard des seules irrégularités affectant les modifications ainsi autorisées au projet initial (pour exemple : CAA. Paris, 16 février 1995, Sté Sogébail, Rec., p.509).

    Ce principe ne vaut, toutefois, qu’à la condition que le permis de construire primitif soit devenu définitif à la date d’introduction du recours exercé à l’encontre de son « modificatif » ou, plus précisément, à la date à laquelle est soulevé le moyen tiré de l’illégalité du « modificatif » par voie de conséquence de celle affectant le permis initial (CE. 30 novembre 1966, Dme Martin, Rec., p.1038 ; CE 25 avril 1975, SCI Le Clos des Loges, Rec., p.259). Il s’ensuit que tant que le permis de construire primitif n’est pas devenu définitif, il est possible d’exciper de son illégalité dans le cadre d’un recours dirigé à l’encontre de son « modificatif » ; ce qui procède d’une simple application à la matière des règles générales relatives à l’exception d’illégalité des décisions individuelles créatrices de droit (pour exemple : CE. 17 décembre 1997, Préfet de l’Isère, Rec. 495 ; CE. 28 juillet 2000 Jessua, req. n°210.798).

    C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Nancy a pu juger que des tiers étaient recevables à invoquer l’illégalité d’un permis de construire primitif – qu’ils n‘avaient pourtant pas attaqué – au soutient d’un recours en annulation exercé à l’encontre de son « modificatif » dès lors que le permis initial n’était pas définitif puisque frappé d’un déféré préfectoral (CAA. Nancy, 12 juin 1997, SEP Lorraine, req. n°95NC00363). Mais la même Cour a également pu juger que des tiers ne pouvaient invoquer l’illégalité du « modificatif » par voie de conséquence de l’illégalité du permis de construire initial qu’ils avaient pourtant également attaqué dès lors, précisément, que leur recours à l’encontre de ce dernier était irrecevable car tardif (CAA. Nancy, 16 mai 2002, Magden, req. n°98NC02022).

    Quant aux motifs et considérations qui ont conduit la Cour administrative d’appel de Marseille à juger que le recours en annulation à l’encontre de la décision de retrait du permis de construire qu’elle contestait par ailleurs était irrecevable faute d’intérêt à agir de la requérante à l’encontre de cette décision, ceux-ci sont difficilement contestables compte tenu du caractère objectif d’un recours pour excès de pouvoir et du principe selon lequel, comme l’a rappelé la Cour, l’intérêt à agir s’apprécie au seul regard des conclusions de la requête et non pas en considération des moyens invoqués au soutien de celle-ci.

    Néanmoins, le contexte de cette affaire et la solution retenue par la Cour appellent certaines observations.

    En effet, si le retrait d’un permis de construire intervenant sur le recours gracieux d’un tiers constitue à son égard un acte créateur de droit (CE. 4 mai 1984, Epx Poissonnier) et, a contrario, n’est donc pas pour ce qui le concerne une décision faisant grief à l’encontre de laquelle il a intérêt à agir, il reste que dans cette affaire Madame Janik s’était bornée à exercer un recours en annulation à l’encontre du permis de construire en litige et n’en n’avait donc pas sollicité le retrait.

    Néanmoins, la Cour administrative d’appel de Marseille semble donc avoir considéré, en relevant que la décision de retrait était intervenue suite à l’introduction du recours en annulation et était fondée sur l’un des moyens invoqués par Madame Janik au soutien de ce recours, que cette dernière avait ainsi provoqué un retrait administratif qui lui donnait satisfaction puisque les effets d’une telle mesure sont analogues à ceux d’une annulation juridictionnelle.

    Il reste que, d’une part, le permis de construire du 28 juillet 2003 était une autorisation expresse et que, d’autre part, son retrait avait été prononcé le 30 décembre 2003, soit plus 5 mois après sa délivrance.

    Or, en l’état, si un permis de construire tacite frappé de recours peut être retiré à tout moment en cours d’instance, un permis de construire exprès ne peut plus être retiré passé un délai de quatre mois à compter de sa signature, sauf à ce que le retrait intervienne à la demande du pétitionnaire (sur le principe : CE. 16 octobre 2001, Ternon. Pour une application au retrait d'un permis de construire : CE. 23 avril 2002, Sté Bouygues Immobilier, req. n° 249.712).

    Dans la mesure où le titulaire du permis de construire contesté ne semblait pas en avoir demandé le retrait, ce dernier était donc manifestement illégal. Or, d’un point de vue juridique, force est d’admettre qu’il est difficilement concevable qu’un retrait prononcé au delà du délai ouvert à cet effet puisse être considéré comme provoqué par l’action d’un tiers ne l’ayant pas demandé.

    Mais en outre et comme l’a d’ailleurs relevé la Cour pour conclure à son caractère définitif, ce retrait illégal n’avait pas été contesté par le titulaire du permis de construire attaqué alors même qu’aucun nouveau permis de construire ne semblait lui avoir été délivré. Il est donc permis de se demander si, alors même qu’il ne semble pas avoir été formellement sollicité par son titulaire, ce retrait n’en était pas pour autant « concerté » et n’avait pas d’autre but que de priver d’objet le recours en annulation exercé à l’encontre du permis de construire contesté…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur le champ d’application dans le temps du nouvel article L.600-1-1 du Code de l’urbanisme

    Si l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme, inséré par l’article 11 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 dite « ENL », prévoit qu’une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt de ses statuts en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, cette disposition, qui a pour objet de créer une condition de recevabilité nouvelle applicable à de tels recours, ne saurait s’appliquer qu’aux demandes déposées par le pétitionnaire à une date postérieure à celle de la promulgation de cette loi.

    TA. Amiens, 6 mars 2007, req.n°05-02281


    Le jugement du Tribunal administratif d’Amiens précise le champ d’application dans le temps du nouvel article L.600-1-1 du Code de l’urbanisme, lequel introduit une forte restriction aux conditions d’appréciation de l’intérêt à agir des associations.

    Traditionnellement, en effet, la recevabilité ou, plus précisément, l’intérêt à agir des associations à l’encontre des autorisations d’urbanisme était apprécié, d’une part et comme en toute autre matière, à la date d’introduction de leur recours et, d’autre part et de façon plus spécifique, au seul regard de leur objet statutaire lequel devait (et devra encore) présenter un rapport suffisamment direct, tant d’un point de vu géographique que matériel, avec la portée de l’autorisation contestée.

    Il s’ensuivait, tout d’abord, que l’intérêt à agir de l’association requérante n’était donc pas apprécié à la date de délivrance de l’autorisation contestée.

    Par voie de conséquence, la circonstance qu’elle se soit constituée postérieurement à sa délivrance n’était pas de nature à la priver d’intérêt à agir (CAA Nantes, 7 février 2001, Cne de La Roche Clermault, req. n° 00NT00032) alors même qu’elle se serait constituée dans le seul but de déposer un recours en annulation à l’encontre de l’autorisation d’urbanisme litigieuse (CAA Marseille, 5 avril 2001, Cne de Reynes, req. n°97MA11305) ; l’essentiel étant qu’à la date d’introduction de sa requête, elle soit effectivement constituée et que son objet statutaire soit arrêté, quitte à l’avoir préalablement modifié, quand bien même l’intérêt collectif que cette association défendait antérieurement à cette modification ne lui conférait manifestement aucun intérêt à agir à l’encontre de la décision contestée (CAA Paris, 15 juin 2000, SCI Marnellec & autres, req. n° 97PA02565). Au surplus, il n’était pas même nécessaire que l’association requérante ait été préalablement déclarée en préfecture puisqu’il était seulement requis qu’elle ait été constituée à la date de sa requête.

    Ensuite, le principe selon lequel l’intérêt à agir d’une association s’apprécie au seul regard de son objet statutaire implique que, contrairement aux particuliers dont l’intérêt à agir est apprécié regard de leur rapport de proximité avec le lieu d’exécution de l’autorisation d’urbanisme attaqué, la circonstance que le siège de l’association requérante soit proche ou, au contraire, éloigné du lieu d’exécution de la décision contestée est sans incidence. Ainsi, dès lors que l’association justifie de par son objet statutaire d’un intérêt lui donnant qualité à agir, sa requête est recevable indépendamment de toute considération liée au fait que son siège social ne se situe pas sur le territoire où l’autorisation en cause est susceptible de produire ses effets (CAA Douai, 25 octobre 2001, Association Opale Environnement, req. n° 99DA00232).

    De même, l’absence d’intérêt à agir à titre individuel des membres d’une association ne peut permettre de dénier la qualité de celle-ci à contester une autorisation d’urbanisme dans la mesure où il n’appartient pas au juge administratif d’apprécier la qualité de ses membres pour statuer sur l’intérêt à agir d’une association (CAA Paris, 15 juin 2000, SCI MARNELEC & autres c/ Cne de Bonneuil, req . n° 97PA02517). Ainsi, ni le faible nombre de membres qu’elle regroupe (CAA Marseille, 14 juin 2001, Association ENVOR, req. n° 96MA11576), ni le fait qu’ils ne soient pas domiciliés à proximité du projet litigieux (CAA Douai, 25 octobre 2001, Association Opale Environnement, req. n° 99DA00232) ne peuvent être pris en compte.

    Enfin, le contrôle opéré sur les buts de l’association requérante par le juge administratif se limite aux buts statutaires de celle-ci au regard du contrat associatif et, par voie de conséquence, n’implique ni de contrôler les buts réellement poursuivis par l’association ou ses membres (CAA Marseille, 5 avril 2001, Cne de Reynes, req. n°97MA11305), ni la sincérité de son objet statutaire (CAA Nantes, 17 juin 2003, Ville de Saumur , req . n° 01NT01277).

    Or, ce libéralisme jurisprudentiel avait conduit à certains excès puisqu’il permettait, en résumé, à des particuliers, qui individuellement n’auraient pas eu intérêt à agir à l’encontre de l’autorisation d’urbanisme en cause, de se constituer en association à la seule fin de l’attaquer et ce, dans un but totalement étranger aux préoccupations d’urbanisme.

    Aux fins de lutter contre certains excès proches de l’abus du droit d’ester en justice, la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL » a substantiellement modifié les conditions de recevabilité des actions contentieuses engagées par les associations (tout en recadrant, plus spécifiquement, les conditions de l’appréciation de l’intérêt à agir des associations agréées pour la défense de l’environnement) par l’introduction du nouvel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que : « une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ».

    Il en résulte que la recevabilité à agir de l’association requérante est conditionnée non plus seulement à sa constitution mais au dépôt de ses statuts en préfecture et ce, préalablement non plus à la date d’introduction de son recours, ni même à la date de délivrance de l’autorisation d’urbanisme contestée mais à celle de l’affichage en mairie de la demande présentée par le pétitionnaire, tel qu’il était antérieurement prévu, pour les demandes de permis de construire, par l’ancien article R.421-9 du code de l’urbanisme et est aujourd’hui organisé, pour l’ensemble des demandes et déclarations, par le nouvel article R.423-6 dans sa rédaction issue du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007.

    Il reste que si le nouvel article L.600-1-1 du Code de l’urbanisme est entrée en vigueur dès la publication de la loi dite « ENL », à savoir le 16 juillet 2006, et bien qu’elle ne le précise pas expressément, la condition de recevabilité qu’il prévoit ne peut être opposé qu’à un recours exercé à l’encontre d’un permis de construire délivré en conséquence d’une demande déposée préalablement à cette date.

    C’est ce que vient de juger le Tribunal administratif d’Amiens.

    " Considérant que si aux termes de l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme "une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ", cette disposition, insérée par l’article 11 de la loi du 13 juillet 2006 susvisée et qui a pour objet de créer une condition de recevabilité nouvelle, ne saurait s’appliquer qu’aux demandes déposées par le pétitionnaire à une date postérieure à celle de la promulgation de cette loi; et ne peut, dès lors, être utilement invoquée en l'espèce".

    Mais il convient de relever que pour ce dernier, l’article L.600-1-1 du Code de l’urbanisme ne s’applique qu’aux demandes déposées par le pétitionnaire à une date postérieure à celle de la promulgation de cette loi cependant que, d’une part, cet article vise l’affichage en mairie de la demande de permis et que, d’autre part, le dépôt de la demande et son affichage en mairie ne sont pas nécessairement concomitants dès lors que l’ancien article R.421-9 et le nouvel article R.423-6 prévoient pour ce faire un délai de quinze jours.

    Mais pour le reste, il incombera surtout à la jurisprudence administrative de répondre à deux interrogations.

    D’une part, le nouvel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme évoque la recevabilité à agir et non pas, spécifiquement, l’intérêt à agir et, en outre, ne vise que le dépôt préalable des statuts en préfecture sans saisir la question de l’objet statutaire de l’association. On peut donc se demander si une association qui aurait déposé ses statuts en préfecture préalablement à l’affichage prévu mais n’aurait pas alors intérêt à agir à l’encontre de l’autorisation à venir pourrait néanmoins établir son intérêt à agir à l’encontre de celle-ci par une modification de ses statuts préalable à l’introduction de sa requête. A s’en tenir au but poursuivi par le nouvel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme, tel qu’il apparaît à l’examen des travaux préparatoires à la loi du 13 juillet 2006, la réponse devrait être négative.

    D’autre part, il est clair que l’irrecevabilité prévue par le nouvel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme ne sera pas opposable lorsque l’affichage prévu n’aura pas été régulièrement opéré puisque le nouvel article L.600-1-1 vise expressément cet affichage et non pas seulement le dépôt de la demande ou de la déclaration. De même, il semble raisonnable de considérer qu’une association qui n’aurait pas déposé ses statuts en préfecture préalablement à la demande d’autorisation primitive mais qu’il aurait accompli cette démarche avant l’affichage du dépôt d’une demande d’autorisation modificative serait recevable à agir à l’encontre de cette dernière.

    Mais l’on peut également se demander ce qui l’en sera lorsqu’en cours d’instruction de la demande ou de la déclaration, le projet sera modifié d’une façon si substantielle qu’il ne plus correspondrait plus, sur les points essentiels, à celui décrit dans l’affichage alors qu’un nouvel affichage n’aurait pas été opéré. Il n’est pas exclu que dans ce cas, la condition prévue par le nouvel article L.600-1-1 soit inopposable puisqu’ainsi le projet autorisé ne correspondrait pas à celui affiché et que l’on peut présumer que l’association qui aurait déposé ses statuts en préfecture après cet affichage ne l’a pas spécifiquement fait dans le but d’attaquer une autorisation qui, telle qu’obtenue, ne correspond pas au projet préalablement porté à la connaissance du public.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur les conséquences de l’annulation d’un retrait de permis de construire à l’égard du délai de recours contentieux à l’encontre de ce permis

    L’annulation d’un retrait de permis de construire ayant pour effet de faire revivre ce dernier, celui-ci doit faire l’objet d’un nouvel affichage conformément aux prescriptions de l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme pour déclencher à nouveau le délai de recours contentieux à son encontre ; du moins lorsque le retrait est intervenu dans le délai de recours initial.

    CE. 6 avril 2007, M. Bernard A., req. n°296.493


    Dans cette affaire, un permis de construire avait été délivré à la société GK investissements le 23 novembre 1999. Toutefois, le 13 janvier 2000, ce permis de construire devait faire l’objet d’un retrait administratif décidé en conséquence d’une demande formée à cet effet par Monsieur A..

    Cependant, cette décision de retrait devait ultérieurement faire l’objet d’un recours en annulation de la part de la société GK Investissements et ainsi être annulée par un jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 10 novembre 2005, lequel devint définitif. Conséquemment, ce permis de construire devait faire l’objet d’un nouvel affichage tant sur le terrain des opérations, à compter du 18 janvier 2006 qu’en mairie, à compter du 6 février 2006.

    Mais à la suite de ce jugement, Monsieur A. décida d’exercer un nouveau recours en annulation à l’encontre du permis de construire en cause, en l’assortissant d’une requête aux fins de référé suspension, laquelle fut rejetée par le juge des référés en considération de sa tardiveté puisque ce dernier estima que ni l’annulation du retrait du permis de construire, ni le nouvel affichage donc il avait fait l’objet n’avaient eu pour effet de déclencher un nouveau délai de recours contentieux à son encontre.

    Toutefois, saisi d’un pourvoi en cassation exercé à l’encontre de cette ordonnance de référé du Tribunal administratif de Nice, le Conseil d’Etat devait juger que :

    « Considérant que lorsqu'un permis de construire ayant fait l'objet des formalités de publicité requises par l'article R. 421-39 du code de l'urbanisme est retiré dans le délai de recours contentieux et que ce retrait est annulé, le permis initial est rétabli à compter de la lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation ; que le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis ainsi rétabli court à nouveau à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates relatives au premier jour d'une période continue d'affichage, postérieure à cette annulation, en mairie ou sur le terrain ; qu'il suit de là qu'en jugeant que le délai de recours contentieux contre le permis délivré le 23 novembre 1999 avait expiré le 24 janvier 2000, et que le nouvel affichage sur le terrain et en mairie effectué postérieurement à l'annulation du retrait n'avait pas fait courir un nouveau délai de recours, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que M. A est par suite fondé à en demander l'annulation ;
    Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
    Considérant d'une part qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'annulation par le tribunal administratif de Nice de l'arrêté ayant retiré le permis de construire délivré à la société GK Investissements, ce permis a fait l'objet d'un nouvel affichage sur le terrain à compter du 18 janvier 2006 et d'un nouvel affichage en mairie à compter du 6 février 2006 ; que la demande de M. A tendant à l'annulation de ce permis a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2006, soit avant l'expiration du délai de recours contentieux ; que, par suite, la demande en annulation de M. A dirigée contre le permis de construire n'est pas tardive
    ».

    Cette décision appelle trois observations principales.

    Tout d’abord, la Haute Cour a donc considéré que l’annulation du retrait d’un permis de construire en cause avait pour effet de faire revivre ce dernier ; ce qui n’a rien de novateur et procède d’une stricte application de l’effet rétroactif attaché à une annulation juridictionnelle dont il résulte que ce retrait devait être réputé n’être jamais intervenu.

    Mais précisément, compte tenu de la portée de cet effet rétroactif en conséquence duquel le retrait contesté devait être réputé ne jamais être intervenu, il aurait pu être considéré que cette remise en vigueur devait elle-même être réputée s’opérer à la date de délivrance du permis de construire en cause.

    Cependant, le Conseil d’Etat a précisé qu’en pareil cas, « le permis initial est rétabli à compter de la lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation ».

    A notre sens, cette solution est le corollaire ou, à tout le moins, nous semble pourvoir être rapprochée du principe selon lequel le retrait illégal d’un permis de construire interrompt – et non pas suspend – le délai de validité de ce dernier, lequel ne reprend à nouveau que lorsque le juge administratif a statué sur le recours en annulation exercé à l’encontre de ce retrait (CE. 20 juillet 2003, Mme Thénault, req. n°255.368) ou, plus précisément, lorsque sa décision a été notifiée au titulaire du permis de construire ainsi remise en vigueur (sur ce point : CAA. Paris, 27 novembre 2001,Cne de Soisy-ss-Montmorency, req. n°00PA00468 ; confirmé par : CE. 10 octobre 2003, Rec., p.390).

    Dès lors qu’à l’égard du titulaire du permis de construire, l’annulation de son retrait ouvre un nouveau délai pour l’exécuter, il est donc « équitable » que, pour ce qui concerne les tiers, cette annulation et la remise en vigueur subséquente du permis de construire contesté leur ouvrent un nouveau délai pour le contester.

    Il reste qu’ensuite, le Conseil d’Etat a précisé que ce nouveau délai de recours contentieux était déclenché – y compris pour ce qui concerne les parties défenderesses à l’instance liée au retrait du permis de construire contesté, c’est-à-dire celles ayant sollicité et obtenu ce retrait à l’égard desquelles cette mesure constitue une décision créatrice de droit – non pas par la lecture de la décision juridictionnelle prononçant l’annulation du retrait emportant le rétablissement subséquent de ce permis de construire mais à compter du ré-accomplissement de la formalité de « double affichage » prescrite par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme.

    Il s’ensuit qu’une telle décision a donc pour effet d’allonger, certes en le fractionnant, le délai de recours contentieux des tiers à l’encontre d’un permis de construire, y compris lorsqu’avant son retrait celui-ci avait été porté à la connaissance des tiers conformément aux prescriptions de l’article précité puisqu’alors il court une première fois, pour partie jusqu’à l’intervention du retrait puis une seconde fois, pour deux mois, à compter de l’accomplissement de cette formalité de « double affichage » subséquent au rétablissement du permis de construire du fait de l’annulation du retrait donc il avait précédemment fait l’objet.

    Au surplus, cette décision est susceptible de poser certaines difficultés pratiques. Il est, en effet, fréquent que l’affichage d’un permis de construire ultérieurement retiré (ou annulé) soit néanmoins maintenu. Or, si tel est encore le cas au moment de l’annulation du retrait du permis de construire contesté (ou de la réformation du jugement l’ayant annulé), on peut se demander si cet état de fait suffira à déclencher à nouveau le délai de recours contentieux à son encontre ou s’il sera néanmoins nécessaire de procéder à un nouvel affichage.

    Mais force est d’admettre que si l’on veut que ce nouvel affichage soit utile, il sera nécessaire d’y faire apparaître des mentions qui ne sont pas prévues par l’article du Code de l’urbanisme A.421-7 du Code de l’urbanisme.

    A titre d’exemple, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la lettre de l’article précité aurait imposé de mentionner, notamment, la seule date de délivrance du permis de construire en cause – en l’occurrence, le 23 novembre 1999 – alors que le but de cet arrêt est d’assurer l’information des tiers de la remise en vigueur de ce permis par l’annulation du retrait dont il avait fait l’objet, laquelle était intervenue en l’espèce le 10 novembre 2005.

    Or, il y a peu de chances, ou de risques, que des tiers découvrant un panneau d’affichage faisant état d’un permis de construire délivré six ans plutôt estiment pouvoir être encore recevables à exercer un recours contentieux à son encontre…

    Bien que l’arrêt commenté ne l’induise pas, il nous semble qu’il serait plus prudent, tant pour ce qui concerne l’affichage en mairie que sur le terrain des opérations, d’indiquer à coté de la date de délivrance du permis de construire en cause, la date à laquelle celui-ci a été remis en vigueur.

    Mais enfin et surtout, il convient de souligner que la solution dégagée par l’arrêt commentée, pour ce qui concerne l’affichage nécessaire au déclenchement d’un nouveau délai de recours contentieux, ne semble pas valoir pour toute annulation d’un retrait de permis de construire.

    Il nous semble, en effet, raisonnable de considérer que cette solution de vaut que dans l’hypothèse visée par l’arrêt commenté, à savoir « lorsqu'un permis de construire ayant fait l'objet des formalités de publicité requises par l'article R. 421-39 du code de l'urbanisme est retiré dans le délai de recours contentieux ».

    On rappellera, en effet, que si les tiers disposent d’un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des formalités d’affichage prescrites par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme pour contester la légalité d’un permis de construire, l’administration dispose pour sa part, en l’état, d’un délai de quatre mois à compter de sa délivrance pour le retirer ; du moins lorsqu’il s’agit d’un permis de construire exprès.

    De ce fait, l’administration peut donc régulièrement procéder au retrait d’un permis de construire alors même que le délai de recours contentieux des tiers est clos ; ce que ne modifiera pas la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 dite « ENL » en rapportant le délai de retrait des permis de construire, de démolir et d’aménager à trois mois qu’ils soient exprès ou tacites (étant rappelé que les décisions de non-opposition à déclaration préalable ne pourront plus faire l’objet d’aucun retrait, sauf, a priori, en cas de fraude du déclarant).

    Or, si la solution dégagée par l’arrêt commenté devait être appliquée en cas d’annulation d’un retrait intervenu après l’expiration du délai de recours contentieux des tiers déclenché par le régulier accomplissement des formalités d’affichage prescrites par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme, il s’ensuivrait qu’en conséquence du nouveau délai de recours contentieux alors applicable, ce permis de construire pourrait faire l’objet d’un recours en annulation de la part de tiers n’ayant pas estimé utile de le contester dans le délai initial. Tel ne nous semble pas devoir être le cas.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés