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  • Quelques nouvelles précisions relatives aux possibilités d’annulation partielle des autorisations d’urbanisme

    Le permis de construire est divisible en tant qu’il tient lieu d’autorisation « ERP » au titre de l’article L.111-8 du Code de la construction et de l’habitation. Malgré le lien physique entre les locaux « ERP » en cause et les autres parties de l’immeuble, les vices affectant la délivrance de l’autorisation « ERP » dont tient lieu le permis de construire n’affectent pas d’illégalité la totalité de ce permis.

    TA. Cergy-Pontoise, 11 mai 2012, P.Boyer & autres, req. n°10-07061

    Un permis de construire peut n’être annulé au titre de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme qu’en tant qu’il a été délivré au vu d’un plan masse ne figurant pas précisément les arbres à planter, à supprimer ou à conserver.

    TA. Marseille, 28 juin 2012, Portalis & autres, req. n°10-04898



    1/ Dans la première affaire, le Maire de Levallois-Perret avait délivré un permis de construire un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments devant accueillir en rez-de-chaussée des commerces, c’est-à-dire des locaux soumis à règlementation sur les Etablissements Recevant du Public (« ERP »). Par voie de conséquence :

    • le dossier produit par le pétitionnaire devait satisfaire à l’article R.431-30 du Code de l’urbanisme ;
    • le projet objet de la demande ou, plus précisément, ces commerces devaient recueillir l’avis des commissions compétentes en matière de sécurité et, en toute hypothèse, d’accessibilité aux personnes à mobilités réduites.

    Précisément, ce permis de construire devait être attaqué au motif tiré notamment, d’une part, de l’irrégularité du dossier de demande au regard des prescriptions de l’article précité et, d’autre part, de la circonstance que la commission compétente n’avait pas émis d’avis sur cette partie du projet.

    Dès lors que ces faits étaient avérés, ce moyen aurait dû « faire mouche » au regard de la jurisprudence rendue en la matière, et en d’autres termes emporter l’annulation de la totalité du permis de construire contestée ; d’autant plus que les locaux « ERP » en cause, à aménager en rez-de-chaussée, n’étaient pas physiquement dissociables de l’immeuble à construire.

    Pour autant, ce moyen devait certes être accueilli mais finalement, compte tenu du rejet de l’ensemble des autres moyens présentés par les requérants, pour n’aboutir qu’à l’annulation partielle du permis de construire contesté :

    « Considérant qu’il est constant que le rez-de-chaussée du bâtiment a vocation à accueillir des commerces et que le maire a entendu délivrer aussi l’autorisation de réaliser de tels établissements recevant du public ; qu’il ressort des pièces du dossier que le dossier de permis de construire litigieux ne comprenait pas l’ensemble des documents exigés par les dispositions de l’article R. 431-30 du code de l'urbanisme et que la commission de sécurité n’a pas émis d’avis sur les dispositions de cette partie du projet au regard des règles d'accessibilité des personnes handicapées et des règles de sécurité ;
    Considérant, toutefois, que, si de telles irrégularités affectent la légalité de l’autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dont tient lieu l’autorisation d’urbanisme, elles sont sans influence sur le respect des règles sanctionnées par cette dernière, à savoir celles rappelées par les dispositions précitées de l’article L. 421-6 ; que, par suite, ces autorisations n’ont pas entre elles de lien indivisible
    ».


    Outre que la solution retenue ne procède pas expressément de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, et surtout procède d’un moyen fondé sur un double vice de procédure, cette décision est surtout intéressante en ce qu’elle a trait à un permis de construire délivré sous l’empire de l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction en vigueur avant le 1er mars 2012.

    Néanmoins, celle-ci apparait difficilement contestable et, en tout état de cause, nous semble parfaitement cohérente ; sans compter qu’elle tend à confirmer pour partie (mais pour partie seulement c’est vrai) les observations que nous avions formulées au sujet de la véritable utilité des modifications apportées à l’article L.425-3 par l’ordonnance du 22 décembre 2011.

    Il est vrai que le jugement commenté ici va a priori dans le sens contraire de la jurisprudence significative rendue en la matière, et notamment de l’une des plus récentes décisions rendues sur le sujet d’ailleurs dans une affaire totalement transposable à notre cas d’espèce.

    Il reste que cette jurisprudence a été rendue sous l’empire du dispositif applicable avant le 1er octobre 2007 (voir toutefois : TA de Montreuil, 3 juin 2010, req. n°08-099714) et, plus précisément, en application de l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme qui disposait que « le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords et si le demandeur s'engage à respecter les règles générales de construction prises en application du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation » mais précisait, plus spécifiquement, qu’en « outre, pour les immeubles de grande hauteur ou les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux règles de sécurité propres à ce type d'immeubles ou d'établissements, que les locaux concernés soient ou non à usage d'habitation. Pour les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation ».

    Il s’ensuivait que sous l’empire de ce dispositif, les règles de sécurité et d’accessibilité applicables aux « ERP » étaient placées au même rang que l’ensemble des normes d’urbanisme qu’un permis de construire avait « naturellement » vocation à sanctionner ; le respect de l’ensemble de cette règlementation étant une condition sans laquelle « le permis ne p(ouvai)t être délivré ».

    Or, le dispositif en vigueur sur ce point depuis le 1er octobre 2007 est substantiellement. En effet, si l’article L.421-6 (al.1 du Code de l’urbanisme s’est « substitué » à l’ancien article L.421-3 en ce qu’il constitue toujours l’article déterminant le corps de règles qu’un permis de construire a vocation à sanctionner, il se borne toutefois à disposer que : « le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique », et n’intègre donc plus les règles d’accessibilité et de sécurité opposables aux « ERP » en application des dispositions du Code de la construction et de l’habitation, lesquelles constituent une législation distincte et indépendante de celle de l’urbanisme.

    En outre, l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme dispose pour sa part que : « lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions ».

    En résumé, ces règles propres aux « ERP » ne font plus partie de celles que le permis de construire a vocation à sanctionner au titre de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme et, aux termes de l’article L.425-3, le permis de construire tient seulement lieu de l’autorisation « ERP » prévue par l’article L.111-8 du Code de la construction dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente.

    Il s’ensuit que pour être édictée sous la forme d’un même arrêté la décision prise en application de l’article L.425-3 précité porte en fait deux autorisations différentes dont chacune sanctionne un corps de règles propre. Pour ce rapporter à un même projet, voire à un même bâtiment, « ces autorisations n’ont pas entre elles de lien indivisible ».

    Il est vrai toutefois que les vices allégués au cas présent ne se rapportaient à la méconnaissance du corps de règles propre aux « ERP » mais à la procédure de délivrance du permis de construire attaqué et, plus spécifiquement, à la composition du dossier de demande au regard de l’article R.431-30 du Code de l’urbanisme, d’une part, et à l’avis émis par la commission compétente à l’égard des « ERP ».

    Il reste que cette divisibilité de l’autorisation obtenue en application de l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme se retrouve dans le cadre de l’instruction de la demande puisque :

    • les pièces constituant le « volet ERP » du dossier de demande ne doivent être produites qu’en trois exemplaires ;
    • dans la mesure où elles sont uniquement destinées à être transmises aux commissions compétentes aux seuls fins que celles-ci instruisent cet aspect du projet dans les conditions visées aux articles R.111-19-23 et R.111-19-25 du Code de la construction et de l’habitation.

    Reste la principale question : la solution retenue dans cette affaire, et dont l’utilité demeure au sujet des demandes ne mettant pas en œuvre la faculté introduite l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de l’ordonnance 22 décembre 2011, sera-t-elle transposée à tous les cas où le permis de construire tient lieu de l’autorisation prévue par une autre législation en application des articles L.425-1 et suivants du Code de l’urbanisme, voire à d’autres autorisations globales mais délivrées au titre de la seule législation d’urbanisme, tel au premier chef un permis de construire autorisant les démolitions ?

    2/ Dans la seconde affaire, le permis de construire devait être contesté notamment au motif que le plan masse produit par le pétitionnaire ne satisfaisait pas à l’article R.431-8 du Code de l’urbanisme en tant qu’il impose que ce document figurent les arbres à planter, à supprimer et/ou à conserver.

    Il s’agit toutefois du seul vice retenu par le Tribunal administratif de Marseille : se posa alors la question de la mise en œuvre de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme et, concrètement, de l’annulation totale ou partielle du permis de construire attaqué.

    Dans la mesure où l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme se réfère à la « partie du projet », cette rédaction peut en effet générer certaines interrogations sur les vices susceptibles de n’emporter qu’une annulation partielle de l’autorisation contestée puisqu’en première analyse, ce serait donc le projet lui-même qui devrait être partiellement illégal. A priori, seul un vice de fond affectant l’autorisation contestée d’illégalité interne pourrait donc permettre son annulation partielle.

    S’il a effectivement pu être jugé que l’irrégularité des documents graphiques produits par le pétitionnaire affectait d’illégalité l’ensemble du permis de construire contesté et s’opposait ainsi à l’annulation partielle de ce dernier (CAA. Bordeaux, 30 octobre 2007, SCI Les Terrasses de Marie, req.n° 05BX01764. Dans le même sens, au sujet de l’irrégularité d’un avis formulé dans le cadre de la construction de la demande : CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015) la circonstance que l’autorisation d’urbanisme en cause soit affectée d’illégalité externe de nous parait pas nécessairement exclure que celle-ci ne donne lieu qu’à une annulation partielle.

    Dans certains cas, en effet, l’incomplétude du dossier ou le caractère insuffisant de certaines des pièces produites par le pétitionnaire peut n’avoir faussé l’appréciation des services instructeurs qu’à l’égard d’une des composantes du projet pouvant être caractérisée comme une « partie » de celui-ci au sens de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme. D’ailleurs, avant l’entrée en vigueur de ce dernier, il avait pu être jugé qu’un permis de construire portant, d’une part, sur un ensemble pavillonnaire, et d’autre part, sur un hôtel mais délivré au vue d’un dossier ne comportant pas la justification de la demande d’autorisation d’exploiter alors requise par le Code du commerce pour l’exploitation de ce dernier n’encourrait à ce titre l’annulation qu’en tant que ce permis avait autorisé l’hôtel (CAA. Nantes, 18 avril 2006, Sté Investimmo Régions, req. n°04NT01390).

    Or, on comprendrait mal que non seulement que l’article L.600-5 ne permette plus ce qui était possible avant son entrée en vigueur mais surtout qu’alors que

    • la méconnaissance de l’article 13 du règlement d’urbanisme applicable semble permettre l’annulation partielle du permis de construire contesté qu’en tant que le projet litigieux ne prévoie pas un nombre d’arbres suffisant (CAA. Marseille, 16 juin 2011, Michel A., req. n°09MA02840) ;
    • la production de pièces formellement insuffisantes sur ce point préjuge d’une méconnaissance de cet article 13 (CAA. PARIS, 3 juillet 2009, Guy X., req. n°07PA00677) ;

    l’irrégularité formelle du plan masse s’agissant de la représentation des arbres à planter, à abattre ou à conserver doive nécessairement emporter l’annulation totale du permis de construire délivré au vue d’un tel plan.

    Mais précisément, et en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, le Tribunal administratif de Marseille vient donc de juger que, tout en soulignant la méconnaissance de l’article R.431-8 du Code de l’urbanisme sur ce point affectait d’illégalité la totalité du projet, un permis pouvait néanmoins n’être annulé qu’en tant qu’il avait été délivré au vu d’un plan masse ne permettant pas d’apprécier la prise en compte de l’article 13 du règlement d’urbanisme local.

    La propension du ou des vices retenues à être régulariser par un simple « modificatif » semble donc bien devenir le seul critère d’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ; ce qui semble toutefois appeler le juge à s’assurer, pour les vices de fond, d’une telle possibilité de régularisation dans le cadre d’un simple permis modificatif (pour exemple: CAA. Bordeaux, 2 mai 2012, EURL GTI Promotion, req. n°11BX00803).

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat associé au barreau de Paris

    Cabinet Frêche & Associés

  • Les POS/PLU ne peuvent légalement pas interdire les lotissements ou limiter les divisions foncières productives de terrain à bâtir

    Le législateur n’a pas conféré aux auteurs des POS/PLU une compétence leur permettant d’interdire par principe les lotissements ou de limiter la faculté reconnue aux propriétaires de procéder à la division d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments.

    CE. 27 juillet 2012, Franck Hoffman, req. n°342.908

    Comme on le sait, l’administration centrale avait souvent précisé qu’un POS ou un PLU ne pouvait légalement pas interdire les lotissements dans la mesure où ces documents ne peuvent légalement édicter que des règles de fond (pour exemple : Rép. Min n°13258, JOAN 25/03/2008 ; p.2606). Selon l’administration, la notion de lotissement n’était donc pas un type d’occupation du sol.

    Pour autant de nombreux arrêts d’appel devaient faire application de règlements d’urbanisme locaux interdisant les lotissements. Et surtout, certaines jurisprudences devaient clairement valider la légalité des dispositions d’un règlement local d’urbanisme interdisant purement et simplement les lotissements au motif qu’il s’agissait d’un type d’occupation du sol que ces documents pouvaient réglementer en application des dispositions des actuels articles L.123-1 et R.123-9 du Code de l’urbanisme (CAA. Versailles, 6 novembre 2008, Sté Foncière de l’Ouest, req. n°07VE01713 ; CAA. Marseille, 31 mars 2011,M. X…, req. n°09MA01536).

    Le Conseil d’Etat vient ainsi de trancher cette question en jugeant, à l'inverse de ces arrêts d'appel, que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B, propriétaire d'un terrain situé sur le territoire de la commune de Callian, dans le département du Var, classé en zone naturelle NB du plan d'occupation des sols, a déposé une déclaration préalable afin de procéder à la division de son terrain et de créer un lot destiné à accueillir une construction ; que, par un arrêté du 2 avril 2008, le maire de Callian s'est opposé à cette déclaration préalable, au motif que l'article NB2 du règlement du plan d'occupation des sols interdisait les lotissements dans cette zone ; que, par un jugement du 2 juillet 2010, contre lequel M. B se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
    Considérant que le livre IV du code de l'urbanisme fixe le régime des constructions, aménagements et démolitions et définit notamment les procédures administratives d'autorisation ou de déclaration auxquelles ils sont préalablement soumis ; qu'en vertu des dispositions de son article L. 442-1, applicables au présent litige, le lotissement constitue une division d'une ou plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments ;
    Considérant qu'en vertu de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, le règlement du plan d'occupation des sols, comme celui du plan local d'urbanisme qui lui a succédé, a pour objet de fixer les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés, dans sa rédaction applicable au litige, à l'article L. 121-1, lesquelles peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones à urbaniser ou à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions ; qu'il ne ressort, en revanche, ni de ces dispositions ni d'aucune autre disposition législative que les auteurs du règlement d'un plan d'occupation des sols aient compétence pour interdire par principe ou pour limiter la faculté reconnue aux propriétaires de procéder, dans les conditions prévues au livre IV précité du code de l'urbanisme, à la division d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments, faculté qui participe de l'exercice de leur droit à disposer de leurs biens, dont il appartient au seul législateur de fixer les limites ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en interdisant par principe les lotissements dans une ou plusieurs zones qu'il délimite, le règlement d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme édicte des règles qui excèdent celles que la loi l'autorise à prescrire ; que, dès lors, en jugeant que le plan d'occupation des sols de la commune de Callian a pu légalement interdire les lotissements en zone NB, le tribunal administratif de Toulon a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. B est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué
    ».


    Si tel étaient le sens des conclusions du rapporteur public dans cette affaire et bien que l’arrêt précité vise l’article L.442-1 du Code de l’urbanisme, la solution retenue n’apparait cependant pas spécifiquement résulter de l’analyse selon laquelle le lotissement n'est qu'une règle de procédure.

    Outre que l’article L.442-1 n’a pas pour objet de définir une procédure mais vise à la qualification d’un type d’opérations foncières, la référence à cet article par le Conseil d’Etat (dans le second "considérant") nous semble tendre au premier chef à définir la notion de lotissement utilisée par le POS litigieux aux fins d’apprécier (dans le "considérant suivant") si elle comptait ou non parmi les opérations couvertes par l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable au cas d’espèce.

    Cela étant, il n’est pas inintéressant de relever qu’alors que le document d’urbanisme en cause était un POS, le Conseil d’Etat a retenu la définition du lotissement telle qu’elle était fixée par le Code de l’urbanisme à la date de la décision d’opposition en litige et non pas celle en vigueur à la date d’approbation du POS en cause et ce, contrairement à la démarche qui avait pu être suivie sur ce point par le Tribunal administratif de Marseille qui pour juger que l’interdiction de lotir édictée dans cette affaire par le POS n’était pas applicable à une déclaration préalable pourtant formulée au titre de l’article R.421-23 a) du Code de l’urbanisme mais se rapportant à une opération de divisions foncières ne constituant pas un lotissement au sens de l’article R.315-1 en vigueur à la date d’approbation de ce document local d’urbanisme (TA. Marseille, 12 janvier 2001, Raffini & autres).

    Il est vrai que la démarche inverse n’aurait eu que peu d’incidence pour ce qui concerne non pas leur applicabilité à la décision contestée mais la légalité des dispositions du POS en cause dès lors que :

    • la finalité des divisions foncières relevant de la procédure de lotissement sous l’article R.315-1 du Code de l’urbanisme n’était pas fondamentalement différente de celle résultant de l’article L.442-1 alors en vigueur ;
    • l’article L.123-1 dans sa dernière rédaction demeurant applicable au POS (art. L.123-19 ; C.urb) n’était pas si éloigné sur ce point de celles citées par le Conseil d’Etat dans cette affaire.

    Il n’en demeure pas moins que, d’une façon générale, il semble donc falloir en déduire que les notions du Code de l’urbanisme que peuvent le cas échéant utilisées les POS ou les PLU doivent être interprétées au regard de la définition retenue pas ce code dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision individuelle d’urbanisme en litige et non pas donc en considération de celles qui pouvaient être applicables à la date d’approbation du document d’urbanisme en cause.

    Pour le reste, la solution retenue par le Conseil d’Etat dans cette affaire procède donc de l’analyse selon laquelle seul le législateur peut fixer des limites au droit de lotir en tant que démembrement du droit de propriété alors qu’aucune disposition législative, et notamment pas l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme, ne confère cette compétence aux auteurs des POS et des PLU.

    Force est d’admettre que cette conclusion n’était pas si évidente.

    D’une part, et d’une façon générale, on peut relever que l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme disposait, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige, que « les plans locaux d'urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. A ce titre, ils peuvent : 1° Préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être fait ou la nature des activités qui peuvent y être exercées ».

    Il s’ensuit donc que :

    • malgré l’usage du « notamment », l’interdiction des lotissements ou la limitation du droit de diviser ne peut pas être considérée comme une règle tendant à la réalisation ne serait que de l’un des objectifs de l’article L.121-1 du Code de l’urbanisme ;
    • bien que par définition indissociable d’un projet d’implantation de constructions au sens de l’article L.123-1 précité, une division foncière constitutive lotissement n’en est pas pour autant un usage du sol au sens de ce même article.

    De même, si l’ancien comme l’actuel article L.123-5 du Code de l’urbanisme prévoient que le règlement de POS ou du PLU est opposable non pas seulement pour « l’exécution de tous travaux » mais également « pour la création de lotissement » ainsi distinctement visée, ce n’est donc pas pour autant que les auteurs de ces règlements sont habilités à prévoir des règles ayant spécifiquement pour objet d’encadrer le droit de lotir en tant que tel.

    D’autre part, et plus spécifiquement cet arrêt va a priori dans le sens contraire d’une récente jurisprudence du Conseil d’Etat, du moins pour ce qu’il précise que les POS et les PLU ne peuvent pas même « limiter la faculté reconnue aux propriétaires de procéder (…) à la division d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments ».

    Dans cette précédente affaire, le Conseil d’Etat avait en effet jugé que :

    « Considérant qu'en vertu du 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée, les plans locaux d'urbanisme peuvent " fixer une superficie minimale des terrains constructibles lorsque cette règle est justifiée par des contraintes techniques relatives à la réalisation d'un dispositif d'assainissement non collectif ou lorsque cette règle est justifiée pour préserver l'urbanisation traditionnelle ou l'intérêt paysager de la zone considérée " ; que sur la base de ces dispositions, le conseil municipal de Saint-Germain-en-Laye a adopté, par délibération du 18 octobre 2005, un article UE 5-2 du règlement du plan local d'urbanisme, fixant la superficie minimale des terrains constructibles à 600 m2 dans les zones UE a) et UE a1) ; que pour annuler, dans cette mesure, cette délibération, la cour administrative d'appel de Versailles s'est fondée sur la circonstance que cette règle n'était susceptible de concerner qu'un seul terrain, celui appartenant à M. A, qui se trouvait en outre être le seul terrain non bâti de la zone UE a1) ; qu'en conférant ainsi à l'article UE 5-2 cette seule portée, alors que cette disposition a également pour vocation de faire obstacle, pour l'ensemble des terrains des deux zones, à d'éventuels projets de détachement de parcelles aux fins d'édification de nouveaux bâtiments sur des terrains d'une superficie inférieure à 600 m2, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée à ce titre par M. A ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement à la COMMUNE DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE de la somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions » (CE. 18 novembre 2011, Cne de Saint-Germain-en-Laye, req. n°333.937) ;

    et ce, en suivant les conclusions de son Rapporteur Public qui avait estimé qu’en « permettant au 12° de l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme aux documents locaux d’urbanisme de prévoir une règle de superficie minimale des parcelles constructibles, le législateur avait précisément pour intention de faciliter, dans des situations le justifiant, la préservation d’un habitat peu dense, aux parcelles régulières et paysagères, en faisant obstacle non seulement à la densification de l’habitat mais aussi au morcellement excessif des parcelles » (BJDU, n°2/2012, p.121).

    Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat avait donc reconnu à l’article 5 des règlements locaux d’urbanisme une finalité aboutissant à limiter, certes dans des cas particuliers, le droit de diviser en vue de l’implantation de bâtiments et ce, en considération d’une volonté du législateur qui ne ressortait cependant par clairement de l’article L.123-1 12° du Code de l’urbanisme.

    Précisément, ce précédent arrêt amène à s’interroger non pas tant sur la survivance de la solution ainsi retenue que sur l’arrêt objet de la présente note en ce qu’il vise non pas l’interdiction de lotir mais le fait « d’interdire par principe les lotissements ».

    En première analyse, on pourrait en effet être tenté de considérer que les POS et les PLU pourraient, dans une certaine mesure « par exception », interdire les lotissements dans des secteurs spécifiques et/ou certains lotissements d’une nature ou d’une importance particulière. Cette analyse semble cependant difficile à suivre dès lors que :

    • une telle interdiction n’est certes pas de principe mais aboutit néanmoins à « limiter la faculté reconnue aux propriétaires de procéder (…) à la division d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments » ;
    • à s’en tenir aux fondements de l’analyse du Conseil d’Etat, les auteurs des POS et des PLU ne sont tout simplement pas compétents pour limiter l’exercice du droit de lotir, fut-ce par exception et dans ces cas particuliers.

    En revanche, il nous semble que le fondement de l’analyse du Conseil d’Etat et la rédaction de cet arrêt pourraient permettre de conclure, notamment, au maintien de la jurisprudence « Cne de Saint-Germain » précitée et, donc, à la possibilité d’encadrer la constitution des lotissements non pas par des règles se rapportant directement de par leur objet propre au droit de diviser mais par des règles d’effet équivalent uniquement relatives à l’implantation des constructions, tel les dispositions d’un article 5 d’un règlement local d’urbanisme se combinant à une exception à l’article R.123-10-1 ; du moins si l’on admet qu’une telle exception ne limite pas elle-même le droit de lotir…

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat associé au barreau de Paris

    Cabinet Frêche & Associés