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Quelques nouvelles précisions relatives aux possibilités d’annulation partielle des autorisations d’urbanisme

Le permis de construire est divisible en tant qu’il tient lieu d’autorisation « ERP » au titre de l’article L.111-8 du Code de la construction et de l’habitation. Malgré le lien physique entre les locaux « ERP » en cause et les autres parties de l’immeuble, les vices affectant la délivrance de l’autorisation « ERP » dont tient lieu le permis de construire n’affectent pas d’illégalité la totalité de ce permis.

TA. Cergy-Pontoise, 11 mai 2012, P.Boyer & autres, req. n°10-07061

Un permis de construire peut n’être annulé au titre de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme qu’en tant qu’il a été délivré au vu d’un plan masse ne figurant pas précisément les arbres à planter, à supprimer ou à conserver.

TA. Marseille, 28 juin 2012, Portalis & autres, req. n°10-04898



1/ Dans la première affaire, le Maire de Levallois-Perret avait délivré un permis de construire un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments devant accueillir en rez-de-chaussée des commerces, c’est-à-dire des locaux soumis à règlementation sur les Etablissements Recevant du Public (« ERP »). Par voie de conséquence :

• le dossier produit par le pétitionnaire devait satisfaire à l’article R.431-30 du Code de l’urbanisme ;
• le projet objet de la demande ou, plus précisément, ces commerces devaient recueillir l’avis des commissions compétentes en matière de sécurité et, en toute hypothèse, d’accessibilité aux personnes à mobilités réduites.

Précisément, ce permis de construire devait être attaqué au motif tiré notamment, d’une part, de l’irrégularité du dossier de demande au regard des prescriptions de l’article précité et, d’autre part, de la circonstance que la commission compétente n’avait pas émis d’avis sur cette partie du projet.

Dès lors que ces faits étaient avérés, ce moyen aurait dû « faire mouche » au regard de la jurisprudence rendue en la matière, et en d’autres termes emporter l’annulation de la totalité du permis de construire contestée ; d’autant plus que les locaux « ERP » en cause, à aménager en rez-de-chaussée, n’étaient pas physiquement dissociables de l’immeuble à construire.

Pour autant, ce moyen devait certes être accueilli mais finalement, compte tenu du rejet de l’ensemble des autres moyens présentés par les requérants, pour n’aboutir qu’à l’annulation partielle du permis de construire contesté :

« Considérant qu’il est constant que le rez-de-chaussée du bâtiment a vocation à accueillir des commerces et que le maire a entendu délivrer aussi l’autorisation de réaliser de tels établissements recevant du public ; qu’il ressort des pièces du dossier que le dossier de permis de construire litigieux ne comprenait pas l’ensemble des documents exigés par les dispositions de l’article R. 431-30 du code de l'urbanisme et que la commission de sécurité n’a pas émis d’avis sur les dispositions de cette partie du projet au regard des règles d'accessibilité des personnes handicapées et des règles de sécurité ;
Considérant, toutefois, que, si de telles irrégularités affectent la légalité de l’autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dont tient lieu l’autorisation d’urbanisme, elles sont sans influence sur le respect des règles sanctionnées par cette dernière, à savoir celles rappelées par les dispositions précitées de l’article L. 421-6 ; que, par suite, ces autorisations n’ont pas entre elles de lien indivisible
».


Outre que la solution retenue ne procède pas expressément de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, et surtout procède d’un moyen fondé sur un double vice de procédure, cette décision est surtout intéressante en ce qu’elle a trait à un permis de construire délivré sous l’empire de l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction en vigueur avant le 1er mars 2012.

Néanmoins, celle-ci apparait difficilement contestable et, en tout état de cause, nous semble parfaitement cohérente ; sans compter qu’elle tend à confirmer pour partie (mais pour partie seulement c’est vrai) les observations que nous avions formulées au sujet de la véritable utilité des modifications apportées à l’article L.425-3 par l’ordonnance du 22 décembre 2011.

Il est vrai que le jugement commenté ici va a priori dans le sens contraire de la jurisprudence significative rendue en la matière, et notamment de l’une des plus récentes décisions rendues sur le sujet d’ailleurs dans une affaire totalement transposable à notre cas d’espèce.

Il reste que cette jurisprudence a été rendue sous l’empire du dispositif applicable avant le 1er octobre 2007 (voir toutefois : TA de Montreuil, 3 juin 2010, req. n°08-099714) et, plus précisément, en application de l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme qui disposait que « le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords et si le demandeur s'engage à respecter les règles générales de construction prises en application du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation » mais précisait, plus spécifiquement, qu’en « outre, pour les immeubles de grande hauteur ou les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux règles de sécurité propres à ce type d'immeubles ou d'établissements, que les locaux concernés soient ou non à usage d'habitation. Pour les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation ».

Il s’ensuivait que sous l’empire de ce dispositif, les règles de sécurité et d’accessibilité applicables aux « ERP » étaient placées au même rang que l’ensemble des normes d’urbanisme qu’un permis de construire avait « naturellement » vocation à sanctionner ; le respect de l’ensemble de cette règlementation étant une condition sans laquelle « le permis ne p(ouvai)t être délivré ».

Or, le dispositif en vigueur sur ce point depuis le 1er octobre 2007 est substantiellement. En effet, si l’article L.421-6 (al.1 du Code de l’urbanisme s’est « substitué » à l’ancien article L.421-3 en ce qu’il constitue toujours l’article déterminant le corps de règles qu’un permis de construire a vocation à sanctionner, il se borne toutefois à disposer que : « le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique », et n’intègre donc plus les règles d’accessibilité et de sécurité opposables aux « ERP » en application des dispositions du Code de la construction et de l’habitation, lesquelles constituent une législation distincte et indépendante de celle de l’urbanisme.

En outre, l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme dispose pour sa part que : « lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions ».

En résumé, ces règles propres aux « ERP » ne font plus partie de celles que le permis de construire a vocation à sanctionner au titre de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme et, aux termes de l’article L.425-3, le permis de construire tient seulement lieu de l’autorisation « ERP » prévue par l’article L.111-8 du Code de la construction dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente.

Il s’ensuit que pour être édictée sous la forme d’un même arrêté la décision prise en application de l’article L.425-3 précité porte en fait deux autorisations différentes dont chacune sanctionne un corps de règles propre. Pour ce rapporter à un même projet, voire à un même bâtiment, « ces autorisations n’ont pas entre elles de lien indivisible ».

Il est vrai toutefois que les vices allégués au cas présent ne se rapportaient à la méconnaissance du corps de règles propre aux « ERP » mais à la procédure de délivrance du permis de construire attaqué et, plus spécifiquement, à la composition du dossier de demande au regard de l’article R.431-30 du Code de l’urbanisme, d’une part, et à l’avis émis par la commission compétente à l’égard des « ERP ».

Il reste que cette divisibilité de l’autorisation obtenue en application de l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme se retrouve dans le cadre de l’instruction de la demande puisque :

• les pièces constituant le « volet ERP » du dossier de demande ne doivent être produites qu’en trois exemplaires ;
• dans la mesure où elles sont uniquement destinées à être transmises aux commissions compétentes aux seuls fins que celles-ci instruisent cet aspect du projet dans les conditions visées aux articles R.111-19-23 et R.111-19-25 du Code de la construction et de l’habitation.

Reste la principale question : la solution retenue dans cette affaire, et dont l’utilité demeure au sujet des demandes ne mettant pas en œuvre la faculté introduite l’article L.425-3 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de l’ordonnance 22 décembre 2011, sera-t-elle transposée à tous les cas où le permis de construire tient lieu de l’autorisation prévue par une autre législation en application des articles L.425-1 et suivants du Code de l’urbanisme, voire à d’autres autorisations globales mais délivrées au titre de la seule législation d’urbanisme, tel au premier chef un permis de construire autorisant les démolitions ?

2/ Dans la seconde affaire, le permis de construire devait être contesté notamment au motif que le plan masse produit par le pétitionnaire ne satisfaisait pas à l’article R.431-8 du Code de l’urbanisme en tant qu’il impose que ce document figurent les arbres à planter, à supprimer et/ou à conserver.

Il s’agit toutefois du seul vice retenu par le Tribunal administratif de Marseille : se posa alors la question de la mise en œuvre de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme et, concrètement, de l’annulation totale ou partielle du permis de construire attaqué.

Dans la mesure où l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme se réfère à la « partie du projet », cette rédaction peut en effet générer certaines interrogations sur les vices susceptibles de n’emporter qu’une annulation partielle de l’autorisation contestée puisqu’en première analyse, ce serait donc le projet lui-même qui devrait être partiellement illégal. A priori, seul un vice de fond affectant l’autorisation contestée d’illégalité interne pourrait donc permettre son annulation partielle.

S’il a effectivement pu être jugé que l’irrégularité des documents graphiques produits par le pétitionnaire affectait d’illégalité l’ensemble du permis de construire contesté et s’opposait ainsi à l’annulation partielle de ce dernier (CAA. Bordeaux, 30 octobre 2007, SCI Les Terrasses de Marie, req.n° 05BX01764. Dans le même sens, au sujet de l’irrégularité d’un avis formulé dans le cadre de la construction de la demande : CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015) la circonstance que l’autorisation d’urbanisme en cause soit affectée d’illégalité externe de nous parait pas nécessairement exclure que celle-ci ne donne lieu qu’à une annulation partielle.

Dans certains cas, en effet, l’incomplétude du dossier ou le caractère insuffisant de certaines des pièces produites par le pétitionnaire peut n’avoir faussé l’appréciation des services instructeurs qu’à l’égard d’une des composantes du projet pouvant être caractérisée comme une « partie » de celui-ci au sens de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme. D’ailleurs, avant l’entrée en vigueur de ce dernier, il avait pu être jugé qu’un permis de construire portant, d’une part, sur un ensemble pavillonnaire, et d’autre part, sur un hôtel mais délivré au vue d’un dossier ne comportant pas la justification de la demande d’autorisation d’exploiter alors requise par le Code du commerce pour l’exploitation de ce dernier n’encourrait à ce titre l’annulation qu’en tant que ce permis avait autorisé l’hôtel (CAA. Nantes, 18 avril 2006, Sté Investimmo Régions, req. n°04NT01390).

Or, on comprendrait mal que non seulement que l’article L.600-5 ne permette plus ce qui était possible avant son entrée en vigueur mais surtout qu’alors que

• la méconnaissance de l’article 13 du règlement d’urbanisme applicable semble permettre l’annulation partielle du permis de construire contesté qu’en tant que le projet litigieux ne prévoie pas un nombre d’arbres suffisant (CAA. Marseille, 16 juin 2011, Michel A., req. n°09MA02840) ;
• la production de pièces formellement insuffisantes sur ce point préjuge d’une méconnaissance de cet article 13 (CAA. PARIS, 3 juillet 2009, Guy X., req. n°07PA00677) ;

l’irrégularité formelle du plan masse s’agissant de la représentation des arbres à planter, à abattre ou à conserver doive nécessairement emporter l’annulation totale du permis de construire délivré au vue d’un tel plan.

Mais précisément, et en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, le Tribunal administratif de Marseille vient donc de juger que, tout en soulignant la méconnaissance de l’article R.431-8 du Code de l’urbanisme sur ce point affectait d’illégalité la totalité du projet, un permis pouvait néanmoins n’être annulé qu’en tant qu’il avait été délivré au vu d’un plan masse ne permettant pas d’apprécier la prise en compte de l’article 13 du règlement d’urbanisme local.

La propension du ou des vices retenues à être régulariser par un simple « modificatif » semble donc bien devenir le seul critère d’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ; ce qui semble toutefois appeler le juge à s’assurer, pour les vices de fond, d’une telle possibilité de régularisation dans le cadre d’un simple permis modificatif (pour exemple: CAA. Bordeaux, 2 mai 2012, EURL GTI Promotion, req. n°11BX00803).

Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat associé au barreau de Paris

Cabinet Frêche & Associés

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