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JURISURBA - Page 90

  • Le décret n°2006-958 du 31 juillet 2006 ne saurait avoir pour effet de faire revivre un permis de construire frappé de caducité avant son entrée en vigueur

    Si le décret n°2006-958 du 31 juillet 2006 en ce qu’il dispose que « lorsque le permis de construire fait l'objet d'un recours en annulation devant la juridiction administrative ou d'un recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité de ce permis est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable » bénéficie à l’ensemble des permis de construire en cours de validité à sa date d’entrée en vigueur, y compris à ceux précédemment frappés de recours, ce dispositif n’a pas pour effet de faire revivre un permis de construire précédemment frappé de caducité.

    CAA. Paris,22 novembre 2007, M. Olivier A., req.n° 05PA04504



    Après l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, l’arrêt commenté ce jour apporte une seconde précision importante s’agissant du champ d’application dans le temps du décret n° 2006-958 du 31 juillet 2006 – publié le 2 août 2006 et entrée en vigueur le 3 août suivant – dont on rappellera qu’il a modifié le régime du délai de validité du permis de construire tel qu’il était organisé (jusqu’à l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2007, du décret 5 janvier 2007 relatif à la réforme des autorisations d’urbanisme) par l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme, lequel vaut encore pour ce qui concerne les permis de construire sous l’empire de cet ancien dispositif.

    On sait, en effet, qu’antérieurement le seul exercice d’un recours à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme ne suspendait pas son délai de validité. Tout au plus, en effet, l’ancien article R.421-32 du code de l’urbanisme prévoyait-il que le délai de validité du permis de construire se trouvait interrompu en cas de suspension de son caractère exécutoire pendant toute la durée de cette mesure ou en cas d’annulation dudit permis jusqu’à la décision juridictionnelle irrévocable réformant cette annulation.

    Or, compte de tenu des risques générés par un tel recours, les opérateurs, le plus souvent sous la pression de leurs partenaires financiers, s’abstenaient alors d’engager les travaux dans l’attente qu’il soit tranché par le juge administratif.

    Il reste qu’eu égard, au délai de traitement de ces recours par les tribunaux, l’autorisation contestée pouvait être frappée de caducité en cours de procédure.

    Ce temps est, toutefois, révolu puisque l’article 1er du décret n°2006-958 du 31 juillet 2006 est venu ajouté à l’article R.421-32 du code de l’urbanisme un alinéa précisant que « lorsque le permis de construire fait l'objet d'un recours en annulation devant la juridiction administrative ou d'un recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité de ce permis est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable ».

    Il reste que si les opérateurs se sont justement réjouis de cette modification, l’article 2 du décret précité a suscité certaines interrogations dès lors qu’il se bornait à préciser que « le présent décret s’applique aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication ».

    D’aucuns avaient, en effet, estimé que dans la mesure où, d’une part, l’article R.421-32 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de l’article 1er du décret du 31 juillet 2006 vise le cas où « le permis de construire fait l'objet d'un recours » et non pas « a fait » l’objet d’un recours et où, d’autre part, ledit article 2 ne vise explicitement que « les permis de construire en cours de validité » et non pas « les instances en cours », le régime issu du décret du 31 juillet 2006 n’était pas applicable aux permis de construire frappés de recours introduits antérieurement au 2 août 2006 (Ph. BILLET, « La nouvelle règle du permis de construire », Administrations et collectivités territoriales, n°37, p.11).

    Si elle n’était pas dénuée d’intérêt en ce qu’elle posait le problème d’un dispositif qui, il est vrai, aurait pu être mieux rédigé, une telle interprétation apparaissait non seulement quelque « pointilleuse » mais également procédait de considérations sans incidence en la matière.

    En effet, si les dispositions du décret du 31 juillet 2006 ont été réparties en deux articles distincts, c’est que celles contenues par son article 1er ne doivent pas être systématiquement interprétées en considération de celles de son article 2 et, a contrario, que celles de ce dernier n’ont pas vocation à être strictement interprétées à la lumière de celles de son l’article 1er. D’ailleurs, si tel devait être la démarche à suivre et si l’article 1er du décret du 31 juillet 2006 visait le cas où « le permis de construire a fait l'objet d'un recours » alors que son article 2 précise expressément que « le présent décret s’applique aux permis de construire en cours de validité la date de sa publication », il faudrait alors comprendre que ce dispositif s’applique aux seuls permis de construire en cours de validité ayant fait l’objet d’un recours la date de publication du décret, à l’exclusion donc de ceux délivrés ultérieurement…

    Mais en toute hypothèse, il résulte de l’article 2 du décret précité que pour déterminer les situations qu’il régit, il convient de se placer à la date de sa publication, soit le 2 août 2006, et non pas à une date ultérieure en appréciant rétrospectivement une situation donnée.

    Il nous semblait donc qu’à la lumière de l’article 1er du décret du 31 juillet 2006, il faille comprendre son article 2 comme visant, notamment et pour ce qui le concerne, les permis de construire en cours de validité faisant l’objet d’un recours en annulation la date de sa publication.

    Quant à la circonstance que l’article 2 du décret du 31 juillet 2006 ne vise effectivement que « les permis de construire en cours de validité » et non pas « les instances en cours », celle-ci ne nous paraît pas déterminante puisqu’a contrario, il ne précise pas expressément ne pas s’appliquer aux permis de construire ayant fait l’objet d’un recours en annulation antérieurement à sa date de publication et/ou s’appliquer seulement aux permis de construire qui feraient ultérieurement l’objet d’un recours.

    Dès lors, eu égard au mode d’interprétation de la règle de droit, il n’y a pas lieu d’introduire une restriction que les auteurs du décret du 31 juillet 2006 n’ont pas expressément prévu. A titre d’exemple, on relèvera que l’article 12 du décret du 5 janvier 2007, pris pour application de l’ordonnance du 8 décembre 2005, introduit de nouvelles conditions à la recevabilité des recours en annulation à l’encontre des autorisations d’urbanisme en modifiant l’actuelle rédaction de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme, tout en ajoutant deux nouveaux articles, en l’occurrence, R.600-2 et R.600-3 dont la réaction ne permet pas, en elle-même, d’établir leur champ d’application rationae temporis.

    Or, si l’article 26 du décret du 5 janvier 2006 dispose que, par principe, il entrera en vigueur le 1er juillet 2007, il pose également certaines exceptions à ce principe et précise, notamment, que « les articles R.600-1 à R.600-3 du code de l’urbanisme, dans leur rédaction issue de l’article 12, sont applicables aux actions introduites à compter du 1er juillet 2007 ».

    C’est donc bien qu’à défaut d’une telle précision, ces articles auraient vocation à être opposées aux recours en cours d’instance au 1er juillet 2007 ; ce qu’il est vrai, aurait emporté une application partiellement rétroactive de ces nouvelles dispositions et auraient pu frapper d’irrecevabilité certains recours pourtant recevables au regard des règles applicables à leur date d’introduction.

    Mais précisément, c’est l’élément de référence de l’interprétation en cause de l’article 2 du décret du 31 juillet 2006, en l’occurrence la date d’introduction du recours frappant les permis de construire en cours de validité au 2 août 2006, qui nous paraissait inadéquat.

    En effet, l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme a pour unique objet le délai de validité du permis de construire mais n’a pas vocation a avoir une quelconque incidence directe sur les recours en annulation exercé à son encontre.

    Quant au recours en annulation ou, plus précisément, au contentieux de l’excès de pouvoir, il ne consiste pas en un litige entre parties mais en un procès fait à un acte au regard des normes conditionnant sa légalité et dont le but objectif ne peut tendre qu’à l’annulation de l’acte en litige en considération de son illégalité (CE. 17 mai 1999, Cne de Montreuil, req. n°191.292). Ce dont résulte le mode d’appréciation de la condition dite de « l’intérêt à agir » ou, plus spécifiquement, le fait que le seul accord transactionnel conclu entre le requérant et le constructeur ne prive pas d’objet le recours exercé contre un permis de construire (CE. 19 février 1988, Sabin-Celson, req. n°06.543) ou encore que le signataire d’un protocole de non recours reste recevable à agir à l’encontre du permis de construire objet de ce dernier (CE. 7 juin 1985, SA d’HLM, « L’habitat communautaire collectif », req. n°39.492).

    Il s’ensuit, pour ce qui le concerne, que le recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire ne peut être considéré, bien qu’il soit fréquemment utilisé ainsi, comme un instrument offert aux tiers pour « paralyser » le constructeur et ce faisant, tenir en échec le projet par la seule extinction du délai de validité du permis de construire attaqué : telle étant précisément la cause de l’intervention du décret du 31 juillet 2006.

    Le fait qu’une interprétation plus favorable de l’article 2 du décret du 31 juillet 2006 aboutisse à en faire bénéficier un permis de construire ayant fait l’objet d’un recours en annulation antérieurement au 2 août 2006, pour ainsi lui éviter la caducité liée à la décision de son titulaire de ne pas engager les travaux en considération des risques générés par ce recours, ne nous paraissait donc pas dirimant ; sans compter qu’au regard du but objectif d’un recours en annulation, elle est également favorable au requérant puisqu’elle lui évitera le prononcé d’un non lieu à statuer sur son recours (sur ce point : CE. 26 mars 1958, Entrepôt Saint-Bernard, Rec., p.195).

    Mais en tout état de cause, force est ainsi de relever que la Cour administrative d’appel de Bordeaux vient de conclure à l’applicabilité du dispositif institué par le décret du 31 juillet 2006 à l’ensemble des permis de construire en cours de validité à sa date de publication et en l’occurrence, à son application à un permis de construire modificatif délivré le 20 avril 2004 ayant fait l’objet d’un recours en annulation rejeté par un jugement du 25 mai 2005 et frappé d’appel par une requête exercé le 25 juillet 2005 pour ainsi juger que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du décret n° 2006-958 du 31 juillet 2006, lequel s'applique aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication : « Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 Lorsque le permis de construire fait l'objet d'un recours en annulation devant la juridiction administrative , le délai de validité de ce permis est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la SCI Lespagnol ait reçu notification du permis modificatif litigieux plus de deux ans avant l'entrée en vigueur du décret du 31 juillet 2006 ; que le délai de validité de ce permis est donc, en vertu de ce même décret, suspendu tant que n'a pas été notifiée une décision juridictionnelle irrévocable ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ce permis serait caduc ne peut qu'être écarté » (CAA. Bordeaux, 5 juillet 2007, Mme Sophie X. & M. Frédéric Y., req.n°05BX00191 ; cf : notre note « le décret du 31 juillet 2006 relatif à la durée de validité des permis de construire est applicable à l’ensemble de ceux en cours de validité à sa date de publication, y compris à ceux ayant fait l’objet d’un recours en annulation avant son entrée en vigueur », AJDA, n°26/2007) ;

    et ce, conformément à la position de l'administration.

    Dès lors qu’il n’était pas établi que le permis de construire modificatif contesté était caduque à la date d’entrée en vigueur du décret du 31 juillet 2006 – et qu’il en résultait, par voie de conséquence, qu’il s’agissait d’un « permis de construire en cours de validité » au sens de l’article 2 de celui-ci – la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc considéré que ce permis bénéficiait du régime introduit par son article 1er et, par voie de conséquence, que son délai de validité avait été suspendu par le recours en annulation dont il avait fait l’objet, nonobstant la circonstance que ce dernier ait été introduit avant l’entrée en vigueur de ce dispositif.

    Force est donc de comprendre l’article 2 du décret du 31 juillet 2006 comme visant, d’une façon générale, les permis de construire en cours de validité à sa date de publication, qu’il soient déjà frappés de recours à cette date ou viennent à l’être. Au surplus, l’interprétation en cause de l’article 2 du décret du 31 juillet 2006 (Ph. BILLET, « La nouvelle règle du permis de construire », Administrations et collectivités territoriales, n°37, p.11) tendait à le rendre superfétatoire puisque s’il devait s’appliquer aux seuls permis de construire en cours de validité à sa date de publication et faisant ultérieurement l’objet d’un recours ultérieur, l’article 1er aurait suffit à couvrir cette hypothèse ; étant spécifié que dans la mesure où ce décret s’est borné, comme il le devait, à abroger, uniquement pour l’avenir donc, les anciennes dispositions de l’article R.421-32, son article 1er n’aurait pu avoir pour effet de remettre en vigueur des permis de construire attaqués mais précédemment frappés de caducité.

    C’est ce que précise l’arrêt commenté par lequel la Cour administrative d’appel de Paris devait statuer sur l’appel interjeté à l’encontre d’un jugement du Tribunal administratif de Melun, en date du 1er juillet 2005, ayant prononcer un non-lieu à statuer sur le recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire dont il avait précédemment été saisi. Et nonobstant l’intervention, entre temps du décret du 31 juillet 2006, la Cour devait donc confirmer ce jugement au motif suivant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 42132 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué : « Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 42134 ou de la délivrance tacite du permis de construire... / Le délai de validité du permis de construire est suspendu, le cas échéant, pendant la durée du sursis à exécution de la décision portant octroi dudit permis, ordonné par décision juridictionnelle ou administrative, ainsi que, en cas d'annulation du permis de construire prononcée par jugement du tribunal administratif frappé d'appel, jusqu'à la décision rendue par le Conseil d'Etat... » ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 31 juillet 2006 : « Le quatrième alinéa de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme est remplacé par les dispositions suivantes : / « Lorsque le permis de construire fait l'objet d'un recours en annulation devant la juridiction administrative ou d'un recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité de ce permis est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable » ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : « Le présent décret s'applique aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication » ;
    Considérant que la commune de Bry-sur-Marne fait valoir que le permis litigieux n'avait fait l'objet d'aucun commencement d'exécution dans les deux ans de sa notification aux bénéficiaires ; que ce point n'est ni contesté ni démenti par les pièces du dossier ; qu'il suit de là que ce permis s'est trouvé périmé antérieurement au 1er juillet 2005, date du jugement attaqué, le décret précité du 31 juillet 2006 n'étant pas applicable à cette date ; qu'ainsi les conclusions de la demande de M. A qui tendaient à l'annulation dudit permis étaient devenues sans objet ; que, dès lors, c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a statué sur ladite demande ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement, d'évoquer et de constater que la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Melun est devenue sans objet, le requérant ne pouvant utilement se prévaloir en appel des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 31 juillet 2006, le permis de construire contesté n'étant plus en cours de validité à la date de publication de ce décret »


    Compte tenu de la précision apportée par son article 2, l’article 1er du décret du 31 juillet 2006 n’a donc pas pour effet de faire revivre un permis de construire frappé de caducité avant son entrée en vigueur, y compris lors qu’à cette date, le permis de construire considéré faisait encore l’objet d’un recours, en l’espèce par voie d'appel.

    Mais pour conclure, on peut relever que la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé le jugement attaqué non pas parce que le permis de construire en cause avait fait l’objet d’un recours antérieurement à l’entrée en vigueur du décret mais uniquement parce qu’il était déjà caduc à cette époque ; ce qui confirme implicitement que l’article 1er de ce décret bénéficie à tous les permis de construire en cours de validité à sa date d’entrée en vigueur, y compris à ce précédemment frappés de recours.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Un règlement local d’urbanisme doit précisément définir les conditions d’extension des constructions existantes dans les zones naturelles

    L’article 2 d’un règlement local d’urbanisme se rapportant aux possibilités de construction dans une zone naturelle ne précisant pas si la surface hors œuvre nette des extensions qu’il autorise doit être appréciée une fois pour toutes à la date de l'entrée en vigueur de cet article ou bien à la date de présentation de chaque demande de permis de construire est illégal.

    CE. 21 novembre 2007, Mme Mireille B, req. n°291.017


    Voici un arrêt traitant d’une question importante – il sera, d’ailleurs, mentionné à ce titre aux Tables du Recueil – mais dont on avouera d’emblée que nous en saisissons mal la « logique » bien que nous comprenions parfaitement son objet et la préoccupation dont il procède.

    Dans cette affaire était en litige un permis de construire un bâtiment annexe à usage d'atelier, de rangement et de stockage d'une surface hors oeuvre nette de 36 mètres carrés délivré en application de l’article N2 du règlement de POS communal, lequel, par exception au principe d’inconstructibilité générale de la zone, autorisait l’extension des constructions existantes à condition, notamment, que cette extension « ne conduise pas à augmenter la surface hors oeuvre nette existante de plus de 30 % avec un maximum de 50 m² de surface hors oeuvre nette créé ».

    Mais ce permis de construire devait être annulé par voie de conséquence de l’illégalité de l’article N2 en cause que le Conseil d’Etat reteint au motif suivant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable « I- Les documents graphiques doivent faire apparaître les zones urbaines et les zones naturelles. Ces zones sont ( ) / 2 ( ) les zones dites « zones ND », à protéger en raison, d'une part de l'existence de risques ou de nuisances, d'autre part de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue historique ou écologique ( ) II - Les documents graphiques font apparaître s'il y a lieu ( ) / 4° Les zones ou secteurs dans lesquels, pour des motifs d'urbanisme ou d'architecture, la reconstruction sur place ou l'aménagement de bâtiments existants peut être imposé ou autorisé avec une densité au plus égale à celle qui était initialement bâtie, nonobstant le ou les coefficients d'occupation du sol fixés pour la zone ou le secteur » ; qu'en application de l'article ND1 du plan d'occupation des sols de Villelongue-Dels-Monts toute utilisation ou occupation du sol est interdite, et que l'article ND2 prévoit que peuvent être admis : « ( ) / b- les travaux de restauration ou d'extension mesurée des mas habités existants, de la chapelle du Vilar et des constructions à usage d'habitation ou de commerces existantes sous réserve qu'il s'agisse de travaux d'aménagement ou d'extension mesurés, que les prescriptions du règlement sanitaire départemental soient respectées, que la défense incendie soit assurée, que l'intégration au site soit assurée et que cela ne conduise pas à augmenter la surface hors oeuvre nette existante de plus de 30 % avec un maximum de 50 m² de surface hors oeuvre nette créé. Dans ces mêmes limites, sont également admises les constructions et installations qui sont le complément normal de l'habitation ainsi que les locaux à usage agricole ( ) » ;
    Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme les possibilités de construire en zone ND doivent faire l'objet de prescriptions spécifiques ;
    Considérant que les dispositions de l'article ND2 du plan d'occupation des sols de la commune de Villelongue-Dels-Monts, si elles prévoient une limitation de l'accroissement de surface hors oeuvre nette lors de la présentation de chaque demande de permis de construire, ne précisent pas si cette surface hors oeuvre nette doit être appréciée une fois pour toutes, à la date de l'entrée en vigueur de l'article ND2 du plan d'occupation des sols ou bien à la date de présentation de chaque demande de permis de construire ; qu'elles sont ainsi susceptibles d'autoriser, par modifications successives, des modifications importantes des constructions existantes ; que, par suite, elles ne respectent pas les dispositions précitées de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme ; qu'il en résulte qu'en rejetant l'exception d'illégalité de l'article ND2 du plan d'occupation des sols de la commune de Villelongue-Dels-Monts, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que Mme B est, dès lors, fondée à demander l'annulation de cet arrêt
    ».


    Il s’ensuit que l’article 2 d’un règlement local d’urbanisme se rapportant à une zone naturelle ne saurait prévoir la possibilité d’étendre les constructions existantes sans corrélativement préciser si l’importance de cette extension doit être appréciée une fois pour toutes à la date de l'entrée en vigueur de cet article ou bien à la date de présentation de chaque demande de permis de construire ; à défaut, un tel article est illégal et affecte d’illégalité tous les permis délivrés en application de cette disposition.

    Mais une telle solution nous paraît quel que peu incohérente, voire contradictoire au regard de l’objectif poursuivi : éviter qu’un règlement local d’urbanisme se rapportant à une zone naturelle y octroi des possibilités de construction importantes.

    D’une part, le Conseil d’Etat a en effet eu l’occasion de juger que, par principe, l’état d’une construction doit être apprécié à la date à laquelle l’administration statue sur la demande de permis de construire s’y rapportant (CE. 17 avril 1992, Flaig, req. n°94.390) : suivant ce principe, le Conseil d’Etat aurait donc pu estimer que, sauf disposition contraire, l’importance de l’extension projetée doit être appréciée à la date à laquelle l’administration est amenée à statuer sur la demande d’autorisation présentée à cet effet.

    Il reste, d’autre part, qu’un règlement local d’urbanisme autorisant l’extension de construction existante en prévoyant, expressément ou implicitement, que l’importance de cette extension doit s’apprécier à la date à laquelle l’administration statue sur la demande de permis de construire est, précisément, « susceptible d'autoriser, par modifications successives, des modifications importantes des constructions existantes »… sauf à ce qu’il fixe un « plafond global » ne pouvant être dépassé, même par extensions successives.

    De ce fait, il nous semble donc qu’un règlement local d’urbanisme ne précisant pas expressément la date à laquelle doit être appréciée l’état de la construction existante pour ainsi apprécier l’importance de l’extension projetée aurait pu être interprété comme fixant implicitement cette date à celle de l’entrée en vigueur de ce règlement et, a contrario, que ce n’est que dans le cas où celui-ci fixe expressément cette date à celle à laquelle l’administration statue sur la demande d’autorisation présentée à cet effet et ce, sans définir un « plafond global » que ce règlement est illégal.

    Force est d’ailleurs de rappeler que le Tribunal administratif de Rennes a, pour sa part, jugé que l’économie générale de la réglementation des zones naturelles implique que lorsque le document d’urbanisme local interdit les constructions nouvelles mais autorise, par exception, l’extension mesurée des constructions existantes, le caractère mesurée de celle objet de la demande de permis de construire doit être apprécié au regard de la surface initiale du bâtiment à la date d’entrée en vigueur dudit document et ce, pour annuler comme illégal et frauduleux un permis de construire autorisant une troisième extension sur une période de trois années (TA. Rennes, 1er juin 2006, Sté KERN’ER CAR, req. n°03-0633 ; cf : notre note du 5 septembre 2006 « Le caractère mesuré d’une extension d’un bâtiment doit s’apprécier en considération de l’ensemble de celles pratiquées antérieurement sur le même bâtiment »).

    Il nous semble qu’une telle solution aurait été beaucoup plus cohérente et, d’ailleurs, en parfaite cohérence avec la jurisprudence constante selon laquelle, faute de disposition contraire, un règlement se bornant à autoriser une extension doit nécessairement être compris comme n’autorisant qu’une extension mesurée du bâtiment existant ou, plus spécifiquement, avec le mode d’interprétation des possibilités d’extension des constructions existantes et au titre duquel il a, notamment, été jugé que l’importance de l’extension projetée devait être appréciée au regard de la seule surface du bâtiment sur lequel elle porte et non pas en considération de la surface de l’ensemble des bâtiments éventuellement présents sur l’unité foncière (CE. 17 novembre 2004, Sté Labo Chimie, req. n°252.420) ou encore que l’agrandissement d’un bâtiment ne peut être considéré comme une extension que s’il demeure accessoire au bâtiment initial, indépendamment de la surface à créer (CAA. Lyon, 5 octobre 2004, Cne de Marlhes, req. n°00LY01454 ; voir aussi ici).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur la division en volume comme échappatoire à la procédure de lotissement

    Un acte de cession de droits de superficie perpétuels stipulant que chaque lot comporte la pleine propriété des volumes et que chaque propriétaire de lot sera propriétaire des constructions n’est pas constitutif d’un lotissement lorsque la division qu’il organise entre les futurs copropriétaires des immeubles collectifs autorisés par les permis de construire litigieux n'emporte pour eux ni propriété ni jouissance exclusive et particulière du sol d'assiette de la parcelle.

    CE. 30 novembre 2007, Ville de Strasbourg, req. n°271.897


    Voici un arrêt d’importance dont on a, d’ailleurs, du mal à saisir pourquoi il n’a pas vocation à être publié ou, à tout le moins, mentionné au recueil puisqu’il tend à valider la technique dite de la division en volume comme possible échappatoire au lotissement.

    On sait, en effet, que les contraintes générées par la procédure de lotissement avait conduit à développer des techniques spécialement mises en place pour y échapper. C’est le cas de la technique de la copropriété horizontale et de la division en volume.

    Partant du principe selon lequel l’ancien article R.315-1 comme le nouvel article L.442-1 du Code de l’urbanisme ne visent que les divisions foncières, la technique de la copropriété horizontale avec division en volume consiste, en résumé, à prévoir que le terrain restera commun à tous les copropriétaires tant dans sa propriété que dans son usage ; chacun des copropriétaires du terrain se bornant à acquérir un volume surplombant ce terrain en application l’article 552 du Code civil, lequel permet de dissocier la propriété du sous-sol, du sol et de l’espace le surplombant.

    En substance, cette technique consiste donc à vendre ou à concéder l’usage non du sol de l’unité foncière, mais l’usage du volume présent en superficie. Ce faisant, chaque copropriétaire est supposé pouvoir construire sur ce terrain indivis son bâtiment, lequel aurait ainsi pour assiette la totalité de l’unité foncière qui n’est donc pas divisée.

    Cette technique a donné lieu à d’aussi nombreux que vifs échanges entre la doctrine et les praticiens pendant plusieurs années. Mais il vrai que les premiers arrêts touchant à la validité de cette technique et censés la censurer n’étaient pas des plus explicites (CE. 2 février 1977, Crespin, JCP G., 1977, 18751 ; CE. 26 septembre 1990, Seguin, JCP. N., 1991, p.85 ; CE. 13 octobre 1993, SCI ME Promotion ; CE. 13 décembre 1993, Fernandez, JCP. N., 1994, II., p.114 ; CAA. Nantes, 31 mai 1995, SNC Les Rouges-Gorges, req. n° 93-131). Mais cette technique devait être condamnée par l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat jugea que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 26 juillet 1977 : "Constitue un lotissement, au sens du présent chapitre, toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de la propriété" ; que le terrain ayant fait l'objet du permis de construire délivré en 1989 à MM. Moncamp et Salesses, puis transféré à la SCI "Entre Deux Mers", résulte de divisions et de cessions opérées depuis le 27 septembre 1967, date d'un règlement de copropriété qui a autorisé les copropriétaires à édifier ou à céder à des tiers le droit d'édifier des bâtiments et parkings et divisé, à cette fin, le terrain en 19 lots, les propriétaires de ces lots ayant la jouissance exclusive et perpétuelle des parties privatives des immeubles à y construire ; que la SCI "Résidence des Deux Mers", titulaire du permis de construire initial délivré le 3 juin 1965 sur un tènement unique, a immédiatement appliqué le règlement de copropriété en cédant à deux autres sociétés des lots dont elle ne souhaitait pas conserver la propriété et, ce faisant, procédé à une division volontaire de la parcelle d'origine ; que cette opération, qui a conféré à chacun des trois bénéficiaires un droit exclusif de construction sur son lot, les a placés dans la situation prévue par les dispositions susrappelées du code de l'urbanisme, alors même que la propriété du sol est restée indivise entre eux ; que, par suite et contrairement à ce que soutient la VILLE DE TOULOUSE, le terrain d'assiette de l'immeuble que MM. Moncamp et Salesses, puis la SCI "Entre Deux Mers" ont été autorisés à construire en 1989 relevait bien du régime des lotissements ; que la VILLE DE TOULOUSE ne peut utilement se prévaloir de ce que les bâtiments édifiés sur les autres lots de la copropriété étaient achevés depuis le 29 septembre 1971, c'est à dire depuis plus de dix ans à la date du permis contesté, pour soutenir que l'immeuble ayant fait l'objet de ce permis ne pouvait être regardé comme faisant partie d'un lotissement » (CE. 21 août 1996, Ville de Toulouse, REQ. N° 137.834).

    Ainsi, le véritable critère de la division foncière au sens de l’article R.315-1 du Code de l’urbanisme et donc du nouvel article L.442-1 apparaissait être celui du nombre de maître d’ouvrage : chaque fois que sur une unité foncière plusieurs maître d’ouvrage décident de construire un bâtiment, il semblait devoir y avoir division foncière, au moins en jouissance, c’est-à-dire une division emportant un transfert du « bénéfice (d’un) droit à construire » (CAA. Versailles, 8 juin 2006, Dos Santos, req. n°04VE03538 ; confirmé par le Conseil d'Etat) sur le terrain. Par la suite de nombreux autres arrêts devaient conduire à condamner cette technique :


    « Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'unité foncière appartenant initialement à M. IMBERT a, dans un premier temps, été divisée en deux parcelles A et B en vue de l'implantation de bâtiments ; que dans un délai inférieur à dix ans, le permis de construire litigieux a été délivré sur la parcelle B de 1 078 m2 à l'indivision formée par MM. THEODAS et BELCASTRO en vue de l'édification de deux maisons d'habitation séparées et bénéficiant d'accès indépendants ;
    Considérant qu'il résulte de l'attestation notariale versée au dossier que la parcelle en cause a été placée sous le régime de la copropriété et divisée en deux lots ; que M. et Mme REQUENA soutiennent sans être contredits que chacun des deux copropriétaires dispose d'un droit de jouissance exclusif sur la partie du terrain correspondant à son lot de copropriété qui constitue avec la maison individuelle à construire, la partie privative de la copropriété ; que par suite, et même si le sol doit rester une propriété indivise correspondant aux parties communes de la copropriété, l'établissement de ce régime de copropriété réalise ainsi une division en jouissance de ladite parcelle ; que cette opération effectuée en vue de l'implantation de bâtiments qui a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de l'unité foncière initiale a constitué un lotissement relevant des dispositions de l'article R.351-1 précité ; qu'en conséquence faute de délivrance préalable de l'autorisation de lotir exigée par les dispositions de l'article R.351-3 du code de l'urbanisme, le permis de construire litigieux ne pouvait être régulièrement accordé » (CAA. lyon, 21 mars 1997, M. Theodas, Req. n° 94LY01852)
    ;



    « Considérant que le permis délivré le 26 septembre 1996 par le maire de VILLENEUVE-LOUBET autorisait la société SOPRAF à édifier 7 maisons individuelles sur un même terrain ; que cependant il ressort des pièces du dossier que par une convention de construction passée le 26 novembre 1996 avec 7 autres propriétaires, la société PHENICIA, ayant acquis ledit terrain, postérieurement à la délivrance du permis, s'est engagée à "obtenir le permis de construire ..., transférer le permis de construire au profit des coindivisaires", tandis que les "futurs acquéreurs achèteront les lots de copropriété, procéderont eux-mêmes à la construction des maisons qui y sont prévues", et obtiendront "le transfert du permis de construire à leur nom" ; que par acte du même jour, la société a vendu les droits à construire des bâtiments autorisés par le permis à 7 copropriétaires dont chacun s'est vu attribuer un certain nombre de millièmes du terrain lequel reste cependant, selon l'état descriptif de division établi à la même date, "commun en toutes ses parties y compris celles sur lesquelles sont édifiées les constructions", les seules parties privatives étant constituées par les aménagements que comporte la maison individuelle prévue sur le lot ; que ces divers actes établissent que l'opération de construction projetée consistait en l'édification de 7 villas par 7 propriétaires différents ; que la construction par chaque coindivisaire sur un même terrain d'une villa destinée à devenir sa propriété exclusive et particulière emportant nécessairement la subdivision en jouissance dudit terrain, alors même que la propriété du sol est restée indivise, constitue une opération de lotissement au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi la société SOPRAF ne pouvait solliciter le permis critiqué sans demander préalablement l'autorisation de lotir prévue par l'article R. 315-3 du code de l'urbanisme ; que par suite, ledit permis est entaché d'irrégularité » (CAA. Marseille., 3 JUIN 1999, SOFRAP & Cne de Villeneuve-Loubet, Req. n° 97MA05313) ;


    « Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier et, notamment du règlement de copropriété établi le 30 septembre 1997 devant notaire et enregistré le 30 octobre 1997 à la conservation des hypothèques d'Antibes 2ème bureau, postérieurement à la date de délivrance du permis de construire, que le terrain d'assiette a été placé sous le régime de la copropriété et divisé en quatre lots à usage de villas et de garage, et que chacun des copropriétaires dispose d'un droit de jouissance exclusif sur la partie du terrain correspondant à son lot de copropriété, le sol reste toutefois commun en toutes ses parties, y compris celles sur lesquelles sont édifiées les constructions ; que, si cette opération, irrégulière au regard de l'article R.315-1 du code de l'urbanisme qui dispose que constitue un lotissement au sens du présent chapitre, toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété, elle n'est pas pour autant révélatrice de manoeuvres frauduleuses dont se serait rendu coupable M. X et de nature à induire en erreur l'administration, laquelle ne pouvait, à l'issue de l'instruction, ignorer la nature du projet » (CAA. MARSEILLE., 9 décembre 2004, M. Patrick X, REQ. N° 00MA02340).



    Un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux paru remettre en cause cette tendance jurisprudentielle en soulignant que « la privatisation de l’emprise au sol des habitations ne constitue pas en elle-même une opération de division de ce sol ». Il reste, outre la circonstance qu’il s’agissait dans cette affaire d’un bâtiment unique (destiné à accueillir deux habitations), la Cour avait précédemment souligné qu’il n’était pas « établi que chacune des habitations soit destinée à devenir la propriété exclusive et particulière de chaque occupant » (CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Epx Pezin, req. n° 97BX02195).

    Venons-en maintenant à l’affaire objet de l’arrêt commenté et dans laquelle les deux permis de construire attaqués portaient sur deux immeubles distincts et avaient été délivrés à un bénéficiaire n’étant pas propriétaire de l’unité foncière sur laquelle ces permis portaient, laquelle provenait d’une première division non constitutive d’un lotissement mais ayant moins de dix ans d’ancienneté.

    En première instance, le Tribunal administratif de Strasbourg devait ainsi considérer que la cession à un acquéreur unique de deux droits de superficie perpétuels consistant en deux volumes n’emportait aucune division en jouissance exclusive ou en pleine propriété de la parcelle concernée (TA. Strasbourg, 25 janvier 2000, M. et Mme Maleriat-Bihler c/ Ville de Strasbourg & SCI CK, req. n° 98-769).

    Mais ce jugement devait être annulé et réformé par la Cour administrative d’appel de Nancy qui pour sa part jugea que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette des constructions projetées par la SCI CK était initialement constitué d'une seule parcelle cadastrée n°1234 appartenant à la société d'économie mixte de la région de Strasbourg (SERS) ; qu'en 1992, une parcelle 1/79 en a été détachée pour être cédée à la SCI Paul Claudel ; que, par un acte de vente du 11 juin 1997, la SERS a cédé à la SCI CK sur la parcelle restante n°1275 deux droits de superficie perpétuels consistant en deux volumes , entre la cote - 20 m et la cote + 40 m, correspondant aux lots de superficie II et III, sur lesquels le maire de Strasbourg a autorisé l'édification de deux bâtiments B et C par deux permis de construire en date du 18 novembre 1997 et du 19 janvier 1998 ;
    Considérant que M. et Mme Y font valoir que le cahier des servitudes et des charges en date du 11 juin 1997, auquel se réfère l'acte de vente du même jour, fixe l'utilisation des droits de superficie, et stipule que chaque lot comporte la pleine propriété des volumes impliquant le droit de réaliser à l'intérieur toutes constructions devant devenir la propriété du propriétaire du volume après leur réalisation, et que chaque propriétaire de lot sera propriétaire des constructions ; que, dans ces conditions, l'acte de vente a pour objet, non pas de procéder à la division en volumes de la propriété de la SERS, mais à une division en lots destinés à être construits ; que, par suite, elle aboutit à une division foncière au sens de l'article R. 315-9 du code de l'urbanisme, entraînant l'application du régime du lotissement, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que des servitudes croisées sur les lots ainsi cédés ont été établies et qu'une association syndicale gérera l'ensemble des lots ;
    Considérant, en conséquence, que les divisions foncières auxquelles il a été procédé ayant eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de la propriété initiale, les permis de construire contestés auraient dû être précédés d'une autorisation de lotir, et sont, dès lors, entachés d'irrégularité » (CAA. NANCY, M. & MME MALERIAT-BIHLER, REQ. N° 00NC00512).


    Il reste, donc, que saisi d’un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt précité, le Conseil d’Etat devait considéré que le « montage » en cause n’était pas constitutif d’un lotissement et ce, au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la VILLE DE STRASBOURG a délivré à la société civile immobilière C+K, les 18 novembre 1997 et 19 janvier 1998, deux permis de construire autorisant la construction de deux immeubles sur une parcelle sur laquelle deux droits de superficie perpétuels avaient été cédés à cette société civile immobilière par la société d'économie mixte de la région de Strasbourg ; que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, par deux jugements du 25 janvier 2000, les requêtes par lesquelles M. et Mme A demandaient l'annulation de ces permis de construire ; que la cour administrative d'appel de Nancy, a, par un arrêt du 24 juin 2004, annulé les jugements et les permis attaqués ; que la VILLE DE STRASBOURG se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
    Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;
    Considérant qu'aux termes de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur : Constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété ( ) ; qu'il résulte de ces dispositions que l'édification sur une parcelle de plusieurs constructions ne peut être regardée comme constitutive d'un lotissement que si la parcelle servant d'assiette aux constructions a été divisée en jouissance ou en propriété ;
    Considérant que, par suite, en jugeant, pour annuler les jugements du tribunal administratif de Strasbourg du 25 janvier 2000 et les permis litigieux, qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, et notamment des clauses de l'acte de vente aux termes desquelles chaque lot comporte la pleine propriété des volumes et chaque propriétaire de lot sera propriétaire des constructions, que l'acte de vente avait pour objet de procéder à une division en lots, alors que la division de ces lots entre les futurs copropriétaires des immeubles collectifs autorisés par les permis de construire litigieux n'emporte pour eux ni propriété ni jouissance exclusive et particulière du sol d'assiette de la parcelle, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique ; que son arrêt doit être annulé pour ce motif
    ».


    Force est ainsi d’admettre que la solution ici retenue est fort éloignée de celle de la jurisprudence précitée dite « Ville de Toulouse » et, surtout, des conclusions rendues par le Commissaire du gouvernement dans cette affaire, lequel avait précisé :

    « L’article R.315-1 (…) précise que les démembrements à prendre en compte sont toutes les division en jouissance résultant de mutation à titre gratuit ou onéreux, de partages ou de locations. Cette définition large a donc pour conséquence de condamner la pratique de la copropriété horizontale, comme l’étaient auparavant les divisions en jouissance sous le régime issu du décret de 1954. Et l’on ne peut échapper à la réglementation des lotissements lorsque, sur un terrain unique appartenant à une indivision, on envisage plus de deux constructions à réaliser au profit de maîtres d’ouvrages différents, dès lors que les maisons à édifier sont destinées à devenir la propriété exclusive de chacun des membres de l’indivision ».

    Néanmoins, il n’est pas si certain que cet arrêt consacre effectivement et en toute hypothèse, la technique de la division en volume comme permettant d’échapper au lotissement dans la mesure où, les deux volumes en cause, d’une part, avaient été cédés à un seul et même bénéficiaire, titulaire des deux permis de construire contestés et, d’autre part, semblaient recouvrir l’intégralité de l’unité foncière sur laquelle ces permis portaient.

    Aussi, en jugeant que « la division de ces lots entre les futurs copropriétaires des immeubles collectifs autorisés par les permis de construire litigieux n'emporte pour eux ni propriété ni jouissance exclusive et particulière du sol d'assiette de la parcelle » et, par voie de conséquence, n’emporte pas la création d’un lotissement, le Conseil d’Etat ne nous semble pas avoir retenue une solution très éloigné de celle par laquelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que « la privatisation de l’emprise au sol des habitations ne constitue pas en elle-même une opération de division de ce sol » (CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Epx Pezin, req. n° 97BX02195).



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur le contentieux des actes portant approbation d’une carte communale (suite)

    La délibération par laquelle l'organe délibérant de la commune approuve la carte communale ne revêt pas le caractère d'une mesure préparatoire à la décision du représentant de l'Etat mais d'une décision à effet différé jusqu'à la publication de ces deux décisions dans les conditions prévues par l'article R. 124-8 du code de l'urbanisme. La délibération du conseil municipal peut dès lors être directement contestée devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à l'expiration du délai de recours qui a commencé à courir à compter de cette publication.

    CE. avis du 28 novembre 2007, n°303.421

     

    Dans une note du 21 novembre 2007, nous avons commenté l'arrêt par lequel la Cour administrative a jugé:

    « Considérant que s'il résulte des dispositions qui précèdent que les cartes communales font l'objet d'une approbation donnée distinctivement par le conseil municipal et le préfet, leur entrée en vigueur est subordonnée à l'approbation préfectorale ; que si l'approbation donnée par le conseil municipal ne revêt ainsi qu'un caractère préparatoire à la décision du préfet, laquelle peut seule faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, les requérants sont recevables à exciper, à l'appui d'un tel recours, des éventuelles irrégularités entachant la délibération préalable du conseil municipal » (CAA. Nancy, 8 novembre 2007, SCI Gelucourt, req. n°06NC00702) ;

    et ce, après avoir précédemment jugé que:

    « Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la délibération du conseil municipal ou de l'établissement public de coopération intercommunale approuvant une carte communale est un simple acte préparatoire à la décision du préfet arrêtant la carte communale, insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que par suite, les conclusions de la demande des époux X devant le tribunal administratif étaient irrecevables en tant qu'elles tendaient à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune d'Aussonce en date du 15 avril 2003 approuvant le projet de carte communale » (CAA. Nancy, 4 août 2006, M. et Mme Jean-Louis X., req. n°05NC00237).

    Mais cette solution vient donc d'être infirmée par le Conseil d'Etat, lequel a estimé que :

    "Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 en vigueur à la date à laquelle s'est noué le litige qui a conduit à la présente saisine : Les cartes communales sont approuvées, après enquête publique, par le conseil municipal et le préfet. Les cartes communales approuvées sont tenues à la disposition du public.. La loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 a modifié cet alinéa, qui est désormais ainsi rédigé : les cartes communales sont approuvées après enquête publique, par le conseil municipal et le préfet. Elles sont approuvées par délibération du conseil municipal puis transmises pour approbation au préfet, qui dispose d'un délai de deux mois pour les approuver. A l'expiration de ce délai, le préfet est réputé les avoir approuvées. Les cartes communales approuvées sont tenues à la disposition du public. Il résulte de ces dispositions, qui sont d'ailleurs sur ce point en continuité avec les dispositions antérieures de l'article L. 111-1-3 du code de l'urbanisme relatives à l'édiction des modalités d'application des règles générales d'urbanisme (MARNU), que l'adoption de la carte communale est subordonnée à une double approbation du conseil municipal et du représentant de l'Etat. Par suite, et nonobstant la circonstance que les dispositions introduites par la loi du 2 juillet 2003 précitée précisent que le préfet intervient après le conseil municipal, la délibération par laquelle l'organe délibérant de la commune approuve la carte communale ne revêt pas le caractère d'une mesure préparatoire à la décision du représentant de l'Etat mais d'une décision à effet différé jusqu'à la publication de ces deux décisions dans les conditions prévues par l'article R. 124-8 du code de l'urbanisme. La délibération du conseil municipal peut dès lors être directement contestée devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à l'expiration du délai de recours qui a commencé à courir à compter de cette publication".

    Tant la délibération du Conseil municipal que l'arrêté du Préfet portant approbation de la carte communale peut donc être déférés à la censure du juge de l'excès de pouvoir. Reste à savoir ce qu'il advient de recours exercé à l'encontre de la délibération lorsque le Préfet refuse de co-approuvé la carte communale ainsi adoptée par le Conseil municipal...

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris

    Cabinet FRÊCHE & Associés