Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

JURISURBA - Page 86

  • Sur la désignation et l’identification des membres de la commission départementale d’équipement commercial

    L'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial appelée à statuer sur une demande d'autorisation de création d'un équipement commercial doit permettre de connaître à l'avance l'identité des personnes susceptibles de siéger par la désignation des membres qui la composent, soit, en vertu de la qualité au nom de laquelle elles sont appelées à siéger, lorsque cette mention suffit à les identifier, soit, dans l'hypothèse où un membre peut se faire représenter par l'indication nominative de la personne qui pourra le représenter.

    CE. 16 janvier 2008, Sté Leroy Merlin, req. n°296.558


    Bien que nous en partagions pas totalement le sens et la portée, voici un arrêt qui a le mérite d’être le bienvenu - lequel sera, d’ailleurs, publié au Recueil – puisqu’il tend à trancher la question de la désignation des membres de la commission départementale d’équipement commercial par l’arrêté préfectoral en fixant la composition.

    On sait, en effet (cf : veille jurisprudence spéciale du 10/01/2008 & note du 23/08/2007), que cette question avait fait l’objet de réponses forts différentes de la part des Cours administratives d’appel ; à tel point, d’ailleurs, qu’il y avait presque autant de réponses distinctes que de Cours ayant été appelées à se prononcer sur cette question (comparer : CAA. Nancy, 8 novembre 2007, ATAC, req. n° 07NC00100 ; CAA. Bordeaux, 22 octobre 2007, SAS Immobilière Frey, req. n° 05BX02442 ; CAA. Lyon, 24 mai 2007, Ebt Pierre Fabre, req. n°04LY00261CAA ; CAA. Bordeaux, 21 mai 2007, req.n°04BX00374 ; CAA. Nantes, 19 décembre 2006, req. n°05NT01988 ; CAA Versailles, 8 juin 2006, req. n°04VE00164).

    Mais le Conseil d’Etat vient donc de remédier à ces divergences en jugeant que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 720-8, devenu L. 751-2, du code de commerce : La commission départementale d'équipement commercial (…) est composée : / 1° Des trois élus suivants : / a) Le maire de la commune d'implantation ; / b) Le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est membre la commune d'implantation ou, à défaut, le conseiller général du canton d'implantation ; / c) Le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement, autre que la commune d'implantation ; en dehors des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des communes de l'Essonne, du Val-d'Oise, des Yvelines et de Seine-et-Marne appartenant à l'agglomération parisienne, dans le cas où la commune d'implantation appartient à une agglomération multicommunale comportant au moins cinq communes, le maire de la commune la plus peuplée est choisi parmi les maires des communes de ladite agglomération ; / 2° Des trois personnalités suivantes : / a) Le président de la chambre de commerce et d'industrie dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son représentant ; / b) Le président de la chambre de métiers dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son représentant ; / c) Un représentant des associations de consommateurs du département. / Lorsque le maire de la commune d'implantation ou le maire de la commune la plus peuplée visée ci-dessus est également le conseiller général du canton, le préfet désigne pour remplacer ce dernier un maire d'une commune située dans l'agglomération multicommunale ou l'arrondissement concernés ; qu'aux termes de l'article 10 du décret du 9 mars 1993, devenu R. 751-6 du code de commerce : Pour chaque demande d'autorisation, un arrêté préfectoral fixe la composition de la commission ; que l'article 22 du même texte, devenu R. 752-23 du code de commerce, dispose que : Dans le délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement d'une demande d'autorisation, les membres de la commission départementale d'équipement commercial reçoivent, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, communication de cette demande accompagnée : - de l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission ; - de la lettre d'enregistrement de la demande prévue à l'article 21 ; - du formulaire visé à l'article 11 ; qu'enfin le formulaire visé à l'article 11 du même texte, devenu l'article R. 751-7 du code de commerce, est le document que chaque membre de la commission doit remettre dûment rempli au président de la commission pour pouvoir siéger et par lequel il déclare les intérêts qu'il détient et les fonctions qu'il exerce dans une activité économique ;
    (…)
    Considérant, en second lieu, qu'eu égard à l'objet et à la finalité des dispositions ci-dessus rappelées l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial appelée à statuer sur une demande d'autorisation de création d'un équipement commercial doit permettre de connaître à l'avance l'identité des personnes susceptibles de siéger par la désignation des membres qui la composent, soit, en vertu de la qualité au nom de laquelle elles sont appelées à siéger, lorsque cette mention suffit à les identifier, soit, dans l'hypothèse où un membre peut se faire représenter par l'indication nominative de la personne qui pourra le représenter ; que, dès lors, en jugeant que cet arrêté préfectoral devait préciser l'identité des représentants éventuels des élus et autorités mentionnées par les dispositions de l'article L. 720-8 du code de commerce et en en déduisant qu'était illégal l'arrêté du préfet des Yvelines du 10 juillet 2001 fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial des Yvelines appelée à se prononcer sur la demande d'autorisation présentée par la SOCIETE LEROY MERLIN, au motif qu'il se bornait à désigner les élus locaux et les représentants des compagnies consulaires en précisant que les uns et les autres pourraient se faire représenter sans indiquer le nom de ce représentant éventuel, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit
    ».


    En résumé, l’arrêté fixant la composition de la commission départementale d’équipement commercial, peut, d’une part, se limiter à identifier le maire de la commune d'implantation, le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est membre la commune d'implantation ou, à défaut, le conseiller général du canton d'implantation, le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement, autre que la commune d'implantation, le président de la chambre de commerce et d'industrie ainsi que le président de la chambre de métiers dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation par la simple indication de ces qualités mais en revanche doit, d’autre part, identifier nominativement les représentants éventuels de ces derniers ainsi que cexux des associations départementales de consommateurs appelées à siéger.

    En cela, l’arrêt commenté contredit donc clairement la position de la doctrine administrative et, plus précisément, de l’article 127 de la circulaire ministérielle du 16 janvier 1997, portant application des dispositions de la loi d’orientation du commerce et de l’artisanat du 27 décembre 1973, lequel avait précisé que « l’arrêté décrit la composition de la commission, telle qu’elle figure à l’article 30 de la loi du 27 décembre 1973 modifiée. Seuls apparaissent nominativement les représentants, titulaire et suppléant, des associations de consommateurs ».

    Néanmoins, nous ne partageons pas le sens et la portée de l’arrêt commenté dans la mesure où :

    - tout d’abord et d’une façon générale, aucune disposition du Code de commerce ne prévoit cette désignation nominative des membres de la commission cependant que lorsque ses auteurs ont jugé utile une telle désignation, il n’ont pas manqué de le préciser expressément, notamment, dans le cadre de la procédure de vote pour laquelle les bulletins doivent être nominatifs en application de l’article R.752-30 du Code de commerce ;
    - ensuite et de façon plus spécifique, si cette désignation nominative tend à permettre le contrôle de l’impartialité des membres de la commission, le Code de commerce prévoit que ce contrôle a vocation à être assuré, après l’arrêté de fixation de la composition de la commission, par le Préfet à travers l’examen des formulaires de déclaration d’intérêts prescrits par l’article R.751-7 du Code de commerce ;
    - enfin et plus concrètement, cependant que les membres de la commission ont, à cet égard, pour seule obligation de transmettre leur formulaire de déclaration d’intérêt avant, mais sans délai particulier, que la commission ne délibère sur la demande d’autorisation, la désignation nominative de certains de ces membres dès l’édiction de l’arrêté en cause implique de « cristalliser » la composition de la commission au moins un mois avant qu’elle ne procède à cette délibération et, le cas échéant, de reprendre la procédure à ce stade lorsque les personnes nominativement désignées ne peuvent participer à la réunion, si bien que leur empêchement de dernière minute ne permet pas d’atteindre le quorum requis pour délibérer, alors que les délais pour ce faire sont strictement encadrés...



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur la date à prendre en compte pour apprécier la formation d’une décision tacite de prorogation du délai de validité d’un permis de construire

    Il résulte des dispositions combinées de l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme et de l’article 16 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 que l’autorité compétente doit, pour apprécier la durée de deux mois dans laquelle est susceptible d’intervenir une prorogation tacite du délai de validité du permis de construire, prendre en compte la date d’envoi postal de la demande de prorogation, quelle que soit sa date de réception. Dès lors, lorsque la preuve de l’envoi d’une demande de prorogation au moins deux mois avant l’expiration dudit délai est apportée, la prorogation tacite est alors acquise à l’issue du délai de validité initial du permis de construire.

    TA. Nice, 6 décembre 2007, Mme Léon, req. n°04-04424 (signalé dans la lettre du TA de Nice n°6 - février 2008.pdf)


    Voici un jugement doublement intéressant, d’abord, de par l’originalité et le pragmatisme de la solution retenue, ensuite et surtout, parce qu’il touche à une problématique qu’a certes traitée la récente réforme des autorisations d’urbanisme mais ce, d'une façon nettement moins originale et, surtout, judicieuse.

    Comme on le sait, le délai de validité initial de deux ans du permis de construire régi par l’ancien article R.421-32 du Code de l’urbanisme pouvait être prorogé d’un an – et le peut, d’ailleurs, encore (art. R.424-23 & R.424-23 ; C.urb) - « sur demande de son bénéficiaire adressée à l’autorité administrative l’expiration du(dit) délai » ; cette « prorogation (étant) acquise au bénéficiaire si aucune décision ne lui a été adressée dans le délai de deux mois suivant la date de l’avis de réception postal ou de la décharge, de l’autorité compétente pour statuer sur la demande ».

    Il reste que suivant la lettre de l’ancien article R.421-32 du Code de l’urbanisme (ou de son prédécesseur l’ancien article R.421-38) et le principe selon lequel les délais d’action ouvert à l’administration pour statuer sur les demandes dont elle est saisie courent à compter de la réception de cette demande, il avait été jugé qu’il était nécessaire que la demande non seulement soit envoyée mais encore qu’elle soit reçue par l’autorité compétente au moins deux mois avant l’extinction du délai de validité initial du permis de construire (pour exemple : CE. 12 octobre 1979, Antonini, req. n°13331) puisqu’à défaut il ne pouvait y avoir de prorogation tacite dès lors que la seule demande de prorogation n’interrompt pas ce délai (pour exemple : CE. 14 mars 1973, SCI Plein Ciel, req. n°87.547) et qu’en toute logique, un permis de construire caduc ne peut être la base légale d’aucun acte subséquent : « modificatif », transfert ou, donc, prorogation (CE. 4 juin 1982, Tradimmo, Rec.,p.213).

    Mais depuis l’entrée en vigueur des dispositions précitées de l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme et la jurisprudence susvisée, est intervenue une disposition nouvelle et de nature législative, en l’occurrence l’article 16 de la loi n°2000-321 du Code de l’urbanisme dont on précisera qu’il dispose :

    « Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou produire un document auprès d'une autorité administrative peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi postal, le cachet de la poste faisant foi, ou d'un envoi par voie électronique, auquel cas fait foi la date figurant sur l'accusé de réception ou, le cas échéant, sur l'accusé d'enregistrement adressé à l'usager par la même voie conformément aux dispositions du I de l'article 5 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives. Ces dispositions ne sont applicables ni aux procédures régies par le code des marchés publics, ni à celles relevant des articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, ni à celles pour lesquelles la présence personnelle du demandeur est exigée en application d'une disposition particulière ».

    En substance, l’article précité pose donc le principe selon lequel l’obligation d’accomplir une formalité, telle la présentation d’une demande, à une date ou une échéance déterminée est respectée dès lors que, notamment, cette demande est envoyée, au plus tard, à cette date ou à l’issue de cette échéance et ce, alors même qu’elle est reçue par l’administration ultérieurement.

    C’est pourquoi le Tribunal administratif de Nice vient donc de juger qu’il résulte des dispositions combinées de l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme et de l’article 16 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 que l’autorité compétente doit, pour apprécier la durée de deux mois dans laquelle est susceptible d’intervenir une prorogation tacite du délai de validité du permis de construire, prendre en compte la date d’envoi postal de la demande de prorogation et ce, quelle que soit sa date de réception.

    Ainsi, lorsque la preuve de l’envoi d’une demande de prorogation au moins deux mois avant l’expiration dudit délai est apportée, la prorogation tacite est alors acquise à l’issue du délai de validité initial du permis de construire, y compris, donc, lorsque la demande a été reçue par l’administration après cette échéance.

    Il reste que pour être pragmatique, cette solution n’a plus autant d’intérêt dans le dispositif issu du décret du 5 janvier 2007 et ce, bien que les nouveaux articles R.424-22 et R.424-23 du Code de l’urbanisme issu de ce décret disposent, eux-mêmes, respectivement que, d’une part, « la demande de prorogation est établie en deux exemplaires et adressée par pli recommandé ou déposée à la mairie deux mois au moins avant l'expiration du délai de validité » et que, d’autre part, « la prorogation est acquise au bénéficiaire du permis si aucune décision ne lui a été adressée dans le délai de deux mois suivant la date de l'avis de réception postal ou de la décharge de l'autorité compétente pour statuer sur la demande (…) ».

    En effet, l’objet du jugement ici commenté – et ce qui nous semble pouvoir expliquer et, en toute hypothèse, justifier son pragmatisme – procède de la problématique posée par le dispositif de l’ancien article R.421-32 du Code de l’urbanisme dont il résultait que la prolongation d’un an prenait effet dès la décision de la date l’accordant et non pas à compter de l’expiration du délai initial de validité du permis de construire (CE. 7 mai 2003, Association pour la protection du patrimoine martiniquais, req. n°251.196).

    Il s’ensuivait qu’un constructeur prudent prenant le soin d’adresser sa demande plus de deux mois avant l’expiration du délai de validité de son autorisation perdait le bénéficie du temps restant à courir à la date à laquelle l’administration accordait cette demande ; d’où la tentation d’optimiser le délai de validité du permis de construire en adressant la demande de prorogation quelques jours seulement avant l’échéance prévue pour ce faire et ainsi de prendre le risque que celle-ci ne soit reçue qu’après cette échéance.

    Or, tel ne sera plus le cas, puisque le nouvel article R.424-23 du code de l’urbanisme précise expressément que « la prorogation prend effet au terme de la validité de la décision initiale ».

    Il reste qu’outre cette condition d’ordre procédural, la prorogation du délai de validité du permis de construire et sa légalité restent subordonnées, sur le fond, à la condition que « les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'(aie)nt pas évolué de façon défavorable à son égard » (art. R.424-21 ; C.urb) à la date de la décision accordant cette prorogation.

    Or, la règle introduite par l’article R.424-23 du Code de l’urbanisme et selon laquelle « la prorogation prend effet au terme de la validité de la décision initiale » a une autre conséquence : puisque ce n’est qu’à compter de l’expiration du délai visé par le nouvel article R.424-17 du code de l’urbanisme que prend effet la prolongation, quand bien même aura-t-elle était accordée avant cette échéance, on voit mal ce qui pourrait s’opposer, en l’état, à ce que les opérateurs anticipent, bien en amont et sans conséquence, une éventuelle évolution défavorable des prescriptions d’urbanisme et des servitudes administratives opposables à leur projet puisque dès lors que l’article R.424-23 ne prévoit pas la date à partir de laquelle la demande de prorogation peut être présentée, celui-ci n’empêche pas, en lui-même, qu’après avoir obtenu un permis de construire, son titulaire en sollicite la prorogation dès le lendemain pour ainsi l’obtenir, au plus tard, 22 mois avant l’expiration du délai de validité initial de son autorisation.

    En l’absence d’une modification de ce dispositif, force est d’admettre qu’une telle pratique ne devrait pas manquer de se développer ; ce qui pourrait, d’ailleurs, conduire le Conseil d’Etat a introduire dans le droit de l’urbanisme une notion certes connexe de la de fraude mais néanmoins distincte et qui lui est étrangère : l’abus de droit.

    Quant à l’autre principale modification du régime de validité du permis de construire, la suspension du délai de validité d’un permis de construire par le simple jeu d’un recours en annulation à son encontre, nous aurons surement l’occasion de traiter ultérieurement du cas du pétitionnaire qui « fait attaquer » sa propre autorisation…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Un simple « nota bene » attirant le pétitionnaire sur l’état du sol et lui préconisant la réalisation de sondages avant l’exécution des travaux ne constitue pas une prescription susceptible d’assurer la légalité du permis de construire ainsi délivré.

    Lorsque l’un des services consultés sur une demande de permis de construire a sollicité l’accomplissement de formalité avant de rendre son avis, l’autorité compétente se doit d’attendre le résultat de ces formalités et l’avis subséquent de ce service avant de statuer sur la demande et ne saurait donc, avant cela, légalement délivrer le permis de construire en recommandant au pétitionnaire d’accomplir ces formalités.

    TA. Versailles, 7 novembre 2007, Pénon, req. n°04-07353.pdf


    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait présenté une demande de permis de construire sur un terrain couvert par un arrêt préfectoral édicté en considération des risques générés par la présence d’ancienne carrière de calcaire et, selon toute vraisemblance, pris en application de l’arrêté interpréfectoral du 26 janvier 1966.

    A ce titre, la demande de permis de construire devait ainsi être soumise à l’avis de l’inspecteur général des carrières, lequel s’estima cependant insuffisamment renseigné sur l’état du sous-sol du terrain à construire et sollicita conséquemment du pétitionnaire qu’il réalise une campagne de sondages dont les résultats devraient lui être communiqués pour qu’il émette son avis définitif.

    Mais cette formalité ne fut pas accomplie et le maire décida d’octroyer le permis de construire sollicité en l’assortissant d’un simple « nota bene » consistant à attirer l'attention du pétitionnaire sur la présence de carrières en sous-sol et à l'inviter à procéder à des sondages et aux travaux confortatifs nécessaires avant de réaliser tout projet menaçant la stabilité des constructions ; et c’est sur ce point, notamment, que ce permis de construire devait être attaqué.

    A titre liminaire, il incombait ainsi au Tribunal administratif de Versailles de trancher la légalité de la position de l’inspection générale des carrières en ce qu’elle avait subordonné son avis à la réalisation d’une compagne de sondages sur le terrain à construire et à l’établissement d’une étude en présentant les résultats.

    Cette question n’est pas nouvelle. Et bien qu’elle n’ait pas donné lieu à une abondante jurisprudence, celle-ci a néanmoins été tranchée par un arrêt du Conseil d’Etat publié au Recueil.

    Dans un premier temps et suivant le principe selon lequel une prescription doit avoir un fondement légal, la Cour administrative d’appel de Paris avait jugé que :

    « Considérant que, dans son avis du 18 août 1995, auquel fait référence l'arrêté refusant le permis de construire, l'inspecteur des carrières a subordonné l'intervention d'un avis définitif, comportant l'indication du type de travaux à retenir sous la construction projetée pour tenir compte de la présence d'une ancienne carrière de gypse, aux résultats d'une "campagne de recherche systématique des caractéristiques de la carrière et de son état de remblaiement sous le bâtiment et son extension" que "le demandeur devra faire exécuter par une entreprise ou un bureau d'études spécialisé" ; qu'aucune disposition du code de l'urbanisme, qui énumère limitativement les pièces exigées à l'appui d'une demande de permis, n'impose qu'un pétitionnaire doive joindre une telle étude à sa demande ; que si l'arrêté interpréfectoral du 26 janvier 1966 relatif aux zones d'anciennes carrières de Paris et du département de la Seine prévoit, dans son article premier, que les demandes de permis de construire sont transmises pour examen et avis à l'inspection générale des carrières lorsque le terrain est situé dans une telle zone, afin que soient précisées les conditions qui seront inscrites dans le permis et auxquelles devra satisfaire le maître de l' uvre en vue d'assurer la stabilité des constructions projetées, et, dans son article deux, que celui-ci est tenu, préalablement à l'édification de la construction, de se conformer aux conditions particulières qui lui ont été prescrites en application de l'article premier, aucune disposition de ce texte ne subordonne l'édiction de ces conditions particulières, par le service compétent, aux résultats d'une étude de l'état de la carrière qui devrait être effectuée préalablement par les soins et aux frais du pétitionnaire ; que l'avis émis le 18 août 1995 par l'inspecteur des carrières étant dès lors irrégulier, le maire de Paris ne pouvait se retrancher derrière l'absence d'avis définitif pour refuser le permis sollicité ; que M. X... est, en conséquence, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus au motif que, l'avis exigé par les textes n'ayant pas été formulé en l'absence de diligences effectuées par le pétitionnaire pour satisfaire à la condition qui lui était imposée, le maire de Paris était tenu de refuser le permis sollicité » (CAA. Paris, 27 février 2001, Magerand, req. n°97PA01279 ; concl. Massias in BJDU, n°3/2001, p.171).

    Mais cet arrêt devait être réformé par le Conseil d’Etat au motif suivant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R.111-3 en vigueur à la date de la décision attaquée : "La construction sur des terrains exposés à un risque, tel que : inondation, érosion, affaissement, éboulement, avalanches, peut, si elle est autorisée, être subordonnée à des conditions spéciales" ; que l'article 1er de l'arrêté interpréfectoral du 26 janvier 1966 prévoit que "les demandes de permis de construire concernant l'édification, la surélévation, l'extension ou la modification de bâtiments dans Paris et dans le département de la Seine sont transmises pour examen et avis à l'inspection générale des carrières lorsque le terrain est situé dans une zone d'anciennes carrières, afin que soient précisées les conditions qui seront inscrites dans le permis de construire en vue d'assurer la stabilité des constructions projetées";
    Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'inspection des carrières peut légalement, dans les zones délimitées par l'arrêté interpréfectoral précité, émettre un avis défavorable à la délivrance du permis demandé lorsqu'elle ne dispose pas d'études suffisamment précises sur l'état du sous-sol pour garantir la stabilité de la construction projetée, alors même que l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme n'impose pas la production d'une telle étude parmi les pièces devant figurer dans le dossier de demande de permis de construire ; que la circonstance qu'elle suggère au demandeur, s'il souhaite persister dans son projet, de faire réaliser des études sur l'état du sous-sol n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'avis ainsi émis ; qu'en jugeant qu'en demandant la production d'une telle étude, l'inspecteur des carrières avait excédé ses pouvoirs et donc entaché son avis d'illégalité, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; qu'ainsi la VILLE DE PARIS est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué
    » (CE. 14 mars 2003, Ville de Paris, req. n°233.545, Rec., p.129 ; concl. Mitjavile n°2/2003, p.85).

    NB : cette décision confirme que, nonobstant le caractère limitatif des pièces énumérées par le Code de l’urbanisme au sujet de la composition des dossiers de demande d’autorisation, il peut néanmoins incomber au pétitionnaire d’en produire d’autres dès lors qu’elles sont nécessaires pour établir la conformité du projet.

    C’est donc sans grande surprise qu’en l’espèce, le Tribunal administratif de Versailles devait juger que la demande de l’inspection générale était légale et, par voie de conséquence, qu’en délivrant le permis de construire sollicité sans attendre les résultats de la campagne de sondages ainsi sollicitée et, a fortiori, ses résultats, le maire avait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation au regard, notamment, des dispositions de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme (lequel, depuis l’abrogation en 1995 de l’article R.111-3, englobe dans une certaines mesures les aspects antérieurement saisis par ce dernier).

    Pour autant, l’arrêté de permis de construire contesté n’était pas totalement taisant sur la question de l’état du sol et des risques qu’il était susceptible de générer puisqu’il comportait, donc, un "nota bene" attirant l'attention du pétitionnaire sur la présence de carrières en sous-sol et l'invitant à procéder à des sondages et, le cas échéant, aux travaux confortatifs nécessaires avant de réaliser tout projet menaçant la stabilité des constructions.

    Il reste que ni sur le forme, ni sur le fond, une telle recommandation n’était susceptible d’assurer la conformité du projet en cause et partant la légalité du permis de construire s’y rapportant.

    Rappelons, en effet, que lorsque le projet présenté par le pétitionnaire n’apparaît pas, au vu des pièces du dossier qu’il produit, pleinement conforme aux prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables mais qu’un simple « ajustement » du projet permettrait d’assurer cette conformité, l’administration a la possibilité ou, plus précisément, l’obligation de délivrer le permis de construire sollicité mais ce, en l’assortissant de prescriptions aptes, à elles-seules, à assurer la conformité du projet.

    Mais pour qu’il en soit ainsi, il doit s’agir d’une véritable prescription, c’est-à-dire d’une mesure non pas purement informative ou incitative mais d’une mesure imposant une réelle obligation au pétitionnaire.

    De ce seul chef, le "nota bene" en cause, rédigé à titre informatif, ne constituait donc pas une prescription puisqu’il consistait en une simple recommandation.

    Est-ce à dire que s‘il avait imposé au pétitionnaire de réaliser les sondages préconisés par l’inspection générale des carrières, le maire aurait ainsi assurer la légalité du permis de construire litigieux ? La réponse est clairement négative.

    Il résulte, en effet, de la jurisprudence rendu en application de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme (repris par les dispositions combinées des nouveaux articles L.421-6 et L.421-7) qu’un permis de construire ne peut être légalement délivré qu’à la condition qu’il soit établi, à sa date de délivrance, que le projet est pleinement conforme aux prescriptions d’urbanisme se rapportant aux aspects du projet visé par cette article ; ce qui implique qu’en statuant sur la demande et en délivrant le permis de construire sollicité, l’administration prenne parti sur chacun de ces aspects et n’en laisse aucun en suspend.

    Il s’ensuit qu’une prescription ne peut tendre qu’à imposer une obligation dont l’exécution assura en elle-même la conformité du projet au regard de la norme d’urbanisme en cause. Par voie de conséquence, une prescription ne peut légalement se borner à imposer la réalisation d’une démarche dont l’accomplissement n’assurera pas à elle seule cette conformité, laquelle dépendra encore des résultats de celle-ci puisqu’en pareil cas, l’administration ne prend pas directement et immédiatement parti sur la conformité du projet mais en laisse en suspend à la date de délivrance du permis de construire et, par voie de conséquence, se décharge de sa compétence. A titre d’exemple, il a ainsi été jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L.421-3 du code de l'urbanisme : "le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions,... et l'aménagement de leurs abords" ; que les dispositions de l'article UA 3 du plan d'occupation des sols d'Orgeval précisent : "Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée en bon état de viabilité ... Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique" ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par l'arrêté attaqué en date du 15 décembre 1983, le commissaire de la République du département des Yvelines a accordé à la société civile immobilière ASCODI un permis de construire un ensemble immobilier comprenant 29 logements et des locaux destinés à des activités artisanales et de bureaux sur un terrain situé ... ; que l'article 2 de ce permis précisait qu'avant tout commencement d'exécution de travaux, le pétitionnaire devrait se mettre en rapport avec les services techniques et administratifs intéressés par la réalisation du projet afin d'arrêter les modalités de construction et de raccordement sur la voirie, obtenir des services compétents les arrêtés d'alignement à respecter, et prendre contact avec les services de l'équipement afin d'arrêter les dispositions à adopter en ce qui concerne la structure de la voirie intérieure, des parkings et des trottoirs ; qu'ainsi l'arrêté attaqué ne comportait pas de prescription expresse concernant l'aménagement des abords des constructions projetées, et renvoyait à une concertation ultérieure avec les services de l'équipement l'adaptation des accès à l'opération ;
    Considérant qu'en s'abstenant ainsi de définir, dans l'arrêté litigieux, les dispositions indispensables pour aménager les accès à la construction compte tenu de l'étroitesse de la rue des Alluets, le commissaire de la République a méconnu les dispositions précitées du code de l'urbanisme et du plan d'occupation des sols d'Orgeval
    ; qu'il résulte de ce qui précède que ni le ministre de l'équipement, ni la société civile immobilière ASCODIF ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 15 décembre 1983 accordant un permis de construire à ladite société
    » (CE. 16 janvier 1987, SCI l’Ascodif, req. n° 64.032. Voir également, sur le même point et dans le même sens : CAA. Marseille, 18 février 1999, M. Tremellat, req. n°96MA02391) ;

    et

    « Considérant qu'aux termes de l'article L.421-3 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions, leur destination, leur nature ..." ; qu'aux termes de l'article UC 4-2 b] du règlement du Plan d'Occupation des Sols de la ville de Saint-Raphaël, approuvé par arrêté préfectoral du 30 novembre 1979 : "Les eaux pluviales provenant des toitures des constructions et des surfaces imperméabilisées doivent être conduites dans les caniveaux, fossés ou collecteurs d'évacuation prévus à cet effet. En aucun cas, elles ne doivent être rejetées dans le réseau public d'assainissement des eaux usées, sauf en cas de réseau unitaire existant" ; qu'enfin, aux termes de l'article R.421.2 du code de l'urbanisme : "lorsque la demande concerne la construction de bâtiments ou d'ouvrages devant être desservis par des équipements publics, le plan de masse ... indique le tracé de ces équipements et les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages y seront raccordés. A défaut d'équipements publics, ce plan de masse indique les équipements privés prévus ..." ;
    Considérant que le plan de masse joint à la demande de permis de construire présentée par la S.C.I. "Les Cyprinées" pour un ensemble de seize pavillons en bande prévoyait le refoulement des eaux pluviales vers le collecteur pluvial public de l'avenue de Boulouris, située en contrehaut du terrain d'assiette du projet ; que, toutefois, si l'arrêté attaqué du maire de Saint-Raphaël accordant le permis excluait expressément cette solution, il se bornait, pour le surplus, à inviter le pétitionnaire "à solliciter auprès des services techniques municipaux les attestations de raccordement de la construction aux réseaux publics d'assainissement et pluvial" ; qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain n'était desservi par aucune autre canalisation relevant d'un réseau public d'évacuation des eaux pluviales ; que, dans ces conditions et alors qu'il ne contenait aucune indication sur la façon dont serait assuré le respect des dispositions de l'article UC 4 du règlement du plan d'occupation des sols, le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions réglementaires précitées et doit être annulé ; que M. MASSONI est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a refusé de prononcer cette annulation
    » (CE.28 octobre 1987, Massoni, req. n°66.992).

    ou encore que :

    « Considérant (…) qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports d'expertise qui y figurent, que la parcelle sur laquelle devait être édifié l'immeuble d'habitation autorisé par les arrêtés du préfet de l'Ain en date des 8 juillet 1982 et 6 juin 1984 était dans le périmètre de protection rapproché des ouvrages de captage d'eau potable destinés à l'approvisionnement de l'agglomération de Bourg-en-Bresse, et à la limite du périmètre de protection immédiate (…) ; que dans cette circonstance, en délivrant le permis de construire sans imposer des conditions précises quant aux caractéristiques du dispositif d'assainissement, mais en se bornant à prévoir que ce dispositif serait soumis à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, le préfet de l'Ain a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme » (CE. 25 septembre 1987, Ministre de l’urbanisme, du logement et des transports, req. n° 66734).

    Or, en l’espèce, même s’il avait imposer au pétitionnaire procéder à des sondages et aux travaux confortatifs nécessaires avant de réaliser tout projet menaçant la stabilité des constructions, il reste que ce faisant, le maire ne se serait pas assurer lui-même de la constructibilité du terrain au regard de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme et, le cas échéant, du caractère adéquat des travaux confortatifs envisagés mais en aurait laissé juge le seul pétitionnaire…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Veille administrative (Réponse ministérielle) : Le Ministère maîtrise-t-il la réforme des autorisations d’urbanisme dont il est l’auteur ?

    C’est la question que l’on est en droit de se poser à la lecture de la réponse ministérielle citée ci-dessous, où l’on apprend s’agissant du « changement de destination d'un immeuble à usage d'habitation en immeuble à usage de bureaux » que « si cette transformation n'est pas accompagnée de travaux, (il) n'est astreint à aucune formalité au titre du permis de construire »… alors qu’il s’agit d’un des aspects les plus significatifs de la récente réforme des autorisations d’urbanisme.

    TEXTE DE LA QUESTION (publiée au JO le 28/08/2007 ; p.5351)

    « Reprenant les termes de la question écrite qu'elle avait posée le 1er mai 2007 sous la précédente législature, demeurée sans réponse, Mme Marie-Jo Zimmermann attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur le cas d'une personne qui obtient un permis de construire pour un immeuble à usage d'habitation et qui, finalement, tout en ayant scrupuleusement respecté le permis de construire, utilise cet immeuble pour des bureaux à destination de professions libérales. Elle souhaiterait connaître quels sont, dans cette hypothèse, les moyens de recours de la commune ou, éventuellement, des riverains »

    TEXTE DE LA REPONSE (publiée au JO le 29/01/2008 ; p.793)

    « Le changement de destination d'un immeuble à usage d'habitation en immeuble à usage de bureaux, si cette transformation n'est pas accompagnée de travaux, n'est astreint à aucune formalité au titre du permis de construire. Le changement opéré ne peut, éventuellement, être soumis qu'à l'autorisation préalable de changement d'usage prévue à l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. Toute infraction aux dispositions de cet article est sanctionnée par les peines et mesures de restitution prévues à, l'article L. 651-2 du même code. En revanche, dès lors que l'utilisation faite des locaux de l'immeuble méconnaît les dispositions du plan d'occupation des sols ou du plan local d'urbanisme, l'infraction prévue à l'article L. 160-1 alinéa 1er du code de l'urbanisme est constituée, et il appartient au maire au premier chef et à toute personne concernée de faire engager des poursuites pénales en application de l'article L. 480-1 et suivants du même code ».

     

    Sous l’empire de l’ancien article L421-1 du Code de l’urbanisme, tous les travaux emportant un changement de destination relevaient du permis de construire, quelle que soit la nature et l’importance des travaux projetés, y compris s’il s’agissait de simples travaux d’aménagement intérieur n’ayant aucun impact sur le volume, le nombre de niveaux et l’aspect extérieur de la construction existante considérée (Cass. crim., 11 février 1992, Cne de cassis, pourvoi n°90.80702).

    Il reste qu’il était nécessaire que des travaux soient effectués puisque le droit des autorisations d’urbanisme ne saisissait pas le cas des changements de destination résultant d’un simple usage et, en d’autres termes, ne s’accompagnant d’aucun travaux concomitants.

    Or, les nouveaux articles R.421-13, R.421-14 et R.421-17 du Code de l’urbanisme ont totalement bouleversé le principe et les règles issus de l’ancien article L.421-1.

    En premier lieu, les articles précités saisissent et régissent les changements de destination des constructions existantes en tant que tels et, par principe, indépendamment donc de toute considération liée au fait de savoir s’ils accompagnent ou non de travaux.

    En second lieu, les changements de destination relèvent, par principe, du régime déclaratif, sauf, par exception, à relever des cas pour lesquels un permis de construire est requis au titre du nouvel article R.421-14.

    Il reste que cet article ne saisit expressément qu’à une occasion le cas des changements de destination et ce, pour assujettir à permis de construire « les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination » ; ce dont il résulte, d’une part, qu’à défaut de s’accompagner d’un changement de destination, ces travaux seront dispensés de toute formalité et, d’autre part, qu’aucun changement de destination n’est assujetti en tant que tel à permis de construire. Par voie de conséquence, des travaux emportant un changement de destination ne pourront être assujettis à permis de construire qu’à la condition qu’à un autre titre, ils relèvent de l’un ou plusieurs des cas prévus par des nouveaux articles R.421-14, R.421-15 et R.421-16 du code de l’urbanisme.

    Pour être complet sur ce point, on soulignera également que le nouvel article R.421-14 du code de l’urbanisme apporte deux précisions – ultérieurement reprises par le nouvel article R.421-17 relatif aux travaux et changements de destination soumis à déclaration – s’agissant du mode d’appréciation de ces changements.

    D’une part, il précise que les changements de destination à prendre en compte sont les changements entre les différentes destinations définies à l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme relatif au contenu des prescriptions du règlement du plan local d’urbanisme (sur le mode d'appréciation dans le temps, voir ici). En effet, une des principales difficultés rencontrées pour l’application du régime du permis de construire aux travaux emportant un changement de destination d’une construction existante tenait, au premier chef, à ce que le code de l’urbanisme ne précisait jamais les différentes destinations possibles d’une construction ; les différentes catégories énoncées par le formulaire « CERFA » de demande de permis de construire ne trouvant leur fondement dans aucune disposition législative ou réglementaire du code.

    C’est ainsi à la jurisprudence qu’a incombé le rôle de déterminer si un changement d’usage ou d’affectation constituait ou non un changement de destination au sens, principalement, des anciens articles L.421-1 et R.422-2 (m) du code de l’urbanisme, ce dont il a résulté un nombre considérable de destinations possibles, aux limites et aux nuances parfois subtiles et difficiles à circonscrire.

    Or, si l’article R.123-9 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU » est venu préciser cette notion, ce n’est qu’à l’égard des possibilités de moduler les prescriptions d’un règlement de plan local d’urbanisme en considération de la destination des constructions considérées.

    Précisément, le nouvel article R.421-14 du code de l’urbanisme fait de l’article R.123-9 une référence plus générale valant également pour ce qui concerne le contrôle des changements de destination. Au sens du nouvel article R.421-14 constitue ainsi un changement de destination celui intervenant entre les différentes catégories prévues par l’article R.123-9, à savoir les constructions destinées à l’habitation, à l’hébergement hôtelier, aux bureaux, aux commerces, à l’artisanat, à l’industrie, les exploitations agricoles ou forestières.

    Il reste qu’il faut souligner l’absence de précision du rédacteur du décret lequel s’est bordé à viser l’article R.123-9 du code de l’urbanisme alors que cet article dispose, d’une façon générale, que « les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt » mais ce, tout en précisant, plus particulièrement, que « en outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif », lesquels constituent, dans les plans locaux d’urbanisme, une des destinations possibles d’une construction.

    Or, il s’agit d’une destination spécifique qui, en substance, se substitue à la destination primaire de l’ouvrage considéré. C’est ainsi qu’à titre d’exemple, une résidence médicalisée privée pour personnes âgées constitue intrinsèquement et en toute hypothèse une construction à destination de commerce, laquelle peut toutefois accéder au statut d’équipement collectif et être soumise aux prescriptions spécifiquement prévues par le plan local d’urbanisme pour ce type d’équipement, si d’une façon plus particulière la résidence considérée répond à un besoin de la population. On peut dès lors se demander si la catégorie des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif » constituera une destination à part entière pour application du principe posé par les nouveaux articles R.421-14 et R.421-17. Mais a priori, la réponse devrait être négative puisque si tel était le cas, le simple fait pour une construction de perdre les caractéristiques pour lesquelles elle pouvait être considérée comme un équipement d’intérêt collectif, pour ainsi s’en retrouver réduite à sa destination primaire, constituerait un changement de destination.

    D’autre part, le nouvel article R.421-14 du code de l’urbanisme précise expressément que pour l’application de ses dispositions visant le cas d’un changement de destination, « les locaux accessoires d’un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal ».

    Il faut rappeler, en effet, qu’au regard de la jurisprudence rendue en la matière, notamment, au titre des anciens articles L.421-1 et R.422-2 (m) du code de l’urbanisme, non seulement le nombre de destinations possibles d’une construction était élevé mais, en outre, une même construction pouvait présenter plusieurs destinations puisque la destination d’un ouvrage n’était pas déterminée en considération de sa vocation générale ou de sa destination dominante mais appréciée local par local (CE.5 avril 1996, Caisse générale de retraite des cadres par répartition, req. n°133813)

    C’est ainsi qu’à titre d’exemple, des travaux tendant à rendre habitable un garage annexe d’une habitation emportaient un changement de destination de ce local exigeant un permis de construire et non pas une simple déclaration de travaux, y compris si sa surface de plancher était inférieure à 20 mètres carrés (CAA. Nantes, 2 décembre 1998, M. Luccioni, req. n°96NT02119).

    Précisément, il résulte de la règle posée par le nouvel article R.421-14 du code de l’urbanisme qu’un tel changement ne constituera plus un changement de destination susceptible d’être soumis à autorisation puisque ce garage, en tant que local accessoire, sera réputé avoir la même destination que le local principal, en l’occurrence l’habitation. II reste qu’ici encore, il incombera à la jurisprudence de définir ces notions de locaux accessoires et de locaux principaux.

    Il n’en demeure pas moins qu’il résulte de ce que qui précède que le changement de destination évoqué dans la réponse ministérielle ici commentée est assujetti à la formation préalable d’une décision de non-opposition à une déclaration formulée au titre de l’article R.421-17 (b) du Code de l’urbanisme…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés