Sur le contentieux des actes portant approbation d’une carte communale
Si la délibération approuvant une carte communale n’est qu’un acte préparatoire insusceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, son irrégularité peut néanmoins être excipée dans le cadre d’un recours en annulation dirigé à l’encontre de l’arrêté préfectoral approuvant ce document.
CAA. Nancy, 8 novembre 2007, SCI Gelucourt, req. n°06NC00702
Voici un arrêt qui, s’il n’appelle que peu de commentaires, mérite néanmoins d’être relevé dans la mesure où il intéresse le contentieux des cartes communales et, plus précisément, la recevabilité des recours introduits à l’encontre de ce document d’urbanisme et l’acte d’approbation contre lequel ils doivent être dirigés (depuis, voir ici).
Aux termes de article L.124-2 du Code de l’urbanisme, en effet, « les cartes communales sont approuvées, après enquête publique, par le conseil municipal et le préfet. Elles sont approuvées par délibération du conseil municipal puis transmises pour approbation au préfet, qui dispose d'un délai de deux mois pour les approuver. A l'expiration de ce délai, le préfet est réputé les avoir approuvées. Les cartes communales approuvées sont tenues à la disposition du public ».
Il s’ensuit que l’arrêté préfectoral de « co-approbation » est un véritable acte décisoire et n’est donc pas comparable à la transmission en préfecture de la délibération approuvant un PLU ; cette transmission ayant pour seul effet de conférer au PLU un caractère exécutoire. S’agissant des mesures publicité de la carte communale, l’article R.124-8 du Code de l’urbanisme précise, d’ailleurs, que : « la délibération et l'arrêté préfectoral qui approuvent ou révisent la carte communale sont affichés pendant un mois en mairie ou au siège de l'établissement public de coopération intercommunale compétent et, dans ce cas, dans les mairies des communes membres concernées. Mention de cet affichage est insérée en caractères apparents dans un journal diffusé dans le département. L'arrêté préfectoral est publié au Recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département (…) ».
Une carte communale n’est donc approuvée – et par voie de conséquence, n’acquiert sa place dans l’ordonnancement juridique – qu’après la décision expresse ou tacite du Préfet. C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Nancy avait déjà eu l’occasion de juger que :
« Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la délibération du conseil municipal ou de l'établissement public de coopération intercommunale approuvant une carte communale est un simple acte préparatoire à la décision du préfet arrêtant la carte communale, insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que par suite, les conclusions de la demande des époux X devant le tribunal administratif étaient irrecevables en tant qu'elles tendaient à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune d'Aussonce en date du 15 avril 2003 approuvant le projet de carte communale » (CAA. Nancy, 4 août 2006, M. et Mme Jean-Louis X., req. n°05NC00237) ;
pour ainsi transposer aux cartes communales, la solution qui avait été dégagée s’agissant des anciennes « MARNU » (TA Poitiers, 2 décembre 1997, Cts Bourgeois, AFDUH, 1998, p.332).
Mais la Cour administrative d’appel de Nancy vient de préciser que :
« Considérant que s'il résulte des dispositions qui précèdent que les cartes communales font l'objet d'une approbation donnée distinctivement par le conseil municipal et le préfet, leur entrée en vigueur est subordonnée à l'approbation préfectorale ; que si l'approbation donnée par le conseil municipal ne revêt ainsi qu'un caractère préparatoire à la décision du préfet, laquelle peut seule faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, les requérants sont recevables à exciper, à l'appui d'un tel recours, des éventuelles irrégularités entachant la délibération préalable du conseil municipal ».
Cette décision a un double intérêt.
D’une part, il est donc clair que la délibération approuvant le projet de carte communale est et reste, en toute hypothèse, un acte préparatoire. Ainsi, même une fois que la carte communale a été approuvé par le Préfet, cette délibération demeure un acte insusceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.
D’autre part, dès lors qu’il constitue un acte préparatoire revêtant un caractère substantiel, son irrégularité intrinsèque, en l’espèce procédant de la méconnaissance de l’article L2131-11 du Code général des collectivités territoriales, peut être invoquée dans le cadre d’un recours en annulation introduit à l’encontre de l’arrêt préfectoral approuvant la carte communale et emporter son annulation.
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés