Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Un protocole de non recours à l’encontre d’un permis de construire vaut pour l’ensemble du projet immobilier autorisé

Un protocole par lequel un tiers s’engage à n’exercer aucun recours à l’encontre d’un permis de construire vaut pour l’ensemble du projet immobilier objet de celui-ci, y compris pour ses composantes qui isolément ne relèvent pas d’une telle autorisation. Dès lors, celui qui l’a conclu est fondé à solliciter l’annulation de cette transaction si les travaux réalisés ne correspondent pas à ceux figurés sur les plans du dossier demande et sa requête ne peut pas être rejetée au seul motif que les travaux litigieux n’exigeaient aucune autorisation.

Cass. civ., 24 octobre 2006, SCI Arzac, pourvoi n°05-19708


Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire et avait conséquemment signé avec le propriétaire voisin un protocole transactionnel par lequel ce dernier, moyennant diverses compensations, s’était engagé à n’exercer aucun recours en annulation à l’encontre de ce permis de construire et à laisser se réaliser l’opération de construction ainsi autorisée.

Cet transaction, signée avant l’engagement des travaux, avait été conclue au vu des documents du dossier de demande de permis de construire et, notamment, de son plan masse.

Il reste qu’à l’engagement des travaux, le propriétaire voisin devait s’apercevoir que ces derniers ne correspondaient pas à ceux figurés sur ledit plan de masse et, en d’autres termes, à ceux pour lequel il avait renoncé à son droit au recours. Par voie de conséquence, celui-ci exerça un recours en annulation doublée une requête aux fins de référé suspension à l’encontre du permis de construire et obtint satisfaction.

A titre liminaire, certains pourraient s’interroger sur la recevabilité de ces recours alors que le requérant y avait contractuellement renoncé et d’autres pourraient considérer qu’ils furent jugés recevables puisque, précisément, les travaux réalisés ne correspondaient pas à ceux en considération desquels il y avait renoncé.

A ce sujet, on précisera ainsi que, par principe, une convention de non recours n’a strictement aucune incidence sur l’intérêt à agir du requérant (CE. 7 juin 1985, SA d’HLM « L’habitat communautaire Locatif », req. n°39492) et, en d‘autres termes, sur la recevabilité de son recours puisqu’un recours en annulation est un recours objectif relatif à la légalité d’un acte administratif et non pas un litige entre parties tendant au respect de droits subjectifs ; quant à la circonstance que les travaux réalisés n’étaient pas conformes à ceux annoncés, celle-ci n’avait pas plus d’incidence puisque la légalité d’un permis de construire s’apprécie en considération de ce qu’a autorisé l’administration au vu des pièces du dossier produit par le pétitionnaire et non pas au regard des travaux effectivement réalisés (CE. 13 novembre 1992, Cne de Nogent-sur-Marne, req. n°110.878). Par voie de conséquence, la recevabilité de son recours était indépendante de toute considération lié à l’existence de cet engagement et à son étendue exact. A titre d’exemple, la Cour administrative d’appel de Paris a, en effet, jugé que :

« Considérant que le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M. BOYER comme irrecevable au motif qu'aux termes du protocole d'accord qu'il a signé le 14 mars 1990, il avait acquiescé à l'arrêté en date du 26 juillet 1988 par lequel le maire de Boulogne-Billancourt avait accordé une autorisation de construire à la société groupe Kosser et renoncé à tous recours et toutes actions à l'encontre de ladite société ;
Mais considérant que, quelle que soit l'étendue de l'engagement pris par M. BOYER à l'égard des bénéficiaires successifs de l'autorisation de construire en cause et quels que soient le sens et la portée du protocole d'accord le concrétisant en date du 14 mars 1990, cet engagement et ce protocole d'accord ne pouvaient être de nature à interdire à l'intéressé l'exercice du recours pour excès de pouvoir, lequel n'a pas pour objet la défense de droits subjectifs, mais d'assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité ; qu'ainsi, M. BOYER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 octobre 1994, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête comme irrecevable et, pour ce motif, à en demander l'annulation ; Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. BOYER devant le tribunal administratif de Paris
» (CAA. Paris, 20 décembre 1996, Boyer, req. n°94PA02185)

Mais vraisemblablement par peur de voir sa responsabilité contractuelle engagée au motif qu’il avait méconnu son obligation de non recours, le propriétaire voisin avait également engagé une action tendant à l’annulation du protocole transactionnel conclu avec le titulaire du permis de construire litigieux. Celui-ci devait, toutefois, être débouté devant la Cour d’appel au motif que la cause de son préjudice résultait d’un ouvrage dont la réalisation n’exigeait l’obtention d’aucune autorisation et que, par voie de conséquence, les erreurs relatives à cet ouvrage entachant le plan de masse et le préjudice subséquent étaient extérieurs audit protocole et à la contestation du permis de construire.

Cette appréciation devait cependant être censurée par la Cour de cassation au motif suivant :

« Attendu que pour débouter la SCI Arzac de sa demande en annulation de la transaction du 10 février 2000 portant de sa part renonciation à exercer un recours en annulation du permis de construire obtenu par la SNC Ponsot Gleyzes et compagnie, la cour d'appel a énoncé que l'objet de la convention n'était pas l'étendue du mur à construire en limite de propriété pour lequel la SCI du Parc d'Arzac n'avait aucune autorisation à demander, mais seulement la suppression du puits du jour et que, dans ces conditions, l'erreur de positionnement de la cour sur le plan de masse était sans influence sur la validité de la convention, le trouble allégué étant extérieur à la transaction et à la contestation du permis de construire ;
Qu'en statuant ainsi, quand le fait de s'abstenir d'exercer un recours contre le permis de construire déposé avait pour objet l'acceptation par la SCI Arzac du projet immobilier de la SNC Ponsot Gleyzes et Cie, c'est-à-dire toutes les parties de la construction litigieuse susceptibles de lui porter préjudice, la cour d'appel a dénaturé la convention litigieuse et violé le texte susvisé
».

En substance, la Cour de cassation a donc considéré que l’engament de n’exercer aucun recours à l’encontre d’un permis de construire valait pour l’ensemble du projet immobilier ainsi autorisé, y compris donc pour ses composantes ne relevant pas isolément du champ d’application de cette autorisation d’urbanIsme.

Bien qu’il s’agisse d’un arrêt de la Chambre civile de la Cour de cassation dont le sens tient, au premier chef, au contexte d’espèce et, notamment, aux stipulations du protocole transactionnel en cause, cette décision n’en est pas moins conforme à l’objet du permis de construire qui ne se borne pas à autoriser une construction mais porte sur un projet d’ensemble.

En effet, si la réalisation d’un projet immobilier n’est assujetti à permis de construire que pour autant qu’il comprenne une construction au sens de l’article L.421-1 du Code de l’urbanisme, il est rare qu’un tel projet se borne à prévoir la réalisation d’une telle construction. Dans la plupart des cas, en effet, le projet comporte également divers aménagements extérieurs, tels des travaux de voirie, des plantations d’arbres ou encore des clôtures, qui en eux-mêmes et pris isolément ne relèvent pas du champ d’application du permis de construire.

Il reste qu’aux termes de l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme « le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords ». Et à ce titre, l’administration a l’obligation de prendre parti sur l’ensemble des composantes du projet relevant des aspects visés par l’article précité (CE. 7 novembre 1973, Giudicelli, req. n° 85.237) ; ce qui implique qu’elle en est connaissance.

Telle est, notamment, la raison pour laquelle les documents que le pétitionnaire doit produire à l’appui de sa demande au titre de l’article R.421-2 du Code de l’urbanisme doivent figurer non seulement les constructions projetées mais également la plupart des aménagements extérieurs prévus. A titre d’exemple, le plan de masse devra également renseigner sur « les travaux extérieurs » et « les plantations maintenues, supprimées ou crées », les vues de coupe devront indiquer « le traitement des espaces extérieurs » et les documents graphiques ainsi que la notice paysagère devront renseigner, notamment, sur « le traitement des accès et des abords » ; les documents graphiques devant, en outre, figurer la situation des arbres de haute tige à l’achèvement des travaux, d’une part, et à long terme, d’autre part. Et bien entendu, toute insuffisance du dossier de demande sur l’un de ces aspects du projet peut suffire à emporter l’annulation du permis de construire obtenu (pour exemple, s’agissant de la figuration de l’évolution des arbres à planter par les documents graphiques et de leur localisation par le plan masse : CAA. Paris, 20 décembre 2002, Association Surmelin Saint-Fargeau Environnement, req. n°99PA02414).

Or, l’administration est réputée statuer au vu du dossier produit pas le pétitionnaire (CE. 18 mars 1970, Rodde, Rec. p.208) et, par voie de conséquence, autoriser l’ensemble des composantes du projet figuré par celui-ci, y compris les aménagements extérieurs aux constructions projetées qui pris isolément ne relèveraient pas du champ d’application du permis de construire puisque l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme saisit non seulement « l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions (et) leur assainissement » mais également « l'aménagement de leurs abords ».

C’est ainsi que, par principe, sous réserve de certaines exceptions donc, ces travaux et ces aménagements extérieurs aux constructions formeront avec celles-ci un tout indivisible au regard du permis de construire les autorisant. C’est ainsi, à titre d’exemple, que la non conformité aux prescriptions d’urbanisme opposables au projet d’une terrasse et d’un muret pourra justifier l’annulation de l’ensemble du permis de construire autorisant, au principal, le bâtiment au regard duquel ils constituent des travaux extérieurs (CAA. Lyon. 19 avril 1994, Préfet du Dpt de Haute-Corse, req. n° 93LY01230) ; bien qu’isolément de tels ouvrages ne relèvent pas du permis de construire mais, le cas échéant, de la simple déclaration de travaux et peuvent même être exemptés de toute autorisation en considération de leur faible hauteur (60 centimètres pour les terrasse ; 2 mètres pour les murs).

De même, les opérations de contrôle générées par la déclaration d’achèvement des travaux dont on rappellera qu’elle vaut demande de certificat de conformité (art. R.460-1 et ss ; C.urb) portent sur l’ensemble des aspects visés par l’article R.460-3 du Code de l’urbanisme, lequel dispose que « le service instructeur s'assure, s'il y a lieu, par un récolement des travaux, qu'en ce qui concerne l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur aspect extérieur, leurs dimensions et l'aménagement de leurs abords, lesdits travaux ont été réalisés conformément au permis de construire ».

C’est ainsi qu’un certificat de conformité pourra être refusé en considération de la réalisation d’aménagements extérieurs ne relevant pas du champ d’application d’un permis de construire, tel un mur de soutènement (pour exemple : CAA. Marseille, 28 avril 1998, SA Ballario, req. n°96MA11778. Voir, toutefois, sur l’illégalité d’un refus de certificat de conformité fondé sur la réalisation non autorisée d’une clôture au motif qu’un tel aménagement ne relève pas du champ d’application du permis de construire : CAA. Nantes, 2 décembre 2003, M. Bazin-Laziou, req. n°02NT00664).

A tous les égards, un permis de construire autorise donc l’ensemble du projet figuré par le pétitionnaire dans son dossier de demande et non pas seulement sur ceux des ouvrages relevant intrinsèquement du champ d’application matériel de cette autorisation. Par suite, l’engagement de n’exercer aucun recours en annulation à l’encontre d’un permis de construire vaut pour l’ensemble du projet ainsi autorisé, y compris donc pour ses composantes qui prises isolément relèveraient du champ d’application d’une autre autorisation d’urbanisme, voire même ne seraient assujetties à aucune forme d’autorisation.


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

Commentaires

  • mon voisin a construit une véranda de plus de 2m2,l'été 2008 le long d'un mur mitoyen. aucune formalité de publicité n'a été effectuées. La déclaration préalable a dû être régularisée a postériori par le Maire. J'ai donc laissé passer les 2 mois de délai pour un recours au TA.
    Cependant, il me semble que le droit des tiers n'a pas été respecté puisque je n'ai fait l'objet d'aucune demande effectuée par mon voisin. puis je effectuer un recours au civil

Les commentaires sont fermés.