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Un permis de construire tacite n’ayant pas fait l’objet des formalités de publication requises ne peut être retiré que dans un délai de deux mois à compter de sa formation

Bien que l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme organise les modalités d’affichage des permis de construire obtenus tacitement, l’article 23-2° de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est néanmoins applicable lorsque ces formalités n’ont reçu aucun commencement d’exécution. Il s’ensuit qu’en pareil cas, ce permis de construire tacite ne peut plus être légalement retiré passé un délai de deux mois à compter de sa formation.

CAA. Marseille, 1er juin 2006, M. Dominique X., req. n°04MA02608 & CAA. Nancy, 4 août 2006, M. Karen X., req. N°05NC00085


Les deux arrêts commentés apportent une intéressante précision s’agissant des règles applicables en matière de retrait de permis de construire tacite.

Rappelons, en effet, qu’à la double condition (CE. 4 juillet 1980, Brumbt, req. n°16.156) que, d’une part, la lettre de notification des délais d’instruction prescrite par l’article R.421-12 du Code de l’urbanisme l’ait expressément indiqué et que, d’autre part, le projet objet de la demande de permis de construire ne relève d’aucun des cas prévus par l’article R.421-19 du Code de l’urbanisme, l’expiration des délais d’instruction de la demande emportent la formation d’une autorisation tacite lorsqu’à cette échéance, l’administration compétente n’a pas statué sur la demande (CE. 24 mai 1995, Sté civile du domaine agricole de Roumegou, req. n°134.236).

Toutefois, il est rare que l’administration ne statue finalement pas expressément sur cette demande. Mais en pareil cas, la décision opposée au pétitionnaire est souvent un refus de permis de construire.

Il reste qu’il résulte de l’abondante jurisprudence rendue en la matière que ce refus de permis de construire vaut, en droit, retrait du permis de construire tacite précédemment obtenu (pour exemples : CE. 17 novembre 1999, Fosto, req. n°186.258 ; CAA. Paris, 17 mai 2001, Gueidan, req. n°98PA00228). Tel était le cas dans ces deux affaires et, sur ce point, les deux arrêts commentés se bornent donc à faire application de ce principe.

En revanche, ces deux arrêts précisent les délais dans lesquels un tel retrait peut légalement intervenir. On sait, en effet, que l’article 23 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 régit les délais de retrait des décisions implicites créatrices de droit – tel un permis de construire tacite – mais ce, en distinguant trois cas puisqu’il dispose que :

« Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative :
1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ;
2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ;
3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé
».

Or, l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme prévoit de façon expresse les modalités d’affichage du permis de construire tant en mairie que sur le terrain des opérations et précise, de façon générale, que « l’inobservation de la formalité d’affichage sur le terrain est punie de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième catégorie ».

Comme pour les permis de construire exprès, l’affichage du permis de construire tacite est donc une condition sine qua none du déclenchement des délais de recours contentieux et, plus généralement, une obligation pour son titulaire puisqu’à défaut d’affichage sur le terrain des opérations, celui-ci s’expose à une contravention de cinquième catégorie ; sanction certes limitée mais qui n’en constitue pas moins une condamnation pénale.

En l’état, il pouvait donc en être raisonnablement déduit que le pétitionnaire ne pouvait utilement se prévaloir du fait de pas avoir respecté les prescriptions de l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme et, en d‘autres termes, ne pas avoir affiché le permis de construire tacitement obtenu.

Il reste que l’article 23-2° de la loi du 12 avril 2000, relatif au cas où la décision tacite ne peut être retirée que « pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision » ne vise pas l’hypothèse où l’affichage de cette décision n’est pas prévue par les textes qui lui sont applicables mais, plus généralement, celle où « aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en œuvre ».

Précisément, dans ces deux affaires, la Cour administrative d’appel de Marseille puis la Cour administrative d’appel de Nancy ont strictement suivi la lettre de l’article 23-2° de la loi du 12 avril 2000. Ainsi, dans ces deux arrêts, chacun des deux refus valant retrait des permis de construire tacitement obtenus a été annulé au motif qu’il était intervenu plus de deux mois après la formation de ces derniers alors que ceux-ci n’avaient pas été publiés.

Chacun de ces deux arrêts apporte, toutefois, une précision spécifique. D’une part, il résulte de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy que le retrait du permis de construire tacite doit non seulement être décidé mais encore notifié au pétitionnaire avant l’extinction du délai de deux mois suivant la formation de l’autorisation. Il s’ensuit qu’une décision de retrait signée et expédiée au pétitionnaire avant cette échéance mais finalement reçue ou, à tout le moins, présentée après ce délai de deux mois est illégale.

D’autre part, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille souligne le fait qu’en l’espèce, le permis de construire tacite ainsi retiré « n'avait fait l'objet d'aucune mesure d'information des tiers », ce qui est ici encore conforme à lettre de l’article 23-2° de la loi du 12 avril 2000. Il semble donc possible d’en déduire que lorsque toutes les formalités prescrites par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme n’ont certes pas été mises en oeuvre mais qu’une d’entre elles a néanmoins été accomplie, les délais de retrait ne sont pas ceux visés par l’article 23-2° mais ceux prescrits par l’article 23-1° de la loi du 12 avril 2000.

A titre d’exemple, si le permis de construire tacite n’a pas été affiché par le pétitionnaire sur le terrain des opérations mais a néanmoins été affiché en mairie ce permis pourra alors être retiré « pendant le délai de recours contentieux » ; étant rappelé qu’à défaut d’accomplissement de l’une ou l’autre des formalités d’affichage prescrites par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme, le délai de recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire n’est précisément pas déclenché.

Pour être complet, on précisera toutefois que la solution dégagée par les deux arrêts n’aura qu’un champ d’application rationae temporis limité puisqu’elle ne vaudra que pour les retraits de permis de construire tacites intervenus entre l’entrée en vigueur de la loi du 12 avril 2000 et l’entrée en vigueur, à venir, de l’ordonnance 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative à la réforme des autorisations d’urbanisme.

En effet, les retraits intervenus avant l’entrée en vigueur de la loi du 12 avril 2000 restent et resteront a priori régis par les principes issus de la jurisprudence dite « Dame Cachet » et ceux intervenus à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 8 décembre 2005 seront régis par les dispositions de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme, lequel, dans sa rédaction issue de l’article 6-3° de loi n°2006-872 dite « ENL » du 16 juillet 2006, dispose que « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

Commentaires

  • Quelle est la solution dans le cas où la demande d'instruire le dossier du permis de contruire a été transmise à une autorité incompétente et que cette dernière ne la pas transmise à l'autorité compétente qu'est le Maire.

    Y at-il tout de même permis de construire tacite ?

    Il apparait que la sanction de l'inobservation de la règle de droit tirée de l'article 20 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ne saurait faire obstacle au permis de construire tacite, le point de départ a courru à partir de la notification à l'autorité incompétente.
    Cordialement

  • Bonjour
    je tiens à vous demander est ce qu'il existe un délai légal pour la Mairie qui doit convoquer l'intéressé à présenter ses observations selon la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.
    vu que j'avais reçu un courrier de la Mairie qu'ils ont intention de procéder au retrait de mon permis de construire tacite, et pas la même occasion li m'invite à m'approcher de la Mairie le lendemain à 12 heures pour présenter mes observations.
    Je me demande est que la procédure est respectée, en 24 heures je n'aurais jamais le temps de joindre mon architecte et de préparer ma défense .
    je me pose la question si je peux faire échouer ce retrait entaché d'irrégularités
    salutations respectueuses

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