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Permis de construire valant division - Page 3

  • Le retour du permis de construire tenant lieu d’autorisation de lotir de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme permet-il la régularisation isolée des bâtiments d’une opération groupée ?

    Le décret du 28 février 2012 a introduit un mécanisme de régularisation des lots de lotissement destiné à les rendre constructibles au profit de leurs acquéreurs en leur permettant d’obtenir un permis de construire tenant lieu de déclaration préalable. Si ce dispositif semble inapplicable aux lots d’un lotissement soumis à permis d’aménager, il faut s’interroger sur sa propension à permettre la régularisation des bâtiments et des détachements de parcelles réalisés en exécution d’un permis de construire valant division précédemment annulé.


    Pendant longtemps, le permis de construire valant division a constitué un instrument exclusivement applicable à une forme particulière d’utilisation du sol – les opérations dites groupées – et qui tendait à permettre le contrôle des futures divisions foncières réalisées par les constructeurs.

    Lotissement-pavillonaire.jpgLe contrôle de ce type de divisions résulte de l’article 82 de la loi du 15 juin 1943 qui avait institué une procédure particulière assujettissant les groupes d'habitations destinées à la vente ou à la location à une procédure équivalente à celle applicable aux lotissement et, plus précisément, à l’obtention d’un arrêté préfectoral ayant pour objet exclusif d’autoriser le projet d'aménagement relatif à cette opération groupée. Et ce n’est qu’une fois cette autorisation d’aménagement délivrée que le constructeur pouvait obtenir le permis de construire se rapportant aux bâtiments à édifier.

    Les décrets du 20 mai 1955 et surtout du 31 décembre 1958 ont toutefois simplifié, mais également généralisé, la procédure applicable aux opérations groupées en prévoyant que le permis de construire se rapportant à ces opérations dispensait d’autorisation de lotir.

    On parlait alors, suivant les termes des dispositions de l’article R.421-37 du Code de l’urbanisme alors applicable, de permis tenant lieu d’autorisation de lotir.

    C’est l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, institué par le décret du 26 juillet 1977, qui a amené à employer les termes permis de construire valant division, ou permis groupé, en faisant de cette autorisation un permis de construire délivré au vu d’un dossier comportant des pièces spécifiques, lesquelles n’étaient exigées que pour les opérations correspondant aux projets visés par cet article, à savoir « la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance ».

    Le décret du 28 février 2012 a pour sa part introduit un dispositif spécifique, codifié à l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que « lorsqu'une construction est édifiée sur une partie d'une unité foncière qui a fait l'objet d'une division, la demande de permis de construire tient lieu de déclaration préalable de lotissement dès lors que la demande indique que le terrain est issu d'une division ».

    Si le champ d’application de ce dispositif est a priori clairement défini, il mérite néanmoins que l’on s’attache à une question spécifique : ce dispositif peut-il être mise en œuvre pour permettre la régularisation des bâtiments édifiés en exécution d’un permis de construire valant division ultérieurement annulé ?

    En principe, la régularisation du projet objet d’un permis de construire valant division annulé impliquera l’obtention d’une nouvelle autorisation ; sauf à ce qu’en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, le permis initial n’ait été que partiellement annulé.

    Dans ce cas particulier la régularisation du projet peut en effet relever d’un simple « modificatif » comme le prévoit l’alinéa 2 de cet article. Quant aux transferts éventuellement annulés, ceux-ci pourront le cas échéant être régularisés par de nouvelles décisions de transfert, pour autant bien entendu que le permis de construire valant division d’origine n’ait été ni annulé, ni exécuté puisqu’une autorisation d’urbanisme annulée ou entièrement exécutée ne peut plus légalement donner lieu à un transfert.

    Il peut en effet arriver que l’annulation du permis de construire valant division initial intervienne après l’achèvement complet du projet (notamment dans le cas d’un permis groupé délivré aux acquéreurs des immeubles à créer) ; ce qui pose alors la question de la régularisation du projet aux fins d’éviter une action en démolition à l’encontre des bâtiments (art. L480-13 ; C.urb), la remise en cause de la validité des divisions foncières réalisées ou pour permettre qu’ultérieurement les immeubles créés fassent l’objet de travaux nouveaux.

    Le cas échéant, cette régularisation pourra intervenir par un nouveau permis de construire valant division obtenu par le même titulaire que l’autorisation initiale finalement annulée.

    Il est vrai que si l’opération a déjà été réalisée, le pétitionnaire, vendeur des parcelles bâties à créer, ne disposera plus alors de la maîtrise foncière du terrain d’origine.

    Il n’en demeure pas moins que, d’une façon générale, une demande d’autorisation d’urbanisme de régularisation est instruite dans les mêmes conditions qu’une demande portant sur un projet à réaliser et que, plus spécifiquement, le pétitionnaire pourra obtenir des acquéreurs des terrains bâtis à régulariser l’autorisation de déposer cette demande au titre de l’article R.423-1 du Code de l’urbanisme.

    Toutefois, il apparait également envisageable que les acquéreurs de ces terrains bâtis obtiennent ensemble un permis de construire valant division conjoint. Certes, une telle autorisation visera sur ce point à régulariser des divisions foncières réalisées par un tiers, en l’occurrence le titulaire d’origine du permis de construire initial ultérieurement annulé.

    Il reste que dans la mesure où le permis de construire valant division présente un caractère réel, et non pas personnel donc, il n’apparait pas avoir vocation à autoriser spécifiquement telle ou telle personne à réaliser les divisions induites par le projet. Au demeurant, un tel permis de construire valant division aura pour seul objet et pour seul effet de régulariser les terrains bâtis au regard du droit de l’urbanisme et n’affranchira donc pas en-lui-même le titulaire de l’autorisation initiale de la mise en cause éventuelle de sa responsabilité s’agissant des conséquences de cette annulation.

    Mais plus spécifiquement, il faut donc s’interroger sur la possibilité ouverte à chacun des acquéreurs des terrains bâtis de les régulariser individuellement en obtenant un permis de construire ne portant que sur le lot que chacun aura acquis.

    Dans la mesure où chacun de ces permis de construire ne portera que sur le terrain que le pétitionnaire aura acquis, ces permis de construire ne vaudront donc pas division au sens de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

    En outre, dès lors que la parcelle d’assiette de chacun de ces permis de construire aura été acquise par le pétitionnaire avant la délivrance de cette autorisation, le détachement de cette parcelle ne saurait être régularisé par le jeu de l’article R.442-1 a) du Code de l’urbanisme, c’est-à-dire en tant que division primaire et ce, quand bien même ces permis de construire ont-ils pour objet de se substituer à une autorisation initiale qui était elle-même affranchit de la procédure de lotissement (CE. 18 octobre 1995, SCI Vaugirard, Rec. p.1080).

    Il reste que si l’annulation du permis de construire valant division initial est susceptible de rendre irrégulière la formation des terrains créés avant que cette autorisation n’ait été annulée, c’est dans la mesure où de ce fait la division du terrain d’origine ne plus bénéficier de l’article R.442-1 d) affranchissant de cette même procédure les divisions exécutées conformément à un permis de construire obtenu en application de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

    Au regard du droit de l’urbanisme, on pourrait donc considérer que les terrains ainsi détachés se trouvent dans une situation identique à ceux résultant d’un lotissement non-autorisé.

    A ce stade, il s’agit donc d’établir si la régularisation de cette situation peut s’opérer par le jeu de permis de construire obtenus en vertu de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue du décret du 28 février 2012.

    Sur ce point, il faut en effet rappeler que le permis de construire visé par l’article R.442-2 est clairement conçu comme une autorisation de régularisation.

    La notice préalable au décret précité précise en effet expressément que « la régularisation d'une division qui aurait dû faire l'objet d'une déclaration préalable peut être effectuée au moment du dépôt de la demande de permis de construire sur un lot » ; la régularisation opérée au titre de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme n’intervenant toutefois qu’au regard du droit de l’urbanisme et au profit des acquéreurs des lots irrégulièrement créés : cette régularisation n’affranchit donc pas le vendeur de ces lots de sa responsabilité liée à la méconnaissance, en amont, de la règlementation sur les lotissements.

    Il nous semble ainsi que la régularisation d’une opération groupée réalisée en exécution d’un permis de construire valant division ultérieurement annulée pourra s’opérer par le jeu de permis obtenus en application de l’article précité lorsque cette opération ne s’est pas accompagnée de la création d’équipements communs puisqu’au regard de la règlementation sur les lotissements, les divisions réalisées dans le cadre de cette opération auraient pu relever d’une simple déclaration préalable ; sauf à ce que le terrain soit situé en site classé ou en secteur sauvegardé.

    Cela étant, si l’opération initiale à emporter la réalisation effective d’équipements communs avant l’annulation du permis de construire valant division se rapportant à cette opération, on voit mal pourquoi il y aurait lieu de s’opposer à la régularisation des immeubles ainsi créés au motif qu’au regard de la règlementation sur les lotissements, l’opération aurait exigé un permis d’aménager.

    En effet, si le régime du permis d’aménager vise au premier chef à assurer la protection des acquéreurs du lotissement à créer, ce régime n’a précisément plus lieu d’être dès lors que les équipements communs du lotissement ont été réalisés ; « l’existence de fait » semblant, dans la réglementation sur les lotissements, primer « l’existence légale ».

    Dans cette mesure chacun des acquéreurs semblera donc pouvoir régulariser son propre immeuble, non seulement de façon individuelle mais surtout quand bien même les autres acquéreurs de l’opération groupée ne s’engageraient-ils pas concomitamment dans une telle entreprise de régularisation.

    A cet égard, l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme institue donc une forme particulière de permis de construire valant division, lequel a certes un champ d’application aussi limité que spécifique mais constitue néanmoins un retour certains au permis de construire tenant lieu d’autorisation de lotir, y compris pour les opérations groupées.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Modificatif de régularisation des permis groupés et annulation partielle des permis de construire valant division

    Un permis de construire groupé délivré en méconnaissance de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme ne peut pas être ultérieurement régularisé par un « modificatif » délivré sous l’empire de l’ancien article R.431-24 du Code de l’urbanisme. Partant, le vice affectant cette autorisation dans sa totalité est de nature à en emporter l’annulation globale.

    CAA. Paris 4 novembre 2011, Société Murat Vazire, req. n°10PA02696


    Dans cette affaire, la société appelante avait obtenu un permis de construire en vue de l’édification d’un ensemble immobilier comportant plusieurs bâtiments sur un terrain de 10.230 mètres carrés. Cette autorisation devait toutefois être contestée puis annulée par le Tribunal administratif de Paris au motif tiré de la méconnaissance de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme.


    La société pétitionnaire devait toutefois interjeter appel de ce jugement en contestant l’assujettissement même de son projet à la procédure de permis de construire valant division ; assujettissement que confirma cependant la Cour administrative d’appel de Paris au terme d’une appréciation des caractéristiques du projet principalement fondée sur des critères rarement mis autant en exergue en la matière :

    « considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit, sur un terrain d'assiette de 10 230 m², la construction par un seul maître d'ouvrage d'un ensemble immobilier comportant plusieurs bâtiments de R+5 à R+10 étages sur 3 et 4 niveaux de sous-sol, à usage d'habitation (211 logements dont 64 logements sociaux), d'une aumônerie, d'un hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) comprenant 80 chambres ; que les immeubles comprenant 147 logements destinés à la vente, sont situés le long de la rue de Varize et du boulevard Murat et les immeubles comprenant 64 logements sociaux, et l'EHPAD sont situés au sud de la parcelle le long du boulevard Murat et de la rue du général Delestraint ; que ces deux groupes de bâtiments sont séparés par une allée traversant du nord au sud l'intégralité du terrain d'assiette et délimitant deux zones distinctes ; que, par ailleurs, le plan de repérage des clôtures prévoit des clôtures intérieures délimitant la partie du terrain affectée aux immeubles destinés à la vente comprenant des clôtures privatives pour les logements situés au rez-de-chaussée, la partie du terrain affectée à l'établissement destiné aux personnes âgées et la partie du terrain affectée aux immeubles destinés aux logements sociaux ; que l'organisation spatiale du projet s'organise ainsi autour d'unités fonctionnelles distinctes destinées à la vente, aux logements sociaux et à un établissement privé pour l'hébergement de personnes âgées ; qu'à la date des décisions contestées, le projet prévoyait ainsi, à tout le moins, de réaliser une division en propriété ou en jouissance de son terrain pour la partie affectée à l'établissement pour personnes âgées ; que, dès lors, le projet entrait dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme ».

    Mais plus spécifiquement, la Cour devait implicitement rejeter la demande de la société appelante tendant à l’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme pour ce faisant prononcer l’annulation globale du permis de construire contesté.

    En première analyse, une telle solution est on ne peut plus logique puisque l’on sait que l’autorisation de construire et l’autorisation de diviser portée sur un permis groupé délivré au titre de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme ou par l’actuel article R.431-24 sont indivisibles ; telle étant la raison pour laquelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux a déjà eu l’occasion de préciser que l’article L.600-5 ne trouvait pas selon elle à s’appliquer en la matière (CAA. Bordeaux, 17 mars 2009, Sté Bouygues Immobilier, req. n°07BX02438).

    Il reste que dans l’affaire objet de cet arrêt de la Cour bordelaise le permis avait été délivré conformément à l’article R.421-7-1 précité – et avait été annulé au motif que la superficie de certains des terrains à créer méconnaissait les prescriptions de l’article 5 du POS communal – alors qu’en l’espèce le permis de construire contesté avait été délivré au vu d’un dossier ne comportant pas les pièces requises par l’article précité et en conséquence d’une demande manifestement formulée en dehors de la procédure du permis de construire valant division.

    Or, s’il est vrai que ces vices sont de nature à affecter la totalité du projet en cause, il n’en demeure pas moins que la solution retenue sur ce point est plus surprenante en ce qu’elle émane de la Cour administrative d’appel de Paris dont on sait qu’elle a été la première à appliquer l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme :

    • d’une part, en s’affranchissant du critère d’invisibilité juridique traditionnellement mis en œuvre par la jurisprudence pour apprécier la propension de l’autorisation contestée a donné lieu à une simple annulation partielle ;
    • d’autre part, en allant au-delà de la lettre de l’article précité en prononçant l’annulation partielle d’un permis de construire alors que le vie dont il était entaché l’affectait dans sa totalité.

    Dans cette précédente affaire (CAA. Paris, 4 décembre 2008, SNC Hôtel La Bretonnerie, req. n°07PA03606), la Cour administrative d’appel de Paris avait en effet induit que la circonstance que l’autorisation contestée soit affectée d’illégalité dans sa totalité ne s’opposait pas au prononcé d’une annulation partielle au titre de l’article précité dès lors que le vice affectant cette autorisation pouvait être aisément régularisée par un « modificatif ».

    On pourrait ainsi considérer qu’en prononçant l’annulation totale de l’autorisation en cause dans l’affaire objet de la note de ce jour, la Cour administrative d’appel de Paris a ainsi estimé qu’une autorisation obtenue en tant que permis de construire simple ne peut être régularisée par un « modificatif » délivré au vu d’un dossier comportant les pièces requises dans le cas d’une demande portant sur une opération groupée.

    Tel n’est cependant pas le cas, du moins d’une façon générale. Et il faut dire qu’une telle solution aurait été pour le moins contestable.

    D’un point de vue procédural, en effet, il faut rappeler que l’autorisation dite « permis de construire valant division » n’existe pas en tant que telle dans le Code de l’urbanisme puisque cette autorisation n’est rien d’autre qu’un permis de construire de droit commun présentant pour seule particularité d’être délivré au vu d’un dossier comportant les pièces aujourd’hui requises par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

    Or, tout vice affectant un permis de construire, y compris les vices de forme ou de procédure, est susceptible d’être purgé par un « modificatif » (CE. 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, 238.315) puisqu’un « modificatif » forme avec le permis primitif une autorisation unique dans la légalité doit s’apprécier comme si n’était en cause qu’une seule décision.

    De ce fait, la solution retenue en l’espèce par la Cour administrative d’appel de Paris ne remet aucunement en cause le bien-fondé (selon nous) des arrêts ayant déjà reconnu la possibilité de régulariser un permis de construire délivré en méconnaissance de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme par un « modificatif » délivré au vu d’un dossier comportant les pièces prescrites par cet article (CAA. Nancy, 10 juin 2010, Mme Anne A., req. n°09NC00357).

    Quant au fond, et même à admettre qu’un tel « modificatif » n’ait pas pour seul objet de régulariser les vices affectant l’autorisation initiale mais vise en fait à modifier la nature de cette dernière en la transformant en un permis de construire valant division, il reste que selon nous une telle conclusion n’exclue pas en elle-même le recours à un tel modificatif dès lors qu’en principe, cette transformation n’a aucun impact sur les modalités d’application des règles d’urbanisme opposables au projet compte tenu de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme (voir ici) ; étant précisé que le PLU applicable en l’espèce (celui de la Ville de Paris) ne s’oppose au principe posé par cet article que s’agissant des lotissements.

    Il n’en demeure pas moins que la Cour administrative d’appel de Paris a bien rejeté l’argument de la société appelante, selon lequel le « modificatif » qu’elle avait ultérieurement obtenu avait régularisé l’autorisation contesté, mais ce au motif spécifique suivant :

    « considérant que les requérantes soutiennent que le permis modificatif délivré le 30 septembre 2008 n'était soumis qu'à l'application des nouvelles dispositions de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme et, qu'ainsi, la délivrance de ce permis a eu pour effet de régulariser le permis de construire initial ; qu'à supposer même que ces dispositions soient moins exigeantes, seules les dispositions de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme, demeuraient applicables au regard du projet contenu dans la demande initiale ; que, par suite, le permis modificatif du 30 septembre 2008 n'a pu régulariser sur ce point le permis initial ».

    La Cour semble donc avoir estimé que le « modificatif » allégué par la société appelante ne pouvait régulariser le permis primitif attaqué dans la mesure où celui-ci avait été délivré sous l’empire de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, contrairement au « modificatif » allégué relevant pour sa part de l’article R.431-24.

    Deux observations liminaires toutefois.

    D’une part, et d’une façon générale, il semble que la société appelante se soit bornée à évoquer l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme pour contester le principe même de l’assujettissement de cette opération à la procédure du permis de construire valant division.

    D’autre part, et plus spécifiquement, le « modificatif » allégué par la société appelante n’avait a priori pas pour objet de régulariser l’autorisation primitive mais tendait uniquement à modifier « le permis initial pour l'alignement des 4 niveaux de sous-sol sur la façade des bâtiments côté rue de Varize et la façade de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendante (EHPAD) côté rue du général Delestraint ».

    Pour autant, la solution retenue n’en est pas moins quelque peu surprenante ; d’autant que la motivation de l’arrêt sur ce point est pour le moins sur cursive.

    En effet, si la Cour administrative d’appel de Paris a pu avoir quelques difficultés avec la propension régularisatrice du « modificatif » (CAA. Paris, 14 janvier 2001, SCI La Fontaine de Villiers, req. n°99PA00757)., il reste qu’elle l’a dorénavant parfaitement intégrée ; au point d’ailleurs de la théoriser dans un considérant de principe et de la mettre en œuvre pour les vices affectant la forme et les mentions mêmes de l’arrêté de permis de construire initial (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511). De même, c’est cette Cour qui avait pu juger que l’irrégularité des divisions foncières précédemment pratiquées en méconnaissance de la règlementation sur les lotissements pouvait être régularisée par le seul assouplissement de cette réglementation (voir ici).

    D’ailleurs, s’il est vrai que les conséquences d’une modification des règles de fond ne sont pas en tous points comparables à celles liées à l’évolution des règles de procédure, il n’en demeure pas moins que pour sa part la Cour administrative d’appel de Nantes a pu juger qu’une autorisation de lotir délivrée avant le 1er octobre 2007 pouvait être régularisée par un permis d’aménager modificatif (CAA. Nantes, 4 mai 2010, Cne de Belz, req. n°09NT01343).

    Mais il est vrai que pour sa part la Cour administrative d’appel de Nantes n’a jamais hésité à reconnaitre aux autorisations modificatives des vertus régularisatrices allant peut-être au-delà de celles qu’elles revêtent effectivement (CAA. Nantes, 22 avril 2008, Ministre de l’écologie, req. n°07NT02508)...

     


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

     

  • Les incidences sur le permis de construire valant division du projet de décret relatif aux corrections à apporter a la reforme des autorisations d’urbanisme

    Si le permis de construire valant division est peu concerné par le projet de décret devant en principe entré en vigueur le 1er octobre 2012, celui-ci apporte toutefois deux « précisions/modifications » relatives, pour l’une, à l'assiette foncière de cette autorisation et, pour l’autre, à l’articulation de cette procédure avec la règlementation sur les lotissements.


    L’un des principaux apports de la réforme entrée en vigueur le 1er octobre 2007 est d’avoir supprimé la condition dite de la « maitrise d’ouvrage unique » antérieurement issue de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme. A cet égard, la réforme a ainsi placé le permis de construire valant division sous le régime de droit commun en permettant notamment que celui-ci soit obtenu conjointement par plusieurs titulaires comme le prévoie expressément l’article R.423-1.

    1.- Il reste que là où l’article R.423-1 induit également clairement qu’un permis de construire peut porter sur plusieurs terrains, l’article R.431-24 dans sa rédaction actuelle définit toujours le permis de construire valant division comme une autorisation se rapportant à une opération groupée portant sur un « même terrain » et ce, comme c’était déjà le cas de l’ancien article R.421-7-1.

    Or, à ce titre, la Cour administrative d’appel de Paris avait comme on le sait pu juger qu’un permis de construire valant division devait porter sur une seule et même unité foncière.

    A priori, cette solution avait donc également vocation à valoir pour application de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme ; ce qui réduisait substantiellement l’utilité du permis de construire valant division conjoint.

    C’est cette problématique que vise à régler le projet de décret devant en principe entrer en vigueur le 1er mars 2012 et aux termes duquel l’article précité devrait prévoir que : « lorsque les travaux projetés portent sur la construction de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette comprenant une ou plusieurs unités foncières contiguës doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance avant l'achèvement de l'ensemble du projet, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par un plan de division (…) ».

    Un permis de construire valant division pourra donc clairement porter sur une, deux ou plusieurs unités foncières pour autant que celles-ci soient contiguës : pour ce qui concerne son assiette, le régime de cette autorisation s’en trouve donc clarifiée.

    Mais pour ce qui concerne le champ d’application de cette procédure, il faut relever que dans sa version à venir l’article précité précisera qu’elle s’applique, notamment, lorsque « le terrain d'assiette comprenant une ou plusieurs unités foncières contiguës doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance ».

    A suivre la lettre de l’article précité, c’est donc seulement « le terrain d’assiette » qui « doit faire l’objet d’une division » et non pas spécifiquement, en cas de pluralité de propriétés, chacune des unités foncières composant ce terrain d’assiette.

    Cette nouvelle rédaction génère ainsi une nouvelle interrogation : deux opérateurs pourront-ils s’associer pour obtenir ensemble un permis de construire valant division portant sur leurs propriétés respectives lorsque l’une seulement a vocation à être divisée et ce, aux fins que le projet développé sur l’autre puisse bénéficier le cas échéant d’une application globalisée des règles d’urbanisme au titre de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme ?

    2.- Mais par ailleurs, l’institution du permis de construire valant division conjoint, combinée à l’exclusion générale de cette procédure de la règlementation sur les lotissements telle qu’elle résulte actuellement de l’article R.442-1 c) du Code de l’urbanisme, a conduit à certaines pratiques « déviantes » dont au premier chef celle consistant pour le propriétaire du terrain à faire obtenir conjointement cette autorisation par les acquéreurs des terrains et des bâtiments à créer ou à l’obtenir lui-même personnellement avant de le transférer partiellement à ses acquéreurs.

    Comme le sait, cette pratique a toutefois connu un coup d’arrêt lié à l’intervention d’une Réponse ministérielle du 22 mars 2011 :

    « (…) une telle division ne saurait ni remettre en cause le projet d'ensemble, ni permettre de contourner une autre réglementation. Ainsi, elle ne saurait conduire à céder des permis de construire distincts qui n'assureraient plus l'organisation initiale de l'ensemble du projet (accès, réseaux, espaces et équipements communs). De même, sauf à relever de la procédure du lotissement, elle ne saurait intervenir que dans les limites du champ d'application de l'article R. 442-1 d, c'est-à-dire dans la mesure où les droits à construire cédés préalablement à la division portent uniquement sur « un groupe de bâtiments ou un immeuble autre qu'une maison d'habitation individuelle. En effet, toute cession de droits à construire une maison individuelle, emportant cession de l'assiette de la construction à édifier, entre dans le champ d'application des lotissements et ne peut donc être autorisée dans le cadre d'une scission de permis de construire valant division. Les acquéreurs de lots à bâtir une maison individuelle ne sauraient être privés des garanties assorties à la procédure des lotissements : bornage, garantie d'achèvement des travaux de voirie et espaces communs, maintien des règles d'urbanisme pendant cinq ans (…). » (JOAN du 22/03/2011 ; p.2878).

    Le projet de décret tend ainsi à valider cette position de l’administration centrale puisque l’article R.442-1, qui actuellement se borne à disposer sur ce point que « ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre les divisions de terrains effectuées conformément à un permis de construire prévu à l'article R. 431-24 » devrait à l’avenir préciser que « ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre les divisions de terrains effectuées conformément à un permis de construire prévu à l'article R. 431-24 lorsque ce permis n’est pas destiné à être mis en œuvre par des maîtres d’ouvrage construisant chacun une maison individuelle au sens de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation ».

    Toutefois, il faut relever que si cette réponse ministérielle ne visait que le transfert partiel du permis de construire valant division, le projet de décret va plus loin puisqu’il en résulte que seront exclus de la procédure de lotissement non plus seulement les transferts partiels mais également les permis de construire valant division initialement obtenus de façon conjointe par les acquéreurs.

    Sur ce point, il faut souligner que sont donc visés et réintégrés à la procédure de lotissement uniquement les permis de construire valant division destinés à être « mis en œuvre par des maîtres d’ouvrage construisant chacun une maison individuelle au sens de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation ».

    A contrario, cette précision tend donc à confirmer que dans tous les autres cas, le permis de construire valant division est exclu de la procédure de lotissement, y compris donc lorsqu’il est destiné à être mis en œuvre par les acquéreurs des terrains et des bâtiments à créer dès lors qu’il ne s’agit pas de maisons individuelles.

    Mais surtout, il faut rappeler que la réponse ministérielle précitée n’interdit pas de façon absolue le transfert partiel d’un permis de construire valant division portant sur ces maisons individuelles puisqu’elle expose simplement que dans ce cas ce transfert ne saurait permettre d’échapper à la procédure de lotissement et induit donc a contrario qu’un tel transfert est donc possible pour autant qu’il soit précédé de l’autorisation de lotissement requise (« sauf à relever de la procédure du lotissement »).

    Or, de façon quelque peu curieuse, le projet de décret va également dans ce sens. En effet, et ainsi qu’il a été pré-exposé, la seule modification apportée par ce projet de décret quant au champ d’application du permis de construire valant division a donc uniquement trait à son assiette puisque les termes « sur le même terrain » seront supprimés et qu’en conséquence, il sera précisé que le terrain d’assiette de cette autorisation peut comprendre « une ou plusieurs unités foncières contiguës ».

    En résumé, et à s’en tenir à lettre de ces articles dans leur rédaction à venir, le nouvel article R.431-24 du Code de l’urbanisme n’exclura pas de son champ d’application, et n’interdira donc pas les permis valant division obtenus conjointement par les acquéreurs des maisons individuelles à édifier et le nouvel article R.442-1 aura pour seul objet et pour seul effet de ne plus les dispenser de la procédure de lotissement.

    A priori, il sera donc toujours possible que les acquéreurs des maisons individuelles à édifier soient conjointement titulaires d’un permis de construire valant division ou en deviennent bénéficiaires par le jeu de transferts partiels ultérieurs, mais ce, à la condition préalable que le propriétaire d’origine du terrain ait satisfait à la procédure de lotissement.

    Or, s’il est à notre sens évident qu’une simple déclaration préalable ne pourra suffire lorsque le projet intègre la réalisation de voies, d’équipements ou d’espaces communs – lesquels ne sauraient légalement relever du permis de construire valant division (voir le futur article L.442-1-2) – force est d’admettre que, dans le cas d’un projet dit « sans travaux », l’intérêt d’imposer au propriétaire du terrain d’origine la formulation d’une telle déclaration est quel que peu limité et le sera d’autant plus avec le futur article R.442-2 qui devrait disposer que « lorsqu’une construction est édifiée sur une partie d’une unité foncière qui a fait l’objet d’une division, la demande de permis de construire tient lieu de déclaration préalable de lotissement dès lors que la demande indique que le terrain est issu d’une division »…

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Veille règlementaire : réponse ministérielle (commentée) du 22 mars 2011 sur le transfert partiel du PCVD & la règlementation sur les lotissements

    Le transfert partiel d’un permis de construire valant division est possible si « les permis issus de la scission du permis initial sont légaux et auraient pu être délivrés de manière autonome » et à la condition, en outre, que cette cession de « permis de construire distincts » n’aboutisse pas, notamment, à contourner la règlementation sur les lotissements.

     

    Texte de la question (Question publiée au JO le : 25/05/2010 page : 5679)
    « M. Michel Vauzelle attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme sur les conditions de transfert partiel d'un permis de construire valant division parcellaire. Ce transfert partiel valant division à une pluralité de titulaires est admis par la règlementation depuis que le nouvel article R431-24 du code de l'urbanisme a supprimé l'exigence de l'unicité de maître d'ouvrage posée par l'ancien article R. 421-7-1. Les praticiens de l'urbanisme et notamment les notaires s'interrogent sur la possibilité de céder à chaque bénéficiaire du transfert partiel, l'assiette de la construction qui en est l'objet. En effet, en vertu de l'article R442-1,c du code de l'urbanisme les divisions résultant de ces cessions ne sont pas constitutives d'un lotissement dès lors qu'elles sont effectuées conformément au permis valant division, c'est-à-dire au plan de division approuvé par les autorités administratives. Cette opération revient à céder des terrains à bâtir en vue de l'implantation d'un bâtiment en franchise du respect de la règlementation des lotissements. L'acquéreur étant muni d'un permis de construire attendu par l'effet d'un transfert partiel ou conjoint. Certains considèrent que le recours à cette technique de vente de terrains sous couvert d'un permis de division doit être écarté lorsque le permis valant division porte sur la construction de maisons individuelles. Selon eux, l'article R442-1,d relatif aux divisions primaires, par le jeu d'une contre exception, maintient dans le champ du lotissement la division d'un terrain au profit d'un acquéreur qui a déjà obtenu son permis de construire, portant sur une maison individuelle. Ainsi, accorder un transfert partiel de permis valant division portant sur la construction d'une maison individuelle avec cession des lots à différents acquéreurs reviendrait à contourner la règlementation sur les lotissements. Il lui demande donc de bien vouloir préciser si le transfert partiel d'un permis valant division portant sur la construction d'une maison individuelle avec cession de lots aux divers acquéreurs contourne effectivement la règlementation des lotissements ou si cette procédure est possible et licite. Il l'interroge pour savoir si un propriétaire initial d'un terrain qui le divise, peut le faire au profit d'une pluralité d'acquéreurs de lots qu'ils construiront. »

    Texte de la réponse (Réponse publiée au JO le : 22/03/2011 page : 2878)
    « L'article R. 431-24 du code de l'urbanisme permet de réaliser des opérations immobilières d'ensemble, y compris des maisons individuelles dites groupées, dans le cadre d'un seul permis de construire. Ce permis de construire, dit permis de construire valant division, autorise, d'une part, la construction de plusieurs bâtiments sur un même terrain, d'autre part, la division de ce terrain selon le plan de division annexé à la demande. L'article R. 442-1 c exclut clairement du champ d'application de la procédure du lotissement les divisions effectuées, conformément à ce permis. Par ailleurs, les dispositions de l'article R. 431-24 ne s'opposent pas à ce que la division foncière intervienne avant tout commencement de construction, dès lors que les permis issus de la scission du permis initial sont légaux et auraient pu être délivrés de manière autonome. Toutefois, une telle division ne saurait ni remettre en cause le projet d'ensemble, ni permettre de contourner une autre réglementation. Ainsi, elle ne saurait conduire à céder des permis de construire distincts qui n'assureraient plus l'organisation initiale de l'ensemble du projet (accès, réseaux, espaces et équipements communs) de même, sauf à relever de la procédure du lotissement, elle ne saurait intervenir que dans les limites du champ d'application de l'article R. 442-1 d, c'est-à-dire dans la mesure où les droits à construire cédés préalablement à la division portent uniquement sur « un groupe de bâtiments ou un immeuble autre qu'une maison d'habitation individuelle». En effet, toute cession de droits à construire une maison individuelle, emportant cession de l'assiette de la construction à édifier, entre dans le champ d'application des lotissements et ne peut donc être autorisée dans le cadre d'une scission de permis de construire valant division. Les acquéreurs de lots à bâtir une maison individuelle ne sauraient être privés des garanties assorties à la procédure des lotissements : bornage, garantie d'achèvement des travaux de voirie et espaces communs, maintien des règles d'urbanisme pendant cinq ans. Enfin, chaque fois qu'un propriétaire divise un terrain au profit d'une pluralité d'acquéreurs de lots qui édifieront chacun une maison individuelle, il doit effectivement engager une procédure de lotissement au sens de l'article L. 442-1 préalablement à la vente des lots ou à leur attribution en jouissance ».


    Voici une réponse ministérielle qui a tout le moins marque un sérieux infléchissement de la doctrine administrative sur le transfert partiel, en l’occurrence du permis de construire valant division, pour qui un tel transfert abouti(sai)t en substance à la formation d’une autorisation conjointe mais individualisant les responsabilités de ses « co-titulaires ».

    On l’a déjà écrit, l’analyse selon laquelle un transfert partiel aboutit à une telle autorisation conjointe se marie mal, d’une façon générale, avec le caractère réel et non pas personnel des autorisations d’urbanisme ; ce dont il résulte que :

    - cette autorisation se borne à autoriser un projet et non pas une personne déterminée à l’exécuter (CAA. Marseille, 23 novembre 2006, M. X., req. n°04MA00264 ; TA. Nice, 13 mai 1997, SCL LE Pavillon, req. n°93-03645) ;

    - plus spécifiquement, chacun des « co-titulaires » d’un permis de construire conjoint doit présenter un « titre habilitant à construire » sur l’ensemble de l’assiette foncière de ce permis puisque chacun est réputé être autorisé à exécuter la totalité du projet ;

    - et par voie de conséquence que le permis de construire peut n’être annulé qu’en tant qu’il a été délivré à celui ne disposant pas d’un tel titre (CE. 14 octobre 2009, Cne de Messange, req. n°297.727) puisqu’au regard de l’objet d’un permis de construire et de son caractère réel, cette annulation partielle n’a aucune conséquence réelle pour le « titulaire titré » puisque si ce dernier s’en retrouve seul bénéficiaire d’une autorisation rendue unipersonnelle, il reste qu’il était déjà regardé à l’origine comme autorisé à réaliser l’ensemble du projet.

    Plus spécifiquement, cette analyse ne permet pas d’expliquer la condition s’imposant à la pratique du transfert partiel.

    Il faut en effet rappeler que dans l’arrêté ayant consacré la pratique du transfert partiel (CE. 24 juillet 1987, Epx Rayrole, req. n° 61.164) le Conseil d’Etat a en effet posé une condition de fond : le permis initial doit porter sur des constructions distinctes ; cette condition ayant amené la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé qu’un permis de construire portant sur un ouvrage qualifié d’ensemble immobilier unique ne saurait légalement faire l’objet d’un transfert partiel (CAA. Marseille, 18 mars 2004, Cne de Beausoleil, req. n° 01MA00551) ; décision conforme à l’arrêt « Rayrol » conditionnant donc la pratique du transfert partiel au cas où les « constructions (sont) distinctes ».

    Or, si l’on considère que le transfert partiel aboutit à une autorisation restant conjointe, un ensemble immobilier unique ne pourrait donc pas relever d’une telle autorisation. Il reste que la consécration du permis de construire conjoint (CE. 28 juillet 1999, SA d’HLM « Le nouveau logis – Centre Limousin », req. n° 182.167) s’est faite à l’égard d’un ensemble immobilier unique, constitué en l’occurrence de deux ouvrages accolés à édifier sur un parc de stationnement souterrain commun.

    Pour valider cette analyse, il faudrait donc dénier au transfert partiel les vertus d’une autorisation initialement conjointe ; ce qui n’a toutefois pas de sens si l’on considère que le transfert partiel ne consiste fondamentalement qu’à ajouter un ou plusieurs noms à la liste du ou des titulaires de l’autorisation initiale restant conjointe.

    Certes, on pourrait considérer que cette limite au transfert partiel tient à l’individualisation des responsabilités qu’il emporte pour les co-titulaires dans le cadre de l’exécution de l’autorisation restant conjointe. Il reste qu’une autorisation d’urbanisme a pour seul objet d’autoriser un projet au regard des normes lui étant opposables : sa légalité est donc étrangère à toute considération liée à son exécution. On peut d’ailleurs relever que dans l’arrêt « Beausoleil » la Cour a écarté l’argument tenant au fait que le bénéficiaire du transfert s’était « engagé à respecter les normes techniques permettant leur exécution ».

    A l’inverse, si l’on considère que le transfert partiel aboutit à scinder le permis initial en deux autorisations distinctes, la règle de principe maintenue par l’arrêt « Ville de Grenoble » (CE. 17 juillet 2009, Ville de Grenoble, req. n°301.615) peut expliquer non seulement l’arrêt « Beausoleil » mais également la raison pour laquelle l’arrêt « Rayrol » conditionne le transfert partiel au cas où les « constructions (sont) distinctes » : un permis de construire portant sur des constructions indissociables formant un ensemble immobilier unique ne peut donner lieu à un transfert partiel puisqu’un tel transfert aboutirait à faire relever la réalisation de cet ensemble de deux autorisations distinctes en méconnaissance de la règle de principe rappelée par l’arrêt précité.

    La réponse ministérielle commentée traite de cette question et va en ce sens en ce qu’elle précise que : « les dispositions de l'article R. 431-24 ne s'opposent pas à ce que la division foncière intervienne avant tout commencement de construction, dès lors que les permis issus de la scission du permis initial sont légaux et auraient pu être délivrés de manière autonome ».

    Dans la mesure où un transfert partiel aboutit en une « scission du permis initial », « les permis issus de (cette) scission » doivent être légaux au regard cette condition, de la même façon que si dès l’origine le projet avait relevé de demandes de permis distincts.

    Partant, c’est en conséquence qu’il faut apprécier les effets de cette scission au regard de la règlementation sur les lotissements. Sur ce point, en effet, la réponse ministérielle commentée :

    - rappelle d’abord que « l'article R. 442-1 c exclut clairement du champ d'application de la procédure du lotissement les divisions effectuées, conformément à ce permis » ;

    - précise ensuite que si « les dispositions de l'article R. 431-24 ne s'opposent pas à ce que la division foncière intervienne avant tout commencement de construction, dès lors que les permis issus de la scission du permis initial sont légaux et auraient pu être délivrés de manière autonome » il n’en demeure pas moins que « toutefois une telle division ne saurait ni remettre en cause le projet d'ensemble, ni permettre de contourner une autre réglementation » ;

    - puis oppose enfin en conséquence à la cession de « permis de construire distincts » « les limites du champ d'application de l'article R. 442-1 d ».

    En substance, « la division foncière » résultant « de la scission du permis initial » et de la cession de « permis de construire distincts » est donc une division nouvelle ou du moins une division qui n’est plus rattachable au permis d’origine puisqu’il faut alors en apprécier le régime au regard de la règlementation sur les lotissements non plus en considération de l’item c) de l’article R.442-2 mais au regard de son item d).

    Ainsi, « sauf à relever de la procédure de lotissement », un transfert partiel se rapportant à une maison individuelle ne peut « être autorisée dans le cadre d'une scission de permis de construire valant division » puisque les bénéficiaires de tels transferts ne peuvent pas être regardés comme des « personnes (…) qui ont elles-mêmes obtenu un permis de construire portant sur la création d'un groupe de bâtiments » ; ce qui est en revanche le cas des co-titulaires d’une autorisation conjointe…

     


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés