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  • L’adjonction d’une bande de terrain au niveau de l’accès du terrain à construire ne permet pas de satisfaire aux prescriptions de l’article 5 du règlement local d’urbanisme relatives à la largeur des façades sur voie

    Lorsque l’article 5 du règlement local d’urbanisme impose que le terrain d'assiette ait une largeur effective en bordure de voie de dix mètres pour être constructible, l’adjonction d’une bande de terrain de 6,50 mètres sur 0,70 mètre à l’accès au terrain à construire d’une largeur de 3,50 mètres ne permet que d'obtenir artificiellement une largeur de terrain en bordure de voie de 10 mètres et ne permet donc pas de caractériser cette configuration des lieux comme une façade sur voie au sens cet article 5.

    CAA. Paris, 23 novembre 2006, Cne de Chaville, req. n° 05PA04096


    Dans cette affaire, l’article 5 du règlement d’urbanisme local imposait que les terrains résultant d'une division aient une superficie d'au moins 300 m² et 10 mètres de largeur de façade sur voie pour être constructibles ; et il ressortait de la définition de la « façade sur voie » figurant dans le lexique joint au règlement du plan d'occupation des sols que ces dispositions imposaient que le terrain d'assiette ait une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres.

    Or, en l’espèce, si le terrain d’assiette du permis de construire litigieux présentait une façade sur voie d’une largeur de 10 mètres, celle-ci était en fait constituée par un accès d’une largeur de 3,50 mètres auquel avait été adjoint une bande de terrain de 6,50 mètres de largeur et de 70 centimètres de profondeur.

    Mais la Cour administrative d’appel de Paris, comme la juridiction de première instance, devait voir dans cette adjonction une opération destinée à conférer artificiellement au terrain à construire une apparence de régularité et, par voie de conséquence, annuler le permis de construire litigieux :

    « Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article UB5 du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE CHAVILLE que, pour être constructible dans la zone Ubb, un terrain résultant d'une division doit avoir une superficie d'au moins 300 m² et 10 mètres de largeur de façade sur voie ; que ces dispositions, complétées et éclairées par la définition de la « façade sur voie » figurant dans le lexique joint au règlement du plan d'occupation des sols doivent être regardées comme imposant que le terrain d'assiette ait une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres ;
    Considérant qu'il est constant que le terrain, résultant d'une division parcellaire, qui sert d'assiette au permis de construire délivré par l'arrêté du 7 avril 2004 susvisé du maire de Chaville à M. Y comporte un accès de 3,50 mètres sur l'avenue de la Résistance ; que la circonstance que cet accès soit élargi par une bande de terrain de 6,50 mètres sur 0,70 mètre permettant ainsi d'obtenir artificiellement une largeur de terrain en bordure de voie de 10 mètres ne permet pas de caractériser cette configuration des lieux comme une façade sur voie au sens des dispositions susrappelées du plan d'occupation des sols ; que, par suite, la COMMUNE DE CHAVILLE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté litigieux
    ».

    Cet arrêt renvoie ainsi à la problématique des terrains d’assiette artificiellement constitués à l’égard de laquelle les décisions rendues par la jurisprudence varient.

    C’est ainsi, à titre d’exemple, que le Conseil d’Etat a jugé inopérante une opération de revente d’une bande de terrain de 70 centimètres destinée à régulariser une construction illégale en la faisant ainsi joindre la limite séparative alors que son permis de construire avait été précédemment annulé en raison de son implantation à 70 centimètres de la limite séparative initiale (CE. 25 janvier 1993, Crts Saint-Guilly, req. n°122.112). En revanche, la Haute Cour a ultérieurement jugé qu’une construction en « sur-densité » pouvait être régularisée par l’acquisition d’une bande terrain de l’unité foncière voisine aux fins d’augmenter la SHON constructible d’un terrain d’assiette de la construction litigieuse et conséquemment diminuer sa densité en la rendant ainsi conforme aux prescriptions de l’article 14 du règlement d’urbanisme local ; bien que cette bande de terrain ne serve en rien à l’implantation de la construction litige et de ses abords (CE. 30 décembre 2002, SCI HLM de Lille, req. n°232.584 ; voir, également, ici).

    Il semble ainsi que, pour le juge administratif, l’opération d’acquisition ou de revente d’une bande de terrain sera artificielle, et donc inopérante, lorsqu’elle ne confère à la construction qu’une apparence de régularité ne permettant pas d’assurer un respect effectif de la règle d’urbanisme en cause.

    Dans la première affaire, en effet, la revente de la bande de terrain permettait certes d’amener la limite séparative jusqu’à la construction litigieuse de sorte à ce qu’elles soient jointives mais, en fait, ne modifier strictement rien à l’implantation de cette construction et à sa distance par rapport à la construction voisine, laquelle, au surplus, était ainsi rendue irrégulière puisqu’initialement implantée en limite séparative, elle s’en trouvait implantée à 70 centimètres de la nouvelle limite séparative, ce que ne permettait pas l’article 7 du POS communal.

    Dans la second affaire, en revanche, la bande de terrain acquise ne servait certes en rien à l’implantation de la construction litigieuse mais toujours est-il qu’en consommant les droits à construire y étant attachés cette construction réduisait d’autant la SHON constructible du « reliquat » dont cette bande avait été détachée : l’adjonction de cette bande de terrain au terrain d’assiette d’origine n’avait donc pas pour effet d’augmenter artificiellement la SHON constructible dans la zone au regard des possibilités de construction prévues par l’article 14 du règlement d’urbanisme local.

    Or, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, l’adjonction de la bande de terrain de 6,50 mètres de largeur et de 70 centimètres de profondeur permettait certes d’obtenir une façade sur voie d’une largeur de 10 mètres comme le prescrivait l’article 5 du règlement de POS mais ne permettait néanmoins pas d’assurer l’effectivité de la règle et la réalisation de l’objectif ainsi poursuivi par les auteurs du document d’urbanisme local, à savoir que les terrains aient une largeur effective en bordure de voie de 10 mètres.

    L’arrêt commenté nous paraît donc justifié tant au regard des prescriptions spécifiques du règlement d’urbanisme local en cause qu’en considération de la jurisprudence précédemment rendue en la matière.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le maire n’est pas en situation de compétence liée pour constater la péremption d’un permis de construire et en tirer les conséquences

    Lorsqu'il constate la péremption d'un permis de construire et la réalisation de travaux postérieurement à cette date, le maire est nécessairement conduit à porter une appréciation sur les faits. Il ne se trouve donc pas en situation de compétence liée rendant inopérants les moyens tirés des vices de forme et procédure dont seraient entachées les décisions subséquentes à ce constat.

    CE. 29 décembre 2006, Ministre de l’équipement, req. n°271.164


    Au terme de son délai de validité, dont l’échéance procède du défaut d’engagement de travaux significatifs dans les deux ans suivant sa notification ou de l’interruption des travaux autorisés pendant plus d’un an, le permis de construire se trouve frappé de caducité et ne peut donc plus être régulièrement mis en œuvre.

    Il s’ensuit que son titulaire en perd définitivement le bénéfice et, par voie de conséquence, que tout travaux qu’il serait amené à engager en se fondant sur cet ancien permis de construire serait constitutif d’un délit de travaux sans autorisation analogue au délit constitué lorsque l’autorisation requise n’a jamais été obtenue et ce, sans qu’il y soit besoin que l’administration ait préalablement opposé au constructeur la caducité de son permis de construire puisque la péremption de ce dernier procède du simple écoulement du temps et non pas de l’éventuelle décision administrative la constatant.

    Aussi, lorsque le constructeur entreprend tardivement l’exécution d’un permis de construire précédemment frappé de caducité et, en d’autres termes, engage des travaux non autorisés, le maire est en droit de faire usage à son encontre des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L.480-2.al.10 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose « dans le cas de constructions sans permis de construire ou de constructions poursuivies malgré une décision de la juridiction administrative ordonnant qu'il soit sursis à l'exécution du permis de construire, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public ».

    Mais bien entendu, l’arrêté interruptif de travaux édicté au titre de l’article précité peut faire l’objet d’un recours en annulation auprès du juge administratif. Il reste que les moyens d’illégalité interne susceptibles d’être utilement invoqués à l’encontre d’une telle décision sont réduits puisqu’ils ne peuvent que se limiter à contester la péremption du permis de construire et/ou à soutenir que les travaux exécutés nonobstant la caducité de ce dernier sont des simples travaux de finition ; étant rappelé que l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme ne peut plus être mise en œuvre lorsque les ouvrages sont achevés ou quasi-achevés, c’est-à-dire que deux restant à accomplir ne relèvent pas du champ d’application du permis de construire (CE. 2 mars 1994, Cne de Saint-Tropez, req. n°135.448).

    Par voie de conséquence, les principaux moyens susceptibles d’être invoqués ont trait à la légalité externe de la décision et, plus précisément, aux vices de forme et/ou de procédure dont elle serait entachée.

    Toute la question était ainsi de savoir si lorsqu’il constate la péremption d’un permis de construire le maire est ou non en situation de compétence liée puisque les vices de forme et de procédure sont inopérants à l’encontre d’une décision lorsque son auteur est en pareille situation. C’est à cette question qu’a répondu le Conseil d’Etat à travers l’arrêt commenté en jugeant que :

    « Considérant que lorsqu'il constate la péremption d'un permis de construire et la réalisation de travaux postérieurement à cette date, le maire est conduit nécessairement à porter une appréciation sur les faits ; qu'il ne se trouve donc pas, pour prescrire par arrêté l'interruption de ces travaux, en situation de compétence liée rendant inopérants les moyens tirés des vices de procédure dont serait entachée sa décision ;
    Considérant que, pour rejeter les conclusions du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER tendant à l'annulation du jugement du 7 octobre 1999 en tant que par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté interruptif de travaux du 30 novembre 1998 pris par le maire de Saint-Laurent-du-Var, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur le fait que, le maire n'était pas tenu malgré cette péremption, d'ordonner leur interruption, et aurait donc dû en vertu des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 alors en vigueur, mettre à même Mme A de présenter des observations écrites dès lors que les travaux en cause ne présentaient pas un risque pour la sécurité ou la salubrité publiques imposant une procédure d'urgence ; que ce faisant, la cour n'a pas commis une erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DU TOURISME ET DE LA MER n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'en conséquence, son recours doit être rejeté
    ».

    Il s’ensuit qu’une décision édictée sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme peut être contestée au regard des vices de forme et de procédure dont elle est entachée et, notamment, en considération de son défaut de motivation et/ou de l’absence de mise en œuvre préalable de la procédure administrative contradictoire prescrite par l’article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 (laquelle s’est « substituée », depuis la date des faits objet de l’arrêté commenté, à la procédure anciennement prévue par l’article 8 du décret du 28 novembre 1983).

    Mais a priori, ce principe vaut également à l’égard de l’ensemble des décisions subséquentes à la péremption du permis de construire, à commencer par celle par laquelle l’administration la constate puisque si une telle décision n’est pas requise pour que la caducité du permis de construire soit acquise (CE. 16 avril 1975, Cne de Louveciennes, Rec., p.240), il s’agit néanmoins d’une décision faisant grief laquelle est, par voie de conséquence, attaquable (CE. 5 décembre 1984, SCI Pavoi, req. n°37.168).

    Il reste qu’à s’en tenir aux décisions de certains tribunaux administratifs, cette question a moins d’importance à cet égard puisqu’il a pu être jugé que l’acte par lequel l’administration se borne à constater la péremption d’un permis de construire n’est pas assujetti à l’obligation de motivation résultant de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et, par voie de conséquence, n’a pas à être précédé d’une procédure administrative contradictoire (pour exemple : TA. Grenoble, 13 octobre 1999, Sté Arc-en-Ciel Promotion, req. n°97-04061).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Pour apprécier si les conditions posées par l’article R.422-2-m) du Code de l’urbanisme sont réunies, il convient de prendre en compte la destination de fait de la construction existante

    Si les autres conditions posées par l’article R.422-2-m) du Code de l’urbanisme sont réunies, les travaux projetés sur une construction existante relèvent de déclaration préalable dès lors qu’ils n’emportent pas un changement de destination de cette construction et ce, y compris si à la date de la décision intervenant sur cette déclaration cette destination ne correspondait plus à celle pour laquelle la construction avait été autorisée et, en d’autres termes, quand bien même ce changement de destination n’aurait-il pas été régulièrement autorisé.

    CE. 12 janvier 2007, Epx Fernandez., req. n°274.362


    Dans cette affaire, les époux Fernandez avaient formulé une déclaration de travaux portant sur un bâtiment qu’il occupait en tant qu’habitation. Il reste qu’initialement, ce bâtiment avait été autorisé en tant que bâtiment à usage agricole et qu’aucun permis de construire n’avait été obtenu pour le transformer en construction à destination d’habitation alors qu’un tel permis de construire était requis puisque l’on sait que, par principe, tous travaux emportant un changement de destination requièrent une telle autorisation (art. L.421-1.al.-2 ; C.urb).

    C’est à ce motif que le Tribunal administratif de Montpellier devait annuler la décision de non-opposition émise par la commune de Carcassonne sur la déclaration de travaux précédemment formulée par les époux Fernandez en jugeant que les travaux projetés devaient relever d’un permis de construire destiné à régulariser la destination de fait de la construction en cause ; étant rappelé qu’en application des dispositions combinées des articles R.421-1.al.-2 et R.422-2-m) du Code de l’urbanisme des travaux emportant un changement de destination ne peuvent pas bénéficier du régime déclaratif (sur le nouveau régime, voir ici) .

    Il reste que le Conseil d’Etat devait pour sa part estimer que :

    « Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a relevé que le bâtiment en cause, initialement à usage agricole, avait ensuite été transformé à usage d'habitation ; qu'il a ensuite jugé que, dès lors que le propriétaire n'établissait pas que cette transformation avait fait l'objet d'un permis de construire l'autorisant, les travaux envisagés ne relevaient pas du régime de la déclaration de travaux et qu'il y avait lieu de régulariser le changement de destination de l'immeuble par le dépôt d'une demande de permis de construire ; qu'en recherchant les conditions dans lesquelles la destination du bâtiment avait évolué depuis sa construction et en annulant la décision attaquée au motif que le changement de cette destination n'avait pas régulièrement, dans le passé, fait l'objet d'une autorisation d’urbanisme, les juges du fond ont commis une erreur de droit ; que, dans ces conditions, les époux Fernandez et la commune de Carcassonne sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le bâtiment faisant l'objet de la déclaration de travaux en cause était déjà à usage d'habitation à la date de cette déclaration ; qu'il est constant que les travaux qui ont été déclarés, n'ont pas pour effet de changer la destination de ce bâtiment ; que si Mme soutient que ce bâtiment était initialement à usage de remise agricole et qu'ensuite, il y a plusieurs années, il a été transformé en bâtiment à usage d'habitation sans qu'une autorisation d’urbanisme ne soit intervenue, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; que ces travaux relèvent donc du régime de la déclaration dès lors qu'il n'est pas contesté qu'ils remplissent les conditions prévues à l'article R. 422-2 du code de l’urbanisme; qu'ainsi, Mme n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle le maire de Carcassonne ne s'est pas opposé à la réalisation des travaux déclarés par M.
    ».

    La Haute Cour a donc considéré que pour application des dispositions de l’article R.422-2-m) du Code de l’urbanisme et, plus précisément, pour établir si les travaux projetés emportent ou non un changement de destination, il convenait de prendre en compte non pas la destination initialement autorisée de la construction en cause mais sa destination effective à la date à laquelle l’administration statue sur la déclaration, y compris si cette destination a été irrégulièrement conférée à cette construction.

    Une telle solution ne manque pas de surprendre au regard tant de la jurisprudence relative aux travaux projetés sur des constructions irrégulières que de celle portant sur le mode d’appréciation de la destination d’un ouvrage.

    Il convient, en effet, de rappeler que les travaux illégalement réalisés ne sauraient aboutir à la formation d’une construction juridiquement existante et, par voie de conséquence, ne peuvent pas être pris en compte. En pareil cas, aucun travaux nouveaux ne saurait être autorisé sur cette construction illégale sans que celle-ci n’ait été régularisée par une autorisation adéquate (CE. 9 juillet 1986, Thalamy, req. n°51.172) ; sous réserve de la « prescription décennale » introduite par l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL » dont ont précisera, à toutes fins, qu’elle n’était évidemment pas applicable en l’espèce compte tenu de la date des faits et, en toute hypothèse, n’aurait pas pu l’être puisque cet article exclut du bénéfice de cette « prescription » les travaux réalisés sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu.

    C’est ainsi que le Conseil d’Etat a pu juger que ne pouvaient être autorisés sans une régularisation préalable des travaux portant sur une construction dont la destination avait été changée sans autorisation (CE. 8 juillet 1994, M. That, req. n°119.002) et, notamment, que des travaux projetés sur la façade d’une telle construction exigeait un permis de construire destiné à régulariser la destination de fait de cette dernière, quand bien même les nouveaux travaux relevaient-ils intrinsèquement du régime déclaratif prévu par l’article R.422-2 (CE. 30 mars 1994, Gigoult, req. n°137.881).

    L’arrêt commenté prend donc à contre-pied cette jurisprudence pourtant bien établie. Mais dans une certaine mesure, il va également en sens inverse de la jurisprudence relative à l’appréciation de la destination des constructions.

    Il ressort, en effet, de la jurisprudence administrative récente qu’une construction est réputée conserver sa destination première, c’est-à-dire celle initialement autorisée, tant qu’un changement de destination n’a pas été entériné par une nouvelle autorisation d’urbanisme, y compris dans le cas où la construction n’a jamais reçu l’affectation pour laquelle elle avait été autorisée, telle une construction à destination d’habitation n’ayant jamais été occupée (CAA, Marseille, 10 décembre 1998, Cne de Carcès, req. n°97MA00527 ; CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Cne d’Eguilles, req. n° 02MA01240).

    Il est vrai qu’antérieurement, le Conseil d’Etat avait estimé qu’une construction pouvait avec le temps perdre sa destination initiale (CE. 20 mai 1996, M. et Mme Auclerc, req. n°125.012). Il reste que non seulement une telle décision n’impliquait pas qu’une construction puisse acquérir une nouvelle destination par le seul effet du temps mais qu’en outre, le Conseil d’Etat avait ultérieurement précisé que la circonstance qu’une construction soit utilisée à un autre usage que celle pour laquelle elle avait été autorisée ne lui faisait pas perdre sa destination initiale au regard du droit de l’urbanisme (CE. 31 mai 2001, Cne de d’Hyères-les-Palmier, req. n°234.226).

    Pour autant, l’arrêt commenté induit donc que non seulement une construction peut perdre la destination pour laquelle elle avait été autorisée mais, en outre, que celle-ci peut en acquérir une nouvelle par le simple usage.

    Dans une certaine mesure, cette décision peut ainsi être rapprochée de l’arrêt lequel le Conseil d’Etat a jugé que « pour l'application des dispositions (de l’ancien article L.112-7 du Code de l’urbanisme) au cas d'une demande de permis de construire portant sur l'aménagement de bâtiments existants, il y a lieu, pour déterminer leur surface hors ouvre nette avant travaux, de prendre en considération leur mode d'utilisation effectif à la date de la demande » (CE. 17 décembre 2003, Crts Mignon, req. n°242.448).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • La fraude du pétitionnaire ne dispense pas l’administration de mettre en oeuvre la procédure contradictoire préalablement au retrait du permis de construire litigieux

    Si le permis de construire obtenu par fraude perd son caractère créateur de droit, ce qui permet son retrait à tout moment, cette circonstance ne dispense pas l'administration de motiver la décision qui en prononce le retrait et, par voie de conséquence, de respecter la procédure contradictoire imposée par les dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec les administrations. Et lorsque ce permis de construire a été précédemment transféré à un tiers, cette procédure doit être mise en œuvre à l’égard tant de son titulaire d’origine que de son nouveau bénéficiaire.

    CAA. Bordeaux, 2 novembre 2006, M. X. et SCI Le Clos Bleu Vision, req. n° 04BX01608


    Dans cette affaire, un permis de construire avait été obtenu par Monsieur X, le 5 avril 2002, puis avait été transféré, le 15 avril 2002, à la SCI Le Clos Bleu Vision. Mais ultérieurement, il devait apparaître que le pétitionnaire avait produit un « faux » pour établir son titre habilitant à construire sur la parcelle limitrophe de son unité foncière et ce, faisant étendre ses possibilités de construction sur son terrain en bénéficiant des droits à construire attachés à cette parcelle.

    Ce comportement étant constitutif d’une fraude, la commune de Saint-Paul devait ainsi procéder au retrait, le 14 octobre 2003, tant du permis de construire délivré le 5 avril 2002 que de l’arrêté de transfert édicté le 15 avril suivant.

    Il reste que ce retrait n’avait pas été précédé de la mise en oeuvre de la procédure contradictoire instituée par l’article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 qui, par principe, s’impose au retrait des actes administratifs créateurs de droit, tels les permis de construire.

    Néanmoins, le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion devait rejeter le recours exercé par Monsieur X. et la SCI Le Clos Vision Bleue au motif que de par la fraude par laquelle le permis de construire litigieux avait été obtenu celui-ci lui avait perdu son caractère créateur de droit, si bien que son retrait n’avait pas à être précédé de la procédure administrative contradictoire susvisée.

    Mais en appel, le Cour administratif d’appel de Bordeaux devait censurer cette analyse et conséquemment annuler l’arrêté de retrait en date du 4 octobre 2003 au motif suivant :

    « Considérant que, quand bien même le permis de construire délivré à M. X a été obtenu par fraude et a ainsi perdu son caractère créateur de droit, ce qui permet son retrait à tout moment, cette circonstance ne dispense pas l'administration de motiver la décision qui en prononce le retrait et, par voie de conséquence, de respecter la procédure contradictoire imposée par les dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec les administrations ; qu'il est constant que ni M. X ni la SCI LE CLOS BLEU VISION n'ont été invités par le maire de la commune de Saint Paul à présenter leurs observations avant le retrait des autorisations dont ils étaient bénéficiaires ; qu'ainsi cette décision de retrait prise à la suite d'une procédure irrégulière est entachée d'illégalité et doit être annulée ».

    Cette solution nous paraît doublement logique dans la mesure où, d’une part, l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 prévoit expressément les cas dans lesquels il ne s’applique pas lesquels ne recouvrent pas le cas de fraude et où, d’autre part, la finalité de la procédure administrative contradictoire ainsi instituée doit précisément permettre à l’intéressé de s’expliquer sur son comportement aux fins, le cas échéant, d’établir que ce dernier n’était pas constitutif d’une fraude.

    Mais ce qui est, selon nous, le plus intéressant au cas présent est que le permis de construire en litige avait été transféré préalablement à son retrait, ce qui appelle trois remarques.

    Tout d’abord, il résulte ainsi implicitement de l’arrêté commenté que le transfert d’un permis de construire obtenu grâce à la fraude du pétitionnaire ne s’oppose pas à son retrait à tout moment, quand bien même son nouveau bénéficiaire ne serait-il en rien responsable du comportement de son titulaire d’origine.

    Ce qui est bien normal puisqu’eu égard au caractère réel de la législation d’urbanisme et, notamment, de celle sur le permis de construire, leurs prescriptions sont opposables indépendamment de toute considération liée au transfert ou à l’absence de transfert du permis de construire en cause. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a pu récemment juger que le caractère précaire d’une construction édifiée en exécution d’un permis de construire sur un emplacement réservé délivré au titre de l’article L.423-1 du Code de l’urbanisme était opposable à l’acquéreur ultérieur de cette construction – lequel pouvait ainsi être condamné à la démolir – quand bien même ce permis de construire ne lui aurait-il pas été transféré (CE. ord., 6 mars 2006, Ville de Lyon, req. 283.987).

    Ensuite, il faut souligné que la Cour administrative d’appel de Bordeaux a relevé « qu'il est constant que ni M. X ni la SCI LE CLOS BLEU VISION n'ont été invités par le maire de la commune de Saint Paul à présenter leurs observations avant le retrait des autorisations dont ils étaient bénéficiaires ».

    On peut donc en déduire que dans le cas du retrait d’un permis de construire précédemment transféré à un tiers, la procédure administrative contradictoire instituée par l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être mise en œuvre à l’égard non seulement du titulaire d’origine du permis de construire litigieux mais également de son nouveau bénéficiaire, ce qui est logique dès lors que ce dernier est le principal, voir seul intéressé par l’éventuel retrait de ce permis de construire.

    Il faut néanmoins relever que cette solution aboutit à solliciter les observations de celui qui n’est plus titulaire du permis de construire en cause et qui, a priori, est donc moins concerné par son éventuel retrait et également de celui qui pour être directement intéressé par ce dernier, n’est pas nécessairement responsable, ni même informé du comportement frauduleux du pétitionnaire et qui, a priori, sera bien en peine de présenter des observations utiles sur ce point.

    Enfin, il faut rappeler que dans cette affaire, l’arrêté du 14 octobre 2003 a procéder au retrait tant du permis de construire en litige que de l’arrêté de transfert dont avait bénéficié la SCI Le Clos Bleu Vision. Or, force est de constater que la Cour administrative d’appel de Bordeaux n’a opéré aucune distinction entre le retrait du permis de construire en litige et le retrait de son transfert ainsi qu’entre la situation de son titulaire d’origine et de son nouveau bénéficiaire (ce qui n’était, toutefois, pas nécessaire dès lors que la seule méconnaissance de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 suffisait à emporter l’annulation de cet arrêté dans son entier dispositif).

    Il est vrai que, d’une part, l’illégalité d’un permis de construire affecte d’illégalité son transfert ultérieur (CE. 24 février 1992, Cogedim, req. n°119.134) et que, d’autre part, le seul retrait du permis de construire en litige aurait abouti la SCI Le Clos Bleu Vision à être bénéficiaire d’une « coquille vide » puisqu’un transfert de permis de construire ne vaut pas délivrance d’une nouvelle autorisation mais s’analyse comme un simple rectification de l’identité de son titulaire (CE. 18 juin 1993, Cne de Barroux, req. n°118.690).

    Il n’en demeure pas moins qu’un arrêté de transfert est un acte distinct de l’arrêté initial de permis de construire qui présente le caractère d’un acte créateur de droit pour son bénéficiaire et, par principe, suivant la jurisprudence « Thernon », ne peut donc plus être retiré passé un délai de quatre mois suivant sa signature (une de question posée par le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme issu de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL » sera de savoir si le délai de retrait de trois ainsi institué concernera les arrêtés de transfert puisque cet article ne vise expressément que le permis de construire, le permis d’aménager et le permis de démolir).

    Il nous semble donc que l’arrêté de transfert édicté au bénéfice de la SCI Le Clos Bleu Vision ne pouvait plus être retiré à la date du 14 octobre 2003 dans la mesure où il nous parait difficile de considérer que la fraude affectant un permis de construire et justifiant la possibilité de le retirer sans condition de délai puisse rejaillir sur le bénéficiaire d’un arrêté de transfert qui ne serait en rien responsable de la fraude initiale du pétitionnaire.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés