Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La précarité d'un ouvrage édifié au titre de l'article L.423-1 du Code de l'urbanisme est attachée à la construction et n'est pas liée au titulaire du permis de construire ainsi obtenu

La précarité d'un ouvrage édifié au titre de l'article L.423-1 du Code de l'urbanisme est attachée à la construction et n'est pas liée au titulaire du permis de construire ainsi obtenu. Par voie de conséquence, la vente d'un immeuble édifié en exécution d'un permis de construire délivré au titre de l'article L.423-1 n'affecte pas le caractère précaire de l'ouvrage, même en l'absence de transfert préalable de permis de construire

CE. ord., 6 mars 2006, Ville de Lyon, req. 283.987


Dans cette affaire, la construction d’installations affectées à un « poney-club » avait été autorisée dans le cadre d’un permis de construire délivré le 6 novembre 1986 sur le fondement de l’article L.423-1 du Code de l’urbanisme, lequel permet de construire – mais à titre précaire – sur des emplacements réservés par le document d’urbanisme local à la création future d’installations d’intérêt général. Conformément aux articles L.423-2.al.-2 et L.423-4.al.-2 du Code de l’urbanisme, la délivrance de ce permis de construire était assortie de l’obligation de démolir ces installations à une date déterminée.

Cette échéance n’ayant pas été respectée, le Maire de Lyon ordonna au propriétaire de ces installations de procéder à leur démolition, par un arrêté date du 16 juin 2005. Il reste qu’à cette date, le propriétaire des installations litigieuses n’était plus le titulaire du permis de construire délivré le 6 février 1986 ; ces installations ayant entre temps été vendues.

C’est ainsi que leur nouveau propriétaire, destinataire de l’arrêté du 16 juin 2005, exerça à l’encontre de ce dernier une requête aux fins de référé-suspension en soutenant que celui-ci était illégal dans la mesure où, notamment, d’une part, le permis de construire du 6 février 2006 ne lui avait pas été transféré et où, d’autre part, l’acte de vente de ces installations ne précisait pas qu’elles avaient été édifiées en exécution d’un permis de construire précaire assorti de l’obligation ultérieure de les démolir.

Le requérant obtint gain de cause du juge des référés du Tribunal administratif de Lyon et ce, sur le moyen tiré de l’absence de transfert du permis de construire.

Force est, en effet, d’admettre que ce moyen n’était pas dénué de toute pertinence dès lors qu’un transfert de permis de construire a pour principaux effets non seulement de rectifier le nom du titulaire de cette autorisation mais surtout d’en transférer la responsabilité à son nouveau bénéficiaire (CE. 10 décembre 1965, Synd. des copropriétaires de l’immeuble Pharao-Pasteur, req. n° 53.773). Faute de transfert du permis de construire délivré en 1986 à l’acquéreur des installations litigieuses, il pouvait donc être considéré que ce dernier n’avait pas à en supporter la responsabilité et, par voie de conséquence, n’était pas tenu par l’obligation de démolir dont était assortie cette autorisation.

Pour autant, le Conseil d’Etat, saisi en cassation, annula l’ordonnance rendu par le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon aux motifs suivants:

" Considérant qu'aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme : Lorsqu'un emplacement est réservé par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé, ou un document d'urbanisme en tenant lieu, pour un ouvrage public, une voie publique, une installation d'intérêt général ou un espace vert et que la construction à édifier a un caractère précaire, le permis de construire peut exceptionnellement être accordé ... et qu'aux termes de l'article L. 423-5 du même code : Nonobstant toutes dispositions contraires ... les titulaires de droits réels ou de baux de toute nature portant sur des constructions créées ou aménagées en application des articles précédents ne peuvent prétendre à aucune indemnité./ ...A peine de nullité et ce, sans préjudice de réparation civile s'il y a lieu, tout acte portant vente, location ou constitution de droits réels sur des bâtiments frappés de précarité en application des dispositions qui précèdent doit mentionner le caractère précaire desdites constructions. ; qu'il résulte de ces dispositions que le caractère précaire d'une construction autorisée sur le fondement d'un permis de construire délivré en application des articles L. 423-1 et suivants du code de l'urbanisme est attaché à la construction et, dès lors, opposable non seulement à la personne à laquelle le permis a été accordé mais également, le cas échéant, à toute personne détentrice de droits sur cette construction ; que ce caractère précaire n'est pas subordonné, en cas de changement de propriété, au transfert préalable du permis de construire ; que, dès lors, le juge des référés a commis une erreur de droit en retenant comme propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que le permis de construire précaire n'avait fait l'objet d'aucun transfert au profit de M. A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ville de Lyon est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 27 juillet 2005 ;
Considérant que M. A soutient que le signataire de la décision attaquée ne bénéficiait pas d'une délégation de compétence régulière ; qu'il n'est pas établi que le permis de construire à titre précaire se rapporte aux constructions dont la démolition a été requise ; que ni l'existence dudit permis de construire, ni son caractère précaire, ni l'engagement de démolir dont il est assorti n'ont été mentionnés dans l'acte de la vente intervenue à son profit ; que ce permis de construire ne lui a pas été transféré et lui est par conséquent inopposable ; qu'en raison de l'engagement parallèle, par la ville de Lyon, d'une action contentieuse tendant à le faire expulser du domaine public, la décision attaquée est constitutive d'un détournement de procédure"


En effet, compte tenu caractère réel et non pas personnel de la légalisation d’urbanisme et des autorisations de construire, les effets d’un permis de construire sont attachés à l’ouvrage ainsi autorisé et ce, indépendamment de toute considération liée à la personne de son titulaire.

C’est pourquoi l’exécution d’un permis de construire par un tiers n’en ayant pas obtenu le transfert n’est pas constitutive d’une infraction au droit pénal de l’urbanisme (Cass.crim., 29 juin 1999, Barthe et Lhermite, Bull.crim, n°166), interrompt le délai de caducité du permis (TA. Nice, 13 mai 1997, SCI Le Pavillon, req. n°93-3645) et ne permet pas de considérer l’ouvrage ainsi édifié comme une construction réalisée sans autorisation au sens de l’article 1723 quarter II du Code général des impôts ou comme une opération sans suite au sens de l’article 1723 quinquies du même Code (CE, 5 avril 2004, Ascher, juris-data n° 2004-066647) .

En outre, non seulement l’article L.423-1 du Code l’urbanisme vise le cas où « la construction à édifier a un caractère précaire » mais, en outre et surtout, les articles L.423-3 et suivants dont résultent l’obligation ultérieure de la démolir sans indemnité visent « le propriétaire » de la construction ou « les titulaires de droits réels ou de baux » portant sur cette dernière.

L’absence de transfert de permis de construire n’ayant par principe aucune incidence sur le régime applicable à l’ouvrage réalisé et les dispositions relatives au permis de construire à titre précaire ne se bornant pas à viser le titulaire de ce dernier, c’est donc en toute logique que le Conseil d’Etat jugea que « le caractère précaire d'une construction autorisée sur le fondement d'un permis de construire délivré en application des articles L. 423-1 et suivants du code de l'urbanisme est attaché à la construction et (…) que ce caractère précaire n'est pas subordonné, en cas de changement de propriété, au transfert préalable du permis de construire ».

Au surplus, on peut relever qu’en l’espèce, le permis de construire délivré le 6 février 2006 n’était a priori plus transférable à la date d’édiction de l’arrêté enjoignant la démolition des installations litigieuses, ni même à la date de vente de ces dernières, puisqu’un permis de construire totalement exécuté ne peut plus être transféré. Mais surtout, il faut souligner que la solution retenue par le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon ouvrait la porte à des pratiques frauduleuses ou, à tout le moins, vidait de son sens l’article L.423-1 du Code de l’urbanisme – dont on rappellera qu’il a pour partie vocation à garantir la faisabilité de l’installation d’intérêt général projetée sur l’emplacement réservé considéré – puisqu’à s’en tenir à cette solution il suffirait qu’une première structure ad hoc obtiennent un permis de construire sur le fondement de cet article, l’exécute puis revende à une seconde la construction ainsi réalisée pour que cette dernière deviennent pérenne.

Quant au moyen tiré de l’absence de mention dans l’acte de vente des installations litigieuses du caractère précaire du permis de construire en exécution duquel elles avaient été réalisées et de l’obligation de démolir dont il était assorti, celui-ci trouvait vraisemblablement son fondement dans l’article L.423-5 du Code de l’urbanisme en ce qu’il prescrit que « tout acte portant vente, location ou constitution de droits réels sur des bâtiments frappés de précarité en application des dispositions qui précèdent doit mentionner le caractère précaire desdites constructions ».

Il reste que cette prescription ne vaut expressément qu’à « peine de nullité et ce, sans préjudice de réparation civile s’il y a lieu ». Or, par principe, la conformité d’une construction au regard du droit de l’urbanisme et la légalité des décisions prises au titre de cette police sont indépendantes de toute considération liée aux termes ou à la validité des conventions de droit privé (CE. 14 janvier 1981, Epx Simon, req. n°16.920).

Ce moyen ne pouvait donc qu’être écarté dès lors que le Conseil d’Etat avait précédemment précisé que le caractère précaire d’une construction est « opposable non seulement à la personne à laquelle le permis a été accordé mais également, le cas échéant, à toute personne détentrice de droits sur cette construction ».

En pareil cas, la seule solution ouverte à l’acquéreur de l’ouvrage précaire est donc d’exercer à l’encontre du vendeur les actions induites par l’article L.423-5 du Code de l’urbanisme mais dont les effets sur l’injonction de démolir qui aura pu lui être notifiée restent à préciser.

Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

Les commentaires sont fermés.