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  • Première application du nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 (« dite ENL »)

    Les dispositions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, introduites par la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, permettant au juge de prononcer l’annulation partielle d’autorisations d’urbanisme étant d’application immédiate, elles peuvent être mises en oeuvre s’agissant d’instances introduites avant l’entrée en vigueur de la loi. Est ainsi annulé, à raison de l’erreur manifeste d’appréciation dont il était entaché au regard de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, un permis de construire en tant qu’il autorisait la construction de deux des cinq silos à grain initialement prévus.

    TA. Amiens, 29 décembre 2006, req. n° 04-01732


    Une des principales innovations de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant Engagement National pour le Logement (« ENL ») – ou, à tout le moins, une de ses dispositions présentées comme telles – est d’avoir introduit, via son article 11, un nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme dont l’alinéa 1er dispose que :

    « Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation ».

    Une des questions posées par l’introduction de cet article était ainsi de savoir s’il était d’applicabilité immédiate ou, plus particulièrement, s’il était susceptible d’être mis en ouvre par le juge de l’excès de pouvoir dans le cadre d’instances introduites avant son entrée en vigueur ; tel est l’intérêt du jugement commenté (signalé dans « Les Feuillets du TA d’Amiens », février 2007 n°24, lesquels sont accessibles sur son site).

    En effet, le Tribunal administratif d’Amiens a ainsi précisé que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme était d’applicabilité immédiate. Mais force est d’admettre que c’est l’inverse qui aurait surpris dès lors que ce dernier ne précise pas avoir vocation à être étayé par un décret d’application ou que son entrée en vigueur est subordonnée à celle de l’ordonnance du 8 décembre 2005 relative à la réforme des autorisations d’urbanisme et de son décret d’application, intervenu le 5 janvier 2007, laquelle est programmée pour le 1er juillet 2007 ; étant rappelé que l’entrée en vigueur d’autres disposition de la loi dite « ENL » est ainsi conditionnée.

    De même, ce jugement souligne que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme est applicable aux instances introduites précédemment ; une précision qui méritait assurément d’être apportée mais qui pour être moins évidente est néanmoins tout aussi logique que la première dès lors, d’une part, que cet article ne précise pas expressément le contraire et que, d’autre part, les conclusions présentées dans le cadre du contentieux de l’excès de pouvoir ne sont pas cristallisées dès leur formulation initiale.

    Dès lors qu’il est d’applicabilité immédiate, rien ne s’oppose à ce que les parties à une instance introduite précédemment à son entrée en vigueur « modulent » leurs conclusions initiales sur le fondement du nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme. On peut ainsi imaginer que le requérant, qui ne serait opposé qu’à une partie du projet et se serait « entendu » avec le titulaire de l’autorisation d’urbanisme en litige, revienne sur ses conclusions initiales tendant à l’annulation globale de cette autorisation pour ne plus conclure qu’à son annulation partielle et/ou que la partie défenderesse conclue, a priori à titre subsidiaire, à une telle annulation de son autorisation.

    Mais en revanche, outre ces précisions d’ordre procédural et relatives à l’application de la loi dans le temps, force est de relever que ce jugement ne permet pas de répondre à ce qui constitue, selon nous, la principale question posée par le nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme : le juge administratif peut-il n’annuler que partiellement l’autorisation d’urbanisme contestée lorsque le projet est indivisible ?

    Il convient, en effet, de préciser que dans l’affaire objet du jugement commenté, le permis de construire en litige autorisait la construction de cinq silos, lesquels, pour être autorisés par un seul et même permis de construire, constituaient, selon toute vraisemblance (nous n’avons pas plus d’informations sur la consistance exacte du projet), un ensemble divisible à l’instar, à titre d’exemple, d’un parc éolien dont certaines des installations peuvent être dissociables les unes des autres (CE. 6 novembre 2006, req. n°281.872).

    Or, comme on le sait, le principe initial de l’indivisibilité des autorisations d’urbanisme, lequel était absolu, a fait long feu puisqu’il est dorénavant de jurisprudence bien établie qu’une autorisation d’urbanisme peut n’être que partiellement annulée lorsque le projet est lui-même divisible (CE. 2 février 1979, Cts Sénécal, req. n° 05.808 ; CE. 16 février 1979, SCI Cap Naio c/ Dlle Fournier, Rec., p.66).

    Deux lectures du nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme sont donc possibles : soit, il s’agit d’une simple consécration législative du principe jurisprudentiel pré-exposé, soit, il s’agit d’une réelle innovation permettant au juge administratif de prononcer une annulation partielle même lorsque le projet et, par voie de conséquence, l’autorisation s’y rapportant sont indivisibles. Et selon nous, c’est la première qui devrait s’imposer dans l’essentiel des cas ; étant d’ailleurs relevé que le principe de la divisibilité des prescriptions financières d’une autorisation d’urbanisme issu de la jurisprudence « Plunian » (CE. 13 novembre 1981, Rec., p.413) a lui même antérieurement fait l’objet d’une telle consécration, en l’occurrence par la l’article L332-7 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de l’article 23 de la loi n°85-729 du 18 juillet 1985.

    On soulignera, en effet, que le critère déterminant de l’indivisibilité d’un ouvrage ou d’un ensemble immobilier au regard du droit de l’urbanisme tient, au premier chef, à des considérations juridiques et, plus accessoirement, à des considérations techniques et fonctionnelles (sur cette question : notre étude, « La divisibilité des ouvrages et des ensembles immobiliers en droit de l’urbanisme », Construction & Urbanisme, n°3/2006).

    Or, si l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme portant sur une projet dont l’indivisibilité est exclusivement technique et/ou fonctionnelle – c’est-à-dire que la réalisation d’une des composantes du projet ne peut être réalisée qu’à la condition qu’une autre le soit et/ou que le projet tel qu’il a été conçu par le pétitionnaire ne peut fonctionner que si toutes ces composantes sont réalisées – n’est pas inenvisageable, elle paraît plus difficilement concevable, en l’état de la rédaction de l’alinéa 2 de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, lorsque l’indivisibilité du projet est d’ordre juridique – à savoir lorsque la réalisation d’une des composantes du projet est indispensable à la conformité de celui-ci au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables.

    A titre d’exemple, il a pu être jugé qu’un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments mais dont l’accès et le parc de stationnement sont communs constitue, même lorsqu’il est autorisé par plusieurs permis de construire, dont la légalité est alors appréciée globalement, un ensemble indivisible (CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832 ; CAA. Nancy, 4 mars 1997, Epx Ravachol c/ Ville de Reims, req. n° 94NC01290) ; et pour cause puisqu’à défaut de cet accès ou de ce parc de stationnement, un tel projet méconnaîtrait les prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme et, le cas échéant, celles des articles 3 et 12 du règlement d’urbanisme local.

    Prenons donc le cas, d’un permis de construire portant sur plusieurs bâtiments distincts mais « reliés » entre-eux par un parc de stationnement, projeté pour satisfaire aux prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme, lequel serait là seule composante du projet à méconnaître les prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables et, en d’autres termes, la « seule partie » du projet illégale au sens de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme (d’ailleurs, cette rédaction et l’hypothèse ainsi visée tendent à exclure son application à des projets indivisibles puisque, précisément, du fait de l’irrégularité d’une de ses composantes, c’est le projet dans son ensemble qui s’en trouve illégal…).

    Si l’on considère que ce dernier a vocation à s’appliquer nonobstant l’indivisibilité de ce projet, le juge administratif pourrait donc n’annuler le permis de construire en cause qu’en tant qu’il a autorisé ce parc de stationnement. Il reste que ce faisant, il « validerait » donc un projet et un permis de construire qui ne respecteraient plus les prescriptions de l’article 12 du règlement d’urbanisme local.

    Il est vrai que l’alinéa 2 de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme précise qu’en cas de prononcé d’une annulation partielle « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ». Il reste que la mise en oeuvre de cet alinéa, qui n’est pas rédigé sur le mode impératif et ne contient aucune obligation chronométrique pour ce faire, implique que le pétitionnaire présente une demande de modificatif, ce que ni l’administration (en ce sens : CAA. Marseille, 31 janvier 2002, Melois, req. n°98MA02231), ni le juge administratif n’ont le pouvoir de lui enjoindre.

    On relèvera, d’ailleurs, que s’agissant de l’annulation partielle des PLU la rédaction du nouvel article L.123-1 du Code de l’urbanisme est plus contraignante puisqu’elle expose « en cas d'annulation partielle par voie juridictionnelle d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente élabore sans délai les nouvelles dispositions du plan applicables à la partie du territoire communal concernée par l'annulation ».

    Sauf à ce que le juge administratif module la portée de son alinéa 2, ce que sa rédaction n’exclue pas totalement, il nous semble donc difficilement concevable que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme soit mise en œuvre à l’égard de projets indivisibles.

    Pour reprendre l’exemple sus-décrit, l’annulation du seul parc de stationnement aboutirait donc à valider un permis de construire méconnaissant, du fait de celle-ci, les prescriptions de l’article 12 du règlement local d’urbanisme mais que son titulaire pourrait néanmoins mettre en œuvre sans qu’il n’y ait aucune garantie sur sa diligence à régulariser, via une autorisation modificative, son projet. Il est même possible de considérer qu’une telle interprétation de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ne pourrait qu’inciter les opérateurs pour qui les règles d’urbanisme en matière de stationnement sont souvent significatives de contraintes constructives et financières, à faire en sorte que leur permis de construire ne soit annulé qu’en ce qu’il autorise le parc devant les accueillir pour ainsi en être déchargés…

    Au surplus, cette interprétation autoriserait le juge administratif à opérer, en toute hypothèse, ce que l’administration statuant sur le demande de permis de construire ne peut régulièrement accomplir que lorsque le projet est divisible, à savoir accorder, refuser ou retirait partiellement le permis de construire (CE. 4 janvier 1985, SCI Résidence du Port, req. n° 47.248 ; CE. 28 février 1996, Dme de la Grote de Chanterac, req. n° 124.016).

    Telle est, d’ailleurs, la raison pour laquelle, si l’annulation partielle d’un permis de construire autorisant un projet ne nous paraît pas totalement inconcevable lorsque son indivisibilité procède exclusivement de considérations fonctionnelles et/ou techniques, elle ne nous nous semble pas non plus aller de soi pour des raisons qui, d’ailleurs, valent également en cas d’indivisibilité d’ordre juridique.

    En première analyse, l’annulation partielle serait, en effet, moins problématique au regard de la règle d’urbanisme puisqu’elle aboutirait à valider un projet techniquement irréalisable et/ou ne présentant pas la fonctionnalité conçue par le pétitionnaire ; mais finalement cela ne regarde que lui et s’il veut réaliser le projet tel qu’il l’avait initialement envisagé, il ne tiendrait qu’à lui d’obtenir le modificatif prévu par l’article L.600-5, al.2 du Code de l’urbanisme.

    Il reste qu’une telle annulation peut intervenir avant l’achèvement des travaux et que la régularisation du projet initial via une seconde autorisation peut être impossible au regard des règles d’urbanisme applicables : l’opérateur s’en trouverait alors maître d’ouvrage d’un projet qu’il ne peut techniquement mener à terme et/ou qui ne correspond en rien à ce qu’il avait souhaité avec, en outre, l’obligation de finir les travaux nécessaires à la conformité du projet au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui demeures opposables (sur ce point, notre étude : « Le statut des constructions inachevées en droit de l’urbanisme », RDI, n°5/2006).

    Mais surtout, il faut rappeler qu’en cas d’indivisibilité juridique, technique ou fonctionnel du projet, le pétitionnaire à l’obligation de présenter une demande d’autorisation unique (CAA. Lyon, 28 décembre 2006, Association « SOS Parc Paul Mistral », req. n°05LY01535) sur laquelle l’administration devra statuer en prenant partie sur tous les aspects du projet sans pouvoir renvoyer à une autre autorisation (CE. 7 novembre 1973, Giudicelli, req. n° 85.237) ; une jurisprudence rendue en application de l’article L.421-3, al.1 du Code de l’urbanisme dont les dispositions sont intégralement reprises par le nouvel article L.421-6 dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2007 pris pour application de l’ordonnance du 8 décembre 2005.

    Il s’ensuit qu’en prononçant l’annulation partielle d’un permis de construire portant sur un projet indivisible non seulement le juge administratif opérerait ce que l’administration statuant sur le demande de permis de construire ne peut régulièrement accomplir que lorsque le projet est divisible mais, en outre, validerait un projet ne correspondant pas à celui sur lequel l’administration se serait prononcée et aurait pris parti : dans une certaine mesure, le juge ferait donc office d’administrateur.

    Pour conclure, on relèvera que le nouvel article L.600-5 du Code de l’urbanisme se borne à prévoir l’annulation partielle des autorisations d’urbanisme et, en d’autres termes, ne permet pas leur suspension partielle, pas plus que l'annulation partielle d'un refus d'autorisation. De même, en visant "une partie du projet", il est clair que cet article ne permet pas l'annulation partielle d'une autorisation en tant qu'elle est affectée d'illégalité externe (sur ces deux points, voir ici). 

    En l’état, la seule indiscutable innovation de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme est de consacrer tout à la fois le permis de construire modificatif et sa dimension régularisatrice et ce, d’ailleurs, indépendamment de toute considération liée à l’ampleur des modifications induites par l’annulation partielle au regard de l’économie générale du projet initial.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • L’exécution d’un permis de construire par un tiers qui n’en a pas obtenu le transfert ne peut justifier un ordre interruptif de travaux sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme

    Dans la mesure où, d'une part, le permis de construire n'est pas délivré en considération de la personne qui en devient titulaire, mais en fonction du projet de bâtiment qui lui est soumis et où, d'autre part, le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'est pas constitutif d'une infraction prévue à l'article L.480-4 du code de l'urbanisme, non seulement les travaux exécutés par un tiers qui n’a pas obtenu transfert du permis de construire en cause interrompent son délai de validité mais, en outre, ce défaut de transfert ne peut justifier l’édiction d’un arrêté interruptif de travaux sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Marseille, 23 novembre 2006, M. X., req. n°04MA00264


    Voici un arrêt qui pour appeler peu de commentaires n’en mérite pas moins d’être relevé en ce qu’il consacre une solution précédemment retenue par les Tribunaux administratif en se fondant sur un principe dégagée par la chambre criminelle de la Cour de cassation et ce, pour en faire application à une question nouvelle.

    Dans cette affaire, la SCI Morgan France avait obtenu deux permis de construire sur des lots qu’elle avait ultérieurement revendus à la SCI Gugliemo. Or, lors de la phase d’engagement des travaux, le Préfet de Corse du Sud devait opposer la caducité de ces permis de construire au motif d’une interruption des travaux d’une durée supérieure à un an (art. R.421-32, al.1 ; C.urb) pour conséquemment édicter deux ordres interruptifs de travaux sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

    Le gérant de la SCI Gugliemo, Monsieur Antonio, décidait ainsi de solliciter l’annulation de ces ordres interruptifs de travaux mais son recours devait être rejeté par un jugement du Tribunal administratif de Bastia dont il interjeta appel.

    Précisément, devant la Cour administrative d’appel de Marseille, Monsieur Antonio parvint à contredire les procès-verbaux de la Direction départementale de l’équipement censés établir la caducité des permis de construire en cause par la production de constats d’huissier et de factures. Mais pour sa part, la Préfecture de Corse du Sud devait solliciter une substitution de motif et, concrètement, demander à la Cour de « valider » ses ordres interruptifs de travaux non pas en raison de la caducité desdits permis mais en considération du fait qu’ils avaient été exécutés par Monsieur Antonio alors qu’il n’en avait pas obtenu le transfert et ne pouvait donc s’en considérer titulaire.

    Toutefois, ce nouveau motif devait être rejeté par la Cour administrative d’appel de Marseille pour la raison suivante :

    « Considérant, il est vrai, que le ministre fait valoir que M. ne pouvait s'estimer titulaire des permis de construire initialement délivrés à la SCI Morgan France, car il n'en avait pas demandé le transfert au bénéfice de sa société ; que ce faisant, le ministre doit être regardé comme sollicitant une substitution des motifs fondant les arrêtés contestés, en soutenant que M. n'était pas bénéficiaire de permis l'autorisant à construire sur les parcelles en cause ; que cependant, d'une part, le permis de construire n'est pas délivré en considération de la personne qui en devient titulaire, mais en fonction du projet de bâtiment qui lui est soumis, et d'autre part, le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'est pas constitutif d'une infraction prévue à l'article L.480-4 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, la demande de substitution de motifs formulée par le ministre doit être rejetée ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Bastia a écarté le moyen tiré de l'erreur de fait sur la caducité des permis de construire, présenté en première instance, pour rejeter la demande de M. ; que le requérant est, dès lors, fondé à demander l'annulation dudit jugement ainsi que celle des arrêtés n° 01-0477 et 01-0476 en date du 6 avril 2001 et n° 01-745 en date du 22 mai 2001
    ».

    Il s’ensuit, d’une part, que la Cour administrative d’appel de Marseille a considéré que les travaux exécutés par un tiers pouvait néanmoins interrompre le délai de validité d’un permis de construire tel qu’il est régi par l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme et ce, au motif que « le permis de construire n'est pas délivré en considération de la personne qui en devient titulaire, mais en fonction du projet de bâtiment qui lui est soumis » ; ce qui constitue, d’ailleurs, le principe en raison duquel lorsque pendant la période de validité d’un permis de construire, la responsabilité de la construction est transférée du titulaire d’origine à une ou plusieurs autres personnes, il n’y pas lieu pour l’administration de délivrer à celles-ci un nouveau permis de construire mais simplement de transférer, avec l’accord du titulaire d’origine (sur ce point : CE. 20 octobre 2004, SCI Lagona, req. n°257.690) et, le cas échéant, du propriétaire du terrain à construire (sur ce point : CE. 19 juillet 1991, Crepin, req. n°86.807), le permis précédemment accordé (sur le principe : CE. 10 décembre 1965, Synd des copropriétaire de l’immeuble Pharao-Pasteur, req. N°53.773 ; CE. 18 juin 1993, Cne de Barroux, req. n°118.690).

    Compte tenu du caractère réel et non pas personnel du permis de construire, seul l’acte de construction doit être prise en compte au regard de l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme et non pas l’auteur des travaux considérés ; étant rappelé qu’a contrario, le seul transfert d’un permis de construire ne suffit pas à interrompre son délai de validité (CE. 16 février 1979, SCI Cap Naio, req. n°03.346).

    En cela, l’arrêt commenté confirme donc une solution qui, à notre connaissance, n’avait jusqu’à présent été retenue que par certains Tribunaux administratifs (TA. Nice, 13 mai 1997, SCL LE Pavillon, req. n°93-03645).

    D’autre part, cet arrêt tire également les conséquences de l’origine purement jurisprudentielle de la pratique du transfert de permis de construire et de son absence de tout encadrement textuel le rendant obligatoire lorsqu’un tiers souhaite exécuter un permis de construire précédemment délivré à une autre personne dont il résulte, en l’espèce, que « le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'est pas constitutif d'une infraction prévue à l'article L.480-4 du code de l'urbanisme ».

    On sait, en effet, qu’eu égard au caractère réel du permis de construire et à l’absence d’encadrement textuel de la pratique du transfert, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait précédemment jugé que (voir également : T.G.I. Grasse, 8 février 1973 - AJPI 73, II p798, note Bertrand) :

    «Vu l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme
    Attendu que le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'entre pas dans les prévisions du texte susvisé ;
    Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la direction départementale de l'Equipement du Var a constaté par procès-verbal du 24 avril 1990 qu'Alain Lhermitte et Jean-Jacques Barthe, qui avaient chacun acquis d'une SCI une parcelle de terrain en vue de l'édification d'une maison d'habitation conformément au permis de construire obtenu par le vendeur, ont entrepris les travaux de construction sans avoir obtenu une décision de transfert dudit permis de construire à leur nom ;
    Attendu que pour déclarer Alain Lhermitte et Jean-Jacques Barthe coupables du délit de construction sans permis de construire, ordonner la démolition des ouvrages et dire en conséquence n'y avoir lieu à statuer sur la demande de mainlevée de l'arrêté interruptif des travaux, la juridiction du second degré retient que, si le permis de construire est attaché au projet qui a fait l'objet de la demande, et non pas à son titulaire, le transfert doit être obtenu par une décision administrative ; qu'elle relève que les 2 prévenus, qui ne pouvaient ignorer que l'acte de vente ne pouvait leur transférer le permis de construire, n'ont présenté aucune demande de transfert à l'administration compétente ; qu'elle en déduit qu'ils ne peuvent se prévaloir d'aucun permis de construire ;
    Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé » (Cass. crim. 29 juin 1999, pourvoi n°98-83.839).

    Sur ce point, l’arrêt commenté marque donc l’intégration par le juge administratif d’un principe précédemment dégagé par le juge pénal en en faisant application aux ordres interruptifs de travaux qui ne peuvent être régulièrement fondés sur le fait que les travaux autorisés par le permis de construire sont accomplis par un tiers n’en ayant pas précédemment obtenu le transfert.

    Mais pour conclure, on rappellera qu’en revanche, l’absence de demande de transfert de permis de construire peut être pris en compte par le juge des référés pour établir la réalité de l’urgence dont ce tiers se prévaut pour solliciter la suspension d’une mesure prise sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme (CE. 23 mars 2001, Sté LIDL, req. n°231.559).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés