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Sur l’appréciation des conditions de desserte des terrains à lotir

Lorsque la desserte externe d’un terrain à lotir doit être assurée par des travaux de voirie en cours ou futurs ces travaux doivent permettre de satisfaire à brève échéance de manière certaine aux exigences légales imposées en la matière ; ce qu’il incombe au juge administratif de vérifier.

CE. 24 septembre 2012, Association des Amis de Saint-Palais sur Mer, req. n°336.598

Dans cette affaire, la société Europ-Lot avait obtenu une autorisation de lotir délivrée en considération des travaux d’élargissement d’un chemin rural sur laquelle la commune propriétaire de ce dernier avait conventionnement consenti au lotisseur une servitude de passage, tout en prévoyant la réalisation desdits travaux.

Précisément, cette autorisation de lotir devait être contestée au motif que, d’une part, la convention instituant cette servitude de passage était irrégulière et que, d’autre part, ces travaux d’élargissement méconnaissaient en eux-mêmes les exigences de l’article UE.3 du règlement de POS applicables. Les deux branches de ce moyen devaient toutefois être rejetées par la Cour administrative de Bordeaux.

Mais la solution ainsi retenue devait être partiellement censurée par le Conseil d’Etat aux motifs suivants :

« Considérant que lorsque, pour l'application des règles d'urbanisme relatives à la desserte des terrains, notamment pour l'accès des engins d'incendie et de secours, l'administration doit, avant d'accorder une autorisation de lotir, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle d'assiette du lotissement et, le cas échéant, de l'existence d'une servitude de passage garantissant cette desserte, il ne lui appartient pas de vérifier la légalité des actes ayant permis la réalisation de cette desserte ou la validité de la servitude consentie ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que le moyen tiré de l'illégalité de certaines stipulations de la convention du 12 avril 2006 instituant une servitude de passage vers le lotissement litigieux était inopérant ;
Considérant, en revanche, que dans les cas particuliers où, pour accorder une autorisation de lotir, l'administration se fonde sur la circonstance que, en raison de travaux en cours ou futurs, la desserte du lotissement répondra à brève échéance et de manière certaine aux exigences légales, les motifs de légalité susceptibles de faire obstacle à la réalisation de ces travaux peuvent être utilement invoqués devant le juge de l'excès de pouvoir, au soutien de conclusions dirigées contre l'acte autorisant le lotissement ».

S’agissant de la régularité d’une servitude de passage instituée pour satisfaire aux exigences de desserte, le Conseil d’Etat a donc fait application de sa récente jurisprudence selon laquelle si le juge doit vérifier l’existence d’une telle servitude il ne lui incombe en revanche pas d’en vérifier la régularité (CE 9 mai 2012 M. et Mme Alain C., req. n° 335932).

Mais sur ce point, et s’agissant plus généralement de l’appréciation des conditions de desserte du terrain considéré, l’arrêt commenté ajoute une précision : il n’incombe pas non plus au juge administratif de vérifier la légalité des actes ayant permis la réalisation de cette desserte ; le constat de leur existence matérielle suffisant alors, leur éventuelle inexistence légale n’étant ainsi pas opposable à l’autorisation contestée.

Cela étant, cette limitation du contrôle du juge ne vaut que lorsque les travaux se rapportant à cette desserte sont achevés.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat a en effet surtout précisé que : « dans les cas particuliers où, pour accorder une autorisation de lotir, l'administration se fonde sur la circonstance que, en raison de travaux en cours ou futurs, la desserte du lotissement répondra à brève échéance et de manière certaine aux exigences légales, les motifs de légalité susceptibles de faire obstacle à la réalisation de ces travaux peuvent être utilement invoqués devant le juge de l'excès de pouvoir, au soutien de conclusions dirigées contre l'acte autorisant le lotissement ».

On sait, en effet, que par principe la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie à la date de délivrance ; cette règle ayant pour corollaire que la constructibilité d’un terrain au regard des articles 3 et 4 d’un règlement local d’urbanisme s’apprécie en considération des équipements relevant de la demande d’autorisation et/ou des équipements existants : en principe, la constructibilité d’un terrain ne saurait donc être établie en prenant en compte des équipements futurs dont la réalisation ne relève pas de la demande de permis de construire.

Par exception, correspondant donc à un cas particulier, cette légalité peut cependant être appréciée en considération de travaux d’équipement futurs à la condition que la réalisation de ces travaux soit prévue de façon certaine et à brève échéance.

Mais dans ce cas, le juge administratif ne doit pas se borner à une vérification d'ordre matériel de ces conditions mais doit encore s’assurer, pour autant qu’elle soit mise en cause par le requérants, de la légalité de ces travaux et de leur faisabilité juridique au regard, notamment, des prescriptions du POS/PLU communal mais également, et plus généralement, des motifs de légalité susceptibles de faire obstacle à la réalisation de ces travaux.

Il reste que dans cette affaire le Conseil d’Etat n’a pas été amené à sanctionner l’autorisation de lotir par application de la règle ainsi dégagée ; les dispositions du POS communal alléguées par l’association requérante, et relatives aux voies nouvelles, n’étant pas opposables aux travaux en cause portant sur l’élargissement d’un chemin existant.

Néanmoins, cet arrêt permet de déterminer quelle doit être la démarche du juge lorsqu’il constate que les travaux en cours ou futurs apparaissent illégaux. En effet, et alors que « l'autorisation de lotir litigieuse a(avit) été accordée par le maire de Saint-Palais-sur-Mer en considération de travaux d'élargissement qui n'étaient pas encore réalisés », le Conseil d’Etat a néanmoins relevé que :

« Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles R. 315-28 et R. 111-4 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction applicable au présent litige, que l'autorisation de lotir peut être refusée sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé, notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie ; qu'il ressort des pièces du dossier que, dans sa consistance à la date de l'arrêté attaqué, le chemin des Colombes était d'une largeur minimale d'environ quatre mètres et comportait des accotements en partie praticables ; qu'eu égard au nombre limité d'habitations dont il doit assurer la desserte, le maire de Saint-Palais-sur-Mer n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées ».

Ainsi, la prise en compte de travaux de voirie futurs par l’autorité compétente n’apparait pas constituer le support indivisible de l’autorisation délivrée dans ces conditions et, partant, le seul fait que ces travaux soit illégaux n’apparait à elle seule de nature à justifier l’annulation de cette autorisation ; le juge semblant ainsi seulement devoir en faire « abstraction » pour apprécier la desserte du terrain dans sa configuration existante à la date de délivrance de cette autorisation.

On retrouve ici la démarche adoptée par la Cour administrative d’appel de Marseille s’agissant de l’appréciation de la légalité d’un permis de construire délivré en considération de l’élargissement d’une voie motivant une cession de terrain gratuite au titre de l’article L.332-6-1 alors applicables (CAA. Marseille, 21 octobre 2010, Madame Tardieux., req. n°08MA03841).


 

Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat associé au barreau de Paris

Cabinet Frêche & Associés

Commentaires

  • Bonsoir Patrick
    Qu'en serait-il aujoud'hui , à savoir, depuis le premier mars des accès de desserte d'un lotissement à créer sous forme de servitudes?
    Les textes nouveaux "semblent" exiger que ceux-ci se doivent d'être intégrer dans le périmètre du lotissement!
    Nous sommes "quelques uns" à butter sur cette question!

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