Sur l’affectation des places de stationnement prévues en application de l’article 12 du règlement local d’urbanisme
Même lors qu’il prévoit strictement le nombre de places requises au titre de l’article 12 du POS applicable, le permis de construire est illégal sur ce point lorsqu’il est établi qu’une partie de ces places est réservée pour un autre utilisateur et n’est donc pas affectée au projet lui-même.
CAA. Marseille, 7 octobre 2010, Clément A…., req. n°08MA03370
Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire portant sur deux bâtiments de 28 logements comportant également des locaux professionnels, d'une SHON de 2147 mètres carrés ; ces locaux représentant un peu plus de 240 mètres carrés de cette SHON totale. L’article 12 du règlement de POS applicable prescrivant la réalisation d’une place de stationnement par logement et une place supplémentaire pour 60 mètres carrés de SHON affectée au commerce et à l'artisanat, la conformité du projet impliquait donc que la demande de permis de construire intègre la réalisation de 32 places de stationnement. Précisément, le projet présenté par le pétitionnaire à travers son dossier demande et le permis délivré au vu de ce dossier prévoyaient la réalisation de 32 places.
Néanmoins, ce permis de construire devait être contesté et annulé au motif suivant :
« Considérant que l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols de Salon-de-Provence dispose que doivent être créées une place de stationnement par logement et une place supplémentaire pour 60 m2 de surface hors oeuvre nette affectée au commerce et à l'artisanat ; que, si le permis litigieux prévoit 32 places de stationnement conformément à ces dispositions, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du compromis de vente qui réserve 7 places de stationnement à l'offrant, qu'il n'est créé que 25 places pour les logements et les locaux commerciaux et artisanaux du projet de la Société Civile Immobilière Médicis ; que, compte tenu de ces places réservées , le projet requiert, en application de l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols, la création de 39 places de stationnement ; que, dans ces conditions, le permis doit être regardé comme ne respectant pas ces dispositions ; que le permis modificatif délivré le 14 novembre 2005 n'a pas régularisé le permis initial sur ce point ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ».
et, en d’autres termes, dans la mesure où ces 32 places de stationnement n’étaient pas toutes prévues pour les logements et les locaux autorisés par ce permis, lequel ne prévoyait « que 25 places de stationnement affectées au projet » (cf : dispositif de l’arrêt).
A notre connaissance, il s’agit là d’une des premières décisions se prononçant aussi clairement sur ce point et en ce sens ; la question étant distincte, bien que n’en étant pas totalement étrangères, de celles relatives :
• à la nécessité selon laquelle les places de stationnement requises doivent en principe relever du même permis que celui autorisant le projet les rendant exigibles ;
• à l’impossibilité légale de prendre en compte les places de stationnement réalisées dans le cadre d’un précédent projet et nécessaires à la conformé de ce dernier.
Toutefois, il nous semble que l’on peut trouver un sens équivalent à l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat a jugé que « la seule circonstance qu'une des sociétés qui avait acquis le terrain d'assiette de la construction ait eu pour objet social la construction sur ce terrain de garages destinés à la revente, ne permettait pas d'établir que la demande de permis de construire présentée par la Société Alvel était entachée d'une fraude tenant à ce que les places de stationnement prévues dans le projet n'auraient pas en réalité pour objet de satisfaire les besoins du centre commercial, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier qui, en l'absence de dénaturation, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation » (CE. 30 juillet 2003, Mme Annick X., req. n°227.712) ; ce moyen n’ayant pas été clairement jugé comme inopérant.
De même, et comme le révèle l’interrogation formulées par l’un des commentateurs d’une précédente note se rapportant au sujet, la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Marseille au cas d’espèce n’est pas si éloignée de celle relative à la déductibilité de la superficie affectée au stationnement pour le calcul de la SHON.
Pour autant, outre qu’elle est en l’espèce fondée sur les stipulations d’une convention de droit privé dont on ne sait si elle avait été produite au dossier, et qu’à ce titre, selon la Cour, « le projet (requerrait), en application de l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols, la création de 39 places de stationnement » (c'est-à-dire 32 pour le projet + 7 en exécution de ce contrat !!!), cette solution n’était pas si évidente.
Tout d’abord, la Cour administrative d’appel de Marseille s’est donc fondée sur l’affectation et l’utilisation ultérieure d’une des composantes du projet cependant qu’en principe, et sauf fraude, ces considérations sont étrangères à l’appréciation tant de la légalité des autorisations qu’à la conformité des travaux accomplis, y compris lorsque ce changement d’utilisation aurait été de nature à soumettre le projet à des règles différentes de celle en vertu desquelles la demande d’autorisation avait été instruite (en ce sens :CE. 11 décembre 2006, Ville de Paris, req. n° 274.851).
Ensuite, cette solution prête aux règles d’urbanisme sur le stationnement une « finalité privatiste » liée à la satisfaction des besoins en la matière des occupants des immeubles à construire.
Or, ces règles ont toujours eu une finalité allant bien au-delà de cette seule considération puisqu’elles trouvent leur cause première dans des préoccupations liées à l’usage du domaine public routier, à la circulation publique, à la promotion des transports en commun et à la réalisation d’objectif d’environnementaux comme le rappelait déjà, en 1999, le « Guide du POS » édité par le Ministère de l’équipement ; finalité qu’elles auront plus encore puisqu’elles pourront dorénavant édicter un nombre maximal de places de stationnement.
Mais il est vrai que la satisfaction des besoins des occupants de l’immeuble n’est pas une considération totalement étrangère au droit de l’urbanisme comme en atteste l’article L.123-1-2 du Code de l’urbanisme dont il résulte que les places requises doivent être réalisées sur le terrain au à proximité immédiate et qu’en cas d’impossibilité technique de réaliser ces places le pétitionnaire est autorisé à acheter des places dans un parc privé ou à en louer dans un parc public à la condition que ce parc soit sis à proximité et à tout le moins en cours de réalisation à la date de délivrance du permis ; étant toutefois relever qu’à défaut, le pétitionnaire peut s’acquitter d’une participation en vue de la réalisation d’un parc public de stationnement dont il n’est pas exigé qu’il soit à proximité du terrain.
Enfin, et peut-être surtout, si l’affectation effective des places de stationnement est une condition intéressant la légalité d’un permis de construire, c’est qu’elle a trait à la conformité du projet au regard du droit de l’urbanisme.
Or, si le contrôle administratif de la conformité des travaux est limité dans le temps, et en l’occurrence à trois années à compter de l’achèvement des travaux, il n’en demeure pas moins que cette conformité doit perdurée même après ce délai ; cette « conformité durable » devant toutefois s’apprécier en considération de l’évolution des règles d’urbanisme applicable au projet.
Si l’on s’en tient à cela c’est donc que non seulement les places de stationnement prévues doivent être affectées aux occupants de l’immeuble mais qu’en outre, elles doivent le rester ; ce qui n’était pas le sens d’une Réponse ministérielle formulée sur le sujet.
Mais pour conclure, on relèvera qu’en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, le permis de construire contesté n’a été annulé qu’en tant « qu'il ne prévoit que 25 places de stationnement affectées au projet » et de la même façon que le même jour, la même Cour n’a annulé un permis de construire « qu’en tant qu'il autorise la création du balcon implanté au premier niveau de la façade Est du bâtiment principal », ce qui correspond aux deux exemples que nous avions initialement retenus pour démontrer les limites de cet article mais nous semble également traduire le renouveau que nous avions ultérieurement envisagé.
Reste toutefois à savoir comment pour application de l’alinéa 2 de cet article, le pétitionnaire tiendra compte d’un arrêt jugeant que le projet aurait dû prévoir 39 places de stationnement à raison des 7 réservées par le contrat par ailleurs conclu…
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés