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  • Veille administrative : 1 Réponse ministérielle commentée – PLU & Constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (« CINASPIC »)

    Texte de la question (publiée au JO le : 13/07/2010 page : 7798) : « M. Rudy Salles attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme sur le problème de non-classement des palais des congrès en catégorie CINASPIC (constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif). Les parcs des expositions et les palais des congrès sont des outils structurants d'animation économique des territoires, avec une vocation de rayonnement et de développement des retombées économiques induites par leurs activités. Les parcs des expositions et les palais des congrès ont donc des activités très proches pour ne pas dire quasi identiques en termes d'accueil et d'organisation de manifestations. C'est d'ailleurs pour cette raison que les sociétés de gestion de ces équipements sont regroupées au sein d'une même fédération professionnelle la FSCEF (foires, salons, congrès et évènements de France). Ces équipements représentent, dans toutes les villes où ils sont implantés, des surfaces d'activité qui sont répertoriées dans les documents d'urbanisme. La loi instaurant les plans locaux d'urbanisme (PLU) a créé une catégorie classifiant les surfaces d'intérêt général dite CINASPIC, laissant aux collectivités territoriales la charge d'établir la liste précise des locaux rentrant dans cette catégorie. La ville de Paris a, dans le cadre de son PLU, établi une liste des surfaces classées CINASPIC dans laquelle on retrouve les théâtres, les stades non commerciaux, les centres de santé, les parcs des expositions, les ambassades. Contrairement aux parcs des expositions, les palais des congrès n'ont pas été classés dans la catégorie des CINASPIC. De ce fait, les surfaces d'activité des palais des congrès ne sont pas protégées par le PLU. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin d'intégrer les palais des congrès dans cette catégorie »


    Texte de la réponse (publiée au JO le : 07/09/2010 page : 9772) : « L'article R. 123-9 du code de l'urbanisme relatif au règlement du plan local d'urbanisme précise que des règles particulières peuvent être applicables aux « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif » (les « CINASPIC »). Ces derniers peuvent ainsi bénéficier de règles spécifiques de hauteur, d'implantation, de surface, etc. Toutefois le code ne donne aucune définition de cette notion. Certains PLU énumèrent donc, dans leur lexique généralement annexé au règlement, les constructions ou installations qui relèvent précisément de cette catégorie. C'est en effet aux collectivités qu'il appartient, au regard de leurs choix en matière d'urbanisme et d'aménagement, de lister ou non les constructions entrant dans cette catégorie. Les décisions prises par les communes à cet égard relèvent de l'opportunité, sous réserve que soient détaillés dans le document d'urbanisme les motifs des règles retenues et sauf erreur manifeste dans le choix de ces règles. Le contrôle de l'État sera donc nécessairement limité sur cette question dans la mesure où il s'attache plus aux questions de stricte légalité que d'opportunité. D'une manière générale il n'est pas judicieux d'enfermer les CINASPIC dans des catégories prédéterminées. Il s'agit, en effet, d'une notion à caractère évolutif dépendante des pratiques et des évolutions notamment technologiques. Une liste close n'aurait, par exemple, pas permis de considérer les éoliennes ou les antennes de radiotéléphonie comme faisant partie de cette catégorie, alors que c'est pourtant le cas. Finalement, les règles applicables aux CINASPIC ne sont pas nécessairement plus favorables mais peuvent être un moyen de contrôler de manière plus rigoureuse l'implantation de certains ouvrages ou installations ».


    Commentaire : voici une réponse ministérielle qui nous permet d’aborder une question d’importance : les PLU peuvent-ils, comme l’induit le Ministère, définir la notion de « CINASPIC » et bien plus déterminer par une « liste close » ce qui relève ou non de cette catégorie.

    Comme le précise le Ministère, il est exact que ni l’article R.123-9, ni aucune autre disposition du Code de l’urbanisme ne définit la notion de « CINASPÏC ».

    En revanche, les contours de cette notion sont aujourd’hui assez précisément fixés par la jurisprudence, laquelle ne s’est d’ailleurs pas réellement éloignée de ceux initialement déterminés par la doctrine administrative. En effet, le Ministère de l’Equipement avait lui-même précédemment précisé que :

    « les constructions à destination d’équipements collectifs correspondent à une catégorie vaste et ambiguë qui englobe l’ensemble des installations, des réseaux et des bâtiments qui permettent d’assurer à la population résidence et aux entreprises les services collectifs dont elles ont besoins (…).
    Le POS peut distinguer ce type de destination des autres constructions (…).
    Les bureaux correspondent aux locaux où sont effectués des tâches administratives et de gestion, dans le cadre de l’administration, des organismes financiers et des assurances (…)
    » (DGUHC, « Guide des POS », Juillet 1999, p.102).


    univer.jpgPrécisément, il ressort ainsi de la jurisprudence qu’effectivement « la notion d’équipement public ne saurait se confondre avec celle de bâtiment public, ni bien sûr avec celle de bâtiment accueillant du public. (…) Les bureaux de la CPAM, où les agents accomplissent leur travail, ne sont pas des équipements publics comme le sont une école, un hôpital, une piscine ou une bibliothèque, lesquels accueillent du public pour lui offrir un service d’enseignement, de soins, de loisirs. Il y’a dans la notion d’équipement public, l’idée de réponse apportée à un besoin collectif, par la mise à disposition d’installations sportives, culturelles, médicales, etc., ce que ne recouvre pas une simple construction de bureaux administratifs, même s’ils accueillent du public » (Concl. MITJAVILLE : CE. 3 mai 2004, CPAM de la Meuse, req. n°223.091).

    Mais ultérieurement, la jurisprudence administrative y a ajouté un autre élément d’appréciation : il doit s’agir d’un besoin d’intérêt général.

    En résumé, un « équipement collectif est une installation assurant un service d’intérêt général destiné à répondre à un besoin collectif » (Ccl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    Cette définition résulte de la finalité même de la notion et de l’objet de l’actuel article R.123-9 de Code de l’urbanisme qui « vise à fonder une faculté de dérogation aux règles générales » (Concl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    Il s’ensuit que le seul fait que la construction considérée soit réalisée par et/ou pour le compte d’une personne publique ne saurait en principe suffire à la qualifier d’équipement public, d’équipement nécessaire aux services publics ou d’équipement d’intérêt collectif (sur le caractère inopérant du critère organique : Ccl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    Surtout, compte tenu de sa finalité, cette notion fait l’objet d’une application stricte puisqu’à titre d’exemple, il a pu être jugé que :

    • les bureaux annexes de la Prison de la Santé ne constituaient pas de tels équipements au sens de l’ancien POS parisien alors même que ce dernier visait comme faisant partie de cette catégorie les établissements pénitentiaires (CE. 18 octobre 2006, Synd. des copropriétaires de l’immeuble « Les Jardins d’Arago », req. n°294.096) ;
    • une résidence, sise sur le même terrain qu’un lycée et destinée à accueillir les élèves des classes préparatoire de ce dernier, ne constituait pas un « CINASPIC » alors même que le POS en cause classait dans cette catégorie les bâtiments scolaires (CAA. Marseille, 30 août 2001, req. n°99MA02325).

    Dès lors si à notre sens l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme ne s’oppose pas ce que les PLU déterminent ce qui constituent ou non un « CINASPIC » – d’autant que d’une façon générale cet article n’a pas nécessairement la portée que lui prête l’administration – il nous semble qu’effectivement cette définition peut faire l’objet d’un contrôle de la part du juge administratif – puisque l’on voit bien le risque d’abus et détournement qu’il peut y avoir en la matière – mais que celui-ci a vocation a être plus poussé que ce contrôle minimal que constitue le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

    Mais quoi qu’il en soit, l’examen de la jurisprudence rendue en la matière, permet de relativiser l’opportunité et/ou l’utilité d’une telle définition ; du moins telle qu’elle est le plus souvent opérée par les POS/PLU qui dans la plupart des cas visent précisément tel ou tel équipement en considération de leur affectation : équipement scolaire, équipement sportif, équipement culturel, etc…

    Tout d’abord, ce type de définition ne prime pas les critères dégagés par la jurisprudence pour apprécier ce qui constitue ou non un « CINASPIC ».

    En d’autres termes, le fait que la construction considérée ait une affectation correspondante à celle visée par le POS/PLU à travers sa définition ou sa liste des « CINASPIC » ne signifie pas nécessairement que cette construction relève effectivement de cette catégorie.

    A titre d’exemple, pour application d’un article 14 autorisant un COS excédentaire pour les équipements collectifs et notamment les équipements culturels, il a été jugé qu’un complexe cinématographique constituait certes un équipement à caractère culturel mais n’en était pas pour autant un équipement collectif dès lors qu’à proprement parler, sa réalisation ne répondait pas à un besoin d’intérêt général (CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105).

    Ensuite, les collectivités peuvent « librement » les définir ou les lister mais elles peuvent en outre prévoir des règles distinctes selon les types de « CINASPIC » en visant des types et des catégories parfois relativement proches.

    Or, il va sans dire que les auteurs du POS/PLU sont ultérieurement tenus par cette « catégorisation » qui les lie et qu’ils ne sauraient donc appliquer en opportunité puisqu’à titre d’exemple, un permis de construire portant sur l’extension d’un stade a été annulé dans la mesure où il avait été délivré en faisant application des règles de hauteur visant les équipements de loisirs cependant que les travaux portaient sur un équipement sportif (CAA. Douai, 7 juillet 2005, Assoc. « Sauvons la Citadelle de Lille », req. n°05DA00010 ; confirmé en cassation).

    Dans le même sens, il faut également être vigilant quant aux termes employés. En effet, si la qualification d’équipement collectif est en principe indépendante de toute considération liée à la qualité du maître d’ouvrage (pour exemple : CAA. Paris, Boulart, req. n°97PA00693), il a néanmoins pu être jugé que « si l'installation projetée, qui consiste en un centre d'accueil pour enfants destiné à recevoir des jeunes dont la santé, la sécurité, la moralité, l'éducation sont compromises, a le caractère d'un équipement collectif d'intérêt général, cette seule circonstance n'est pas de nature à lui conférer le caractère d'équipement public au sens de l'article UE 1 II 2 du règlement du plan d'occupation des sols » dès lors que celui-ci ne visait expressément que les équipements publics » (CAA. Versailles, 19 janvier 2006, Fondation Mequignon, req. n°04VE00237).

    Enfin, et surtout, une liste close ou l’édiction de prescriptions spécifiques ne bénéficiant expressément que tel ou tel « CINASPIC » présente un inconvénient majeur puisqu’elles ne s’appliquent pas aux autres équipements d’intérêt collectif puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé : « que les permis de construire litigieux ont pour objet l'extension de l'immeuble dans lequel l'association "chez nous" a réalisé un centre d'accueil et d'hébergement pour des jeunes en difficulté ; qu'un tel bâtiment n'a pas les caractéristiques d'un bâtiment scolaire, hospitalier ou sanitaire, ni celles d'un équipement d'infrastructure au sens des dispositions précitées de l'article Uc 14 du règlement du plan d'occupation des sols, qui sont, d'après leurs termes mêmes, d'interprétation stricte ; que le permis de construire ne pouvait, par suite, légalement autoriser cet immeuble à dépasser le coefficient d'occupation des sols fixé pour la zone du plan d'occupation des sols dans laquelle se trouve situé le bâtiment dont la construction a été autorisée » (CE. 15 juin 2001, Cne de Vieux Boucau, req. n°218.119).

    Mais les listes voulues pour figer dans le PLU ce qui constitue ou non des « CINASPIC » et, plus généralement, l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme génèrent deux interrogations (dont l’une plus « sérieuse » que l’autre).

    En premier lieu, et comme le souligne à raison la réponse ministérielle commentée, il s’agit d'une notion à caractère évolutif. Deux observations sur ce point.

    D’une part, il incombe au juge administratif d’opérer un contrôle des normes et des servitudes destinées à faciliter la réalisation d’équipements d’intérêt général ; ce qu’il fait notamment en appréciant la réalité des besoins locaux auquel l’équipement en cause doit satisfaire (pour exemples : CAA. Lyon, 29 juin 2010, Monique A., req. n°08LY02349 ; CAA. Nancy, 18 novembre 1999, Cne de Heiteren, req. n°96NC01794).

    D’autre part, on sait qu’une norme édictée par un POS/PLU peut devenir illégal et donc inopposable en raison de l’évolution des circonstances de droit ou de fait ayant concouru à son adoption. A ce titre notamment, il a été jugé qu’un emplacement réservé cessé d’être opposable dès lors qu’il était devenu inutile (CAA. Bordeaux, 12 février 2007, M. Jacques Y., req. n°04BX00214).

    Ainsi, on peut s’interroger sur l’applicabilité des normes propres aux « CINASPIC » lorsqu’il peut être établi que, d’une part, elles visaient à satisfaire à des besoins locaux déterminés lors de l’adoption du POS/PLU mais que, d’autre part, ces besoins ont depuis été satisfaits ou ont disparus.

    En second lieu, et plus spécifiquement, on peut également relever qu’il a été jugé : « qu'il est constant que les locaux acquis par la fondation étaient exclusivement destinés à l'habitation ; que la création d'un centre d'hébergement temporaire pour enfants, qui, comme il vient d'être dit est un équipement collectif d'intérêt général et ne saurait être regardé comme une construction à usage d'habitation, est ainsi constitutif d'un changement de destination du bâtiment existant ; que, dès lors que les dispositions de l'article UE 1 II 1 précitées n'autorisent les changements de destination qu'en tant qu'ils portent sur la création de locaux à usage de bureaux et de services, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que lesdites dispositions faisaient obstacle à la délivrance du permis de construire sollicité par la FONDATION MEQUIGNON » (CAA. Versailles, 19 janvier 2006, Fondation Mequignon, req. n°04VE00237).

    Rappelons ainsi que s’agissant du régime des travaux sur existants, l’article R.421-17 du Code de l’urbanisme se borne à viser « les changements de destination d'un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9 » ; ce dont il semble résulter (voir ici puis là) que tout changement de destination est à tout le moins soumis à déclaration préalable, y compris si ce changement ne s’accompagne d’aucun travaux.

    Or, l’article R. 123-9 (al.18) du Code de l’urbanisme vise « les constructions destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt » mais également donc « les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif ».

    Mais si au regard de cet article, certains ouvrages ne peuvent qu’être qualifiés de « CINASPIC » d’autres peuvent sur ce point présenter une double destination ou plutôt une destination primaire et, le cas échéant, une destination secondaire.

    A titre d’exemple, une usine d’incinération constitue intrinsèquement et en toute hypothèse une construction à destination industrielle, laquelle peut toutefois accéder au statut d’équipement collectif (CE. 23 décembre 1988, Association pour la défense de l’environnement de la Région de Miremont, req. n°82.863) et être soumise aux prescriptions spécifiquement prévues par le plan local d’urbanisme pour ce type d’équipement » (CE. 16 juin 2004, Laboratoire de Biologie Végétale – Yves ROCHER, req. n° 254.172), si d’une façon plus particulière l’usine considérée répond à un besoin de la population.

    On peut dès lors se demander si la catégorie des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif » constituera une destination à part entière pour application du principe posé par les nouveaux articles R. 421-14 et R. 421-17 ; étant d’ailleurs relevé qu’elle est visée en tant que telle par le formulaire « CERFA » de déclaration préalable.

    Mais force est d’admettre que la réponse devrait être négative puisque si tel était le cas le simple fait pour une construction de perdre les caractéristiques pour lesquelles elle pouvait être considérée comme un équipement d’intérêt collectif, pour ainsi s’en retrouver réduite à sa destination primaire, emporterait un changement de destination soumis à déclaration....

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Quand le défaut de production de l’étude d’impact au dossier n’affecte pas la légalité du permis de construire

    Lorsque l’autorité compétente a eu connaissance de l’étude d’impact dans le cadre de l’instruction de la première demande de permis de construire, le défaut de production de ce document dans le nouveau dossier de demande n’affecte pas d’illégalité le second permis de construire dès lors que les modifications apportées au projet ne sont pas substantielles.

    CAA. Douai, 1er juillet 2010, Sté Cicobail, req. n°08DA00429



    Rendu en formation plénière, voici un arrêt d’importance ; d’autant qu’il nous permet de faire part de nos très vielles interrogations sur « l’utilité » de l’étude d’impact dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire, du moins dans certains cas.

    On le sait, l’ancien article R.421-2 8° du Code de l’urbanisme comme l’actuel article R.431-16 f) impose au pétitionnaire de produire à son dossier une étude l‘impact lorsqu’elle est prévue en application du Code de l’environnement.

    Ce document peut être exigible dans deux cas : soit, parce ce que le projet de construction est en lui-même assujetti à cette obligation ; soit, par voie de conséquence, dans la mesure où la demande se rapporte à un projet pour laquelle cette étude d’impact est requise à un autre titre.

    Tel est le cas lorsque la demande de permis de construire se rapporte à une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation d’exploiter.

    installation classée 2.jpgQuelle que soit l’importance et les caractéristiques intrinsèques de la construction, le pétitionnaire doit alors produire à son dossier de demande de permis de construire l’étude d’impact requise à ce titre. Il en va ainsi y compris lorsque les travaux objets de la demande de permis de construire porte sur une installation existante dès lors que ces travaux correspondent à une modification de ses conditions d’exploitation nécessitant une nouvelle autorisation au titre de la législation environnementale (CAA. Marseille, 21 février 2007, ANPER, req. n°03MA00068).

    Cette règle de procédure à longtemps fait l’objet d’une application stricte. Ainsi, dès lors que cette étude d’impact n’était pas jointe au dossier de demande de permis de construire, le permis de construire obtenu dans ces conditions encourrait systématiquement la censure, y compris lorsque ce document avait été néanmoins établi et produit au dossier de demande d’autorisation d’exploiter et quand bien même la délivrance de cette autorisation et celle du permis de construire relevaient-elles de la même autorité (CAA. Nantes, 28 juin 2002, Ministre de l’Equipement, req. n°00NT02080) Application stricte mais néanmoins parfaitement conforme :

    • d’une part, au principe d’indépendance des législations et des procédures ;
    • d’autre part, à la règle selon laquelle l’administration est réputée statuer sur une demande d’autorisation d’urbanisme au seul regard du dossier produit par le pétitionnaire.

    Précédemment, c’est d’ailleurs ce qu’avait elle-même jugé la Cour administrative d’appel de Douai (CAA. Douai, 12 avril 2007, Cne d’Oudezeelle, req. n°06DA01023).

    Cette règle devait toutefois connaitre un assouplissement substantiel grâce à l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat a jugé que « considérant, toutefois, que lorsqu'une étude d'impact a été réalisée et portée à la connaissance, en temps utile, de l'autorité chargée d'instruire la demande de permis de construire, la seule circonstance qu'elle n'ait pas figuré, en méconnaissance du 8° du A de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, dans le dossier joint à la demande de permis de construire ne suffit pas à faire regarder comme remplie la condition tenant à l'absence d'étude d'impact prévue à l'article L. 122-2 du code de l'environnement » (CE. 13 juillet 2007, SIETOM, req. n°294.603).

    Force était toutefois d’admettre que cette décision était propre à la lettre et à l’objet de l’article L.122-2 du Code de l’environnement qui dispose que : « si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d'approbation d'un projet visé au second alinéa de l'article L. 122-1 est fondée sur l'absence d'étude d'impact, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ».

    Mais quoi qu’il en soit, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai va donc au-delà en faisant expressément référence, dans le cadre d’un recours en annulation, à la règle dégagée par l’arrêt précité du Conseil d’Etat.

    Dans cette affaire, la société requérante avait obtenu une autorisation d’exploiter délivré au vu d’un dossier comportant une étude d’impact et deux permis de construire se rapportant à l’installation à exploiter. Ultérieurement, le pétitionnaire devait toutefois solliciter et obtenir le retrait de ces deux permis de construire ainsi qu’un permis unique portant sur l’ensemble de projet.

    Ce permis d’ensemble devait toutefois être délivré au vu d’un dossier ne comportant pas d’étude d’impact ; motif pour lequel cette autorisation devait être annulée en première instance. Mais pour sa part, la Cour administrative d’appel de Douai devait donc juger que :

    « Considérant que lorsqu'une étude d'impact a été réalisée et portée à la connaissance, en temps utile, de l'autorité chargée d'instruire la demande de permis de construire, la seule circonstance qu'elle n'ait pas figuré, en méconnaissance du 8° du A de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, dans le dossier joint à la demande de permis de construire, ne suffit pas à faire regarder comme entachant d'illégalité le permis de construire délivré ; qu'il en va, notamment, ainsi dans le cas où une telle étude a été réalisée et produite préalablement à la délivrance d'un premier permis de construire et qu'elle n'est pas de nouveau produite à l'occasion de l'instruction d'une nouvelle demande de permis portant sur le même projet, sous réserve que ce dernier n'ait pas fait l'objet de modifications qui, par leur nature et leur importance, conduiraient à faire regarder cette nouvelle demande comme différant substantiellement de la précédente ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une étude d'impact a été réalisée le 7 août 2001 dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement requise notamment pour les activités de peinture exercées dans le bâtiment de tôlerie ; qu'il n'est pas contesté que cette étude a été jointe au dossier de demande de permis de construire déposée le 30 juillet 2001 et complétée le 17 septembre 2001, et a ainsi été portée à la connaissance du maire de Saint-Léonard avant que celui-ci ne délivre tant les permis de construire en date du 26 décembre 2001 que celui en date du 14 juin 2004 ; que la circonstance, à la supposer même établie, que cette étude n'ait pas été jointe à l'occasion de cette nouvelle demande, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'illégalité le permis de construire litigieux ; que si le projet présenté le 1er août 2003 différait sensiblement des précédents, du fait de l'agrandissement du bassin de rétention porté de 4 400 mètres à 5 246 mètres cubes et de l'ajout de quatre cheminées, ces modifications, eu égard à leur caractère limité au regard de l'ensemble du projet, ne constituent pas des circonstances de nature à faire regarder la nouvelle demande comme différant substantiellement de la précédente ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'absence d'étude d'impact jointe au dossier de demande de permis de construire pour annuler l'arrêté en date du 14 juin 2004
    ».


    Le moyen tiré du défaut d’étude d’impact au dossier de demande a donc été écarté dans la mesure où :

    • d’une part, ce document avait été produit au dossier de demande d’au moins un des deux précédent permis ;
    • d’autre part, le projet objet du permis de construire contesté ne différait pas substantiellement du projet autorisé par les deux précédentes autorisations.

    Bien que la Cour ait repris le « considérant » de l’arrêt précité du Conseil d’Etat (CE. 13 juillet 2007, SIETOM, req. n°294.603), sa décision nous parait néanmoins parfaitement orthodoxe au regard de règles jurisprudentielles bien antérieures à cet arrêt.

    On sait, en effet, que le juge administratif fait depuis longtemps preuve d’une certaine tolérance et souplesse en considérant qu’une nouvelle demande de permis de construire n’a pas nécessairement à refaire l’objet d’une instruction complète dès lors que le projet n’a pas été substantiellement modifié ; la circonstance que le premier permis de construire ait été annulé ou retiré n’ayant aucune incidence sur ce point.

    Or, l’étude d’impact prévue par l’article R.431-16 du Code de l’urbanisme n’étant qu’une pièce parmi d’autres, on voit mal pourquoi il devrait en aller autrement s’agissant de ce document ; d’autant plus lorsque l’étude d’impact est requise au dossier dans la seule mesure où le projet porte sur une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation d’exploiter.

    Il faut en effet souligner que l’article précité précise que le dossier de demande de permis de construire comporte « l'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue en application du code de l'environnement ». En outre, si l’étude d’impact est requise dans le cas d’une demande de permis de construire portant sur une installation classée soumise à autorisation d’exploiter, nonobstant la dispense prévue par l’article R.122-6 du Code de l’environnement c’est dans la mesure où l’article R.122-7 précise que « les dispenses d'étude d'impact résultant des dispositions du tableau de l'article R. 122-6 ne sont pas applicables aux catégories d'aménagements, ouvrages et travaux figurant au tableau de l'article R. 122-5 ».

    L’étude d’impact requise au titre de l’article R.431-16 du Code de l’urbanisme est donc celle imposée en application de l’article R.122-5 (10°) du Code de l’environnement. Comme l’illustre l’arrêté commenté et l’arrêt du Conseil d’Etat dont il procède, l’étude à joindre au dossier de demande de permis de construire est celle à produire au dossier de demande d’autorisation d’exploiter et, en d’autres termes, « l'étude d'impact relative à l'installation classée » (CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015).

    Mais rappelons dès lors que les éventuelles erreurs, omissions ou carences affectant un dossier de demande de permis de construire n’ont d’incidence sur la légalité de l’autorisation délivrée dans ces conditions que pour autant qu’elles aient faussé l’appréciation que les services instructeurs ont pu faire de la conformité du projet au regard des normes qu’un permis de construire a vocation à sanctionner en application de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme.

    C’est ainsi qu’il a pu être jugé que le fait que l’étude d’impact jointe à un dossier de demande de permis de construire une installation classée ne traite pas des conditions de remise en état du site après exploitation était sans incidence sur la légalité de l’autorisation obtenue puisqu’il s’agit d’une considération étrangère à la légalité d’un permis de construire (CAA. Bordeaux, 15 juin 2005, Association Vigilance et Intervention pour l’Environnement, req. n°05BX02044).

    Il est vrai qu’il s’agit là d’un point particulier d’une étude d’impact relative à une installation classée. Mais pourquoi devrait-il en aller autrement sur les autres aspects du projet saisis par ce document.

    Pour l’essentiel, en effet, une étude relative à une installation classée a trait à l’impact de l’activité à exploiter. Et pour cause puisque tel est l’objet de l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de la législation environnementale.

    Or, comme on le sait, il est de jurisprudence bien établie qu’un permis de construire portant sur une installation classée ayant précédemment fait l’objet d’une autorisation d’exploiter n’a pas vocation à sanctionner les effets de l’activité de cette installation puisque leur contrôle relève de la seule autorisation d’exploiter (CE. 10 octobre 1994, Sté Euroliants, req. n°111.167 ; CE. 15 février 2007, Cne de Fos-sur-Mer, req. n°294.852).

    Il s’ensuit donc que, pour l’essentiel, l’étude d’impact à produire au dossier de demande de permis de construire fournit à l’autorité compétente pour statuer sur cette demande des renseignements ayant trait à des aspects du projet qu’une telle autorisation n’a pas vocation à sanctionner.

    Sans conclure au caractère totalement superfétatoire de ce document dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire se rapportant à une installation classée, il nous semble néanmoins que plutôt que de sanctionner systématiquement les vices substantielles affectant l’étude d’impact par l’annulation du permis de construire, le juge devrait considérer que les éventuelles carences d’une étude d’impact ayant trait à des aspects du projet saisis par l’autorisation d’exploiter ne saurait avoir aucun effet sur la légalité d’un permis de construire dès lors qu’elles n’ont pu avoir aucune incidence sur l’appréciation que les services instructeurs ont pu faire de la conformité du projet au regard des normes qu’un tel permis a vocation à sanctionner.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés