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  • Quel contrôle de l’équilibre économique et financier d’un projet d’Unité Touristique Nouvelle ?

    Si le dossier de demande d’autorisation d’UTN ne doit pas exposer les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet de façon erronée, insincère ou irréaliste, il n’incombe cependant pas à l’administration, ni par voie de conséquence au juge administratif, d’apprécier la viabilité économique et financière de ce projet.

    CAA. Bordeaux, 2 juillet 2007, ADPACE, req. n°04BX01267


    Positivons : les dysfonctionnements actuels du site Légifrance nous amènent à revenir sur un arrêt, d’ailleurs pas si ancien, que nous avions à l’époque relever dans une « veille jurisprudentielle mensuelle », lequel nous permet de traiter pour la première fois ici, si notre mémoire est bonne et nos archives à jour, des autorisations d’Unité Touristique Nouvelle (UTN).

    Sans exposer dans le détail, la nature et le régime spécifique de cette autorisation relative à l’utilisation du sol – car c’en est une (CAA, Bordeaux, 28 décembre 1995, Association de défense du Lac de Lourdes, req. n°95.121 ; CAA. Marseille, 8 décembre 2005, req. n°02MA00707) – celle-ci nous semble pouvoir être présentée comme se situant à la croisée des chemins des différents « outils » prévus par le droit de l’urbanisme puisqu’elles empruntent tant à la planification urbaine et à l’aménagement qu’aux autorisations d’urbanisme stricto sensu.

    Pour partie, on retrouve, d’ailleurs, cette spécificité dans le dossier de demande que se doit de produire le pétitionnaire au titre de l’article R.145-6 du Code de l’urbanisme (anciennement R.145-2) dont on rappellera qu’il dispose que :

    « La demande est accompagnée d'un dossier comportant un rapport et des documents graphiques précisant :
    1° L'état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l'historique de l'enneigement local, l'état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l'économie locale ;
    2° Les caractéristiques principales du projet et, notamment, de la demande à satisfaire, des modes d'exploitation et de promotion des hébergements et des équipements, ainsi que, lorsque le projet porte sur la création ou l'extension de remontées mécaniques, les caractéristiques du domaine skiable, faisant apparaître les pistes nouvelles susceptibles d'être créées ;
    3° Les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour les prévenir ;
    4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l'économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l'environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir, et l'estimation de leur coût ;
    5° Les conditions générales de l'équilibre économique et financier du projet
    » ;


    puisque ce dernier impose ainsi la production de documents constitutif d’un dossier à l’objet et au contenu pas si éloignés d’une étude d’impact mais qu’il ne constitue pourtant pas (CAA. Lyon, 18 juillet 2000, Cne de Mont de Lans, req. n°96LY02821). Et c’est, bien entendu, l’exigence d’un exposé des « conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet » qui s’avère le plus spécifique.

    C’est, d’ailleurs, sur ce point, notamment, que devait être contestée l’autorisation d’UTN en litige dans l’affaire objet de l’arrêté ici commenté par l’association requérante, laquelle soutenait que non seulement le dossier produit par le pétitionnaire était insuffisant à cet égard mais encore qu’en délivrant cette autorisation le Préfet de Région aurait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation puisque la viabilité économique et financière du projet n’était pas établie.

    S’agissant de l’aspect formel du dossier, l’exposé des conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet constitue une formalité substantielle dont il résulte que le juge administratif contrôle non seulement la présence au dossier mais également son caractère complet et adéquat.

    A cet égard, la décision rendue par la Cour administrative d’appel de Bordeaux est donc classique puisque, sur ce point, celle-ci a jugé que :

    « Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les données relatives aux conditions générales de l'équilibre économique et financier du projet, notamment celles concernant le montant des recettes et des dépenses de l'opération soient erronées, insincères ou irréalistes ; que, dans ces conditions, le dossier au vu duquel la décision d'autorisation a été prise répond également aux exigences des dispositions précitées du 5° de l'article R. 145-2 du code de l'urbanisme ».

    Mais si l’on prescrit au pétitionnaire de produire un dossier exposant les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet, lesquelles doivent donc reposées sur des données exactes et présentées de façon sincère et surtout réaliste, force est de donc de considérer qu’il incombe à l’administration puis, le cas échéant, au juge administratif d’en contrôler sur le fond, au moins de manière restreinte, la viabilité économique et financière du projet ; ce que pouvait, d’ailleurs, laisser à penser certaines décisions rendues en la matière par la Cour administrative d’appel de Marseille, laquelle a pu juger que :

    « Considérant, d'une part, que la circonstance que l'équilibre économique et financier de l'unité touristique nouvelle PORTE DES NEIGES ne puisse être réalisé qu'à la condition que la SA PORTE DES NEIGES obtienne la concession des remontées mécaniques, n'est pas par elle-même de nature à faire obstacle à la délivrance de l'autorisation de création ; que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les données relatives aux estimations des recettes, notamment en ce qui concerne les recettes des remontées mécaniques, et celles relatives au montant des dépenses nécessaires à la réalisation du projet, notamment en ce qui concerne le coût des mesures compensatoires et des équipements publics, doivent être regardées comme erronées ou insincères ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision du préfet de Région Midi-Pyrénées du 16 décembre 1996, le tribunal administratif a estimé que les conditions générales de l'équilibre économique et financier du projet n'étaient pas réunies » (CAA. Marseille, 30 août 2001, FENEC, req. n°99MA02269);

    Et :

    « Considérant qu'il n'est pas établi que les conditions de l'équilibre économique et financier du projet ne seraient pas réunies » (CAA. Marseille, 30 août 2001, FENEC, req. n°98MA00513) ;

    en sous-entendant ainsi que la circonstance que ces conditions ne soient effectivement pas réunies pourrait avoir une incidence sur la légalité d’une autorisation d’UTN et, donc, qu’il incomberait alors au juge administratif d’opérer un contrôle sur ce point puisque dans ces deux affaires le moyen a été rejeté non pas comme inopérant mais comme manquant en fait et ce, sans être assorti du classique « en tout état de cause ».

    Pourtant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc très clairement jugé que :

    « Considérant, en quatrième lieu, que si les dispositions précitées du 4° de l'article 145-2 du code de l'urbanisme prévoient que le dossier de demande d'autorisation d'une unité touristique nouvelle comporte des indications sur l'équilibre économique et financier du projet présenté, il n'appartient pas au préfet compétent pour délivrer l'autorisation de porter une appréciation sur la viabilité économique et financière de ce projet ; que le moyen tiré de ce que ledit préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation sur la viabilité économique du projet de l'unité touristique nouvelle « des Bouscaillous », qui est ainsi inopérant, doit par suite être écarté ».

    En résumé, si le dossier de demande d’autorisation d’UTN ne doit pas exposer les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet de façon erronée, insincère ou irréaliste, il n’incombe cependant pas à l’administration, ni par voie de conséquence au juge administratif, d’apprécier la viabilité économique et financière de ce projet.

    Mais dès lors, on voit mal quelle est l’utilité de prescrire au pétitionnaire la production d’un dossier analysant de façon détaillée et précise les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet, si celles-ci n’intéressent pas la légalité de l’autorisation d’UTN et si, par voie de conséquence et en toute hypothèse, elles n’ont pas à faire l’objet d’un contrôle au fond de l’administration et du juge administratif.

    D’ailleurs, cette interprétation de l’article R.145-6 du Code de l’urbanisme ne pourra que conduire le pétitionnaire à produire un dossier exempt de toute critique formelle sur ce point puisqu’il pourra, sans crainte, produire un « bilan » faisant ressortir l’absence de viabilité économique et financière du projet dès lors que celui-ci repose sur des données exactes et présentées de façon sincère et réaliste…

    De ce fait, la seule utilité que l’on pourrait trouver sur ce point à l’article précité et d’amener ainsi le pétitionnaire à réfléchir sur la viabilité de son projet et sur l’opportunité de le mener à terme.

    Il reste que si tel est le cas, cet objectif nous paraît incompatible avec le délai de validité d’une autorisation d’UTN – quatre ans – permettant d’engager la réalisation du projet bien après l’étude de sa viabilité économique et financière et dans un secteur particulièrement sujet aux retournements de conjoncture.

    Mais pour conclure, on précisera que ce n’est pas tant la décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui nous surprend que, plus fondamentalement, l’existence du point 5° de l’article R.145-6 du Code de l’urbanisme puisque si l’on voulait lui reconnaître une portée sur le fond, force est d’admettre qu’elle ne pourrait que conduire le juge administratif à pratiquer un contrôle touchant à l’utilité du projet ; contrôle étranger au droit de l’urbanisme – y compris pour le « cousin » du droit de l’expropriation que l’on peut voir dans le droit de préemption (en ce sens : CAA. Douai, 9 février 2006, Communauté urbaine d’Arras, req. 05DA00504 & CAA. Bordeaux, 12 septembre 2006, M. X., req. n°03BX02110) – si ce n’est pour ce qui a trait à la déclaration de « PIG » (CE.21 juin 1999, Cne de la Courneuve, req. n°179.612), laquelle est, d’ailleurs, très proche de par son objet et ses effets sur le document local d’urbanisme de la déclaration d’utilité publique.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • De l’appréciation du délit de reconstruction sans autorisation mais à l’identique par le juge pénal

    La reconstruction sans autorisation mais à l’identique d’une maison sinistrée sur un terrain couvert par un POS se bornant à interdire les constructions nouvelles ainsi que l’aménagement et l’extension des constructions existantes n’est pas constitutive d’une infraction à ce POS.

    CA. Paris, 13 Ch. Section B, 12 octobre 2007, Mme Papin, n°07-03115.pdf07-03115.pdf



    Voici un arrêt intéressant en ce qu’il permet d’appréhender les discordances de la jurisprudence administrative et de la jurisprudence judiciaire au sujet de la notion de construction existante et ce, dans le cadre du problème particulier de la reconstruction à l’identique après sinistre.

    Dans cette affaire, Madame Papin avait acquis, en nombre 2003, un ensemble immobilier composé d’un terrain et d’une maison – inhabitée alors depuis deux ans – à la faveur d’un acte notarié indiquant expressément que cette maison avait été édifiée sans autorisation.

    Mais à la suite d’une tempête survenue en janvier 2004, Madame Papin devait reconstruire cette maison ; ce qu’il fit à l’identique mais sans avoir obtenu le permis de construire nécessaire à cet effet.

    Au mois de mars 2004, Madame Papin devait ainsi être poursuivi du double chef, d’une part, de construction sans autorisation et, d’autre part, de violation des prescriptions du règlement de la zone ND du POS communal, lequel, en substance, interdisait tant les constructions nouvelles que les travaux d’aménagement et d’extension des constructions existantes.

    Mais si la chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Meaux puis la Cour d’appel de Paris décidèrent de condamner la prévenue pour construction sans autorisation – en relevant qu’elle ne pouvait ignorer que sa maison avait été édifiée sans qu’aucun permis de construire de construire n’ait jamais été obtenue dès lors que cela était expressément précisé dans l’acte de vente de cette maison – ils la relaxèrent, en revanche, du chef de violation des prescriptions du POS au motif, précisément, que l’article 1er du règlement de la zone ND se bornait à interdire les constructions nouvelles ainsi que l’aménagement et l’extension des constructions existantes mais ne traitait pas « le cas d’une reconstruction en cas de sinistre ».

    Il est vrai que l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme dispose « la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement » ; ce qui induit, notamment, qu’un règlement local d’urbanisme n’interdisant pas expressément les « reconstructions à l’identique » doit être réputé les autoriser dans les conditions définies par cet article (CE. 23 février 2005, Hutin, req. n°271.270).

    Il reste que cet article précise que ce principe vaut pour la reconstruction à l’identique d’un bâtiment sinistré « dès lors qu'il a été régulièrement édifié ».

    On sait, d’ailleurs, que c’est dans le cadre de l’application de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme que le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser ce qu’était une construction dotée d’une existence légale en jugeant que ne constituaient pas des constructions régulières, notamment, au sens de l’article précité (CE. 5 mars 2003, Nicolas Lepoutre, req. n°252.422) :

    - tout d’abord, les constructions édifiées sans autorisation, c’est-à-dire sans qu’une autorisation ait été obtenue ou sur le fondement d’une autorisation ayant précédemment été annulée, retirée ou frappée de caducité ;

    - ensuite, les constructions initialement régulières mais devenues illégales du fait de l’annulation ou de retrait ultérieur de l’autorisation en exécution de laquelle elles ont été construites ;

    - enfin, les constructions édifiées en méconnaissance de l’autorisation obtenue à cet effet.

    Il s’ensuit qu’en l’espèce, la maison acquise par la prévenue constituait une construction illégale au sens de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme ne pouvant, par voie de conséquence, bénéficier de son dispositif.

    Dès lors qu’au regard du droit de reconstruire à l’identique posé par cet article, la maison en cause était dépourvue de toute existence légale, la prévenue n’aurait donc pas pu s’en prévaloir pour obtenir le permis de la (re)construire ou, le cas échéant, pour obtenir l’annulation du refus opposé à sa demande par le juge administratif, lequel n’aurait pu que considérer que cette demande tendait à la réalisation d’une construction nouvelle, interdite par l’article ND.1 du POS communal.

    Il reste que la notion de construction existante est le plus bel exemple des discordances pouvant affectées la jurisprudence administrative et la jurisprudence pénale.

    En effet, si pour le juge administratif une construction réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait jamais été obtenu demeure illégale et donc inexistante tant qu’elle n’a pas été régularisée – ce que le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme n’est pas, en lui-même, de nature à modifier, compte tenu des exceptions qu’il prévoit au principe de la « prescription décennale » qu’il institue – pour le juge judiciaire, en revanche, la prescription de l’action publique ôte aux faits tout caractère délictueux, si bien qu’en raison de cette prescription un bâtiment édifié sans autorisation peut accéder au statut de construction régulière (Cass. crim., 27 octobre 1993, Derrien, pourvoi n°92-82.372).

    En résumé et pour le juge pénal, une construction édifiée sans autorisation peut être régularisée et, par voie de conséquence, acquérir une existence légale par le seul effet du temps : en l’occurrence, trois ans à compter de l’achèvement des travaux (pour autant, bien entendu, qu’aucun acte de poursuite n’ait été pris durant cette période).

    Sauf à considérer que l’arrêt commenté ce jour est totalement erroné, c’est donc cette position de la jurisprudence pénale qui nous semble pouvoir en expliquer sa portée sur ce point (bien qu’il soit dépourvu de toute motivation spécifique à cet égard…) : la maison démolie étant ancienne et le délit de construction sans autorisation prescrit, celle-ci semble donc avoir été considérée comme une construction légalement existante et, partant, les travaux litigieux comme tendant à sa reconstruction à l’identique et non pas à la création d’une construction nouvelle au regard de l’article ND.1 du POS communal.

    Il reste que si la circonstance que « les murs ont été reconstruits avec des parpaings et non avec des plaques de béton » est, en tout état de cause et comme l’a relevé la Cour, sans incidence puisque l’application de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme ne s’oppose pas à l’existence de certaines différences mineures entre le bâtiment démoli et l‘ouvrage reconstruire (CE. 6 décembre 1993, Epx Bohn, req. n°103.884), la Cour d’appel de Paris a également fait preuve d’une conception particulièrement extensive de la notion de « reconstruction après sinistre ».

    Il convient, en effet, de relever que sa décision souligne que la prévenue avait « expliqué qu’après la tempête intervenue en janvier 2004, la toiture avait été abîmée ainsi qu’un mur côté Marne ; son mari avait d’abord fait tomber le toit, provoquant l’effondrement de deux murs en très mauvais état, et ils avaient du reconstruire ».

    Or, pour que l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme trouve à s’appliquer, il est certes impératif que les travaux projetés visent à reconstituer à l’identique la situation antérieure mais il est également nécessaire qu’il y ait reconstruction, ce qui implique qu’au préalable il y ait eu démolition et que celle-ci ait été directement provoquée par un sinistre.

    Dès lors il va sans dire que pour le juge administratif la demande de permis de construire qu’aurait dû formuler Madame Papin n’aurait pas pu bénéficier des dispositions de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme puisque, d’une part, une « toiture abimée » n’est évidemment pas synonyme de démolition de l’ouvrage et n’appelle, d’ailleurs, que des travaux de réfection et que, d’autre part, ce n’est donc pas la tempête de janvier 2004 qui avait emporter la démolition de la maison existante mais l’intervention (malheureuse) de l’époux de la prévenue. A titre d’exemple, on peut en effet relever que la Cour administrative d’appel de Marseille a refusé le bénéfice du dispositif prévu par l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme à la reconstruction d’un bâtiment déstabilisé par l’exécution de travaux dont la démolition s’imposait, en conséquence, pour des motifs techniques et de sécurité (CAA. Marseille, 21 mars 2002, Cne de Nîmes, req. n°98MA01738).

    A ce stade, il pourrait être opposé à la présente analyse d’apprécier le sens et la portée de l’arrêté commenté au regard de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme alors que cet arrêt n’y fait jamais référence.

    Il reste que le fondement de cette décision sur ce point tient, rappelons-le, à ce que le POS communal se bornait à interdire les constructions nouvelles ainsi que l’aménagement et l’extension des constructions existantes mais ne traitait pas « le cas d’une reconstruction en cas de sinistre ».

    Or, un bâtiment reconstruit même à l'indentique et après sinistre constitue nécessairement une construction nouvelle ; telle étant la raison d’être de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme : déroger aux principes applicables à une telle construction.

    Au regard du Code de l’urbanisme, la distinction « construction nouvelle » et « reconstruction après sinistre » ne se justifie donc que dans le cadre de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme. En dehors de ce cadre, la (re)construction projetée par Madame Papin ne pouvait ou n’aurait pu qu’être considérée comme une construction nouvelle au sens de l’article ND.1 du POS communal.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Veille règlementaire : Réponse ministérielle (commentée) sur l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme

    QUESTION n°°3439 (publiée au JO le 21/08/2007, p. 5310 / Réponse publiée au JO le 15/01/2008, p. 357)

    Texte de la question :

    « Reprenant les termes de la question écrite qu'elle avait posée le 6 février 2007 sous la précédente législature, demeurée sans réponse, Mme Marie-Jo Zimmermann attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur la situation d'une personne qui a construit une maison de manière illégale, c'est-à-dire soit sans permis de construire, soit en ne respectant pas le permis de construire. En matière pénale, la prescription est de trois ans. Par contre, du point de vue administratif, le bâtiment reste illégal. Elle souhaiterait savoir, dans ces conditions, si le propriétaire de la maison en cause peut au bout d'une certaine période demander un permis de construire pour réaliser des travaux complémentaires sur son bâtiment. »

    Texte de la réponse :

    « S'agissant de la situation en matière pénale d'une personne qui a construit une maison d'une manière illégale, c'est-à-dire soit sans permis de construire, soit en ne respectant pas celui-ci, la prescription est de trois ans. En revanche, du point de vue administratif, le bâtiment reste illégal. S'agissant de la demande d'un permis de construire, au bout d'une certaine période, pour réaliser des travaux complémentaires sur le bâtiment en cause, l'article 9 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (ENL) a introduit dans le code de l'urbanisme l'article L. 111-12 qui prévoit que, lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux (devenue déclaration préalable depuis le 1er octobre 2007) ne peut pas être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme. Cependant, cet article précise que ces dispositions ne sont pas applicables : a) Lorsque la construction est de nature, par sa situation, à exposer ses usagers ou des tiers à un risque de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ; b) Lorsqu'une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l'article L. 480-13 ; c) Lorsque la construction est située dans un site classé, en application des articles L. 341-2 et suivants du code de l'environnement, ou dans un parc naturel créé en application des articles L. 331-1 et suivants du même code ; d) Lorsque la construction est sur le domaine public ; e) Lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ; f) Dans les zones visées au 1° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement. L'exécution de travaux complémentaires sur une maison édifiée d'une manière illégale nécessite donc que le bénéficiaire des travaux, dès lors que sa construction n'entre pas dans les exceptions susvisées, obtienne un permis de construire tendant à régulariser administrativement l'irrégularité commise. Par la suite, selon la nature ou l'ampleur des travaux complémentaires projetés, deux hypothèses peuvent se présenter : soit les travaux complémentaires ne nécessitent aucune autorisation d'urbanisme et sont compatibles avec les règles de fond applicables au terrain d'assiette du projet et, dans ce cas, ils peuvent être exécutés sans autre formalité ; soit ces travaux nécessitent une autorisation d'urbanisme et, dans ce cas, leur réalisation reste soumise à l'accord préalable de l'autorité compétente en la matière. Il serait prématuré de se prononcer sur les conséquences réelles de ces nouvelles dispositions, qui ne manqueront pas d'être soumises à l'appréciation du juge administratif. Enfin, dans l'hypothèse où la période décennale précitée n'est pas encore écoulée, un permis de construire portant sur des éléments indissociables de l'immeuble édifié d'une manière illégale ne peut être légalement accordé que s'il a aussi pour objet de permettre la régularisation de la partie édifiée en infraction, si les règles d'urbanisme applicables au terrain d'assiette de l'ensemble de la construction le permettent ».

    * * *

    Voici une réponse intéressante non pas pour l’appréciation qu’elle livre mais pour ce sur quoi elle omet –sciemment ( ?) – de se prononcer (« il serait prématuré de se prononcer sur les conséquences réelles de ces nouvelles dispositions, qui ne manqueront pas d'être soumises à l'appréciation du juge administratif »…) ; ce qui, d’ailleurs, ne manque pas de surprendre dès lors que le Ministère attributaire de la question et, donc, l’auteur de cette réponse est le Ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables dont on rappellera qu’il est dirigé par l’auteur de la loi du 13 juillet 2006 dont résulte, notamment, l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme.

    On sait, en effet, que si le juge judiciaire considère qu’une construction illégalement édifiée se trouve régularisée par la seule prescription de l’action publique et accède ainsi au statut de construction juridiquement existante (Cass. crim. 9 mars 1993, François Derrien, pourvoi n°92-82372), telle n’est pas la position du juge administratif, lequel considérait qu’en toute hypothèse, une construction illégale – c’est-à-dire, en substance, celle édifiée sans que l’autorisation d’urbanisme requise n’ait été obtenue, en méconnaissance des prescriptions de cette dernière ou en exécution d’une autorisation annulée ou retirée – le demeure indéfiniment ou, plus précisément, tant qu’elle n’a pas été régularisée par l’obtention d’une autorisation adéquate (CE. 9 juillet 1986, Mme Thalamy, req. n° 51.172 ; sur les contours de ce principe, voir ici et et ici encore).

    Selon le principe posée par cette jurisprudence, lorsque de nouveaux travaux était projetés sur une construction illégale au regard du droit de l’urbanisme, le constructeur devait obtenir une autorisation ayant pour objet, d’une part, de régulariser cette dernière et, d’autre part, d’autoriser ces nouveaux travaux ; ce qui peut, notamment, avoir pour conséquence d’impliquer l’obtention d’un permis de construire alors que les travaux projetés n’exigent, en eux-mêmes, qu’une déclaration de travaux (CE. 30 mars 1994, Gigoult, req. n°137.881).

    Mais surtout la jurisprudence dite « Thalamy » avait pour conséquence d’exclure toute possibilité de travaux sur une construction illégale lorsque sa régularisation n’est pas possible au regard des normes d’urbanisme alors en vigueur, quand bien même cette construction aurait-elle pu être régulièrement autorisée au regard des normes applicables à l’époque où les travaux ont été accomplis.

    C’est pourquoi, par ce nouvel article L.111-12 au code de l’urbanisme, la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 dite « ENL » est venue limiter la portée de la jurisprudence « Thalamy » par l’introduction d’une prescription administrative décennale, laquelle connaît cependant un certain nombre d’exceptions.

    Il résulte de cette prescription décennale que lorsque la construction pour être illégale est achevée depuis plus de dix ans, de nouveaux travaux peuvent être entrepris sur celle-ci sans qu’il soit besoin d’en opérer préalablement ou concomitamment la régularisation.

    Par voie de conséquence, ces nouveaux travaux sont assujettis à l’obtention d’une autorisation dont la nature dépend exclusivement de celle de ces travaux et, bien plus, peuvent être régulièrement réalisés sans autorisation lorsqu’au regard des dispositions issus du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007, ils sont exemptés de toute formalité.

    Le nouvel article L.111-12 du code de l’urbanisme vise six cas où le principe posé par son alinéa 1er n’est pas applicable et où, en d’autres termes, la construction illégale ne peut bénéficier d’aucune prescription, quelle que soit l’ancienneté de son achèvement. Cet article précise, en effet, que

    « Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables :
    a) Lorsque la construction est de nature, par sa situation, à exposer ses usagers ou des tiers à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
    b) Lorsqu'une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l'article L. 480-13 ;
    c) Lorsque la construction est située dans un site classé en application des articles L. 341-2 et suivants du code de l'environnement ou un parc naturel créé en application des articles L. 331-1 et suivants du même code ;
    d) Lorsque la construction est sur le domaine public ;
    e) Lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ;
    f) Dans les zones visées au 1º du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement
    ».


    Or, s’il est clair que dans le cas visé par la question objet de la réponse commenté ce jour, la construction en cause ne saurait bénéficier de la prescription décennale introduite par l’article précité puisqu’édifiée sans qu’aucun permis de construire n’ait jamais été obtenu à cet effet, on aurait apprécier que l’auteur de cette réponse donne son interprétation de l’exception prévue au point e) de cet article tant sa rédaction est imprécise quant à son champ d’application.

    En effet, s’il est clair que cette prescription bénéficie aux constructions réalisées en méconnaissance des prescriptions du permis de construire et s’il ne fait pas de doute qu’en sont donc, en toute hypothèse, exclues les constructions édifiées sans qu’aucun permis de construire n’ait jamais été obtenu, la réponse est moins évidente s’agissant des constructions réalisées en exécution d’un permis de construire ultérieurement annulé ou retiré.

    Au regard du droit de l’urbanisme et de la jurisprudence dite « Thalamy » ces constructions sont, en effet, assimilées à celles réalisées sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu dont relèvent, d’ailleurs, celles entreprises en exécution d’une autorisation précédemment annulée ou précédemment frappée de caducité. En outre, compte tenu de l’effet rétroactif attaché à l’annulation ou au retrait d’un permis de construire, la construction édifiée en exécution de ce dernier doit, au regard du droit de l’urbanisme « opérationnel », être réputée réalisée sans permis de construire.

    Dès lors, il faudrait donc en conclure que la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du code de l’urbanisme ne bénéficie pas non plus aux constructions réalisées en exécution d’un permis de construire ayant ultérieurement disparu de l’ordonnancement juridique. Mas ce n’est pas si sûr.

    Tout d’abord, force est de considérer que le trouble à l’ordre public résultant d’une construction rendue illégale par voie de conséquence de l’annulation ultérieure de son permis de construire est bien moindre que celui généré par une construction réalisée sans qu’aucune autorisation n’est jamais été obtenue ; sans compter que l’annulation du permis de construire peut résulter d’un simple vice de forme ou de procédure.

    D’ailleurs, nonobstant l’effet rétroactif attaché à l’annulation d’un permis de construire, celui qui l’a mis en œuvre ne se rend pas coupable d’un délit de construction sans autorisation au regard de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme ; sauf à ce qu’il l’ait obtenue par fraude (Cass. crim, 30 juin 1981, Bull. crim, n° 226 ; Cass. crim, 15 février 1995, Assoc. des amies de Saint-Palais sur Mer, n° 94-80.739).

    Ensuite, dans la mesure où le nouvel article L.111-12 régit les travaux en considération de l’irrégularité de la construction « initiale » et fait courir la prescription qu’il prévoit à compter de son achèvement, il semble que ce soit à cette époque qu’il faille se placer pour apprécier la situation de la construction au regard du droit de l’urbanisme : le fait que le permis de construire ait ultérieurement été annulé ne devrait donc pas avoir d’incidence.

    Il reste qu’a contrario, qu’une telle interprétation de la rédaction de l’alinéa 1er du nouvel article L.111-12 pourrait également amener à conclure qu’une construction initialement régulière mais devenue illégale du fait de l’annulation ultérieure de son permis de construire ne fait donc pas partie des cas prévus par cet alinéa et, à ce seul titre, ne peut pas bénéficier de la prescription décennale qu’il prévoit alors que l’auteur des travaux n’a commis aucun délit. La réserve introduite par le point f) ne viserait donc assurément que le cas où un permis de construire n’a jamais été obtenu : il prévoirait donc le cas où un délit a été commis comme une exception à une règle de principe dont le champ d’application ne recouvre pas les cas non-délictuels : ce qui ferait du nouvel article L.111-12 une bien curieuse règle de droit.

    Enfin, le point b) du nouvel article L.111-12 du code de l’urbanisme réserve également le cas où « une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l'article L. 480-13 ».

    Or, aux termes de ce dernier, la condition première pour qu’une telle action prospère est que, préalablement, le permis de construire ait été annulé du fait d’une méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique.

    On voit donc mal quelle serait l’utilité de cette réserve expresse, si une construction réalisée en exécution d’un permis de construire ultérieurement annulé est, en toute hypothèse, exclue du bénéfice de la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12. Précisément, celle-ci ne semble utile que pour s’opposer – le cas échéant, à titre conservatoire – à la régularisation par le temps de ces constructions menacées de démolition.

    D’ailleurs, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL » que la réserve prévue par le point e) du nouvel article L.111-12 a été introduite par l’Assemblée Nationale – contre le souhait du Sénat – pour éviter une « prime » au délit de construction sans autorisation.

    Pour l’ensemble de ces raisons, il semble donc raisonnable de considérer que la prescription décennale introduite par le nouvel article L.111-12 du code de l’urbanisme a vocation à bénéficier aux constructions réalisées en exécution d’un permis de construire ayant ultérieurement disparu de l’ordonnancement juridique ; sauf, peut-être, à ce qu’il ait été obtenu par fraude.

    Il n’en demeure pas moins que l’on aurait pu attendre de l’auteur de cette disposition qu’il se prononce sur sa portée.

    Et pour être complet, on relèvera également que le point e) du nouvel article L.111-12 n’exclut du bénéfice de la prescription qu’il prévoit que les constructions réalisées « sans permis de construire » ; ce dont il semble falloir déduire qu’une construction réalisée sans qu’ait été formulée la déclaration préalable requise ou malgré la décision d’opposition qu’elle a appelée pourra, néanmoins, bénéficier de cette prescription décennale.

    Une réserve s’impose, cependant, dès lors que, d’une part, le délit de travaux sans déclaration est réprimé au même titre que le délit de travaux sans permis de construire et que, d’autre part, à l’époque de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL », la déclaration de travaux était uniquement conçue comme une dérogation au champ d’application du permis de construire.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur les aires de stationnement à réaliser en dehors du terrain d’assiette de la construction projetée

    Sauf disposition contraire du règlement local d’urbanisme, le respect des prescriptions de son article 12 peut être apprécié en tenant compte de places de stationnement autorisées par le permis de construire mais à réaliser sur une unité foncière distincte de celle devant accueillir la construction projetée.

    CAA. Bordeaux, 31 décembre 2007, Cne d’Etaules, req. n°05BX01339


    Voici un arrêt à la portée apparemment limitée mais qui s’avère, néanmoins, intéressant en ce qu’il précise l’interprétation d’une rédaction somme toute assez rare de l’article 12 du règlement local d’urbanisme (et à notre connaissance, n’ayant pas été précédemment tranchée), permet de traiter de la question des places de stationnement projetées en dehors du terrain d’assiette de la construction projetée et, plus généralement, de l’idée aussi fausse que répandue et, selon laquelle, un permis de construire doit nécessairement porter sur une seule et même unité foncière.

    Dans cette affaire était en cause un permis de construire un immeuble à destination mixte accueillant en rez-de-chaussée cinq locaux commerciaux d’une SHON de 458 mètres carrés et cinq logements d’une SHON de 4449 mètres carrés et prévoyant dix places de stationnement ; une sur le terrain d’assiette de la construction, neuf sur un autre terrain sis à quarantes mètre de ce dernier.

    Mais ce permis de construire devait être contesté au motif tiré de sa prétendue méconnaissance de l’article UA.12 du POS communal, lequel disposait que « le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions ou installations doit être assuré en dehors de voies et emprises publiques existantes et ne présenter qu'un seul accès sur les voies publiques existantes, sauf impossibilités techniques ; pour les établissements commerciaux de plus de 200 m2 de surface de vente, il est exigé une place de stationnement pour 20 m2 de superficie de plancher hors oeuvre nette à compter de ce seuil ».

    Mais ce moyen devait donc être rejeté par la Cour administrative d’appel de Bordeaux au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le permis de construire qui avait été délivré à la COMMUNE D'ETAULES par son maire le 5 juin 2004 autorisait la construction d'un immeuble comportant en rez-de-chaussée cinq locaux commerciaux d'une surface hors oeuvre nette de 458 m2 et cinq appartements à l'étage d'une surface hors oeuvre nette de 449 m2 ; que cette autorisation prévoyait neuf aires de stationnement sur une parcelle appartenant à la commune située à quarante mètres de la construction ainsi qu'une dixième aire sur la parcelle d'assiette de cette dernière ; que si la construction comporte des locaux commerciaux dont l'un à destination de supérette, aucun de ceux-ci n'a une surface de vente supérieure à 200 m2 ; que les appartements sont destinés à l'hébergement des commerçants ; qu'aucune difficulté de stationnement n'existe dans le centre du bourg dans lequel se trouve le terrain d'assiette de la construction litigieuse ; que, dans ces conditions, la création de ces dix aires de stationnement est suffisante pour répondre aux besoins de la construction ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions précitées de l'article UA du règlement du plan d'occupation des sols pour annuler le permis de construire du 5 juin 2004 ».

    En l’espèce et comme devait vraisemblablement l’avoir soutenu le requérant en première instance, il aurait pu être considéré que la construction projetée en ce qu’elle impliquait la réalisation de cinq locaux commerciaux d’une SHON globale de 458 mètres carrés générait, dès lors l’article UA.12 du POS communal disposait que « pour les établissements commerciaux de plus de 200 m2 de surface de vente, il est exigé une place de stationnement pour 20 m2 de superficie de plancher hors œuvre nette à compter de ce seuil », l’obligation d’aménager 12 places de stationnement [(458m² - 200 m²) : 20 = 12,9] ; étant rappelé que, sauf précision contraire, un règlement local d’urbanisme imposant une place par tranche d’une surface déterminée n’exige cette place que par tranche consommée et non par tranche entamée (CE. 8 mars 2002, SCI Télémarrk, req. n°226.631).

    Toutefois, la Cour a donc considéré qu’aucune place de stationnement n’était exigible à ce titre puisqu’aucun des locaux commerciaux projetés ne présentait, isolément, une surface supérieure à 200 mètres carrés.

    A suivre cette décision, dans le cas où l’article 12 du règlement d’urbanisme local détermine les besoins en stationnement de l’opération projetée en considération de la surface des établissements commerciaux, chacun des locaux commerciaux projetés doit être considéré comme un établissement commercial autonome, si bien que les besoins à satisfaire doivent être déterminés local par local en considération de leur surface respective et non pas en considération de leur surface globale.

    Dans une certaine mesure, la décision peut également être retenue comme une illustration de l’indépendance de la législation de l’urbanisme et de la législation dite de l’urbanisme commercial puisqu’à cet égard, le seul fait que chacun des locaux commerciaux à créer ait une surface inférieure à 300 mètres carrés n’aurait pas nécessairement suffit à trancher la question de savoir si cette partie de l’opération projetée était ou non assujettie à autorisation d’exploitation commerciale (« CDEC ») dès lors que L.752-3 du Code de commerce dispose que « sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui (…) ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches (…) » (art. L.752-3 ; C.com.).

    Mais précisément, il n’est pas si certain, selon nous, que l’interprétation de l’UA. 12 retenue par la Cour administrative d’appel de Bordeaux correspondent à la volonté des auteurs du POS dès lors que cet article se référait non pas à la SHON des établissements commerciaux mais à leur surface de vente ; notion totalement distincte de celle de SHON et propre au droit de l’urbanisme commercial (CE. 1er avril 2005, Cne de Chaumont, req. n°259.951 ; Ccl VERCLYTTE, BJDU, n° 4/2005, p.270) : ce qui aurait pu conduire à tenir de leur la surface globale.

    Par ailleurs, la Cour a donc pris en compte pour apprécier le caractère suffisant des dix places de stationnement à aménager pour ce qui concerne la partie « logements » de l’opération, les neuf places prévues sur une unité foncière distincte de celle devant accueillir la construction projetée.

    Et à cet égard, la décision de la Cour est difficilement contestable dès lors que, d’une part, si l’article UA.12 du POS communal prévoyait que les places devaient être réalisées en dehors des voies et emprises publiques, il n’imposait pas, en revanche, qu’elles le soient sur le terrain d’assiette de la construction projetée et que, d’autre part, l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date des faits, induisait lui-même que les places de stationnement imposées par le règlement local d’urbanise pouvait l’être « sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat » ; ce qu’aujourd’hui prévoit, d’ailleurs, expressément le nouvel article L.123-1-2 du Code de l’urbanisme en disposant que « lorsque le plan local d'urbanisme impose la réalisation d'aires de stationnement, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat ».

    D’ailleurs, précédemment, la Cour administrative d’appel de Marseille avait pour sa part jugé que :

    « Considérant, enfin, qu'aucune disposition du code de l'urbanisme, ni aucune disposition du règlement du plan d'occupation des sols relatif à la zone concernée ou du règlement du lotissement n'impose que toutes les aires de stationnement exigées par ces règlements soient situées sur le même terrain d'implantation que l'immeuble à raison duquel elles sont réalisées ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le lot AY 14 supportait uniquement une partie des aires de stationnement exigées par le plan d'occupation des sols et n'était séparé du lot supportant le complexe cinématographique que par une voie interne du lotissement ; qu'ainsi, alors même qu'elle portait sur deux unités foncières, une autorisation unique de construire a pu être légalement délivrée » (CAA. Marseille, 17 juin 1999, Préfet du Gard, req. n°98MA01115).

    Mais plus généralement, force est de préciser qu’aucune disposition du Code de l’urbanisme ne s’est jamais opposée à ce qu’un même permis de construire porte sur plusieurs unités foncières distinctes, y compris lorsqu’elles ne sont pas contiguës (pour le permis de construire valant division, voir toutefois: CAA. Paris, 20 mai 2000, Cne de Jouars-Ponchartrain, req. n°97PA01305).

    Bien plus, lorsque le projet est indivisible, cette indivisibilité impose au pétitionnaire de présenter une demande unique, le cas échéant dans chacune des mairies concernées par son projet lorsque le terrain d’assiette de ce dernier, éventuellement formé de plusieurs unités foncières, est sis sur le territoire de plusieurs communes puisqu’à titre d’exemple le Conseil d’Etat a jugé à propos du permis de construire portant sur les équipements liés à l’opération d’aménagement du seuil de l’Allier (lequel avait été délivré sous forme d’un arrêté conjoint des deux Préfets de Département intéressés) que :

    « Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 421-2-3 et R. 421-9 du code de l'urbanisme toute demande de permis de construire est déposée à la mairie ; que l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents a donc, à bon droit, déposé à la mairie des deux communes concernées la [même] demande de permis de construire le seuil sur l'Allier ; que s'il est constant que chacun des ouvrages compris dans l'aménagement de Naussac II est indispensable au fonctionnement de l'ensemble de l'opération, c'est par une exacte application de la loi que l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents a déposé une demande de permis de construire dans chacune des mairies des communes concernées » (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n°172.183).

    Ici encore, force est donc de constater et d’admettre que la réforme des autorisations d’urbanisme et, notamment, le nouvel article R.423-1 du Code de l’urbanisme – dont on rappellera qu’il dispose que « les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés (…) soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (…) – constituent une vrai fausse nouveauté.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés