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Sur les actions en réparation prévues par l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme

Dès lors qu'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs lorsque ceux-ci entrent dans son objet social, elle peut, sur le fondement de l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme, solliciter et obtenir la démolition d’un ouvrage édifié en exécution d’un permis de construire illégal lui portant un préjudice personnel direct au regard de son objet social.

Cass. civ., 26 septembre 2007, pourvoi n°04-20.636


Voici un arrêt intéressant, lequel sera d’ailleurs publié au bulletin, en ce qu’il précise les conditions d’exercice par les associations des actions prévues par l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme et nous permettra ainsi d’aborder les modifications apportées à ce dispositif par la loi « ENL » du 13 juillet 2006, lesquelles sont, toutefois, entrées en vigueur le 1er octobre 2007.

Préalablement au 1er octobre 2007 le seul fait qu’un permis de construire était devenu définitif ne permettait pas de considérer que sa légalité ne pouvait plus être mise en cause et, bien plus, que les constructions réalisées à ce titre étaient pérennes. En effet, l’illégalité de cette autorisation pouvait encore être remise en cause dans le cadre d’une action tendant à obtenir la réparation du préjudice causé par son exécution et ce, en application de l’article précité, lequel dans sa rédaction antérieure disposait que « lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile se prescrit, en pareil cas, par cinq ans après l'achèvement des travaux ».

Il s’ensuivait que dans un délai de cinq ans à compter de l’achèvement des travaux et alors même que le permis de construire était définitif et que celui-ci avait fait l’objet d’un certificat de conformité, un tiers lésé par son exécution pouvait saisir le juge civil d’une action tendant à la démolition de l’ouvrage ainsi édifié et/ou à l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice pour autant, toutefois, que le permis de construire ait méconnu une règle ou une servitude d’urbanisme dont la violation était la cause directe du préjudice allégué par le requérant. En ce cas, il incombait alors au juge civil d’interroger – via la formulation d’une question préjudicielle – le juge administratif sur la légalité du permis de construire en cause. Ce qu’illustre l’arrêt commenté.

Dans cette affaire, un permis de construire avait été définitivement obtenu en vu de la construction d’une maison et d’une piscine. Mais dans la mesure où cet ouvrage avait été réalisé une zone du plan d'occupation des sols où les constructions étaient interdites, l’association « UDVN » devait solliciter du juge civil qu’il ordonne la démolition de cette construction ; demande à laquelle devait accéder la Cour d’appel de Nîmes après que le juge administratif, saisi par la Cour d’une question préjudicielle, eu déclaré le permis de construire illégal.

Toutefois, le propriétaire de cet ouvrage devrait se pourvoir en cassation à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes en lui faisant grief d’avoir accueilli les demandes de l'association requérante alors que :

- tout d’abord, les tiers ne peuvent exercer une action en responsabilité pour violation des règles d'urbanisme devant le juge civil qu'à la condition d'établir l'existence d'un préjudice personnel en relation directe avec l'infraction à ces règles ;
- ensuite, une association ne subit pas, du fait de la violation d'une règle d'urbanisme portant atteinte à l'intérêt collectif qu'elle s'est donné pour mission de défendre un préjudice personnel distinct du dommage causé à la collectivité toute entière ;
- enfin, si la loi permet aux associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 du code de l'environnement d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice aux intérêts collectifs qu'elle ont pour objet de défendre, il s'agit de l'exercice de l'action en réparation d'un dommage causé par une infraction : dès lors qu'il n'avait été ni constaté, ni même allégué que le permis de construire aurait été obtenu par fraude, le constructeur n'avait commis aucune infraction en édifiant une construction conformément à ce permis déclaré ultérieurement illégal ;

et, par voie de conséquence, qu'en déclarant l'association UDVN fondée à demander réparation, par la démolition de ladite construction, du préjudice que lui aurait été causé par la violation de la règle d'inconstructibilité applicable au terrain à construire, la cour d'appel aurait violé l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme ensemble l'article 1382 du code civil.

Mais la Cour de cassation devait rejeter ce pourvoi au motif suivant :

« Mais attendu qu'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs, dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'ayant relevé que la juridiction administrative avait déclaré le permis de construire illégal en ce qu'il autorisait des constructions dans une zone inconstructible protégée pour la qualité de son environnement, sur les parcelles classées en espaces boisés à conserver en application de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, la cour d'appel a pu retenir que la violation par la SCI de l'inconstructibilité des lieux qui portait atteinte à la vocation et à l'activité au plan départemental de l'association, conforme à son objet social et à son agrément, causait à celle-ci un préjudice personnel direct en relation avec la violation de la règle d'urbanisme ».

En résumé, le simple fait que la méconnaissance de la règle d’urbanisme affectant le permis de construire d’illégalité porte atteinte aux intérêts collectifs d’une association tels qu’ils résulte de son objet social statutaire et, le cas échéant, de son agrément, lui permet de justifier d’un préjudice direct personnel et, par voie de conséquence, d’exercer une action sur le fondement de l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme puisque ce dernier implique que l’illégalité du permis de construire constitue la cause directe d’un préjudice personnel pour le requérant.

Si cette solution n’est pas remise en cause par la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL », il n’en demeure pas moins que cette dernière a procédé à une réécriture profonde de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme dont il résulte que la possibilité d’obtenir la condamnation du propriétaire à démolir de la construction litigieuse est limitée de façon significative mais qu’en revanche, la responsabilité des constructeurs peut être engagée aux fins d’obtenir leur condamnation à verser des dommages et intérêts puisque dans sa nouvelle rédaction l’article précité dispose dorénavant que « lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :
a) Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L'action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ;
b) Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l'achèvement des travaux.
Lorsque l'achèvement des travaux est intervenu avant la publication de la loi nº 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, la prescription antérieure continue à courir selon son régime
».


Il faut, toutefois, relever que l’article L.480-13 du code de l’urbanisme reste applicable au seul cas où la « construction a été édifiée conformément à un permis de construire ». Il s’ensuit que les actions prévues par cet article ne sauraient être mises en œuvre lorsque le permis de construire n’a pas fait l’objet d’une exécution conforme. A contrario, leur propriétaire et leur constructeur ne pourront donc pas se prévaloir, en pareil cas, des limites introduites par la nouvelle rédaction de cet article.

Mais surtout, il faut souligner que le nouvel article L.480-13 prévoit dorénavant deux actions bien distinctes, la première tendant à la condamnation du propriétaire à démolir la construction litigieuse, la seconde ayant pour objet d’obtenir la condamnation de son constructeur à verser des dommages et intérêts.

En premier lieu, le point a) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme fixe les conditions auxquelles la démolition de la construction peut être ordonnée.

Il conserve ainsi le principe selon lequel une action en démolition a vocation à être engagée à l’encontre du propriétaire de la construction litigieuse. De même, il maintient le principe selon lequel le permis de construire doit être illégal du fait de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique ; ce qui exclut les vices de forme ou de procédure.

En revanche, il supprime la possibilité d’obtenir la démolition de la construction lorsque le permis de construire est devenu définitif en en faisant constater l’illégalité par le juge administratif saisi d’une question préjudicielle par le juge civile. En effet, il résulte du point a) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme qu’une condamnation à démolir ne peut plus être prononcée que lorsque « le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative » et non plus également, comme c’était précédemment le cas, lorsque « son illégalité a été constatée par la juridiction administrative ».

Dès lors que le permis de construire est définitif, sa légalité ne peut plus être remise en cause par le jeu de l’action prévue par le point a) de l’article L.480-13 et, par voie de conséquence, la démolition de la construction réalisée en exécution de celui-ci ne peut plus être prononcée.

Ce n’est donc que dans le cas où le permis de construire a été préalablement annulé du fait d’une méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique que la démolition pourra être ordonnée en conséquence d’une action entreprise sur le fondement du point a) de l’article L.480-13 par un tiers lésé pour autant, toujours, que la violation de cette règle ou de cette servitude soit la cause directe du préjudice dont il sollicite ainsi la réparation. En revanche, il n’est pas nécessaire que ce tiers lésé ait été l’auteur du recours ayant abouti à l’annulation du permis de construire en exécution duquel la construction litigieuse à été édifiée.

Mais en toute hypothèse, cette action doit être introduite non plus, comme c’était précédemment le cas, dans un délai de cinq ans à compter de l’achèvement des travaux mais, au plus tard, dans les deux ans suivant la décision devenue définitive par laquelle la juridiction administrative a prononcé l’annulation du permis de construire.

En second lieu, le point b) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme vise et régit le cas des actions tendant à la condamnation des constructeurs à verser des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de l’exécution du permis de construire.

A son sujet, on relèvera d’emblée que celle-ci pourra être exercée y compris lorsque le permis de construire est devenu définitif puisque le point b) de l’article L.480-13 précise qu’il a vocation à s’appliquer « si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative ». Lorsque le permis de construire n’a pas été préalablement annulé, il incombe donc au requérant d’établir son illégalité et au juge civil d’interroger en conséquence le juge administratif sur le bien fondé des griefs qui lui sont opposés par le requérant. Mais en toute hypothèse, que le permis de construire ait ou non été préalablement annulé, l’action prévue par le point b) de article L.480-13 du code de l’urbanisme devra être engagée dans un délai non plus de cinq ans mais de deux ans à compter de l’achèvement des travaux ; l’achèvement des travaux s’appréciant de façon concrète et non pas seulement en considération de la date de formulation de la déclaration d’achèvement qui ne constitue qu’un indice (Cass.civ., 11 mai 2000, Mme Duguet, Bull. civ., III, p.107).

Pour le reste, la rédaction du point b) de article L.480-13 appelle deux principales observations qui constituent autant d’interrogations.

D’une part, à la différence de l’ancien article L.480-13 (a), son point b) ne vise pas le propriétaire de la construction mais leur constructeur. A cet égard, la nouvelle rédaction de l’article L.480-13 élargit donc le champ d’application de l’action qu’il prévoit.

Il reste que la notion de constructeur est particulièrement vague et incertaine puisqu’elle peut recouvrir non seulement le maître d’ouvrage, le bénéficiaire du permis de construire ou celui qui l’a mis en oeuvre mais également l’architecte du projet, voire son promoteur. Il incombera donc à la jurisprudence judiciaire de préciser la notion de constructeur au sens de son point b) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme.

Par ailleurs, force est de constater que le point b) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme ne précise pas que l’illégalité doit procéder de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique. Il ne semble pas, cependant, que l’action ainsi prévue puisse aboutir lorsque le préjudice allégué par le requérant ne trouve pas sa cause directe dans la violation de ces règles et servitudes.

Le point b) de l’article L.480-13 ne peut, en effet, trouver à s’appliquer que « si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative » : la cause de cette action reste donc bien l’illégalité du permis de construire.

Or, par principe, un permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers, c’est-à-dire que sa légalité est appréciée exclusivement au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables et indépendamment donc de toute considération liée, notamment, à une norme ou une servitude de droit privé. L’illégalité d’un permis de construire ne peut donc pas être réputée être la cause directe d’un préjudice résultant de la méconnaissance d’une norme ou d’une servitude de droit privé.

De même, si l’illégalité d’un permis de construire peut résulter d’un simple vice de forme ou de procédure, force est d’admettre que l’on voit mal comment un vice de forme – tels le défaut de motivation d’une prescription l’assortissant et l’absence du nom et du prénom de son auteur – ou un vice de procédure – tels l’absence d’une des pièces requises au dossier de demande et le défaut de consultation d’un service intéressé lors de l’instruction de la demande – pourrait, à lui-seul, être la cause directe d’un préjudice pour les tiers.

A priori et, en toute hypothèse, dans la plus grande majorité des cas, il semble donc que ce n’est que dans le cas où l’illégalité du permis de construire en exécution duquel a été édifiée la construction litigieuse résulte de la méconnaissance d’une règle de fond qui lui était opposable que l’action prévue par le point b) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme pourra prospérer.

Mais à notre sens, la principale interrogation générée par le nouvel l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme procède de à son dernier alinéa précisant que « lorsque l'achèvement des travaux est intervenu avant la publication de la loi nº 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, la prescription antérieure continue à courir selon son régime ». Ce dispositif présente, en effet, deux difficultés.

D’une part, dans la mesure où les seules dispositions transitoires prévues par la nouvelle rédaction de l’article L.480-13 concernent la prescription des actions qu’il prévoit, l’action en démolition ne pourra vraisemblablement prospérer qu’à la condition, notamment, que le permis de construire ait été préalablement annulé du fait de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique : a priori, cette solution devrait donc valoir pour les procédures engagées avant la publication de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL ».

Mais s’agissant, d’autre part, de l’action tendant à la condamnation du constructeur à verser des dommages et intérêts, la portée des dispositions transitoires de la nouvelle rédaction de l’article L.480-13 est encore plus délicate à trancher dans la mesure où, dans sa rédaction antérieure, l’action alors prévue par cet article ne concernait que le propriétaire de l’ouvrage litigieux et non pas les constructeurs.

A priori, ce n’est donc pas le délai de prescription de cinq ans à compter de l’achèvement des travaux anciennement prévu par l’article L.480-13 qui sera opposable à cette action. Mais alors, on voit mal quel autre délai de prescription pourrait s’appliquer, si ce n’est la prescription décennale prévue par l’article 2270-1 du code civil en matière de responsabilité extracontractuelle dont on rappellera qu’elle courts à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. Si l’on devait suivre ces dispositions à la lettre, il en résulterait que des tiers lésés pourraient engager l’action prévue par l’article L.480-13 dans ce délai de dix ans lorsque l’achèvement des travaux est intervenu antérieurement à la publication de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL », c’est-à-dire à une époque où la responsabilité d’un constructeur autre que le propriétaire de l’ouvrage litigieux de pouvait pas être engagée sur ce fondement….



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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