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  • Un ouvrage inachevé à la date d’expiration du délai de validité du permis de construire constitue néanmoins une construction juridiquement existante

    Un ouvrage inachevé à la date d’expiration du délai de validité du permis de construire en exécution duquel il a été réalisé n’est pas de ce seul fait une construction illégale. Par voie de conséquence, les travaux ultérieurement projetés sur cet ouvrage n’exigent pas un permis de construire de régularisation mais peuvent, le cas échéant, relever du champ d’application de la déclaration de travaux.

    CE. 29 mars 2006, Cne d’Antibes, req. n° 280.194


    Dans cette affaire, un premier permis de construire avait été obtenu mais été devenu caduc avant que l’ensemble des travaux projetés ne soit exécuté. Et neuf années plus tard, le propriétaire de cet immeuble devait déposer une déclaration de travaux aux fins de procéder au ravalement des façades de l’immeuble ainsi réalisé.

    Le maire de la commune d’Antibes refusa, toutefois, d’instruire cette déclaration au motif tiré de ce que, le permis de construire étant devenu caduc avant l’achèvement complet des travaux, l’ouvrage ainsi réalisé devait être considéré comme un ouvrage illégal, si bien que les travaux portant sur ses façades devaient relever d’un permis de construire portant sur l’ensemble de cet ouvrage aux fins de le régulariser.

    On sait, en effet, qu’au regard du droit de l’urbanisme, il faut dissocier l’existence matérielle d’une construction de son existence juridique. En d’autres termes, une construction physiquement existante n’aura aucune réalité juridique dès lors qu’il aura été construit sans l’autorisation d’urbanisme, en vertu d’une autorisation annulée et/ou en méconnaissance de l’autorisation éventuellement obtenue (CE. 5 mars 2003, M. Nicolas Lepoutre, req. n°252.422). Et en ce cas, tout travaux devant prendre appui (en ce sens : CE. 25 avril 2001, Ahlborn, req. n° 207.095) sur un tel bâtiment devra faire l’objet d’une autorisation ayant pour objet de le régulariser dans son intégralité et, dans cette mesure, de lui conférer une existence juridique (CE. 9 juillet 1986, Mme Thalamy, req. n° 51.172). C’est ainsi que le Conseil d’Etat a pu jugé que le travaux projetés sur les façades d’un ouvrage construit sans avoir obtenu le permis de construire requis à cet effet ne relevaient pas de la déclaration de travaux préalable mais devaient faire l’objet d’un permis de construire portant sur l’ensemble de l’immeuble illégalement réalisé (CE. 30 mars 1994, Gigoult, req. n°137.881).

    Au cas présent, la question était ainsi d’établir si un ouvrage inachevé à la date d’expiration du délai de validité du permis de construire en exécution duquel les travaux avaient été entrepris devait ou non être considéré comme une construction juridiquement existante.

    A ce propos, le Ministère de l’équipement avait précédemment estimé que lorsque les travaux autorisés n’ont pas été entièrement exécutés dans le délai de validité du permis de construire, l’ouvrage ainsi réalisé devait être considéré comme non conforme au permis délivré et devait donc donner lieu à l’établissement d’un procès-verbal d’infraction en application de l’article L.480-1 du Code de l’urbanisme ; l’administration devant également inviter le pétitionnaire à régulariser les travaux accomplis par le dépôt d’un nouveau permis de construire destiné à entériner la réduction de son projet (Rép. min. JOAN Q, 5 juin 2000, p.3465 ; plus récemment, voir ici). Et en ce sens, le juge administratif a pu juger que l’absence de réalisation de certains des travaux autorisés pouvait légalement fonder un refus de certificat de conformité (CAA. Lyon, 21 mars 2000, SCL Les Glovettes, req. n° 95LY01518. TA. Nice. 10 mars 1994, Sté Laffite Bail, req. n°89.777).

    Cette position appelait, toutefois, une triple réserve.

    Tout d’abord, il faut rappeler qu’une autorisation d’urbanisme n’a pas d’autre finalité que de contrôler la régularité des ouvrages projetés au regard des prescriptions d’urbanisme qui leur sont opposables et, par voie de conséquence, n’emporte pas l’obligation de construire (Rép. min. n°7028 : JOAN, 2 mars 1974, p.967). Quant aux opérations de contrôle générées par l’achèvement des travaux et pouvant le cas échéant aboutir à la délivrance d’un certificat de conformité, celles-ci visent seulement à vérifier que ceux effectués l’ont été conformément au permis de construire obtenu et ce, sur les seuls aspects visés par l’article R.460-3 du Code de l’urbanisme.

    Or, un ouvrage pour être inachevé peut néanmoins ne contrevenir en l’état à aucune prescription d’urbanisme et, par ailleurs, les travaux effectivement accomplis peuvent avoir été réalisés conformément à l’autorisation d’urbanisme délivrée. En d’autres termes, l’inachèvement des travaux autorisés au regard des aspects visés par l’article R.460-3 du Code de l’urbanisme s’oppose certes à l’obtention d’un certificat de conformité mais ne préjuge pas nécessairement de l’irrégularité des travaux et de l’ouvrage effectivement accomplis au regard du droit de l’urbanisme.

    Ensuite et aux termes de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme, l’inachèvement d’une construction n’est constitutif d’une infraction que s’il consiste en « l’inexécution, dans les délais prescrits, de tous travaux accessoires d’aménagement ou de démolition imposés » par les autorisations prévues par le Code de l’urbanisme, ce que le juge pénal apprécie strictement.

    C’est ainsi que la chambre criminelle de Cour de cassation a pu casser un arrêt d’appel ayant condamné le prévenu aux peines prévues par l’article L.480-4 du chef de ne pas avoir aménagé le garage et la cave annoncés dans la demande de permis de construire et ce, au motif que cet inachèvement du projet n’était constitutif d’aucun délit dès lors que la réalisation des ouvrages en cause n’avait pas été prescrite par l’autorisation obtenue à cet effet (Cass. crim. 18 janvier 1983, Garcia Malode Molinas, RDI, 1983). Au regard du droit pénal de l’urbanisme, l’inachèvement d’une construction n’est donc délictueux que s’il emporte la méconnaissance des prescriptions expresses du permis de construire (Cass. crim. 4 février 1992, Juvet, pourvoi n°90-87590) dont on rappellera qu’elles ont vocation à assurer la conformité d’un projet de construction aux règles d’urbanisme qui lui sont applicables.

    Enfin, si à défaut d’exécution de tout travaux, la péremption du permis de construire rend le recours en annulation exercé à son encontre sans objet ou irrecevable, selon qu’il a été introduit avant ou après l’expiration du délai de validité de l’autorisation attaquée (CE. 25 novembre 1987, Raimond, req. n°48.710), le Conseil d’Etat a précisé qu’en revanche, la caducité du permis de construire ne prive pas d’objet le recours en annulation exercé à son encontre lorsque celui-ci a fait l’objet d’un commencement d’exécution (CE. 25 mai 1975, Fauchille, req. n°82.613). En pareil cas, la caducité du permis de construire n’emporte donc pas sa disparition de l’ordonnancement juridique et dans la mesure où, en toute hypothèse, elle n’a aucune incidence sur sa légalité (CE. 23 février 1990, M. et Mme Charrier, req. n°66.983), un ouvrage inachevé à la date d’expiration du délai de validité dudit permis n’en conserve donc pas moins une existence légale.

    Force est donc de considérer qu’un ouvrage inachevé n’est irrégulier – en tant que tel – que pour autant que les travaux non-accomplis rendent celui-ci non conforme à la réglementation d’urbanisme en vertu de laquelle l’autorisation de construire a été délivrée et/ou que les travaux effectivement réalisés ne correspondent pas de ce fait à ceux qui avaient été prescrits et, a contrario, que la seule caducité du permis de construire n’a pas pour effet de rendre illégal l’ouvrage ainsi réalisé.

    Et précisément, dans l’affaire objet de l’arrêté commenté, le Conseil d’Etat a ainsi jugé « qu'en regardant comme étant de nature à faire naître un doute sérieux, en l'état de l'instruction, quant à la légalité de la décision du maire d'Antibes, le moyen tiré de ce que celui-ci ne pouvait légalement se fonder, pour s'opposer à la déclaration de travaux présentée pour le compte de la « Communauté immobilière Les Terrasses de Vilmorin », sur le motif tiré de ce que le permis de construire initialement délivré en 1989 était devenu caduc en 1997 et qu'un permis de construire était nécessaire pour régulariser l'ensemble de la construction, le juge des référés n'a pas entaché l'ordonnance attaquée d'erreur de droit ».

    Il s’ensuit qu’un ouvrage inachevé à la date d’expiration du délai de validité du permis de construire peut néanmoins constituer une construction juridiquement existante au regard du droit de l’urbanisme et, par voie de conséquence, que certains des travaux projetés sur celui-ci peuvent donc relever du champ d’application de la déclaration de travaux, tel qu’il est défini par l’article R.422-2 du Code de l’urbanisme (dans le même sens : CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Cne d’Eguilles, req. n° 02MA01240 ; TA. Nice, 23 février 2006, M. Cozza, req. n°01-05873. Voir également : TA. Amiens, 1er juin 1994, req. n°93-1805).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • L’aménagement d’une aire de stockage de bateaux est assujetti à autorisation « ITD » et les travaux préparatoires s’y rapportant peuvent, à défaut d’autorisation, être interrompus sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

    Un bateau constitue un véhicule au sens de l’article R.422-2 du Code de l’urbanisme. Par voie de conséquence, les aires de stockage de bateaux de dix unités et plus, aménagées pour une durée supérieure à trois mois, relèvent du champ d’application de l’autorisation d’installations et de travaux divers. Par ailleurs, dès lors que les travaux préparatoires en cours d’exécution ne sont pas détachables d’un projet assujetti à une autorisation d’urbanisme, ceux-ci peuvent légalement donner lieu à l’édiction d’un l’arrêté interruptif pris sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme, y compris s’ils ne sont en eux-mêmes assujettis à aucune autorisation.

    CAA. Marseille, 18 mai 2006, M. Georges X…, req. n°03MA00455

    Dans cette affaire, la demande d’autorisation d’installations et de travaux divers (« ITD ») présentée par le pétitionnaire avait été rejetée au motif tiré de ce que l’aménagement projeté – en l’occurrence, une aire de stockage de bateaux assortie d’une rampe d’accès à la mer – méconnaissait les dispositions de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme ainsi que les prescriptions subséquentes des articles ND.1 et ND.2 du POS communal. Mais nonobstant ce refus d’autorisation, le pétitionnaire devait engager les travaux projetés, lesquels firent conséquemment l’objet d’un arrêt en ordonnant l’interruption sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

    Après que le recours en annulation engagé à l’encontre tant de l’arrêté portant refus d’autorisation que de l’arrêté interruptif des travaux eu été rejeté par le Tribunal administratif de Nice, le constructeur saisit alors la Cour administrative d’appel de Marseille.

    S’agissant de la légalité du refus d’autorisation, d’une part, la principale question avait trait à l’assujettissement des travaux projetés à autorisation « ITD » dont le champ d’application est strictement défini par l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme, lequel vise notamment « les aires de stationnement ouvertes au public et les dépôts de véhicules, lorsqu'ils sont susceptibles de contenir au moins dix unités» (b), « lorsque l'occupation ou l'utilisation du terrain doit se poursuivre durant plus de trois mois ». En effet, lorsqu’un projet de construction n’est pas assujetti à l’autorisation d’urbanisme pourtant sollicitée par le constructeur, l’administration doit la refuser mais ce, uniquement sur le motif tiré du non-assujettissement à l’autorisation demandée : tout autre motif de refus étant donc illégal (pour exemple : TA. Nice, 18 novembre 1999, M. Carl c/ Cne de Menton, req. n°95-3794).

    Et sur ce point, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé « qu’il ressort des pièces du dossier que le projet en litige visait à organiser sur un terrain de 1940 m2 comportant déjà un bâtiment à usage de garage à bateaux, le stationnement en extérieur de bateaux de plaisance en nombre supérieur à 10 pour une durée de plus de trois mois ; qu'à supposer même que ce projet prenne la suite d'une précédente activité de stockage de bateaux antérieure à l'approbation du plan d'occupation des sols de la commune, qui au demeurant n'avait jamais fait l'objet d'une autorisation, il porte sur une extension de cette activité devant faire l'objet de l'autorisation prévue à l'article R.442-2 du code de l'urbanisme ».

    En d’autres termes, la Cour a donc considéré qu’un bateau constitue donc un véhicule au sens de l’article R.442-2-b) du Code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, a donc jugé que l’aménagement d’une aire de stockage de bateaux d’une capacité d’accueil de dix unités et plus exigeait l’obtention préalable d’une autorisation « ITD ». Il faut donc en déduire que l’article précité vise tout type de véhicules, à savoir non seulement les véhicules terrestres mais également les véhicules nautiques, voire les véhicules aériens.

    Constatant que l’aire de dépôt projetée était incompatible avec les prescriptions de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme et, en outre, interdite par les prescriptions combinées des articles ND.1 et ND.2 du POS communal, la Cour administrative d’appel de Marseille a donc validé tant le refus d’autorisation « ITD » opposé au pétitionnaire que son motif.

    Quant à la légalité de l’arrêté interruptif des travaux, d’autre part, le requérant faisait valoir que les travaux constatés par le procès-verbal d’infraction étaient des travaux préparatoires dont l’exécution ne pouvait justifier un arrêté interruptif des travaux dans la mesure où, pris isolément, ces travaux ne relevaient du champ d’application d’aucune autorisation d’urbanisme.

    On sait en effet que le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser qu’un arrêté interruptif pris sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme est illégal si les travaux sont achevés et qu’il en va ainsi lorsque les travaux en cours d’exécution sont des travaux de finition ne relevant pas en eux-mêmes du champ d’application d’une autorisation d’urbanisme (CE. 2 mars 1994, Cne de Saint-Tropez, req. n°135.448).

    A priori, la même conclusion pouvait s’imposer pour ce qui concerne les travaux préparatoires. Il reste que la position du Conseil d’Etat sur ce point n’est pas si éloignée de celle au terme de laquelle il considère, en tant que juge des référés, qu’il n’y a plus urgence à suspendre un permis de construire lorsque les travaux sont achevés ou quasi-achevés et, par voie de conséquence, il n’y a plus lieu alors de statuer sur les requêtes présentées à cet effet (CE. 26 juin 2002, Demblans, Juris-data n°2002-064059).

    Or, s’il n’est plus utile d’ordonner l’interruption des travaux illégalement entrepris lorsque ceux-ci sont quasi-achevés, force est d’admettre qu’il peut être opportun d’ordonner l’interruption de travaux préparatoires à une opération assujettie à l’obtention préalable d’une autorisation d’urbanisme. D’ailleurs, le Conseil d’Etat déduit l’urgence à suspendre l’exécution d’une autorisation d’urbanisme du seul fait que les travaux ainsi autorisés sont susceptibles d’être entrepris à tout moment.

    Et précisément, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que « si M. X soutient que le maire de Théoule-sur-Mer ne pouvait ordonner l'interruption de travaux qui n'étaient pas soumis à délivrance d'une autorisation, il ressort de l'instruction que les travaux entrepris n'étaient pas détachables de l'opération dont la réalisation avait fait l'objet d'un refus le 31 mars 2000 ; qu'au vu du procès-verbal constatant cette infraction, le maire de Théoule-sur-Mer était donc tenu, comme il l'a fait le 5 octobre 2001, de prendre un arrêté prescrivant la cessation des travaux en cause, sur le fondement des dispositions de l'article L.480-2 du code de l'urbanisme ».

    S’ils sont illégaux, les travaux préparatoires à une opération assujettie à autorisation d’urbanisme peuvent donc être interrompus sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme, y compris s’ils n’exigent pas en eux-mêmes une telle autorisation puisqu'ils doivent néanmoins relever de celle-ci (sur ce point, voir ici).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • L’élargissement de la voie motivant une cession gratuite du terrain doit être prévu à la date délivrance du permis de construire pour être pris en compte au titre de l’article R.111-4

    Si eu égard à sa largeur, la voie assurant la desserte du terrain à construire ne répond pas aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme, la cession d’une portion de ce terrain, imposée au pétitionnaire au titre de l’article R.332-15 du Code de l’urbanisme, aux fins d’assurer son élargissement ne peut être prise en compte si les travaux projetés à cet effet ne sont pas prévus à la date de délivrance du permis de construire

    CAA. Marseille, 4 mai 2006, EURL C2C, req. n°02MA021327

    L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 4 mai 2006 apporte certaines précisions sur les conditions dans lesquelles les voies futures ou les futurs travaux d’aménagement des voies existantes peuvent être pris en compte aux fins d’établir la conformité d’une autorisation d’urbanisme aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il s’impose tant aux permis de construire et aux déclarations de travaux qu’aux autorisations de lotir.

    On sait, en effet, qu’en application du principe selon lequel la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie en considération des circonstances de droit et de fait présentes à sa date de délivrance, le terrain d’assiette d’une opération assujettie au respect des prescriptions de l’article précité doit, à la date de délivrance de ce dernier, être desserve par une voie présentant des caractéristiques techniques et fonctionnelles adaptées à l’importance et à la destination des constructions projetées, de sorte à garantir leur accessibilité et la sécurité tant de leurs occupants que des tiers.

    Il peut, toutefois, arriver qu’à date où le pétitionnaire présente son projet à l’administration et, le cas échéant, obtient son permis de construire, le terrain d’assiette du projet soit enclavé ou desservi par une voie ne présentant pas les caractéristiques requises mais qu’en revanche, la réalisation d’une voie nouvelle ou l’élargissement d’une voie existante soient envisagée par l’administration.

    La question est alors de savoir si ces travaux d’aménagement routier peuvent être pris en compte pour apprécier la conformité du permis de construire obtenu aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme. Il ressort des quelques affaires où le juge administratif ait eu à se prononcer sur cette problématique que des tels travaux peuvent être pris en compte pour autant qu’à la date de délivrance de l’autorisation attaquée, deux conditions soient réunies (toutefois, voir ici).

    Au premier chef, la réalisation des travaux d’aménagement routier considérés doit avoir été effectivement planifiée, ce qui implique qu’elle ait à tout le moins fait l’objet d’une décision de principe de la collectivité compétente (CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325. Voir également, à propos de l’illégalité d’un refus de permis de construire motivé par l’article R.111-4 en considération d’un projet de giratoire n’ayant fait l’objet d’aucune décision de principe : CAA. Lyon, 2 novembre 2004, M. Jaunay, req. n°98LY00089).

    Mais bien plus, il est également nécessaire que la date de réalisation des travaux puisse être établie avec un certain degré de certitude. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a jugé que le seul projet d’aménagement d’un passage non viabilisé ne pouvait être pris en compte dès lors que sa date de réalisation était incertaine (CE. 7 mai 1986, Mme Kindersmans, req. n°59.847 ; voir également : CAA. Bordeaux, 4 décembre 2003, Cne de Toulouse, req. n°99BX00686) et que le Tribunal administratif de Nice a considéré qu’il en allait de même à l’égard d’un projet d’élargissement d’une voie planifié par le POS dès lors que l’échéance et les modalités de réalisation de ce projet n’étaient pas arrêtées à la date de délivrance du permis de construire en cause (TA. Nice, 5 mars 1998, M. Macherez, req. n°94-03028).

    On peut même raisonnablement penser que le seul fait que la date de réalisation des travaux soit connue ne suffirait pas si elle était trop éloignée. En toute hypothèse, force est de constater que dans l’une des rares affaires où le juge administratif a tenu compte de travaux d’aménagement routier futurs, ces derniers avait non seulement fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique mais étaient en outre en voie d’achèvement à la date de délivrance du permis de construire contesté (TA. Nice. 31 janvier 1984, Gianotti, req. n°83-0011 ; voir ici) et, à tous le moins, que cette achèvement soit prévu à brève échéance (voir là).

    Il reste que dans ces affaires, il n’existait strictement aucun lien juridique entre les permis de construire attaqués et les projets d’aménagement considérés. En revanche, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, l’élargissement de la voie publique desservant les terrains objets des deux autorisations lotir contestées était évoqué par le lotisseur dans la mesure où, en application de l’article R.332-15 du Code de l’urbanisme, l’administration lui avait prescrit de céder une partie de ces terrains aux fins de procéder à cet élargissement.

    La réalisation des lotissements projetés était donc conditionnée à ces cessions de terrains aux fins d’élargir la voie devant en assurer la desserte. Pour autant, la Cour administrative d’appel a jugé :

    « Considérant que, par arrêtés en date du 17 octobre 2000 et du 8 novembre 2000, le maire de Marseille a autorisé l'EURL C2C à créer respectivement le lotissement «Verte Feuille» comprenant quatre lots sur un terrain, sis 50 traverse Montcault, et le lotissement «Le Clos Montcault» comprenant onze lots sur un terrain sis 67 traverse Montcault ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans d'accès, que les deux lotissements projetés doivent être implantés de part et d'autre de la traverse Montcalt, voie au profil particulièrement sinueux d'une longueur de 1.100 mètres, présentant en maints endroits une largeur insuffisante pour permettre à des véhicules de se croiser dans des conditions de sécurité suffisante ; que si les deux autorisations de lotir en litige étaient assorties d'une obligation de cession gratuite de terrain au profit de la Ville de Marseille en vue de permettre l'élargissement de la voie de desserte au droit de ces lotissements, les travaux d'aménagement de la chaussée n'étaient pas encore prévus aux dates auxquelles ces autorisations ont été délivrées ; qu'ainsi, alors que la voie de desserte des projets supporte déjà le trafic généré par les riverains, dans un quartier résidentiel, auquel viendra s'ajouter celui induit par les deux projets autorisés qui créeront au total 15 logements supplémentaires, le maire de Marseille, en délivrant ces deux autorisations de lotir à l'EURL C2C, a entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation ».

    Dans cette affaire, la Cour a donc considéré que l’élargissement allégué ne pouvait donc être pris en compte pour apprécier la conformité des autorisations de lotir attaquées aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme puisque « les travaux d'aménagement de la chaussée n'étaient pas encore prévus aux dates auxquelles ces autorisations ont été délivrées » et qu’a fortiori, leur date de réalisation n’était pas alors connu et ne modifiait donc rien à la circonstance qu’à ces dates, la voie devant assurer la desserte des lotissements projetés était d’une largeur insuffisante pour permettre le croisement de deux véhicules.

    Le seul fait que l’élargissement de la voie soit directement saisi par l’autorisation d’urbanisme en cause via une prescription imposée au titre de l’article R.332-15 du Code de l’urbanisme ne modifie donc en rien les conditions nécessaires pour que des travaux d’aménagement routier futurs puissent assurer la conformité d’un projet au regard de l’article précité.

    Il faut dire qu’une telle prescription ne garantie pas à elle seule la réalisation des travaux de voirie la motivant dans la mesure où non seulement l’administration bénéficiaire n’a aucun délai pour les réaliser (Cass. civ. 20 janvier 2002, Epx Bourbigot, pourvoi n°010571) mais qu’en outre, celle-ci n’a même aucune réelle obligation de les exécuter puisqu’aucune disposition du Code de l’urbanisme ne lui impose de rétrocéder le terrain lorsqu’ils n’ont pas été réalisés (CE. 11 janvier 1995, Epx Thot, req. n°119.144).

    Au surplus, on pouvait même s’interroger sur la légalité de la cession de terrain imposée au lotisseur dans cette affaire puisque la légalité d’une telle prescription semble subordonnée à l’existence d’un projet précis d’aménagement routier (en ce sens : CE. 20 juin 2006, M. et Mme Jean A…, req. n°281.253), ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce.

    Mais toute hypothèse, sans que cela ait nécessairement été le cas dans cette affaire, il résulte de cet arrêt que l’administration et le pétitionnaire ne peuvent que difficilement s’entendre sur l’édiction d’une prescription fondée sur l’article R.322-15 du Code de l’urbanisme dans le seul but assurer la conformité d’un projet de construction à l’article R.111-4 puisqu’il est nécessaire qu’à la date de délivrance du permis de construire en constituant le fait générateur, le projet de création, d’élargissement ou de redressement de la voie la motivant ait été précédemment établi de façon précise.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés