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  • Le pétitionnaire peut présenter deux titres habilitant à construire de nature distincte

    Une demande de permis de construire portant sur deux parcelles distinctes satisfait aux prescriptions de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme dès lors que le pétitionnaire justifie d’un titre habilitant à construire sur chacune d’entre elles. Ce dont il résulte qu’un permis de construire peut légalement porter sur deux unités foncières distinctes, lesquelles constituent le terrain d'assiette du projet au sens de l'article R.111-4 du Code de l'urbanisme et, a priori et de façon plus générale, au sens de la législation sur le permis de construire.

    CAA. Marseille, 13 avril 2006, Mme Ginette X & M. Jean-Paul Y., req. n°04MA01013


    Dans cette affaire, le permis de construire obtenu par la société SMCI DEVELOPPEMENT, le 2 juillet 2002, était contesté par deux particuliers, lesquels lui faisaient, notamment, grief de méconnaître les prescriptions de l’article R.421-1-1.al.-1 du Code de l’urbanisme aux termes duquel la demande de permis de construire doit être présentée soit par le propriétaire du terrain à construire, soit par son mandataire, soit par une personne disposant d’un titre habilitant à construire.

    En l’espèce, le terrain objet de la demande de permis de construire était constituée de deux parcelles ; la première appartenant à une société tierce, la seconde à la Ville de Marseille. Il s’ensuit que le pétitionnaire n’était ni propriétaire des parcelles à construire, ni mandataire des propriétaires de ces dernières. En revanche, à la date de délivrance du permis de construire, son dossier de demande comportait, d’une part, une attestation notariale émanant de la société propriétaire de la première parcelle, établissant qu’elle l’avait autorisé à présenter une demande de permis de construire sur cette dernière et d’autre part, d’une délibération par laquelle le conseil municipal de Marseille avait approuvé la cession de la seconde au profit du pétitionnaire.

    C’est dans cette mesure que la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme : « La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain » ; qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est constitué de deux parcelles cadastrées M 78 et M 118 ; qu'à l'appui de la demande de permis, était jointe, d'une part, une attestation notariale selon laquelle les propriétaires de la parcelle M. 78 autorisaient la société SMCI DEVELOPPEMENT, gérant de la société MARSEILLE 9ème -12 avenue MARIUS OLIVE, ou toute autre société civile immobilière pouvant s'y substituer, à déposer une demande de permis de construire sur leur parcelle ; que la société pétitionnaire justifiait ainsi d'un titre l'habilitant à construire sur ladite parcelle M 78 ; que, d'autre part, par délibération du 28 janvier 2002, le conseil municipal de Marseille a approuvé la convention de cession entre la ville de Marseille et la société SMCI DEVELOPPEMENT, ou toute société qui s'y substituerait, portant sur la parcelle M 118 ; qu'en l'absence de toute contestation, la société MARSEILLE 9ème -12 avenue MARIUS OLIVE a été regardée à bon droit par le service instructeur de la demande comme également titulaire d'un titre l'habilitant à construire sur cette parcelle, alors même que l'acte de cession n'était pas intervenu lors de la délivrance du permis de construire contesté ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le terrain d'assiette du projet n'est pas enclavé dès lors que la parcelle M 78 dispose d'un accès direct sur l'avenue Marius Olive, dont il n'est pas contesté qu'elle présente le caractère d'une voie ouverte à la circulation publique ; que, par suite, la société pétitionnaire n'avait pas à justifier du désenclavement de la parcelle M 118 non plus que d'un droit à utiliser ladite voie ».

    Cet arrêt confirme clairement qu’un pétitionnaire peut présenter plusieurs qualités et titres distincts à l’égard du terrain objet de sa demande de permis de construire ; l’essentiel étant qu’ils l’habilitent à construire sur l’ensemble de celui-ci.

    On sait, en effet, que la Cour administrative d’appel de Paris avait pu précédemment juger qu’un permis de construire pouvait être légalement délivré à un mandataire agissant pour le compte d’une société propriétaire d’une partie du terrain à construire et titulaire d’une promesse de vente sur l’autre partie de ce terrain (CAA. Paris, 19 mars 1997, Sté total, req. n°95PA01502).


    Il reste que dans la mesure où une promesse de vente confère non pas un titre habilitant à construire à proprement parler mais la qualité de propriétaire apparent du terrain sur lequel elle porte (CE. 13 janvier 1993, M. et Mme Mijon, req. n°118.347), le bénéficiaire du permis de construire présentait donc, dans cette affaire, une seule et même qualité à l’égard de l’ensemble du terrain d’assiette du projet.

    En revanche, dans l’affaire objet de l’arrêté commenté, le pétitionnaire disposait de deux titres différents lui conférant deux qualités distinctes puisque l’attestation notariale établissant l’autorisation consentie par la société propriétaire de la première parcelle constituant le terrain à construire ne faisait état d’aucune promesse de vente consentie au pétitionnaire. On peut, toutefois, relever que s’agissant du titre présenté sur la parcelle relevant de la Ville de Marseille, la Cour a estimé que la délibération approuvant la cession de celle-ci au pétitionnaire suffisait dès lors qu’elle était antérieure à la date de délivrance du permis de construire, sans rechercher si ultérieurement cette vente avait été effectivement réalisée. Or, si le juge administratif admet que des « actes préparatoires » existants à la date de délivrance du permis de construire peuvent conférer une qualité et un titre habilitant à construire au sens de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme, c’est dans la mesure où ceux-ci sont confortés par des éléments postérieurs à cette date (à propos de la délibération autorisant la signature d’un bail emphytéotique, conclu postérieurement au permis de construire : CE. 26 février 1988, Assoc. pour la sauvegarde du Parc Saint-Leu, Rec., p.90) : ce que la Cour administrative d’appel de Marseille n’a donc pas cru devoir vérifier ou, à tout le moins, relever.

    Par voie de conséquence, cet arrêt apporte également deux autres confirmations importantes.

    D’une part et au delà de la problématique liée à la qualité et au titre habilitant à construire, un même permis de construire peut donc être délivré sur deux unités foncières distinctes puisque dans cette affaire les deux parcelles à construire pour être contiguës n’en relevaient pas moins de deux propriétaires différents à la date de délivrance du permis de construire attaqué. Et si le pétitionnaire avait manifestement vocation à acquérir la propriété de la parcelle relevant de la Ville de Marseille, rien ne laisse à penser qu’il en était de même s’agissant de l’autre. Plus généralement d’ailleurs, rien ne semble s’opposer à ce qu’un même permis de construire porte sur des unités foncières non contiguës et ce, d’autant moins que l’éventuelle indivisibilité de l’opération projetée impose au pétitionnaire de présenter une demande unique, le cas échéant dans chacune des mairies concernées par son projet lorsque le terrain d’assiette de ce dernier, éventuellement formé de plusieurs unités foncières, est sis sur le territoire de plusieurs communes (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n°172.183).

    D’autre part, la notion de terrain au sens de la législation sur le permis de construire s’entend, par principe, de l’ensemble des parcelles sur lesquelles porte la demande, qu’elles constituent une ou plusieurs unités foncières. On rappellera, en effet, qu’aux termes de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme le permis de construire peut être refusé si « les terrains » ne sont pas desservi par des voies répondant à l’importance et à la destination des constructions projetées. Or, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la Cour administrative d’appel de Marseille a estimé que le terrain d’assiette du projet ne pouvait être considéré comme enclavé dans la mesure où si l’unité foncière appartenant à la Ville de Marseille ne disposait pas d’un accès à une voie ouverte à la circulation publique, l’unité foncière contiguë sur laquelle portait également la demande de permis de construire disposait, en revanche, d’un tel accès : il n’était donc pas nécessaire que le pétitionnaire justifie du désenclavement de la première. C’est donc bien le terrain d’assiette du projet conçu comme la réunion des parcelles le constituant qui doit satisfaire aux prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme, sans qu’il soit besoin, le cas échéant, que tel soit le cas de l’ensemble des unités foncières qu’il englobe.

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • La suppression d’une ZAC n’est pas nécessairement assujettie à concertation et peut être régulièrement motivée par l’intérêt financier de l’aménageur

    Par principe et nonobstant les dispositions des articles L.300-2 et R.311-32 (anc.) du Code de l’urbanisme selon lesquelles, d’une part, la« création de zone d’aménagement concerté » est soumise à concertation et, d’autre part, « la suppression d’une zone d’aménagement concerté est prononcée (…) dans les formes prescrites pour la création de la zone », la suppression d’une ZAC ne relève pas du champ d’application de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme. Par ailleurs, cette suppression peut être motivée par des considérations tenant à l’aménageur de cette zone et, notamment, par son intérêt financier.

    CAA. Paris, 2 février 2006, Cne de Puteaux, req. n°03PA00122


    Par un arrêté du 19 avril 1994, le Préfet des Hauts-de-Seine avait créé la ZAC « Nord du Rond-Point des Bergères » sur le territoire de la commune de Puteaux, dont l’EPAD fut ensuite désigné aménageur. Toutefois, ne pouvant faire face aux charges financières relatives à l’acquisition des terrains nécessaires à la réalisation de la ZAC, l’EPAD sollicita du représentant de l’Etat dans le département qu’il abroge l’arrêté du 19 avril 1994 et, en d’autres termes, supprime la ZAC précédemment créée ; ce que celui-ci fit par un nouvel arrêté du 8 juillet 2000.

    La commune de Puteaux exerça alors un recours en annulation à l’encontre de l’arrêté du 8 juillet 2000 qui fut rejeté comme irrecevable par le Tribunal administratif de Paris et ce, pour violation des prescriptions de l’article L.2122-22 du Code général des collectivités territoriales. La commune interjeta appel de ce jugement auprès de la Cour administrative d’appel de Paris, laquelle annula le jugement de première instance mais rejeta néanmoins sur le fond le recours en annulation à l’encontre de l’arrêté du 8 juillet 2000 et ce faisant, apporta deux précisions d’importance en matière de suppression de ZAC, la première concernant la procédure préalable, la seconde ayant trait aux motifs de cette suppression.

    La commune de Puteaux soutenait, en effet, que la procédure de concertation organisée par l’EPAD avant de solliciter la suppression de la ZAC créée en 1994 n’avait pas respecté les prescriptions de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme.

    On sait en effet qu’à la date d’édiction de l’arrêté contesté – le 8 juillet 2000, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU » – l’article R.332-30 du Code de l’urbanisme alors applicable disposait que « la suppression d’une zone d’aménagement concerté est prononcée (…) dans les formes prescrites pour la création de la zone ». Et précisément, aux termes de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme toute « création de zone d’aménagement concerté » doit être précédée de la procédure de concertation qu’il organise.

    Pour autant, la Cour administrative d’appel de Paris refusa d’apprécier la régularité de la « concertation » organisée par l’EPAD à la lumière de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, rejeta le moyen tiré de ce dernier à l’encontre de l’arrêté du 8 juillet 2000 :

    « Considérant que la décision de suppression d'une zone d'aménagement concerté ne figure pas parmi les catégories d'actes pour lesquels, en vertu des dispositions combinées de l'article L. 300-2 et de l'article R. 300-1 du code de l'urbanisme pris pour l'application du c) de l'article L. 300-2, l'organisation d'une concertation préalable est obligatoire ; que, si l'article R. 311-32 précité impose que l'acte de suppression d'une zone d'aménagement concerté soit pris dans les mêmes formes que celui par lequel la zone a été créée, il n'implique la répétition des procédures préalables à la création avant l'intervention de l'acte de suppression que pour autant que ces procédures soient de nature à mieux éclairer l'auteur de la décision à prendre ; que tel n'était pas le cas de la procédure de concertation de l'article L. 300-2 précité, eu égard aux motifs budgétaires qui justifiaient la suppression de la zone et au peu d'influence de la mesure sur les conditions de vie des résidents du quartier, alors même que l'arrêté de création n'avait reçu aucun réel commencement d'exécution ; qu'ainsi, l'EPAD n'était pas tenu de mettre en oeuvre cette procédure avant de saisir le préfet d'une demande d'abrogation de l'arrêté du 19 avril 1994, portant création de la zone d'aménagement concerté Nord du Rond-Point des Bergères ;
    Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la concertation dont le conseil d'administration de l'EPAD a décidé l'organisation par une délibération du 7 juillet 1999 avait un caractère facultatif ; que l'EPAD ne s'est pas référé à l'article L. 300-2 et qu'il n'était donc pas tenu d'en respecter toutes les exigences procédurales ; qu'ainsi les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article L. 300-2 ont été méconnues en ce que le conseil d'administration n'a pas déterminé toutes les modalités de la concertation et que la COMMUNE DE PUTEAUX n'a pas donné son accord sur ces modalités sont, en tout état de cause, inopérants ; que les modalités de la concertation, qui consistaient en une information dans deux journaux et la tenue d'un registre en mairie, étaient suffisantes eu égard à la nature du projet concerné, qui n'était pas de nature à modifier de manière substantielle le cadre de vie ou l'activité économique de la commune ; que, compte tenu de l'opposition du maire de Puteaux, la tenue d'un registre à la mairie de la commune a revêtu le caractère d'une formalité impossible et que l'EPAD a pu, sans commettre d'illégalité, y substituer la tenue d'un registre dans un local situé dans la zone d'aménagement concerté et mis à disposition des habitants par l'EPAD ; que, dès lors, les moyens relatifs à la régularité de la concertation préalable doivent être écartés
    »

    Il faut ainsi relever que malgré les dispositions expresses de l’ancien article R.311-32 du Code de l’urbanisme et selon lesquelles « la suppression d’une zone d’aménagement concerté est prononcée (…) dans les formes prescrites pour la création de la zone », la Cour administrative d’appel de Paris a donc considéré qu’une telle suppression ne relevait pas de la procédure de concertation prescrite par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme s’agissant des créations de ZAC.

    Pour ce faire, la Cour s’est attachée, d’une part et de façon générale, à la finalité de la l’article R.311-32 du Code de l’urbanisme qui, pour elle, « n'implique la répétition des procédures préalables à la création avant l'intervention de l'acte de suppression que pour autant que ces procédures soient de nature à mieux éclairer l'auteur de la décision à prendre » et d’autre part et plus spécifiquement, « aux motifs budgétaires qui justifiaient la suppression de la zone et au peu d'influence de la mesure sur les conditions de vie des résidents du quartier, alors même que l'arrêté de création n'avait reçu aucun réel commencement d'exécution ». Il semble donc que la Cour a considéré qu’en l’espèce, la concertation prescrite par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme n’était ni utile, compte tenu des motifs budgétaires de la suppression de ZAC contestée par la commune de Puteaux, qui ne semblent donc pas être de ceux sur lesquels les administrés ont vocation à s’exprimer, ni nécessaire dans la mesure où cette suppression intervenait avant que la réalisation de la ZAC n’ait été engagée, si bien qu’elle ne modifiait pas les conditions de vie des administrés concernés puisqu’ainsi, ces dernières demeureraient telles qu’elles étaient avant la création de la ZAC finalement supprimée.

    Par voie de conséquence, la Cour administrative d’appel de Paris a donc jugé que la concertation engagée par l’EPAD avant de solliciter du Préfet des Hauts-de-Seine qu’il supprime la ZAC créée en 1994 présentait un caractère facultatif.

    Il reste que lorsqu’une personne publique s’auto-assujettit à une règle de procédure pourtant facultative celle-ci est tenue de la suivre strictement, sauf à entacher la décision subséquente d’illégalité (CE. 10 décembre 1993, Assoc. « Bellerive Malmaison » ; Circulaire n°95-25 du 10 avril 1995, BOME, n°95/12, p.73). Toutefois, la Cour a relevé que si le conseil d’administration de l’EPAD avait décidé d’engager une procédure de concertation préalable, sa décision ne s’était toutefois pas expressément référée aux dispositions de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme pour ainsi en déduire que l’EPAD « n'était donc pas tenu d'en respecter toutes les exigences procédurales » et, par voie de conséquence, que « les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article L. 300-2 ont été méconnues en ce que le conseil d'administration n'a pas déterminé toutes les modalités de la concertation et que la COMMUNE DE PUTEAUX n'a pas donné son accord sur ces modalités sont, en tout état de cause, inopérants ».

    Sur ce point, la Cour s’en est donc tenue au cadre dans lequel l’EPAD avait entendu intervenir ou, plus précisément n’avait pas expressément entendu intervenir plutôt que de rechercher la finalité ainsi poursuivie par son conseil d’administration.

    Toutefois, dans la mesure où l’EPAD s’était auto-assujetti à une forme de concertation (bien qu’il ne s’agisse donc pas de celle prévue par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme) la Cour administrative d’appel de Paris a néanmoins vérifié si les modalités de cette concertation avait été respectée et ce, conformément au principe selon lequel l’auto-assujettissement à un règle de procédure facultative emporte l’obligation de la respecter.

    Mais à cet égard, la Cour administrative d’appel de Paris a considéré qu’il ne pouvait être fait grief à l’EPAD de ne pas avoir strictement respecté ce qu’il avait prévu dans la décision initiant la concertation qu’il avait décidé d’engager avant de la solliciter la suppression de la ZAC en cause – en l’occurrence, la tenue d’un registre d’observations en mairie de Puteaux – dans la mesure où si l’EPAD y avait finalement substitué la tenue d’un registre dans un autre local situé au sein du périmètre de cette ZAC, c’est dans la mesure où la commune de Puteaux s’était elle-même opposée à ce que registre soit établi dans sa mairie.

    On peut ainsi rapproché cette analyse de la modification apportée par la loi du 2 août 2003 dite « Urbanisme & Habitation » à l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme, au terme de laquelle : « les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées ».

    Il reste que la solution proposée par la Cour administrative d’appel de Paris ne semble donc pas constituer une solution de principe s’imposant en toute hypothèse mais qu’au contraire certaines mesures de suppression de ZAC aient à être précédées de la procédure de concertation prescrite par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme lorsque leurs motifs relèvent de ceux sur lesquelles les administrés concernés peuvent avoir intérêt à exprimer utilement leur opinion et/ou que la suppression en cause puisse avoir un impact significatif sur les conditions de vie de ces derniers. On peut ainsi penser, à titre d’exemple, qu’une suppression de ZAC décidée en cours de réalisation de cette dernière et motivée par la modification substantielle des besoins en ayant justifié la création serait assujettie à cette concertation.

    Il faut cependant nuancer cette conclusion ou, plus précisément, la cantonner aux décisions de suppression de ZAC édictées antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi « SRU » puisqu’aux termes de l’article R.311-12 du Code de l’urbanisme – dans sa rédaction issue de cette dernière – la suppression d’une zone d’aménagement concerté n’est plus prononcée, de façon générale, dans les formes prescrites pour la création de la zone mais « sur proposition ou après avis de la personne publique qui pris l'initiative de sa création, par l'autorité compétente, en application de l'article L. 311-1, pour créer la zone », cette proposition devant comprendre « un rapport de présentation qui expose les motifs de la suppression »..

    On précisera, toutefois, que selon l’article R.311-12 du Code de l’urbanisme « la modification d'une zone d'aménagement concerté est prononcée dans les formes prescrites pour la création de la zone ». Et sur ce point, on peut relever que le Conseil d’Etat a implicitement jugé qu’une modification de ZAC était assujettie à la procédure de concertation prescrite par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme et ce, indépendamment de toute considération liée aux motifs de cette modification ou à son impact sur les conditions de vie des administrés concernés (CE. 20 septembre 1999, Assoc. « Zone ZAC », req. n°156.958). Mais il est vrai que dans une certaine mesure la modification d’une ZAC préexistante aboutie à la création d’une ZAC distincte de celle initialement soumise à concertation ; on sait, d’ailleurs, qu’une collectivité publique ne peut légalement créer une ZAC s’écartant trop substantiellement du projet soumis à concertation sans avoir préalablement renouvelé cette procédure (en ce sens : CE. 18 mars 1994, Copropriété le Melchior, Rec., p.1244).

    Par ailleurs, la commune de Puteaux contestait la légalité du motif ayant conduit à la suppression de la ZAC en cause, en l’occurrence les difficultés financières rencontrées par l’EPAD. Mais cet égard, la Cour administrative d’appel de Paris a donc jugé que :

    « Considérant (…) que la demande de suppression de la zone d'aménagement concerté présentée par l'EPAD tenait essentiellement à l'impossibilité pour l'établissement de faire face à ses obligations financières liées notamment aux mises en demeure d'acquérir des biens immobiliers situés dans la zone, présentées ou susceptibles de l'être, par les propriétaires de ces biens ; qu'un tel motif financier, dont la réalité n'est pas contestée et quelle qu'en ait été la cause, était de nature à justifier légalement la demande d'abrogation présentée par l'EPAD (…) que la suppression décidée est la conséquence de l'impossibilité pour l'EPAD de faire face aux contraintes financières liées à la réalisation de l'opération du fait du désengagement de la COMMUNE DE PUTEAUX ; qu'ainsi le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ».

    A ce sujet, on rappellera que dans la mesure où la décision de créer une ZAC n’est pas créatrice de droits (CE. 22 juin 1984, SCI Palaiseau-Villebon, Rec., p.773), l’administration peut à tout moment supprimer une ZAC pour un motif d’intérêt général – dont peuvent relever des considérations d’ordre économique et financier – même d’opportunité (CAA. Lyon 18 mai 1983, EURL SSD, req. n°92LY00066) sans que l’aménageur de celle-ci ne puisse s’y opposer. Mais il résulte donc de l’arrêt commenté que l’administration qui a créer une ZAC peut donc également la supprimer en considération de l’intérêt financier de l’aménageur sans que la commune sur le territoire de laquelle cette opération d’aménagement était projetée ne puisse s’y opposer.

    Il est, toutefois, surprenant que la Cour administrative d’appel de Paris n’est pas précisé en quoi la difficultés financières de l’aménageur relevaient d’une considération d’intérêt général au regard des préoccupations ayant concouru à la création de la ZAC en cause.

    Mais en toute hypothèse, cette décision ne saurait ici encore constituer une solution de principe dans la mesure où il n’est pas si certain qu’elle aurait été identique si l’aménageur de cette ZAC n’avait pas été une personne publique…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet Frêche & Associés