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Un ouvrage inachevé à la date d’expiration du délai de validité du permis de construire constitue néanmoins une construction juridiquement existante

Un ouvrage inachevé à la date d’expiration du délai de validité du permis de construire en exécution duquel il a été réalisé n’est pas de ce seul fait une construction illégale. Par voie de conséquence, les travaux ultérieurement projetés sur cet ouvrage n’exigent pas un permis de construire de régularisation mais peuvent, le cas échéant, relever du champ d’application de la déclaration de travaux.

CE. 29 mars 2006, Cne d’Antibes, req. n° 280.194


Dans cette affaire, un premier permis de construire avait été obtenu mais été devenu caduc avant que l’ensemble des travaux projetés ne soit exécuté. Et neuf années plus tard, le propriétaire de cet immeuble devait déposer une déclaration de travaux aux fins de procéder au ravalement des façades de l’immeuble ainsi réalisé.

Le maire de la commune d’Antibes refusa, toutefois, d’instruire cette déclaration au motif tiré de ce que, le permis de construire étant devenu caduc avant l’achèvement complet des travaux, l’ouvrage ainsi réalisé devait être considéré comme un ouvrage illégal, si bien que les travaux portant sur ses façades devaient relever d’un permis de construire portant sur l’ensemble de cet ouvrage aux fins de le régulariser.

On sait, en effet, qu’au regard du droit de l’urbanisme, il faut dissocier l’existence matérielle d’une construction de son existence juridique. En d’autres termes, une construction physiquement existante n’aura aucune réalité juridique dès lors qu’il aura été construit sans l’autorisation d’urbanisme, en vertu d’une autorisation annulée et/ou en méconnaissance de l’autorisation éventuellement obtenue (CE. 5 mars 2003, M. Nicolas Lepoutre, req. n°252.422). Et en ce cas, tout travaux devant prendre appui (en ce sens : CE. 25 avril 2001, Ahlborn, req. n° 207.095) sur un tel bâtiment devra faire l’objet d’une autorisation ayant pour objet de le régulariser dans son intégralité et, dans cette mesure, de lui conférer une existence juridique (CE. 9 juillet 1986, Mme Thalamy, req. n° 51.172). C’est ainsi que le Conseil d’Etat a pu jugé que le travaux projetés sur les façades d’un ouvrage construit sans avoir obtenu le permis de construire requis à cet effet ne relevaient pas de la déclaration de travaux préalable mais devaient faire l’objet d’un permis de construire portant sur l’ensemble de l’immeuble illégalement réalisé (CE. 30 mars 1994, Gigoult, req. n°137.881).

Au cas présent, la question était ainsi d’établir si un ouvrage inachevé à la date d’expiration du délai de validité du permis de construire en exécution duquel les travaux avaient été entrepris devait ou non être considéré comme une construction juridiquement existante.

A ce propos, le Ministère de l’équipement avait précédemment estimé que lorsque les travaux autorisés n’ont pas été entièrement exécutés dans le délai de validité du permis de construire, l’ouvrage ainsi réalisé devait être considéré comme non conforme au permis délivré et devait donc donner lieu à l’établissement d’un procès-verbal d’infraction en application de l’article L.480-1 du Code de l’urbanisme ; l’administration devant également inviter le pétitionnaire à régulariser les travaux accomplis par le dépôt d’un nouveau permis de construire destiné à entériner la réduction de son projet (Rép. min. JOAN Q, 5 juin 2000, p.3465 ; plus récemment, voir ici). Et en ce sens, le juge administratif a pu juger que l’absence de réalisation de certains des travaux autorisés pouvait légalement fonder un refus de certificat de conformité (CAA. Lyon, 21 mars 2000, SCL Les Glovettes, req. n° 95LY01518. TA. Nice. 10 mars 1994, Sté Laffite Bail, req. n°89.777).

Cette position appelait, toutefois, une triple réserve.

Tout d’abord, il faut rappeler qu’une autorisation d’urbanisme n’a pas d’autre finalité que de contrôler la régularité des ouvrages projetés au regard des prescriptions d’urbanisme qui leur sont opposables et, par voie de conséquence, n’emporte pas l’obligation de construire (Rép. min. n°7028 : JOAN, 2 mars 1974, p.967). Quant aux opérations de contrôle générées par l’achèvement des travaux et pouvant le cas échéant aboutir à la délivrance d’un certificat de conformité, celles-ci visent seulement à vérifier que ceux effectués l’ont été conformément au permis de construire obtenu et ce, sur les seuls aspects visés par l’article R.460-3 du Code de l’urbanisme.

Or, un ouvrage pour être inachevé peut néanmoins ne contrevenir en l’état à aucune prescription d’urbanisme et, par ailleurs, les travaux effectivement accomplis peuvent avoir été réalisés conformément à l’autorisation d’urbanisme délivrée. En d’autres termes, l’inachèvement des travaux autorisés au regard des aspects visés par l’article R.460-3 du Code de l’urbanisme s’oppose certes à l’obtention d’un certificat de conformité mais ne préjuge pas nécessairement de l’irrégularité des travaux et de l’ouvrage effectivement accomplis au regard du droit de l’urbanisme.

Ensuite et aux termes de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme, l’inachèvement d’une construction n’est constitutif d’une infraction que s’il consiste en « l’inexécution, dans les délais prescrits, de tous travaux accessoires d’aménagement ou de démolition imposés » par les autorisations prévues par le Code de l’urbanisme, ce que le juge pénal apprécie strictement.

C’est ainsi que la chambre criminelle de Cour de cassation a pu casser un arrêt d’appel ayant condamné le prévenu aux peines prévues par l’article L.480-4 du chef de ne pas avoir aménagé le garage et la cave annoncés dans la demande de permis de construire et ce, au motif que cet inachèvement du projet n’était constitutif d’aucun délit dès lors que la réalisation des ouvrages en cause n’avait pas été prescrite par l’autorisation obtenue à cet effet (Cass. crim. 18 janvier 1983, Garcia Malode Molinas, RDI, 1983). Au regard du droit pénal de l’urbanisme, l’inachèvement d’une construction n’est donc délictueux que s’il emporte la méconnaissance des prescriptions expresses du permis de construire (Cass. crim. 4 février 1992, Juvet, pourvoi n°90-87590) dont on rappellera qu’elles ont vocation à assurer la conformité d’un projet de construction aux règles d’urbanisme qui lui sont applicables.

Enfin, si à défaut d’exécution de tout travaux, la péremption du permis de construire rend le recours en annulation exercé à son encontre sans objet ou irrecevable, selon qu’il a été introduit avant ou après l’expiration du délai de validité de l’autorisation attaquée (CE. 25 novembre 1987, Raimond, req. n°48.710), le Conseil d’Etat a précisé qu’en revanche, la caducité du permis de construire ne prive pas d’objet le recours en annulation exercé à son encontre lorsque celui-ci a fait l’objet d’un commencement d’exécution (CE. 25 mai 1975, Fauchille, req. n°82.613). En pareil cas, la caducité du permis de construire n’emporte donc pas sa disparition de l’ordonnancement juridique et dans la mesure où, en toute hypothèse, elle n’a aucune incidence sur sa légalité (CE. 23 février 1990, M. et Mme Charrier, req. n°66.983), un ouvrage inachevé à la date d’expiration du délai de validité dudit permis n’en conserve donc pas moins une existence légale.

Force est donc de considérer qu’un ouvrage inachevé n’est irrégulier – en tant que tel – que pour autant que les travaux non-accomplis rendent celui-ci non conforme à la réglementation d’urbanisme en vertu de laquelle l’autorisation de construire a été délivrée et/ou que les travaux effectivement réalisés ne correspondent pas de ce fait à ceux qui avaient été prescrits et, a contrario, que la seule caducité du permis de construire n’a pas pour effet de rendre illégal l’ouvrage ainsi réalisé.

Et précisément, dans l’affaire objet de l’arrêté commenté, le Conseil d’Etat a ainsi jugé « qu'en regardant comme étant de nature à faire naître un doute sérieux, en l'état de l'instruction, quant à la légalité de la décision du maire d'Antibes, le moyen tiré de ce que celui-ci ne pouvait légalement se fonder, pour s'opposer à la déclaration de travaux présentée pour le compte de la « Communauté immobilière Les Terrasses de Vilmorin », sur le motif tiré de ce que le permis de construire initialement délivré en 1989 était devenu caduc en 1997 et qu'un permis de construire était nécessaire pour régulariser l'ensemble de la construction, le juge des référés n'a pas entaché l'ordonnance attaquée d'erreur de droit ».

Il s’ensuit qu’un ouvrage inachevé à la date d’expiration du délai de validité du permis de construire peut néanmoins constituer une construction juridiquement existante au regard du droit de l’urbanisme et, par voie de conséquence, que certains des travaux projetés sur celui-ci peuvent donc relever du champ d’application de la déclaration de travaux, tel qu’il est défini par l’article R.422-2 du Code de l’urbanisme (dans le même sens : CAA. Marseille, 8 décembre 2005, Cne d’Eguilles, req. n° 02MA01240 ; TA. Nice, 23 février 2006, M. Cozza, req. n°01-05873. Voir également : TA. Amiens, 1er juin 1994, req. n°93-1805).


Patrick E. DURAND
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

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