Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

JURISURBA - Page 109

  • Les parcelles dont le pétitionnaire n’est pas propriétaire ne peuvent pas être prises en compte lorsque l’article 9 du POS régit l’emprise au sol des constructions en considération de la superficie de l’unité foncière

    Lorsque l’article 9 du règlement d’urbanisme local régit l’emprise au sol maximale des constructions en considération non pas de la superficie du terrain d’assiette du projet mais au regard de celle de l’unité foncière, seule la surface des parcelles dont le pétitionnaire est propriétaire peut être pris en compte pour apprécier l’emprise au sol de la construction projetée et, partant, la légalité du permis de construire s’y rapportant.

    CAA. Douai, 21 septembre 2006, M. Michel X., req. n°05DA01426


    Dans cette affaire, un permis de construire quatre maisons individuelles sur un même terrain d’assiette avait été obtenu le 31 janvier 2002. Le 7 mars suivant le Maire devait, toutefois, procéder au retrait de ce permis de construire au motif que le pétitionnaire s’était faussement déclaré propriétaire d’une des parcelles à construire et qu’après déduction de la superficie de cette portion du terrain d'assiette du projet, ce dernier méconnaissait les dispositions du règlement du plan d'occupation des sols de la commune relatif à l'emprise maximale au sol des constructions.

    Il faut en effet préciser qu’en l’espèce l’article 9 du plan d’occupation des sols communal disposait que « l'emprise au sol de toute construction ne peut excéder 20 % de la superficie du secteur parc couvrant l'unité foncière concernée, sauf pour les terrains et parc de sports ».

    Or, la notion d’unité foncière se définit comme « un îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à une même indivision » (CE. 27 juin 2005, Cne de Chambéry, req. n°263.667) cependant que la notion de terrain d’assiette d’un projet recouvre de façon plus opérationnelle l’ensemble des parcelles sur lesquelles porte une demande de permis de construire.

    Il s’ensuit que ces deux notions ne se recoupent pas nécessairement et, plus concrètement, qu’un terrain d’assiette peut inclure une partie seulement d’une unité foncière plus vaste ou, comme en l’espèce, plusieurs unités foncières. Il reste que lorsqu’une prescription d’un règlement d’urbanisme local est édictée en considération des caractéristiques de l’unité foncière, la légalité d’un permis de construire doit être appréciée au regard de ces seules dernières et non pas en considération de celles du terrain d’assiette pris dans son ensemble. C’est pourquoi, dans l’arrêté commenté, la Cour administrative d’appel de Douai à jugé :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article UB 9-4 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune d'Haubourdin applicable en l'espèce : « L'emprise au sol de toute construction ne peut excéder 20 % de la superficie du secteur parc couvrant l'unité foncière concernée, sauf pour les terrains et parc de sports » (…) ; qu'il résulte de l'instruction que la construction autorisée par le permis de construire litigieux délivré le 31 janvier 2002 par le maire d'Haubourdin à la SCI « Saint-André » en vue de la construction de quatre maisons individuelles, avait pour effet, compte tenu de la superficie du terrain d'assiette sur lequel la société pouvait légalement prétendre à un droit de construire en qualité de propriétaire dudit terrain, de dépasser de 31,60 m2 l'emprise au sol autorisée par les dispositions précitées de l'ensemble des bâtiments édifiés sur ce terrain (…) qu'ainsi c'est à bon droit que le maire de la commune d'Haubourdin, en constatant l'illégalité dont était entaché le permis de construire qu'il avait délivré, a, par arrêté en date du 7 mars 2002, retiré l'autorisation précédemment accordée ».

    Il faut ainsi souligner que ni le retrait du permis de construire du 30 janvier 2002, ni l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai n’est motivé par la fraude à l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme qu’a constitué le fait pour le pétitionnaire de se déclarer faussement propriétaire de l’ensemble du terrain d’assiette du projet et ce faisant, d’induire que ce dernier constituait une seule et même unité foncière.

    On sait, en effet, qu’aux termes de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme une demande de permis de construire ne peut être présentée que par le propriétaire du terrain à construire et/ou par une personne disposant d’un titre habilitant à construire. Et dans ce second cas, il incombe au pétitionnaire de renseigner le formulaire de demande « CERFA » sur ce point et de produire le titre l’habilitant à obtenir un permis de construire sur le terrain. A défaut, il est considéré comme le propriétaire apparent de ce dernier.

    Mais au cas présent, le pétitionnaire ne s’était pas borné à omettre de fournir les renseignements requis mais avait déclaré être propriétaire de l’ensemble des parcelles d’assiette de son projet. Il reste qu’en vertu d’une jurisprudence constante, le fait de se déclarer faussement propriétaire de l’ensemble ou d’une partie du terrain à construire est constitutif d’une fraude entachant d’illégalité le permis de construire obtenu et susceptible d’en justifier le retrait sans qu’aucun délai ne soit opposable à l’administration pour ce faire.

    Mais ce n’est donc pas sur le terrain de la fraude que le retrait du permis de construire du 30 janvier 2002 a été validé mais sur le seul fondement de l’article 9 du règlement d’urbanisme local en ce qu’il régissait l’emprise des constructions en considération de la superficie de l’unité foncière et en considération du fait qu’après déduction de la superficie de la portion du terrain d'assiette dont le pétitionnaire s’était faussement déclaré propriétaire, le projet méconnaissait les prescriptions dudit article 9.

    Il faut donc en déduire que même si le pétitionnaire avait disposé d’un titre habilitant à construire sur cette portion de terrain, sa superficie n’aurait pas pu être prise en compte pour établir l’emprise au sol des constructions projetées dès lors qu’il n’en était pas propriétaire puisque la Cour a apprécié cette emprise au seul regard « de la superficie du terrain d'assiette sur lequel la société pouvait légalement prétendre à un droit de construire en qualité de propriétaire dudit terrain ».

    Il s’ensuit que lorsque l’article 9 du règlement d’urbanisme local régit l’emprise au sol maximale des constructions en considération non pas de la superficie du terrain d’assiette du projet mais au regard de celle de l’unité foncière seule la surface des parcelles dont le pétitionnaire est effectivement propriétaire peut être pris en compte pour apprécier l’emprise au sol de la construction projetée et, a contrario, qu’il convient, le cas échéant, de ne pas prendre en compte les autres parcelles composant le terrain d’assiette du projet même si le pétitionnaire dispose d’un titre habilitant à construire sur ces dernières.

    Pour satisfaire aux prescriptions de l’article 9 du POS communal le pétitionnaire aurait donc dû non pas se borner à se déclarer faussement propriétaire de la portion de terrain en cause mais acquérir effectivement cette dernière, quitte à le faire dans le seul but d’augmenter ses droits à construire en qualité de propriétaire au regard de cet article puisque le Conseil d’Etat a jugé que le fait d’acquérir une bande de terrain voisine du terrain à construire aux seules fins de respecter les prescriptions du règlement d’urbanisme local relatives à l’emprise au sol et à la densité des constructions n’est pas constitutif d’une fraude (CE. 30 décembre 2002, SCI d’HLM de Lille et environs, req. n°232.584 ; voir également ici).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet Frêche & Associés.

  • En cas de permis de construire conjoint, chacun des pétitionnaires doit disposer d’un titre habilitant à construire au sens de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme

    Un permis de construire délivré conjointement a plusieurs pétitionnaires dont l’un ne justifie pas d’un titre habilitant à construire est illégal au regard des prescriptions de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme. Néanmoins, par exception au principe d’indivisibilité du permis de construire et compte tenu du caractère réel de la législation d’urbanisme, ce permis de construire ne sera annulé qu’en tant qu’il a été délivré au bénéficiaire ne justifiant pas de la qualité requise.


    CAA. Bordeaux, 25 juillet 2006, Cne de Messanges, req. n°05BX02381


    Dans la mesure où il ne résulte pas de l’article R.421-1-1, ni d’aucune autre disposition du Code de l’urbanisme qu’une demande de permis de construire doit nécessairement être formulée par un seul et unique pétitionnaire, une même autorisation peut légalement être délivrée à plusieurs bénéficiaires (CE. 28 juillet 1999, SA d’HLM « Le nouveau logis – Centre Limousin », req. n° 182.167) (voir également ici). Il s’agit alors d’un permis de construire conjoint.

    Il reste que l’article précité impose que le ou, le cas échéant, les pétitionnaires disposent d’un titre habilitant à construire.

    Mais on sait que le principe d’indivisibilité des autorisations d’urbanisme connaît certaines exceptions dont il résulte qu’un permis de construire peut, lorsqu’il est divisible, faire l’objet d’une annulation partielle (pour exemple : CE. 2 février 1979, Cts Sénécal, req. n° 05.808). Et à notre sens, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi « ENL » du 13 juillet 2006, autorisant le juge administratif à prononcer l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme ne changera rien à la circonstance qu’une telle annulation n’est possible que si le projet est divisible.

    En substance (pour une analyse approfondie voir : P.E DURAND « La divisibilité des ouvrages et des ensembles immobiliers en droit de l’urbanisme », in « Construction & Urbanisme », n°3/2006), un permis de construire est divisible s’il recouvre en fait plusieurs autorisations et/ou si la légalité d’une des composantes du projet au regard des normes d’urbanisme ne dépend pas des autres.

    A titre d’exemple, un permis de construire autorisant plusieurs bâtiments reliés entre eux par un parc de stationnement commun souterrain formera un tout indivisible (pour exemple : CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832) puisqu’en droit, d’une part, ce parc assure la conformité de l’ensemble du projet au regard des prescriptions de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme et, le cas échéant, de l’article 12 du règlement d’urbanisme local et qu’en fait, d’autre part ce même parc constitue le socle commun de l’ensemble des bâtiments sans lequel ces derniers ne peuvent être construits (sauf à modifier le projet). En revanche, un permis de construire portant sur deux maisons individuelles n’ayant aucun équipement commun est divisible (pour exemple : CAA. Marseille, 22 avril 1999, M. Bracco, req. n° 97MA00647) en ce qu’il recouvre en fait deux permis de construire dont la légalité de l’un ne dépend pas de celle de l’autre puisqu’à défaut de réalisation de l’une de ces deux maisons, celle construire pourra néanmoins être régulière au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables.

    Or, il résulte du caractère réel et non pas personnel de la législation d’urbanisme que la légalité d’un permis de construire est indépendante de toute considération liée à la qualité et à la personne du pétitionnaire. Telle étant la raison pour laquelle, à titre d’exemple, un refus de permis de construire dans une zone réservé à l’activité agricole motivé par le fait que le pétitionnaire n’a pas le statut d’agriculteur est illégal dès lors que la construction projetée constitue bien un équipement nécessaire à l’exploitation agricole.

    Il s’ensuit que la circonstance que l’un des bénéficiaires d’un permis de construire conjoint ne dispose pas d’un titre habilitant à construire ne saurait remettre en cause la légalité de l’ensemble du permis de construire au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables dès lors que l’un d’entre eux justifie bien d’un tel titre puisqu’en conséquence, la condition posée par l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme est alors satisfaite. Et précisément, dans l’arrêt commenté, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme : « La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique. La demande précise l'identité du demandeur, l'identité et la qualité de l'auteur du projet l'identité du propriétaire au cas où celui-ci n'est pas l'auteur de la demande » ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une demande de permis de construire est présentée par plusieurs personnes, chacune d'elles doit justifier d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire a été déposée par M. Gérard A, propriétaire du terrain et par M. Christian A ; que, dès lors, la circonstance que l'arrêté attaqué du 3 janvier 2003 mentionne comme titulaire de l'autorisation une « EURL consorts A Gérard et Christian » est sans incidence sur sa légalité ;
    Considérant, en revanche, qu'en se bornant à produire une convention, signée le 17 décembre 2001 et n'ayant pas date certaine, par laquelle M. Gérard A et son épouse, agissant en qualité de propriétaires du terrain, objet de la demande, ont autorisé M. A et son frère, M. Christian A, à constituer une demande de permis de construire, la COMMUNE DE MESSANGES n'établit pas que ce dernier justifiait d'un titre l'habilitant à construire ; qu'il suit de là que l'autorisation d'aménager un terrain de camping valant permis de construire susmentionnée, qui est divisible sur ce point, est entachée d'illégalité en tant qu'elle désigne comme bénéficiaire M. Christian A
    ».

    Ce faisant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc suivi le raisonnement précédemment tenu par la Cour administrative d’appel de Lyon qui, elle-même, avait jugé que :

    « Considérant que, si, par arrêté du 16 avril 1998, le maire de la COMMUNE DE TALLOIRES a délivré un permis de construire 5 bâtiments d'habitation au lieudit Les Balmettes à la fois à la S.A.R.L. SEMNOZ IMMOBILIER et à la S.A. BALADDA, il est constant que seule la première des sociétés justifiait d'un titre l'habilitant à construire ; qu'il s'ensuit que le permis de construire susmentionné, qui est divisible sur ce point, est entaché d'illégalité en tant qu'il désigne comme bénéficiaire la S.A. BALADDA » (CAA. Lyon, 12 juin 2001, Assoc. Lac d’Annecy Environnement, req. n°00LY01431).

    Néanmoins, l’arrêté commenté apporte deux précisions comparé à celui-ci de la Cour administrative d’appel de Lyon.

    D’une part, dans l’affaire objet de l’arrêt de la Cour lyonnaise, le permis de construire méconnaissait également les prescriptions de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme et avait donc, à ce titre, était entièrement annulé.

    Or, dans l’arrêt commenté, seules les prescriptions l’article R.421-1-1 du Code l’urbanisme avaient été partiellement ignorées, si bien que le permis de contesté n’a été annulé qu’en tant qu’il a été délivré au pétitionnaire ne justifiant pas d’un titre habilitant à construire et, en d’autres termes, a été validé en ce qu’il a été délivré au propriétaire du terrain, lequel devint ainsi, par l’effet de cette annulation, bénéficiaire unique d’un permis de construire unipersonnel pourtant sollicité et initialement délivré en tant que permis de construire conjoint.

    Cet arrêt confirme ainsi clairement qu’un permis de construire conjoint peut n’être que partiellement annulé en considération de l’absence de titre habilitant à construire de l’un de ces bénéficiaires dès lors que l’un d’entre eux en justifie.

    D’autre part, l’arrêt de la Cour lyonnaise, ne permettait pas d’établir de quel titre disposait le pétitionnaire satisfaisant à la condition posée par l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme. En revanche, il ressort clairement de l’arrêt commenté que le bénéficiaire à l’égard duquel le permis de construire a été validé était propriétaire du terrain à construire.

    Or, si sur ce point la convention produite en cours d’instance par la commune appelante pour établir l’existence d’un titre habilitant à construire était inopérante puisque cette convention n’avait pas été produite au dossier de demande et, a priori, ne se rapportait pas à l’opération, il n’en demeure pas moins que ce permis de construire initialement conjoint avait fait l’objet d’une demande unique présentée, notamment, par le propriétaire du terrain.

    Par suite, il aurait également pu être raisonnablement jugé qu’en s'associant à un tiers pour présenter une demande de permis de construire conjoint, le propriétaire du terrain lui avait implicitement mais nécessairement donné son accord à cet effet lequel aurait donc pu suffire à satisfaire aux prescriptions de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme, d’autant qu’au cas présent, il s’agissait du frère du propriétaire du terrain à construire. En ce sens, le Conseil d’Etat a d’ailleurs jugé, avec pragmatisme, qu’un maire avait pu valablement estimé que le pétitionnaire disposait d’une autorisation l’habilitant à construire en considération des indications fournies par son père dans un mémoire en défense se rapportant à un précédent permis de construire et dans lequel il indiquait que c’était avec son plein accord que son fils avait sollicité l’octroi de ce permis (CE. 30 octobre 1996, M. Sengler, req. n°135.442).

    Mais tel n’a pas été le cas au cas présent et c’est donc à une appréciation stricte des conditions posées par l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme que s’est livrée la Cour administrative d’appel de Bordeaux.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Les déductions prévues par l’article R.112-2 du Code de l’urbanisme peuvent participer à améliorer la conformité d’un ouvrage en surdensité

    Les déductions forfaitaires prévues par l’article R.112-2 du Code de l’urbanisme doivent être prise en compte pour apprécier si les travaux projetés sur un ouvrage en surdensité améliorent sa conformité au regard des prescriptions de l’article 14 du règlement local d’urbanisme. Par voie de conséquence, l’administration ne peut s’opposer à une déclaration de travaux ayant pour objet et pour effet de diminuer la SHON d’un tel ouvrage, y compris lorsque cette réduction procède de la seule mise en oeuvre de ces déductions.

    CAA. Bordeaux, 3 août 2006, M.X… c/ Cne de Saint-Palais sur Mer, req. n°03BX00912


    Par l’entrée en vigueur de nouvelles prescriptions d’urbanisme plus contraignantes, un ouvrage légalement édifiée peut néanmoins devenir irrégulier. Tel est, notamment, le cas d’une construction réalisée sur un terrain sur lequel aucun coefficient d’occupation du sol n’était alors applicable et qui peut ainsi être rendu irrégulier par l’entrée en vigueur d’un règlement local d’urbanisme lorsque cette construction est en surdensité au regard des possibilités de construction résultant de son article 14.

    Tel était précisément le cas du bâtiment objet de déclaration de travaux en litige dans l’arrêt commenté. Il reste que l’article 5 du PLU communal prévoyait expressément que « seuls sont autorisés sur les immeubles bâtis existants qui ne sont pas conformes aux règles édictées par ce règlement, les travaux qui ont pour objet d'améliorer la conformité de ces immeubles avec lesdites règles ou qui sont sans effet à cet égard ».

    En effet, un ouvrage rendu irrégulier par l’entrée en vigueur de nouvelles prescriptions d’urbanisme ne s’en trouve pas pour autant illégal au sens de la jurisprudence « Thalamy » (CE. 9 juillet 1986, Mme Thalamy », req. n° 51.172). Il s’ensuit que les travaux projetés sur un tel ouvrage n’ont pas à régulariser l’ensemble de la construction mais peuvent être autorisés dès lors qu’ils sont étrangers à la règle qu’elle méconnaît ou ont pour effet d’en améliorer la conformité, c’est-à-dire d’en réduire la non conformité (CE. 27 mai 1988, Mme Sekler, req. n°79.530). Ce qui vaut tant pour les travaux relevant du champ d’application du permis de construire que pour ceux relevant du régime déclaratif en application de l’article R.422-2 du Code de l’urbanisme (CE. 13 octobre 1993, Mme Clément, req. n°126.112).

    Précisément, la commune défenderesse soutenait en l’espèce que non seulement les travaux déclarés par le constructeur n’amélioraient pas la conformité de l’ouvrage au regard des prescriptions de l’article 14 du PLU communal mais bien plus qu’ils auraient pour effet d’en augmenter la SHON. Il est vrai que ces travaux avaient pour effet :

    - d’une part, d’aménager les combles de l’ouvrage aux fins de les rendre habitables, ce qui emportait la création de 28, 25 mètres carrés de SHON puisqu’en application de l’article R.112-2-a) du Code de l’urbanisme la surface de ces combles non aménagées n’avait pas été pris en compte pour le calcul de la densité initiale de l’ouvrage ;
    - d’autre part, la condamnation d’une cave et la transformation d’une annexe à usage d’habitation en garage, ce qui emportait une diminution de SHON de 22,43 mètres carrés puisqu’en application de l’article R.112-2-c) du Code de l’urbanisme la surface des bâtiments affectés au stationnement des véhicules n’est pas prise en compte pour le calcul de la SHON des constructions.

    En l’état, les travaux projetés emportaient donc une augmentation de 5,82 mètres carrés. Et l’on sait que le juge est particulièrement strict dans l’appréciation des conditions posées par la jurisprudence « Sekler » puisqu’à titre d’exemple, il a pu être jugé que des travaux ayant pour effet de faire passer le coefficient d’occupation du sol d’une construction de 4,03 à 4,05 aggravait la non conformité de cette dernière au regard des prescriptions de l’article 14 du règlement local d’urbanisme (CE. 10 juillet 1995, M. Timsit, req. n°97.462).

    Il reste que dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, l’augmentation de la SHON destinée à l’habitation avait corrélativement augmenté la part de la déduction forfaitaire prévue par l’article R.112-2-e) du Code de l’urbanisme ; si bien que par la mise en œuvre de cette déduction forfaitaire les travaux projetés devaient être regardés comme supprimant 36,52 mètres carrés de SHON et, par voie de conséquence, comme réduisant de 8,26 mètres carrés la SHON de l’ouvrage existant. C’est pourquoi la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la villa de M. Y, avait, à la date du dépôt de la déclaration de travaux en litige, une surface hors oeuvre nette de 175,86 m², supérieure à celle de 147 m² résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols fixé par l'article UD 14 du règlement du plan local d'urbanisme ; que cette déclaration de travaux, qui avait été précédée d'une autre déclaration de travaux portant sur la surélévation du toit, laquelle n'a pas fait l'objet d'opposition, décrivait les travaux projetés comme consistant en la création de quatre fenêtres de toit mais comportait aussi une note de calcul de la surface hors oeuvre nette, avant et après la réalisation de l'ensemble des travaux, mentionnant, d'une part, l'aménagement des combles pour les rendre habitables, soit la création d'une surface hors oeuvre nette de 28,25 m², d'autre part, la condamnation de la cave et la transformation d'une annexe habitable en garage, soit une suppression de surface hors oeuvre nette de 22,43 m², aboutissant, compte tenu des déductions supplémentaires prévues par le e) de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme, à une suppression totale de surface hors oeuvre nette de 36,52 m² ; que si la commune refuse de tenir compte de cette suppression de surface hors oeuvre nette, M. Y a produit devant la Cour, le 30 octobre 2003, des éléments de preuve tendant à en établir la réalité, dont la validité n'a pas été contestée par la commune ; que, dans ces conditions, la nouvelle surface hors oeuvre nette de la construction, après l'exécution de l'ensemble des aménagements projetés, est réduite de 8,26 m2 ; que les travaux déclarés par M. Y doivent, par suite, être regardés comme rendant la construction plus conforme aux dispositions de l'article UD 14 du règlement du plan local d'urbanisme fixant le coefficient d'occupation des sols ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le maire ne pouvait, pour justifier la décision d'opposition litigieuse, se fonder sur ce que les travaux faisant l'objet de la déclaration du 20 décembre 2001 méconnaissaient l'article 5 du règlement du plan local d'urbanisme en ce qu'ils aggravaient la situation de l'immeuble au regard du coefficient d'occupation des sols, doit être accueilli ; qu'il suit de là que le requérant est fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande à fin d'annulation de la décision d'opposition du 28 janvier 2002 et de la décision de rejet du recours gracieux formé contre cette décision ».

    Cet arrêt doit être rapproché du jugement par lequel le Tribunal administratif de Rouen avait considéré que des travaux ayant pour objet d’édifier une terrasse ouverte avec claustras sur un ouvrage existant en surdensité ne pouvaient pas être considérés comme étrangers aux prescriptions de l’article 14 du POS communal dans la mesure où l’absence de création de SHON nouvelle résultait de la seule application des déductions prévues par l’article R.112-2 du Code de l’urbanisme (TA. Rouen, 24 septembre 1996, M. Le Sergent, req. n°94.675).

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • L’obligation d’écarter une prescription illégale du document d’urbanisme local ne vaut pas lorsque cette illégalité est couverte par l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme

    Si le principe général du droit selon lequel l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale vaut à l’égard des documents d’urbanisme locaux, cette obligation n’est toutefois pas opposable lorsque cette illégalité procède de l’un des vices de forme ou de procédure couverts par l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Marseille, 7 septembre 2006, M. X…, req. n° 04MA02245


    L’arrêt commenté confirme le jugement rendu dans l’instance au cours de laquelle le Tribunal administratif de Nice a posé au Conseil d’Etat la question préjudicielle ayant amené ce dernier à rendre l’avis dit « Marangio » (CE. 9 mai 2005, M. Marangio, avis n° 277.280).

    Dans cette affaire, la révision du POS communal approuvée le 23 décembre 1995 avait été annulée le 5 novembre 1998 pour insuffisance du rapport de présentation. Par voie de conséquence, le POS approuvé en 1985 était redevenu en vigueur puisque, par principe, l’annulation d’un document d’urbanisme local emporte la remise en vigueur du document lui étant immédiatement antérieur.

    Il reste que dans la mesure où le POS initial de 1985 était affecté du même vice et, en d‘autres termes, tout aussi illégal que sa version révisée en 1995, le Maire avait décidé de ne pas en faire application (suivant ainsi une précédente délibération du Conseil municipal actant de l’illégalité du POS initial) et avait conséquemment instruit une demande de certificat d’urbanisme sur le fondement des dispositions supplétives du règlement national d’urbanisme et, notamment, en considération de la règle dite de « constructibilité limitée » posée par l’article L.111-1-2 du Code de l’urbanisme.

    On sait, en effet, qu’en vertu d’un principe général du droit, l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale (CE. 14 novembre 1958, Sieur Ponard, Rec., p.554). Ce qui, s’agissant des documents d’urbanisme locaux, implique de faire application soit des prescriptions du document immédiatement antérieur, soit, en l’absence d’un tel document, des dispositions supplétives du règlement national d’urbanisme ; sans que n’y aient fait obstacle les dispositions de l’ancien article L.124-4-1 du Code de l’urbanisme, aux termes duquel les POS ne pouvaient pas être abrogés (CE. avis du 8 décembre 1998, « Les grands avis du Conseil d’Etat, p.293).

    Il reste que l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme (issu de la loi n°42-112 du 9 février 1994) précise que «l'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan d'occupation des sols, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause ».

    La problématique était ainsi de savoir si l’obligation faite à l’administration de ne pas appliquer un document d’urbanisme illégal était opposable lorsque son illégalité procède d’un des vices d’illégalité externe visés par l’article précité. Interrogé sur ce point par le Tribunal administratif de Nice, le Conseil d’Etat a répondu que les dispositions de l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme avait été introduite par le législateur, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, pour prendre en compte le risque d'instabilité juridique, particulièrement marqué en matière d'urbanisme, résultant, pour les décisions prises sur la base des actes qui y sont mentionnés, de la multiplicité des contestations de la légalité externe de ces derniers et, par voie de conséquence, que le législateur a ainsi implicitement mais nécessairement institué une dérogation au principe général susvisé (CE. 9 mai 2005, M. Marangio, avis n° 277.280).

    Il s’ensuit que non seulement l’administration n’a pas l’obligation d’écarter un document d’urbanisme local illégal entrée en vigueur depuis plus de six mois lorsqu’il n’est entaché que par un des vices visés par l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme mais, bien plus, que l’administration doit appliquer ses prescriptions indépendamment de son illégalité. C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que :

    « Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions susmentionnées que, saisi d'une demande d'autorisation ou de certificat d'urbanisme, le maire est tenu, lorsqu'il y statue après l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa prise d'effet, de se fonder sur le document d'urbanisme en vigueur dès lors que sa légalité n'est affectée que par des vices de procédure ou de forme au sens des dispositions précitées de l'article L.600-1, réserve étant faite de ceux qui sont mentionnés à ses trois derniers alinéas, au nombre desquels ne figure pas l'insuffisance du rapport de présentation ;
    Considérant que le Tribunal administratif de Nice a annulé la délibération en date du 23 février 1995 par laquelle le conseil municipal du Beausset a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune, par un jugement du 5 novembre 1998 confirmé par un arrêt de la cour de céans du 22 décembre 2003 ; que si, par une délibération en date du 17 mars 1999, le conseil municipal de la commune du Beausset a considéré que le POS approuvé en 1985 redevenu applicable, était entaché de la même irrégularité que celle retenue par le juge à l'encontre du document d'urbanisme annulé et tirée de l'insuffisance du rapport de présentation, le maire était néanmoins tenu de faire application dudit plan approuvé en 1985 et ne pouvait l'écarter du fait de l'expiration du délai de six mois à compter de sa prise d'effet, en se fondant, à le supposer même établi, sur ce vice de forme ; que, par suite, c'est à tort que le maire du Beausset a statué sur la demande de certificat d'urbanisme présentée par Mme X en se fondant sur les dispositions supplétives des règles générales d'urbanisme et notamment celles visées à l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme
    ».

    Cette solution est somme toute logique puisque l’on voit mal pourquoi l’administration devrait écarter une norme en considération d’un vice de forme ou de procédure qu’un requérant ne pourrait invoquer par voie d’exception dans le cadre d’un recours à l’encontre d’une décision en faisant application.

    On précisera, toutefois, qu’ainsi que le souligne l’arrêt commenté, cette dérogation au principe général du droit posé par la jurisprudence « Ponard » ne vaut pas lorsque le vice d’illégalité externe affectant le document d’urbanisme local considéré compte parmi ceux prévus par le 3e alinéa de l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme, à savoir : « lorsque le vice de forme concerne : soit l'absence de mise à disposition du public des schémas directeurs dans les conditions prévues à l'article L. 122-1-2 dans sa rédaction antérieure à la loi nº 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ; soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales ; soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques ».

    En d’autres termes, lorsque l’illégalité du document d’urbanisme local procède de l’un des trois vices précités, l’administration se doit de ne pas en faire application, même si son entrée en vigueur date de plus de trois mois. Ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce, dans la mesure où, d’une part, l’insuffisance du rapport de présentation d’un document d’urbanisme local n’est pas assimilable à une absence de rapport (CAA. Bordeaux, 28 octobre 1999, Association des cinq cantons de la Barre, req. n°96BX00112) et où, d’autre part, si le Conseil d’Etat a pu considérer qu’une telle insuffisance était constitutive d’un vice d’illégalité interne (CE . 26 novembre 1993, SCI du Domaine de Maurevert, req. n°82.285), il a abandonné cette jurisprudence consécutivement à l’entrée en vigueur de l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme pour juger ainsi qu’il s’agit d’un vice de forme dont l’illégalité ne peut plus être excipée passé un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur du document d’urbanisme local en cause (CE. 12 juin 1995, Association intercommunale contre un projet de carrière, BJDU, n°4/1995, p.281).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés