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JURISURBA - Page 110

  • La marge prescrite par l’article 6 du règlement d’urbanisme local n’est opposable qu’aux constructions implantées sur les terrains sis en bordure de voie

    Lorsque l’article 6 du règlement d’urbanisme local régit l’implantation des constructions par rapport aux voies en instituant une marge d’implantation ou de recul au sein ou en dehors de laquelle les bâtiments doivent être édifiés, cette prescription n’est opposable qu’aux terrains jouxtant la voie de référence. Par voie de conséquence, les constructions projetées sur une unité foncière séparée de cette voie par une autre unité foncière peuvent s’implanter librement, indépendamment de toute considération liée à cette marge.

    CAA. Douai, 7 septembre 2006, Cne de Faumont, req. n°05DA00991



    Dans cette affaire, les consorts X étaient initialement propriétaires d’une unité foncière jouxtant un chemin départemental mais qu’ils avaient ultérieurement divisée en deux parcelles pour vendre à des tiers celle bordant ce chemin et ne conserver ainsi que celle en retrait de ce dernier.

    Pour autant, le Maire de la commune de Faumont leur avait opposé un certificat d’urbanisme négatif puis un refus de permis de construire au motif tiré de la méconnaissance des prescriptions de l’article 6 du POS communal puisque la maison qu’ils projetaient d’édifier n’était pas sise dans la bande de 20 mètres instituée par cet article.

    Il est, en effet, fréquent que l’article 6 du POS/PLU régisse l’implantation des constructions par rapport aux voies en instituant une marge au sein ou en dehors de laquelle les bâtiments doivent être édifiés. Mais toute la question est alors de savoir comment appliquer cette prescription puisque deux solutions sont envisageables :

    - soit, une application extensive : la prescription s’applique à l’ensemble des terrains compris dans cette marge, c’est-à-dire également à ceux séparés de la voie de référence par un ou plusieurs autres ;
    - soit, une interprétation restrictive : la prescription ne s’applique qu’aux seuls terrains jouxtant la voie de référence et, a contrario, ne s’applique pas à ceux en retrait de cette voie, même s’ils sont sis dans les limites de la marge considérée.

    Saisie en appel par la commune de Faumont, la Cour administrative d’appel de Douai a ainsi retenu une interprétation restrictive de l’article 6 du POS communal en jugeant que :

    « Considérant que, pour le maire de Faumont, auteur des deux décisions attaquées, le projet de construction envisagé par M. et Mme X, qui est « desservi par le chemin Coquet, chemin rural privé, se trouve implanté à plus de 20 mètres (environ 55 mètres) de la voie publique (RD 30 dite rue Coquet) » et méconnaît, par suite, les dispositions précitées de l'article UA 6 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune en tant qu'elles portent sur l'implantation des façades avant des constructions dans une bande de 20 mètres ; qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les époux X avaient, en novembre 1985, sollicité et obtenu un arrêté individuel d'alignement constatant la limite de la voie « côté VC » par rapport à leur parcelle cadastrée P 1240 sur le territoire de la COMMUNE DE FAUMONT puis, d'autre part, avaient obtenu l'autorisation de construire une maison sur ladite parcelle à l'époque d'un seul tenant ; qu'après division de cette parcelle en deux, la parcelle construite, désormais cadastrée A 1737, limitrophe du chemin départemental 30 dit rue Coquet, a été vendue et la parcelle, répertoriée au cadastre sous le numéro A 1738, uniquement bordée par le chemin Coquet, a été conservée par les époux X ; que, compte tenu de la configuration des lieux, issue de la division parcellaire, la parcelle A 1738, objet du certificat d'urbanisme négatif puis du refus de permis de construire, n'étant plus limitrophe du chemin départemental 30, le maire ne pouvait calculer la distance comprise entre la façade avant du projet de construction et la limite de l'alignement ou de la marge de recul s'y substituant à partir de la route départementale, mais, le cas échéant compte tenu de l'arrêté d'alignement intervenu, uniquement, ainsi que le réclament les époux X, à partir du chemin Coquet seul limitrophe de la parcelle dont s'agit ; que, dans ces conditions, la COMMUNE DE FAUMONT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a censuré le motif tiré de la méconnaissance de l'article UA 6 du règlement du plan d'occupation des sols qui constituait l'unique motif du certificat d'urbanisme négatif et le premier motif du permis de construire attaqués ».

    Ce faisant la Cour a ainsi confirmé et affiné sa jurisprudence puisqu’elle avait précédemment eu l’occasion de juger que :

    « Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article UB 6 du plan d'occupation des sols de la commune, qui réglemente "l'implantation par rapport aux voies" : "Si la construction projetée jouxte une construction existante en bon état, elle peut être implantée dans le prolongement de la façade de l'ancienne construction. Les constructions doivent être implantées à l'alignement ou avec un retrait (R) d'au moins 4 m par rapport à l'alignement ( ...). Aucune construction ne peut être implantée au delà d'une bande de 30 m de profondeur comptée à partir de l'alignement des voies publiques (ou susceptibles de le devenir)" ; que ces dispositions ne visent que les constructions implantées sur des terrains en bordure des voies mentionnées » (CAA. Douai, 18 janvier 2001, M. Truchand, req. n°97DA00297).

    En résumé, que l’article 6 du document d’urbanisme local impose ou interdise l’implantation des constructions dans la bande qu’il institue depuis l’alignement des voies, ses prescriptions ne valent que pour les bâtiments à édifier sur les terrains jouxtant ces voies et, en d’autres termes, n’est pas applicable sur les terrains séparés de ces voies par un ou plusieurs autres terrains.

    L’arrêté commenté appelle, toutefois, deux observations.

    D’une part, ce n’est pas seulement la division du terrain d’assiette de la construction projetée en deux parcelles cadastrales distinctes qui a suffit à rendre inopposables les prescriptions de l’article 6 du POS communal mais le fait que celle jouxtant le chemin départemental considéré avait précédemment été vendue à des tiers ; ce dont il résultait que ces deux parcelles, pour être contiguës, n’en formaient pas moins deux unités foncières.

    Il s’ensuit qu’il serait inopérant de se borner à procéder à un découpage cadastral du terrain et de construire sur la parcelle en retrait de la voie, tout en conservant la propriété de celle jouxtant cette dernière, pour échapper aux prescriptions de l’article 6 du règlement d’urbanisme local puisqu’un terrain au sens de ce dernier s’entend d’une unité foncière : en pareil cas, la construction serait certes implantée sur une parcelle cadastrale en retrait de la voie mais serait néanmoins sise sur une unité foncière jouxtant cette dernière.

    D’autre part, il faut rappeler que la pratique consistant à acquérir une parcelle voisine ou à vendre une parcelle du terrain d’assiette de la construction projetée peut être constitutif d’une fraude lorsque cette opération n’est faite que pour donner une apparence de régularité au projet. On sait, en effet, qu’ont été jugées frauduleuses les ventes de bande de terrain intervenues aux fins de permettre l’implantation des constructions en limites séparatives et ainsi contourner les prescriptions de l’article 7 du règlement d’urbanisme local (CE. 24 janvier 1993, Cts Saint-Guilly, req. n°122.112 ; CE. 3 février 1978, Meppiel, req. n°04469).

    Ce qui, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, aurait, selon nous, pu être retenu dans l’hypothèse où la vente d’une parcelle du terrain des pétitionnaires serait intervenue entre le certificat d’urbanisme négatif et le refus de permis de construire ultérieurement opposé puisque cette vente aurait alors pu être considérée comme intervenue dans le seul et unique but de contourner les prescriptions de l’article 6 du POS communal.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le maire ne peut enjoindre à un constructeur de procéder à l’enlèvement d’un panneau d’affichage relatif à un permis de construire tacite quand bien même l'existence de cette autorisation est contestée

    L’article L.480-2 du Code de l’urbanisme autorise le maire à ordonner l’interruption des travaux entrepris sans autorisation et, le cas échéant, à prendre toute mesures coercitives nécessaires pour les faire cesser. Mais en dehors de ce cadre, aucune disposition législative ou réglementaire ne l’autorise à enjoindre au propriétaire du terrain d’enlever le panneau d’affichage de permis de construire. Par voie de conséquence, l’arrêté portant cette injonction est illégale et encourt l’annulation.

    CAA. Lyon, 13 juillet 2006, Cne de Crest-Volant, req. n°03LY00082


    Dans cette affaire, une SCI avait présenté une demande de permis de construire sur laquelle l’administration n’avait pas statué au terme des délais qui lui étaient offerts à cet effet. S’estimant ainsi titulaire d’un permis de construire tacite, ladite société allait décider de procéder à l’affichage de celui-ci sur le terrain des opérations comme le prescrit, en pareil cas, l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme. Le Maire de la commune concernée devait, toutefois, lui enjoindre, par arrêté, de procéder à l’enlèvement de ce panneau d’affichage au motif qu’il ne pouvait se prévaloir d’aucun permis de construire tacite.

    En première instance, le pétitionnaire obtint l’annulation de cet arrêté et saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Lyon, confirma le jugement du Tribunal administratif de Grenoble au motif suivant :

    « Considérant que si l'affichage d'un permis de construire ou d'une déclaration de travaux par les soins du pétitionnaire sur le terrain d'assiette du projet est une formalité obligatoire qui a notamment pour but d'assurer l'information des tiers et de faire courir le délai de recours contentieux, son accomplissement ne crée en lui-même aucun droit au profit de celui qui y procède ; que le maire, auquel les articles L. 480-1 et suivants du code de l'urbanisme donnent le pouvoir d'ordonner l'interruption de travaux de construction effectués sans autorisation, qu'il y ait ou non affichage, ne tient d'aucune disposition législative ou réglementaire, le pouvoir d'ordonner l'enlèvement de panneaux d'affichage de permis de construire ou déclarations de travaux installés sur un terrain privé ; que par suite, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la SCI Le Bostu se trouvait ou non titulaire d'autorisations tacites, l'arrêté du maire de Crest-Voland du 10 septembre 2001 enjoignant à la SCI Le Bostu de procéder à l'enlèvement de panneaux d'affichage de déclarations de travaux est entaché d'illégalité ».

    On sait, pourtant, qu’aux termes de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme le maire peut non seulement saisir l’autorité judiciaire aux fins qu’elle ordonne l’interruption des travaux entrepris sans autorisation ou ordonner lui-même, par arrêté, cette interruption mais peut également « prendre toutes mesures de coercition nécessaires pour assurer l'application immédiate de la décision judiciaire ou de son arrêté, en procédant notamment à la saisie des matériaux approvisionnés ou du matériel de chantier ».

    A ce titre, il a pu être jugé que le maire pouvait ordonner l’interruption de simples travaux préparatoires dès lors qu’ils ne sont pas détachables d’un projet de construction soumis à autorisation (CAA. Marseille, 18 mai 2006, M. Georges X., req. n°03MA00455 ; cf : note du 12 juillet 2006 et voir aussi ici). Il n’est donc pas totalement déraisonnable de considérer que les dispositions de l’article précité pourraient, dans certains cas, autoriser le maire à ordonner l’enlèvement d’un panneau d’affichage, notamment, lorsque son apposition n’est destinée qu’à donner aux travaux entrepris une apparence de régularité alors que ces derniers n’ont pas été autorisés.

    Il reste que les mesures de coercition prévues par l’article L.480-2.al.-7 du Code de l’urbanisme sont conçues comme des mesures accessoires destinées, si besoin est, à faire respecter la décision judiciaire ou l’arrêté ordonnant l’interruption de travaux illégaux. Or, en l’espèce, aucune interruption des travaux n’avait précédemment été ordonnée et, bien plus, il semble même qu’aucun travaux n’ait été préalablement entrepris.

    Par voie de conséquence, l’injonction litigieuse n’était aucunement rattachable aux dispositions des articles L.480-1 et suivants du Code de l’urbanisme. On peut, d’ailleurs, relever que c’est la commune qui avait interjeté appel du jugement de première instance et qui fut condamnée, au titre de l’article L.760-1 du Code de justice administrative, à supporter les frais dits « irrépétibles » cependant que dans le cadre des articles précités le maire intervient en tant qu’agent de l’Etat. Ce dont il résulte, notamment, qu’une commune n’a pas intérêt à interjeter appel des jugements annulant les mesures édictées par le maire sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme (CAA. Nancy, 5 février 1998, Cne d’Aubers, req. n°94NC01313) et ne peut être condamnée à supporter les frais irrépétibles relatifs aux instances portant sur la légalité de tels mesures (CE. 29 décembre 2004, Cne de Vidauban, req. n°266.234).

    Il faut donc en déduire que tant le Tribunal administratif de Grenoble que la Cour administrative d’appel de Lyon ont donc bien considéré que l’arrêté contesté ne pouvait été réputé édicté sur le fondement des articles L.480-1 et suivants du Code de l’urbanisme. Et dans la mesure où, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n’était susceptible de lui conférer une base légale, l’arrêté litigieux fut donc annulé et le jugement de première instance confirmé.

    Dans cette affaire, il semble que tout l’enjeu du contentieux opposant les parties était de savoir si le pétitionnaire était ou non titulaire d’un permis de construire tacite. Il reste que dans la mesure où, ainsi que l’a relevé la Cour :

    - d’une part, le panneau d’affichage prescrit par les articles A.421-39 et A.421-7 du Code de l’urbanisme ne vise qu’à assurer l’information des tiers si bien que, par voie de conséquence, « son accomplissement ne crée en lui-même aucun droit au profit de celui qui y procède » et, en d’autres termes, ne saurait emporter à son bénéfice la formation d’un permis de construire tacite ;

    - d’autre part, les articles L.480-1 et suivants du Code de l’urbanisme « donnent le pouvoir d'ordonner l'interruption de travaux de construction effectués sans autorisation » et ce, « qu'il y ait ou non affichage » ;

    la légalité de l’injonction contestée n’impliquait donc pas « de rechercher si la SCI se trouvait ou non titulaire d'autorisations tacites »…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Le caractère mesuré d’une extension d’un bâtiment doit s’apprécier en considération de l’ensemble de celles pratiquées antérieurement sur le même bâtiment

    Lorsque le document d’urbanisme local (POS/PLU) interdit les constructions nouvelles mais autorise, par exception, l’extension mesurée des constructions existantes, le caractère mesuré de celle objet de la demande de permis de construire doit être apprécié au regard de la surface initiale du bâtiment à la date d’entrée en vigueur dudit document. Par voie de conséquence, une extension apparemment mesurée prise isolément peut être illégale lorsqu’elle s’ajoute à des précédentes extensions dont le cumul aboutit à augmenter substantiellement la surface de la construction initiale.

    TA. Rennes, 1er juin 2006, Sté KERN’ER CAR, req. n°03-0633


    Dans cette affaire, l’article ND.1 du règlement du POS de Plouezoc’h interdisait la construction de bâtiments nouveaux mais autorisait, par exception à cette règle, l’extension mesurée des constructions existantes.

    A ce titre, la société KERN’ER devait présenter, en 2002, une demande de permis de construire portant sur l’adjonction d’un garage d’une SHOB de 54,90 mètres carrés à un bâtiment existant de 316 mètres carrés de SHOB : a priori, il s’agissait donc bien d’une extension mesurée puisque la surface à créer représentait moins de 17,38% de celle du bâtiment existant à la date de la demande de permis de construire.

    Il reste que la surface initiale du bâtiment existant – c’est-à-dire celle prévue par le permis de construire en ayant autorisé la construction – s’élevait à 194 mètres carrés. Ce n’est en effet qu’à la faveur d’une première extension de 58,35 mètres carrés réalisée en 1999 puis d’une seconde de 64 mètres carrés réalisée en 2000 que la surface de ce bâtiment avait été amenée à 316 mètres carrés. En d’autres termes, ces deux extensions avaient déjà augmenté la surface initiale de cette construction de plus de 62% et la nouvelle extension projetée aurait aboutit à l’accroître, en trois ans, de plus 91%.

    Précisément, c’est à ce motif que le Maire de Plouezoc’h devait opposer un refus à la demande de permis de construire présentée par la société KERN’ER, laquelle attaqua cette décision devant le Tribunal administratif de Rennes en la contestant sur le fondement des dispositions prévues par l’article ND.1 du POS communal à l’égard des travaux d’extension des constructions existantes.

    Le Tribunal administratif confirma, toutefois, la légalité du refus de permis de construire opposé en requérant en considérant que la surface initiale à prendre en compte était celle de la construction existante à la date d’entrée en vigueur des dispositions du POS.

    En première analyse, ce jugement pourrait surprendre dans la mesure où par principe l’état d’une construction doit être apprécié à la date à laquelle l’administration statue sur la demande de permis de construire s’y rapportant (CE. 17 avril 1992, Flaig, req. n°94.390 ; mais voir ici). A priori, c’était donc en considération de la surface du bâtiment existant à la date du refus de permis de construire que le caractère mesuré de l’extension projetée aurait dû être apprécié. Il reste qu’ainsi que l’a souligné le Tribunal administratif de Rennes, une telle interprétation aurait privé de tout effet utile les dispositions du règlement d’urbanisme local relatives à l’extension mesurée des constructions existantes puisque, sauf à ce qu’elles précisent la surface globale ne pouvant être dépassée, il suffirait pour s’en affranchir de réaliser, comme dans l’affaire objet du jugement commenté, plusieurs extensions successives restant mesurées au regard de la surface du bâtiment existant à la date de la demande d’autorisation de travaux.

    Le jugement du Tribunal administratif de Rennes respecte donc l’esprit de dispositions conçues comme une exception au principe d’interdiction de construire en zones naturelles dont le but est d’y limiter l’urbanisation. On sait, d’ailleurs, que le juge administratif interprète de façon stricte les dispositions des règlements d’urbanisme locaux relatives à l’extension mesurée des constructions existantes puisqu’à titre d’exemple, il a pu être jugé que l’importance de l’extension projetée devait être appréciée au regard de la seule surface du bâtiment sur lequel elle porte et non pas en considération de la surface de l’ensemble des bâtiments éventuellement présents sur l’unité foncière (CE. 17 novembre 2004, Sté Labo Chimie, req. n°252.420) ou encore que l’agrandissement d’un bâtiment ne peut être considéré comme une extension que s’il demeure accessoire au bâtiment initial, indépendamment de la surface à créer (CAA. Lyon, 5 octobre 2004, Cne de Marlhes, req. n°00LY01454).

    Mais ce qui est le plus remarquable dans cette affaire, c’est que la démarche du pétitionnaire a été qualifiée de fraude à la réglementation d’urbanisme locale. Il est vrai qu’à titre d’exemple, il a pu être jugé que le dépôt de trois demande de permis de construire tendant à la réalisation d’un bâtiment unique présenté comme trois bâtiments distincts était frauduleux dès lors que ce fractionnement visait à échapper à certaines prescriptions du POS relatives à l’emprise et à la hauteur des constructions (CAA. Paris, 18 octobre 2001, MM. Frack & Pinvin, req. n° 98PA02786). Mais il reste que dans cette affaire ces trois demandes de permis de construire avaient été présentées simultanément cependant qu’en l’espèce, les trois demandes d’autorisation s’étaient succédées sur trois ans.

    On relèvera, d’ailleurs, que le Ministère de l’équipement a précisé qu’au titre de l’article R.422-2-m) du Code de l’urbanisme, un même pétitionnaire pouvait présenter sur un terrain bâti plusieurs déclarations de travaux en vu d’y construire plusieurs bâtiments dont la surface de plancher respective est inférieure à 20 mètres carrés pour autant que ces déclarations soient formulées de façon successive mais qu’en revanche, lorsque ces déclarations sont formulées de façon simultanée il y a a priori fraude et, en toute hypothèse, l’administration doit inviter le pétitionnaire à présenter une demande de permis de construire dès lors que la surface globale des travaux projetés dépasse le seuil des 20 mètres carrés (Rép. Min : JO Sénat du 3 mars 1988). Cette position est cependant discutable dans la mesure où, selon nous, la question n’est pas tant de constater que les déclarations sont simultanées ou successives que d’établir si, d’une part, elles se rapportent ou non à une opération indivisible (CE. 17 décembre 2003, Mme Bontemps, req. n° 242.282) et si, d’autre part, la présentation de plusieurs demandes a pour objet d’échapper à une prescription d’urbanisme.

    Or, au cas présent, rien ne laissait apparaître que la société KERN’ER avait dès 1999 et/ou dès 2000 planifié l’extension envisagée en 2002 et , en d’autres termes, qu’elle avait organisé le fractionnement des travaux projetés dans le but d’échapper aux prescriptions de l’article ND.1 du POS communal.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Un permis de construire tacite n’ayant pas fait l’objet des formalités de publication requises ne peut être retiré que dans un délai de deux mois à compter de sa formation

    Bien que l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme organise les modalités d’affichage des permis de construire obtenus tacitement, l’article 23-2° de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est néanmoins applicable lorsque ces formalités n’ont reçu aucun commencement d’exécution. Il s’ensuit qu’en pareil cas, ce permis de construire tacite ne peut plus être légalement retiré passé un délai de deux mois à compter de sa formation.

    CAA. Marseille, 1er juin 2006, M. Dominique X., req. n°04MA02608 & CAA. Nancy, 4 août 2006, M. Karen X., req. N°05NC00085


    Les deux arrêts commentés apportent une intéressante précision s’agissant des règles applicables en matière de retrait de permis de construire tacite.

    Rappelons, en effet, qu’à la double condition (CE. 4 juillet 1980, Brumbt, req. n°16.156) que, d’une part, la lettre de notification des délais d’instruction prescrite par l’article R.421-12 du Code de l’urbanisme l’ait expressément indiqué et que, d’autre part, le projet objet de la demande de permis de construire ne relève d’aucun des cas prévus par l’article R.421-19 du Code de l’urbanisme, l’expiration des délais d’instruction de la demande emportent la formation d’une autorisation tacite lorsqu’à cette échéance, l’administration compétente n’a pas statué sur la demande (CE. 24 mai 1995, Sté civile du domaine agricole de Roumegou, req. n°134.236).

    Toutefois, il est rare que l’administration ne statue finalement pas expressément sur cette demande. Mais en pareil cas, la décision opposée au pétitionnaire est souvent un refus de permis de construire.

    Il reste qu’il résulte de l’abondante jurisprudence rendue en la matière que ce refus de permis de construire vaut, en droit, retrait du permis de construire tacite précédemment obtenu (pour exemples : CE. 17 novembre 1999, Fosto, req. n°186.258 ; CAA. Paris, 17 mai 2001, Gueidan, req. n°98PA00228). Tel était le cas dans ces deux affaires et, sur ce point, les deux arrêts commentés se bornent donc à faire application de ce principe.

    En revanche, ces deux arrêts précisent les délais dans lesquels un tel retrait peut légalement intervenir. On sait, en effet, que l’article 23 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 régit les délais de retrait des décisions implicites créatrices de droit – tel un permis de construire tacite – mais ce, en distinguant trois cas puisqu’il dispose que :

    « Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative :
    1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ;
    2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ;
    3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé
    ».

    Or, l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme prévoit de façon expresse les modalités d’affichage du permis de construire tant en mairie que sur le terrain des opérations et précise, de façon générale, que « l’inobservation de la formalité d’affichage sur le terrain est punie de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième catégorie ».

    Comme pour les permis de construire exprès, l’affichage du permis de construire tacite est donc une condition sine qua none du déclenchement des délais de recours contentieux et, plus généralement, une obligation pour son titulaire puisqu’à défaut d’affichage sur le terrain des opérations, celui-ci s’expose à une contravention de cinquième catégorie ; sanction certes limitée mais qui n’en constitue pas moins une condamnation pénale.

    En l’état, il pouvait donc en être raisonnablement déduit que le pétitionnaire ne pouvait utilement se prévaloir du fait de pas avoir respecté les prescriptions de l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme et, en d‘autres termes, ne pas avoir affiché le permis de construire tacitement obtenu.

    Il reste que l’article 23-2° de la loi du 12 avril 2000, relatif au cas où la décision tacite ne peut être retirée que « pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision » ne vise pas l’hypothèse où l’affichage de cette décision n’est pas prévue par les textes qui lui sont applicables mais, plus généralement, celle où « aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en œuvre ».

    Précisément, dans ces deux affaires, la Cour administrative d’appel de Marseille puis la Cour administrative d’appel de Nancy ont strictement suivi la lettre de l’article 23-2° de la loi du 12 avril 2000. Ainsi, dans ces deux arrêts, chacun des deux refus valant retrait des permis de construire tacitement obtenus a été annulé au motif qu’il était intervenu plus de deux mois après la formation de ces derniers alors que ceux-ci n’avaient pas été publiés.

    Chacun de ces deux arrêts apporte, toutefois, une précision spécifique. D’une part, il résulte de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy que le retrait du permis de construire tacite doit non seulement être décidé mais encore notifié au pétitionnaire avant l’extinction du délai de deux mois suivant la formation de l’autorisation. Il s’ensuit qu’une décision de retrait signée et expédiée au pétitionnaire avant cette échéance mais finalement reçue ou, à tout le moins, présentée après ce délai de deux mois est illégale.

    D’autre part, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille souligne le fait qu’en l’espèce, le permis de construire tacite ainsi retiré « n'avait fait l'objet d'aucune mesure d'information des tiers », ce qui est ici encore conforme à lettre de l’article 23-2° de la loi du 12 avril 2000. Il semble donc possible d’en déduire que lorsque toutes les formalités prescrites par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme n’ont certes pas été mises en oeuvre mais qu’une d’entre elles a néanmoins été accomplie, les délais de retrait ne sont pas ceux visés par l’article 23-2° mais ceux prescrits par l’article 23-1° de la loi du 12 avril 2000.

    A titre d’exemple, si le permis de construire tacite n’a pas été affiché par le pétitionnaire sur le terrain des opérations mais a néanmoins été affiché en mairie ce permis pourra alors être retiré « pendant le délai de recours contentieux » ; étant rappelé qu’à défaut d’accomplissement de l’une ou l’autre des formalités d’affichage prescrites par l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme, le délai de recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire n’est précisément pas déclenché.

    Pour être complet, on précisera toutefois que la solution dégagée par les deux arrêts n’aura qu’un champ d’application rationae temporis limité puisqu’elle ne vaudra que pour les retraits de permis de construire tacites intervenus entre l’entrée en vigueur de la loi du 12 avril 2000 et l’entrée en vigueur, à venir, de l’ordonnance 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative à la réforme des autorisations d’urbanisme.

    En effet, les retraits intervenus avant l’entrée en vigueur de la loi du 12 avril 2000 restent et resteront a priori régis par les principes issus de la jurisprudence dite « Dame Cachet » et ceux intervenus à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 8 décembre 2005 seront régis par les dispositions de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme, lequel, dans sa rédaction issue de l’article 6-3° de loi n°2006-872 dite « ENL » du 16 juillet 2006, dispose que « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés