Par principe et nonobstant les dispositions des articles L.300-2 et R.311-32 (anc.) du Code de l’urbanisme selon lesquelles, d’une part, la« création de zone d’aménagement concerté » est soumise à concertation et, d’autre part, « la suppression d’une zone d’aménagement concerté est prononcée (…) dans les formes prescrites pour la création de la zone », la suppression d’une ZAC ne relève pas du champ d’application de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme. Par ailleurs, cette suppression peut être motivée par des considérations tenant à l’aménageur de cette zone et, notamment, par son intérêt financier.
CAA. Paris, 2 février 2006, Cne de Puteaux, req. n°03PA00122
Par un arrêté du 19 avril 1994, le Préfet des Hauts-de-Seine avait créé la ZAC « Nord du Rond-Point des Bergères » sur le territoire de la commune de Puteaux, dont l’EPAD fut ensuite désigné aménageur. Toutefois, ne pouvant faire face aux charges financières relatives à l’acquisition des terrains nécessaires à la réalisation de la ZAC, l’EPAD sollicita du représentant de l’Etat dans le département qu’il abroge l’arrêté du 19 avril 1994 et, en d’autres termes, supprime la ZAC précédemment créée ; ce que celui-ci fit par un nouvel arrêté du 8 juillet 2000.
La commune de Puteaux exerça alors un recours en annulation à l’encontre de l’arrêté du 8 juillet 2000 qui fut rejeté comme irrecevable par le Tribunal administratif de Paris et ce, pour violation des prescriptions de l’article L.2122-22 du Code général des collectivités territoriales. La commune interjeta appel de ce jugement auprès de la Cour administrative d’appel de Paris, laquelle annula le jugement de première instance mais rejeta néanmoins sur le fond le recours en annulation à l’encontre de l’arrêté du 8 juillet 2000 et ce faisant, apporta deux précisions d’importance en matière de suppression de ZAC, la première concernant la procédure préalable, la seconde ayant trait aux motifs de cette suppression.
La commune de Puteaux soutenait, en effet, que la procédure de concertation organisée par l’EPAD avant de solliciter la suppression de la ZAC créée en 1994 n’avait pas respecté les prescriptions de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme.
On sait en effet qu’à la date d’édiction de l’arrêté contesté – le 8 juillet 2000, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU » – l’article R.332-30 du Code de l’urbanisme alors applicable disposait que « la suppression d’une zone d’aménagement concerté est prononcée (…) dans les formes prescrites pour la création de la zone ». Et précisément, aux termes de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme toute « création de zone d’aménagement concerté » doit être précédée de la procédure de concertation qu’il organise.
Pour autant, la Cour administrative d’appel de Paris refusa d’apprécier la régularité de la « concertation » organisée par l’EPAD à la lumière de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, rejeta le moyen tiré de ce dernier à l’encontre de l’arrêté du 8 juillet 2000 :
« Considérant que la décision de suppression d'une zone d'aménagement concerté ne figure pas parmi les catégories d'actes pour lesquels, en vertu des dispositions combinées de l'article L. 300-2 et de l'article R. 300-1 du code de l'urbanisme pris pour l'application du c) de l'article L. 300-2, l'organisation d'une concertation préalable est obligatoire ; que, si l'article R. 311-32 précité impose que l'acte de suppression d'une zone d'aménagement concerté soit pris dans les mêmes formes que celui par lequel la zone a été créée, il n'implique la répétition des procédures préalables à la création avant l'intervention de l'acte de suppression que pour autant que ces procédures soient de nature à mieux éclairer l'auteur de la décision à prendre ; que tel n'était pas le cas de la procédure de concertation de l'article L. 300-2 précité, eu égard aux motifs budgétaires qui justifiaient la suppression de la zone et au peu d'influence de la mesure sur les conditions de vie des résidents du quartier, alors même que l'arrêté de création n'avait reçu aucun réel commencement d'exécution ; qu'ainsi, l'EPAD n'était pas tenu de mettre en oeuvre cette procédure avant de saisir le préfet d'une demande d'abrogation de l'arrêté du 19 avril 1994, portant création de la zone d'aménagement concerté Nord du Rond-Point des Bergères ;
Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la concertation dont le conseil d'administration de l'EPAD a décidé l'organisation par une délibération du 7 juillet 1999 avait un caractère facultatif ; que l'EPAD ne s'est pas référé à l'article L. 300-2 et qu'il n'était donc pas tenu d'en respecter toutes les exigences procédurales ; qu'ainsi les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article L. 300-2 ont été méconnues en ce que le conseil d'administration n'a pas déterminé toutes les modalités de la concertation et que la COMMUNE DE PUTEAUX n'a pas donné son accord sur ces modalités sont, en tout état de cause, inopérants ; que les modalités de la concertation, qui consistaient en une information dans deux journaux et la tenue d'un registre en mairie, étaient suffisantes eu égard à la nature du projet concerné, qui n'était pas de nature à modifier de manière substantielle le cadre de vie ou l'activité économique de la commune ; que, compte tenu de l'opposition du maire de Puteaux, la tenue d'un registre à la mairie de la commune a revêtu le caractère d'une formalité impossible et que l'EPAD a pu, sans commettre d'illégalité, y substituer la tenue d'un registre dans un local situé dans la zone d'aménagement concerté et mis à disposition des habitants par l'EPAD ; que, dès lors, les moyens relatifs à la régularité de la concertation préalable doivent être écartés »
Il faut ainsi relever que malgré les dispositions expresses de l’ancien article R.311-32 du Code de l’urbanisme et selon lesquelles « la suppression d’une zone d’aménagement concerté est prononcée (…) dans les formes prescrites pour la création de la zone », la Cour administrative d’appel de Paris a donc considéré qu’une telle suppression ne relevait pas de la procédure de concertation prescrite par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme s’agissant des créations de ZAC.
Pour ce faire, la Cour s’est attachée, d’une part et de façon générale, à la finalité de la l’article R.311-32 du Code de l’urbanisme qui, pour elle, « n'implique la répétition des procédures préalables à la création avant l'intervention de l'acte de suppression que pour autant que ces procédures soient de nature à mieux éclairer l'auteur de la décision à prendre » et d’autre part et plus spécifiquement, « aux motifs budgétaires qui justifiaient la suppression de la zone et au peu d'influence de la mesure sur les conditions de vie des résidents du quartier, alors même que l'arrêté de création n'avait reçu aucun réel commencement d'exécution ». Il semble donc que la Cour a considéré qu’en l’espèce, la concertation prescrite par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme n’était ni utile, compte tenu des motifs budgétaires de la suppression de ZAC contestée par la commune de Puteaux, qui ne semblent donc pas être de ceux sur lesquels les administrés ont vocation à s’exprimer, ni nécessaire dans la mesure où cette suppression intervenait avant que la réalisation de la ZAC n’ait été engagée, si bien qu’elle ne modifiait pas les conditions de vie des administrés concernés puisqu’ainsi, ces dernières demeureraient telles qu’elles étaient avant la création de la ZAC finalement supprimée.
Par voie de conséquence, la Cour administrative d’appel de Paris a donc jugé que la concertation engagée par l’EPAD avant de solliciter du Préfet des Hauts-de-Seine qu’il supprime la ZAC créée en 1994 présentait un caractère facultatif.
Il reste que lorsqu’une personne publique s’auto-assujettit à une règle de procédure pourtant facultative celle-ci est tenue de la suivre strictement, sauf à entacher la décision subséquente d’illégalité (CE. 10 décembre 1993, Assoc. « Bellerive Malmaison » ; Circulaire n°95-25 du 10 avril 1995, BOME, n°95/12, p.73). Toutefois, la Cour a relevé que si le conseil d’administration de l’EPAD avait décidé d’engager une procédure de concertation préalable, sa décision ne s’était toutefois pas expressément référée aux dispositions de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme pour ainsi en déduire que l’EPAD « n'était donc pas tenu d'en respecter toutes les exigences procédurales » et, par voie de conséquence, que « les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article L. 300-2 ont été méconnues en ce que le conseil d'administration n'a pas déterminé toutes les modalités de la concertation et que la COMMUNE DE PUTEAUX n'a pas donné son accord sur ces modalités sont, en tout état de cause, inopérants ».
Sur ce point, la Cour s’en est donc tenue au cadre dans lequel l’EPAD avait entendu intervenir ou, plus précisément n’avait pas expressément entendu intervenir plutôt que de rechercher la finalité ainsi poursuivie par son conseil d’administration.
Toutefois, dans la mesure où l’EPAD s’était auto-assujetti à une forme de concertation (bien qu’il ne s’agisse donc pas de celle prévue par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme) la Cour administrative d’appel de Paris a néanmoins vérifié si les modalités de cette concertation avait été respectée et ce, conformément au principe selon lequel l’auto-assujettissement à un règle de procédure facultative emporte l’obligation de la respecter.
Mais à cet égard, la Cour administrative d’appel de Paris a considéré qu’il ne pouvait être fait grief à l’EPAD de ne pas avoir strictement respecté ce qu’il avait prévu dans la décision initiant la concertation qu’il avait décidé d’engager avant de la solliciter la suppression de la ZAC en cause – en l’occurrence, la tenue d’un registre d’observations en mairie de Puteaux – dans la mesure où si l’EPAD y avait finalement substitué la tenue d’un registre dans un autre local situé au sein du périmètre de cette ZAC, c’est dans la mesure où la commune de Puteaux s’était elle-même opposée à ce que registre soit établi dans sa mairie.
On peut ainsi rapproché cette analyse de la modification apportée par la loi du 2 août 2003 dite « Urbanisme & Habitation » à l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme, au terme de laquelle : « les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées ».
Il reste que la solution proposée par la Cour administrative d’appel de Paris ne semble donc pas constituer une solution de principe s’imposant en toute hypothèse mais qu’au contraire certaines mesures de suppression de ZAC aient à être précédées de la procédure de concertation prescrite par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme lorsque leurs motifs relèvent de ceux sur lesquelles les administrés concernés peuvent avoir intérêt à exprimer utilement leur opinion et/ou que la suppression en cause puisse avoir un impact significatif sur les conditions de vie de ces derniers. On peut ainsi penser, à titre d’exemple, qu’une suppression de ZAC décidée en cours de réalisation de cette dernière et motivée par la modification substantielle des besoins en ayant justifié la création serait assujettie à cette concertation.
Il faut cependant nuancer cette conclusion ou, plus précisément, la cantonner aux décisions de suppression de ZAC édictées antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi « SRU » puisqu’aux termes de l’article R.311-12 du Code de l’urbanisme – dans sa rédaction issue de cette dernière – la suppression d’une zone d’aménagement concerté n’est plus prononcée, de façon générale, dans les formes prescrites pour la création de la zone mais « sur proposition ou après avis de la personne publique qui pris l'initiative de sa création, par l'autorité compétente, en application de l'article L. 311-1, pour créer la zone », cette proposition devant comprendre « un rapport de présentation qui expose les motifs de la suppression »..
On précisera, toutefois, que selon l’article R.311-12 du Code de l’urbanisme « la modification d'une zone d'aménagement concerté est prononcée dans les formes prescrites pour la création de la zone ». Et sur ce point, on peut relever que le Conseil d’Etat a implicitement jugé qu’une modification de ZAC était assujettie à la procédure de concertation prescrite par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme et ce, indépendamment de toute considération liée aux motifs de cette modification ou à son impact sur les conditions de vie des administrés concernés (CE. 20 septembre 1999, Assoc. « Zone ZAC », req. n°156.958). Mais il est vrai que dans une certaine mesure la modification d’une ZAC préexistante aboutie à la création d’une ZAC distincte de celle initialement soumise à concertation ; on sait, d’ailleurs, qu’une collectivité publique ne peut légalement créer une ZAC s’écartant trop substantiellement du projet soumis à concertation sans avoir préalablement renouvelé cette procédure (en ce sens : CE. 18 mars 1994, Copropriété le Melchior, Rec., p.1244).
Par ailleurs, la commune de Puteaux contestait la légalité du motif ayant conduit à la suppression de la ZAC en cause, en l’occurrence les difficultés financières rencontrées par l’EPAD. Mais cet égard, la Cour administrative d’appel de Paris a donc jugé que :
« Considérant (…) que la demande de suppression de la zone d'aménagement concerté présentée par l'EPAD tenait essentiellement à l'impossibilité pour l'établissement de faire face à ses obligations financières liées notamment aux mises en demeure d'acquérir des biens immobiliers situés dans la zone, présentées ou susceptibles de l'être, par les propriétaires de ces biens ; qu'un tel motif financier, dont la réalité n'est pas contestée et quelle qu'en ait été la cause, était de nature à justifier légalement la demande d'abrogation présentée par l'EPAD (…) que la suppression décidée est la conséquence de l'impossibilité pour l'EPAD de faire face aux contraintes financières liées à la réalisation de l'opération du fait du désengagement de la COMMUNE DE PUTEAUX ; qu'ainsi le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ».
A ce sujet, on rappellera que dans la mesure où la décision de créer une ZAC n’est pas créatrice de droits (CE. 22 juin 1984, SCI Palaiseau-Villebon, Rec., p.773), l’administration peut à tout moment supprimer une ZAC pour un motif d’intérêt général – dont peuvent relever des considérations d’ordre économique et financier – même d’opportunité (CAA. Lyon 18 mai 1983, EURL SSD, req. n°92LY00066) sans que l’aménageur de celle-ci ne puisse s’y opposer. Mais il résulte donc de l’arrêt commenté que l’administration qui a créer une ZAC peut donc également la supprimer en considération de l’intérêt financier de l’aménageur sans que la commune sur le territoire de laquelle cette opération d’aménagement était projetée ne puisse s’y opposer.
Il est, toutefois, surprenant que la Cour administrative d’appel de Paris n’est pas précisé en quoi la difficultés financières de l’aménageur relevaient d’une considération d’intérêt général au regard des préoccupations ayant concouru à la création de la ZAC en cause.
Mais en toute hypothèse, cette décision ne saurait ici encore constituer une solution de principe dans la mesure où il n’est pas si certain qu’elle aurait été identique si l’aménageur de cette ZAC n’avait pas été une personne publique…
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat à la Cour
Cabinet Frêche & Associés